Let's drink and talk [ft. Amalia]

Il y avait des amitiés improbables dans le monde. Et celle de Lili et Harri était clairement l'une des plus incompréhensibles pour toute personne extérieure à leur relation. Lorsqu'on les regardait, elles étaient aussi différentes l'une de l'autre que le soleil et la lune, mais chacune brillait à sa façon.
Harriet était blonde, coquette, pétillante, féminine, Lili était brune, garçon manqué, très éloignée de tout ce qui touchait à la mise en beauté et assez tête brûlée... Pourtant, toutes deux avaient ce même fort caractère, cette impulsivité et ce goût pour l'adrénaline et le rire.
Elles s'étaient trouvées durant ce fameux été il y avait maintenant quasiment 20 ans. Le temps passait à une vitesse folle. Amalia avait vu débarquer Harriet et son groupe d'amis dans le ranch de son grand-père pour des vacances en plein cœur de l'Arizona.
Si au début la jeune femme s'était contentée de préparer les chevaux et de mener les balades sans trop parler aux pensionnaires, Harriet et elle s'étaient très vite rapprochées et étaient vite devenues inséparables. Elles ne s'étaient pas quittées de tout le temps de séjour, passant des heures à rire aux éclats et à parler de tout et de rien. Le coup de foudre avait été mutuel et quasi immédiat.
Le départ de Harri aurait pu signer la fin de cette belle mais brève histoire, pourtant les deux adolescentes étaient restées en contact. Pas une journée n'était passée sans qu'elles n'échangent sur skype, facebook, téléphone ou autre.

Amalia avait visité son amie quelques fois en Allemagne durant les vacances, Harri était revenue voir Lili à d'autres... Chaque fois le temps passait, mais elles se retrouvaient comme si elles venaient tout juste de se quitter. C'était la beauté de leur amitié. Il n'y avait pas d'âmes sœurs qu'en amour apparemment. Harri était comme l'autre moitié de la jolie militaire et très honnêtement, Lili n'imaginait pas sa vie sans elle. Ca n'existait tout simplement pas un monde dans lequel elles ne seraient pas amies.
Sans Harriet pour la soutenir, la jeune femme serait probablement devenue folle à la mort de son père. Ou du moins une descente aux enfers bien plus profonde que celle dans laquelle elle avait sombré. Malgré l'océan et des milliers de kilomètres entre elles, son amie avait été là comme personne ne l'avait été, en dehors de son grand-père... Ensemble, elles avaient tout vécu et tout partagé, de leurs plus grandes joies à leurs plus grandes déceptions en passants par leurs plus grandes interrogations.

Alors l'appeler au secours concernant Julius n'avait pas demandé beaucoup de réflexion à la brunette. En revanche en voyant le lieu qu'avait sélectionné son amie, elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en la maudissant affectueusement.
Elle n'en démordrait pas hein ?! Tout moyen était bon pour tenter de la rendre un peu plus... sophistiquée ! Le Lion... Elle ne se sentait pas vraiment à sa place dans les lieux chics ! C'était typiquement le genre de tours qu'elles se jouaient entre elles tiens ! C'était de bonne guerre ! La dernière fois, Amalia avait traîné Harriet dans un bar à bière après tout... La vengeance était un plat qui se mangeait froid visiblement.

Bon ok elle allait faire un effort. Après tout elle ne pouvait pas aller là bas avec ses chères rangers... Elle les regarda avec un regard désolé, leur signifiant à quel point elles allaient lui manquer, puis elle jeta son portable sur le canapé et alla fouiller dans son placard.
Quoi mettre...? Ah ça c'était pas mal ! Un jean plus moulant qu'à son habitude vola sur son lit, bientôt rejoint par un tee shirt blanc. En revanche... Ses baskets elles étaient où ? Elle les avais pas mises depuis des lustres ! Amalia plongea la tête la première à quatre pattes dans son dressing à la recherche de ses chaussures planquées au beau milieu de son bordel quasi organisé. Et de une, et de deux !
Pour une fois, elle laissa également ses cheveux lâchés. Elle avait une chevelure à en rendre tous les coiffeurs jaloux et bourgeoises qui dépensaient des centaines d'euros chez eux chaque semaine. Elle ne faisait rien de particulier pour l'entretenir, pourtant elle avait de la masse, de la matière, une couleur chaude et profonde ainsi que la capacité incroyable de toujours avoir l'air coiffée, même quand elle ne l'était pas. Une queue de cheval à la va vite ou un chignon finissait sur elle en une très moderne coiffure coiffée / décoiffée de toute beauté... Une énigme totale !
Une fois changée, Lili rentra sa plaque militaire dans son haut, passa son perfecto en daim camel que Harriet lui avait offert, attrapa son portable qu'elle fourra dans sa poche et se mit en route. Ce manteau était sans doute la pièce la plus féminine de son dressing qu'elle acceptait de porter.

Une fois le nez dehors, elle rentra la tête dans ses épaules tout en resserrant le colle de sa veste sur son cou. La vache il faisait un froid de canard ! Brrrr ! Y'avait pas idée franchement de vivre dans un pays pareil ! Vivement noël qu'elle retrouve la chaleur de son Arizona adoré !
Sans perdre trop de temps, elle sauta dans un Uber qu'elle venait de commander, direction le Lion devant lequel Harriet attendait déjà, visiblement pas bien réchauffée non plus. Lili paya le chauffeur et sortit de la voiture, une mine faussement renfrognée offerte à sa pote lorsqu'elle claqua la portière, lui signifiant qu'elle voulait la tuer de l'avoir amenée ici...
Elle était fière d'elle en plus cette traîtresse !

- J'y crois pas ! Même pour venir ici, tu as décidé de ne faire aucun effort !
- Hé ! Arrête j'ai mis du moulant ! Regarde ! ouvrit-elle sa veste furtivement.

Enfin du moulant... C'était un tee shirt en taille S plutôt qu'en taille L quoi...

- Tu ne m'en veux pas trop de te traîner jusqu'ici ? Je me dis que ça change de d'habitude...
- Non ! Pas du tout non ! Je te tuerai plus tard c'est tout... répondit-elle avec un sarcasme faussement rancunier.
- Et au moins là tu pourras me parler de ton Julius sans prendre trop de risque de le croiser.

Haha super drôle !
Allez allez vite elles feraient mieux de rentrer au chaud, sinon elles allaient finir en congères ! Amalia suivit Harriet à l'intérieur et laissa vagabonder un peu partout, observant les lieux. Mazette ! C'étiat quelque chose ! Pourquoi ils appelaient ça un bar ?! Ca ressemblait plus à un resto 5 étoiles ce machin ! Mais fait pour boire...
Elle n'était jamais venu ici encore et pour cause ! Lorsqu'elle vit le genre de personnes présentes, elle se sentit loin d'être à sa place... Et vu les regards, certains clients n'en pensaient pas moins d'elle... Elle s'en moquait royalement, les plus gênés n'avaient qu'à regarder ailleurs, mais c'était quand même assez étrange pour elle de passer du ranch de son grand père où on se passait la bouteille au bord du feu, au camps militaire, puis au... Lion...

- Wow wow wow ! On ne dénigre pas les pintes je te prie ! rit Lili tout en prenant place à leur table réservée tout en retirant sa veste.

Non mais y'avait même pas de la vraie musique ici ! L'ambiance était vraiment au piano ? Elle ne rêvait pas ?  

- Arrête de te foutre de moi c'était la honte ! répondit-elle lorsqu'Harriet ramena le sujet Julius sur le tapis. Je l'ai aperçu et j'ai fait trois pas en arrière pour aller me cacher derrière un mur !
Oh, merci, prit-elle la carte que lui tendit un serveur. . Han LA VACHE !

Elle se couvrit la bouche et regarda autour d'elle. Oops... Peut-être un peu fort !
C'était le nombre de centilitres ou le prix ?

- Bah heureusement que tu m'invites hein !
Han mais non ! découvrit-elle les noms.

La jeune femme pouffa en découvrant les noms de certaines boissons et ce qu'il y avait dedans. Fleur d'hibiscus ? Sérieusement ? Pourquoi on voudrait boire ça ? Mandarine de Madagascar ? Les allemandes leur revenait pas ?

- Avez vous choisi mesdames ?
- Tout à fait, je prendrai un Sex on the beach mon brave ! Je vous en sais gré ! commanda-t-elle en prenant une voix mondaine ultra caricaturée.

Le serveur parti, elle éclata de rire tout en observant les plateaux passer. Bah dis donc, ils avaient intérêt à être bons oui les cocktails vu le prix et la contenance des verres ! Au moins avec une pinte, il y avait de quoi boire plus de 5 gorgées !
Le moment de fou rire passé, il fut pourtant temps de revenir aux choses sérieuses et de vraiment se confier. La situation pouvait paraître amusante, elle ne l'était en fait pas vraiment. Amalia avait de réels sentiments pour cet homme et ça, c'était assez nouveau pour elle. Elle-même avait eu du mal à le reconnaître et à l'accepter, mais il avait bien fallu se rendre à l'évidence.
Depuis la mort de son père, elle s'était évertuée à ne jamais s'attacher à un autre homme. Elle avait eu des histoires, des flirtes plus ou moins sérieux, mais chaque fois que c'était devenu un peu trop concret, elle avait pris la fuite. Pourtant, elle était tombée sur de bons gars ! Des hommes qui auraient vraiment voulu la rendre heureuse ! Mais toujours, Amalia leur filait entre les doigts... Parfois même en coupant tout simplement les ponts du jour au lendemain...

Hors avec Jul', les choses étaient différentes. Elle l'avait dans la peau et ne parvenait pas à l'oublier et ce, malgré les deux ans qui étaient passés depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Sur le coup, elle s'était dit que ce qu'elle ressentait n'était qu'un béguin. Après tout, il était merveilleusement beau et il aurait fallu être difficile ou aveugle pour ne pas s'en apercevoir.
Elle avait été persuadée que ses sentiments passeraient, qu'ils n'étaient dus qu'aux conditions de vie dans lesquelles elle vivait sur le terrain durant son déploiement en Afrique. La solitude, le danger, la peur, les conditions de vie, tout ça était propice au rapprochement lors d'un petit moment de faiblesse.
Mais non. Lorsqu'il avait été rapatrié pour cause de blessure, elle n'avait pas cessé de penser à lui.
Ça faisait deux ans qu'elle pensait à lui... Et c'était aussi pour lui que plutôt que de rentrer en Arizona après sa mise à pied provisoire, elle était venue à Hambourg, sachant qu'il y était parti faire sa convalescence et sa rééducation...
Harriet était un incroyable bonus dans l'histoire !

- Je sais pas quoi faire Harri... J'ai son numéro et tout, je l'ai récupéré grâce à un collègue. Mais c'est quand même ma faute si il a été si grièvement blessé là bas à Djibouti... Si je ne m'étais pas mise en danger, il n'aurait pas eu à prendre cette mauvaise balle pour moi...

Pour Jul', son métier c'était sa vie. Elle l'avait privé de ça... Elle le lui avait pris... Par sa faute, il avait été obligé de rentrer afin de subir une très lourde opération qui lui avait valu un an d'immobilisation et au moins autant de rééducation...

- Je pense qu'il doit m'en vouloir... Sinon il... bah je sais pas, je me dis qu'il aurait cherché à me reparler non ?

Il y avait eu un rapprochement dans le désert un soir... Quelque chose de furtif et éphémère, mais qui avait bel et bien été là. Elle l'avait senti, et lui aussi. Elle en était persuadée. Cette seule et unique nuit qu'ils avaient passé ensemble, n'avait pas été qu'un simple moment d'égarement. Non elle avait été bien plus lourde de sens que ça...
Alors si Jul éprouvait ce qu'elle soupçonnait qu'il avait pu éprouver pour elle, et si il n'était pas fâché, pourquoi il ne lui avait pas donné signe de vie depuis 2 ans ?

Amalia s'était imaginé tous les scénarios possibles et imaginable afin de trouver une explication à pourquoi Julius ne lui avais pas donné signe de vie depuis quasiment deux ans et dans chacun d'eux, elle en venait à se blâmer. Elle ne pensait pas avoir fait quoique ce soit qui mérite son attitude envers elle, pourtant elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle avait merdé quelque part dans l'histoire.
Il devait forcément lui tenir rigueur de quelque chose ! Est-ce qu'il était fâché parce que par sa faute il s'était pris une balle comme elle le soupçonnait fortement ? Est-ce qu'il lui en voulait d'avoir sauté dessus chaque fois que l'occasion se présentait ? Derrière combien de caisses ou de tentes l'avait-elle attiré ou poussé pour lui voler des baisers voir plus si affinité...?
Bon pour sa défense il la repoussait rarement et lorsqu'il le faisait elle sentait clairement que son corps lui la réclamait de tout son être ! Mais elle le poussait à enfreindre les règles de l'armée... Et en homme droit qu'il était, il avait peut-être fini par la blâmer de ça...? De lui avoir fait risquer son job pour elle ?
Elle voulait bien reconnaître qu'elle avait été un peu - beaucoup ? - insistante envers lui afin d'attirer son attention et coucher avec lui quand l'occasion se présentait, mais pouvait-il l'en blâmer ? Chaque fois qu'il la regardait, il semblait lui hurler combien il la désirait ! Dès qu'il la touchait elle se sentait littéralement prendre feu de l'intérieur ! Il la rendait folle d'envie.. C'était comme si son corps était constamment en alerte de sa présence. Dès qu'il était dans les parages, elle le sentait avant même de le voir. Elle frissonnait.. Ce magnétisme cette attraction qu'elle ressentait à son égard n'était pas quelque chose qui avait été aisé de contrôler ! Surtout au beau milieu du camps qui abritait des centaines d'hommes qui ne devaient surtout rien voir de ce qu'ils fabriquaient ensemble ! Sauf que plus les jours passaient, plus il était difficile pour Amalia de refouler ses sentiments pour Julius et plus encore de les cacher, même si elle faisait de son mieux.

Elle fermait les yeux elle le voyait, elle les ouvrait elle le cherchait... Ce qu'elle avait d'abord pris pour de la simple attirance, puis pour un béguin s'était finalement transformé en une véritable obsession. Obsession qu'elle avait finalement accepté pour de l'amour par la suite. Elle l'aimait. Dieu qu'elle l'aimait...
Est-ce que ça pouvait être ça ? S'était-il rendu compte qu'elle avait manqué lui dire "je t'aime" avant qu'on ne le lui arrache des bras pour le rapatrier en hélicoptère se faire soigner ? Probablement que non.
Ou alors sans doute que si ! Ce qui expliquerait également éventuellement son silence ? Il ne voulait probablement pas s'encombrer d'une nana amoureuse. Ce qu'ils avaient eu été très bien, fort, passionnel, fusionnel, terriblement bon, mais rien que du sexe pour lui voilà tout...
Aoutch... ça faisait mal.

Lili se confia à sa meilleure amie, ayant désespérément besoin de son opinion sur le sujet. Elle avait tellement de questions dans sa tête et de réponses toutes faites ! mais elle avait besoin de Harri pour y voir plus clair. Pour la diriger un peu au milieu de tout ça parce qu'elle se sentait totalement paumée ! Elle n'était pas vraiment habituée à être amoureuse, elle qui fuyait toujours les relations et surtout les sentiments comme a peste ! Elle était aussi novice qu'une ado de 12 ans dans le domaine ! Et encore, même à cet âge là elle avait la sensation de ne pas être aussi godiche !
probablement parce que ce genre de trucs ne l'intéressait encore clairement pas à l'époque. Il avait fallu attendre ses 16 ans pour qu'elle s'intéresse aux mecs. Ou plutôt... au sexe ! Ah son petit amant français ! Que de bons souvenirs ! Elle ne l'avait jamais revu après qu'il eut quitté le ranch où il était venu en vacances avec sa famille, mais il lui avait fait découvrir la chose la plus cool du monde ! Le plaisir !
Après lui, Lili s'était mis à regarder les hommes de façon bien plus intéressée, mais ce n'était clairement pas après leur cœur qu'elle courrait !
Ayant été élevée par des hommes dans un monde d'hommes, elle avait tendance à se comporter d'avantage comme eux que comme une petite princesse romantique et fleur bleue. En général elle n'était pas la rêveuse dans l'histoire, mais plutôt le briseuse de cœurs.

- Et toi ?
- Quoi moi ?
- Tu as été aux nouvelles ? Je veux dire... Tu l'as dit toi-même, il s'est pris une balle, ce n'est pas rien... Tu as cherché à prendre de ses nouvelles, savoir comment il allait ?
- Bah euh... Oui enfin... Merci, dis-je au serveur qui venait de nous poser nos cocktails devant nous. Tu sais j'ai passé des mois déjà à chercher à savoir si il avait survécu... J'ai peut être écrit cent messages une fois que j'ai réussi à me procurer son numéro mais je lui ai jamais envoyé...

Elle plaidait coupable. Au front, ça avait été compliqué d'obtenir des nouvelles de la santé de Julius après qu'il ait été rapatrié. Il lui avait fallu plusieurs semaines voir mois avant qu'elle ne parvienne à obtenir des informations sur sa santé. Elle avait alors appris qu'il était passé sur la table d'opération, que la procédure avait été très compliquée mais qu'il était vivant et en rééducation car une des balles avait été très mauvaise et avait manqué lui coûter la motricité de son corps.
Punaise si il avait été handicapé moteur par sa faute elle ne se le serait jamais pardonné ! Déjà qu'elle culpabilisait à mort des tirs qu'il avait pris en se jetant entre elle et l'ennemi !
Avec un soupire, Ami se pencha vers son verre et en pris une gorgée avant qu'une explosion de saveurs ne lui illumine le gosier.

- Oh la vache ! Han ! Hmmm ! C'est trop bon ! Ok je retire tout ce que j'ai dit, ce truc est une tuerie, tu peux me ramener ici quand tu veux !  

Bon ça ne remplacerait jamais ses bières chéries, mais c'était réellement très bon.

- T'es dans le coin depuis un an, Lili, me ramena Harriet dans notre conversation de laquelle j'avais PEUT-ÊTRE tenté de m'échapper, toujours mal à l'aise lorsqu'on en venait à parler de moi dans tout ça. Et je sais que tu n'as pas débarqué QUE pour mes beaux yeux.
- Tu sous-estimes tes beaux yeux, la taquinai-je en sirotant d'avantage mon verre.

La jeune femme se rabattait sur la taquinerie afin de masquer sa gêne, mais Harriet la connaissait trop bien et ne se laissait pas avoir par son manège, continuant son petit sermon. Elle lui secouait gentiment les puces et elle avait parfaitement raison de le faire. Tout ça n'avait que trop duré et Amalia commençait à se fatiguer elle-même de tout ça. Ça devenait ridicule ! Ju' était là, quasi sous son nez depuis un an et pourtant quand elle le voyait, elle se planquait ?
Non mais qu'est-ce qui lui prenait bon sang ! Elle n'avait jamais été ce genre de nana !

- Tu crois pas que... Je sais pas... il serait temps de mettre ta fierté de côté et de jouer le tout pour le tout... En faisant, je ne sais pas, un truc complètement fou, comme... lui envoyer un message ! Qu'est-ce que tu risques ? Qu'il ne te donne pas signe de vie ?

Amalia regarda son amie tout en tordant sa bouche, une petite moue boudeuse à ses lèvres qu'elle prenait en général lorsqu'elle se savait acculée ou en tort...

- Tsss je déteste quand t'as raison...

Le pire, c'était qu'elle savait tout ça ! Elle se l'était répété maintes et maintes fois ! Mais sortant de la bouche de sa meilleure amie, l'impact était de suite plus fort. Les choses dites à voix hautes lui semblaient en effet totalement absurdes. Harri avait raison ! Elle attendait quoi bon sang ? Ça ne pourrait de toute façon pas être pire que ce que c'était !

- Ok !

Lili sortit son portable de sa poche et y chercha le numéro de Julius. Elle attrapa son verre et le but cul sec afin de se donner du courage et tapa son texto :

- "Salut, écoute je suis à Hambourg depuis quelques mois et je sais que toi aussi du coup je me disais que ça serait sympa qu'on se voit ? On pourrait prendre un verre si t'as un moment ?" Eeeeeeeet envoyé !
Han merde ! J'ai oublié de lui dire qui c'était ! Rah mais quelle débile !

Elle rajouta un pauvre "au fait, c'est Amalia" et eu la sensation de se liquéfier sur place tant elle se sentait idiote ! Ça allait casser toute la pseudo nonchalance de son texto !
Sa main tremblante et son cœur au bord de la tachycardie, elle posa son portable près de son verre vide, ses yeux bleus rivés à l'écran.

- Voilà. Y'a plus qu'à attendre ! Il fait chaud non ici ? s'éventa-t-elle de sa serviette. Il répond ! Harri il répond ! Il veut qu'on se voit ! Je fais quoi ?! Je lui dis quoi ?!

Ca faisait vraiment ça d'être amoureuse ? Mais c'était horrible ! Pourquoi les gens courraient après un truc pareil ?! Ils étaient tous fous !

Lili ne s'était pas attendue à ce que Julius lui réponde aussi vite ! Putain il avait son téléphone entre les mains ou quoi quand il avait reçu son texto ? Elle était pas prête ! Il pouvait pas lui répondre maintenant elle allait être incapable de tenir son rythme ! Elle avait déjà pris quasi un an pour lui envoyer un pauvre sms, elle allait avoir besoin d'un peu beaucoup plus que 3 secondes pour lui en envoyer un second !
Il était fou ou quoi ? Comment il pouvait lui écrire aussi vite lui comme ça du tac au tac ! Comment il pouvait ne pas avoir besoin de réfléchir à quoi dire ? Elle était cramée, elle venait tout juste de lui envoyer le message donc il devait bien se douter qu'elle l'avait à porté de main et le voyait écrire avec les fameux "...".  Elle n'allait pas pouvoir faire pareil et il allait comprendre qu'elle était déroutée...
Merde !

La jeune femme était en panique totale ce qui ne lui ressemblait clairement pas. C'était même aux antipodes d'elle-même ! Amalia n'avait jamais été le genre de femme à se stresser pour un mec... Habituellement c'était elle la briseuse d'espoirs et de cœurs et non celle qui se languissait. Elle qui se faisait toujours fuyante dès qu'elle sentait qu'on s'attachait un peu trop à elle et sa meilleure amie le savait parfaitement, elle en avait souvent été témoin.
Amalia avait eu beaucoup d'amants dans sa vie, des coups d'un soir comme des plans réguliers, mais parfois elle était aussi tombée sur des "relations". A sa façon bien sûr car elle refusait de laisser qui que ce soit approcher de son cœur de prêt ou de loin, mais elle avait fréquenté des hommes biens. Des hommes qui avaient essayé de la faire céder à leurs sentiments sincères à son égard et qui auraient voulu quelque chose de vrai et de plus poussé avec elle, mais qu'elle avait fuit.
Elle disparaissait tout simplement. Elle coupait les ponts, filtrait les appels et changeait ses habitudes de sorties quelques temps en attendant que tout se tasse.
Mais avec Julius Jaeger...?

Lili avait déjà parlé de Ju' à sa meilleure amie, mais là Harriet avait face à elle la preuve concrète que cette fois, tout était bel et bien différent et qu'Amalia n'avait pas minimisé les choses en lui confiant ce qu'elle pensait ressentir pour cet homme.
Elle se sentait perdue. L'amour, elle n'y avait jamais cru. Elle avait bien entendu vu Harriet plusieurs fois amoureuse, elle avait été sa témoin à son mariage avec son mari, mais elle était séparée désormais ce qui confirmait bien l'opinion de la jeune femme quant à ce sentiment débile qui n'était à ses yeux que le père noël des adultes. Une jolie fable pour continuer à faire tourner le monde et donner un but aux gens naïf, quand en fait tout était une question d'attirance et de phéromones. Au bout d'un temps, quelques jours, semaines, mois, années, ça s'évaporait. Point.
Pas très romantique, mais Amalia n'avait pas vraiment grandi dans un univers où elle avait pu voir ses parents vivre leur romance tout en l'élevant. Elle était le fruit d'une baise d'un soir et sa génitrice l'avait tout simplement abandonnée à sa naissance, préférant se consacrer à sa carrière. Pas vraiment l'idéal pour être fleur bleue en devenant femme...
Son père était bel homme et si il avait eu quelques maîtresses, il n'avait jamais ramené de belle-mère à sa fille. C'était elle la femme de sa vie, et aucune autre. Depuis qu'il était venu la récupérer à Hambourg 35 ans plus tôt, il s'était consacré à elle et à elle seule. Sans doute estimait-il le lui devoir étant donné le début de vie qu'elle avait eu dans le Système avant qu'il ne la récupère, même si elle n'en avait aucun souvenir.  

Alors oui, Lili avait grandi avec une image très abstraite, voir inexistante de l'amour. Elle n'expérimentait tout ça que depuis sa rencontre avec Julius et c'était complètement flippant pour elle de se sentir aussi dépendante et dans l'attente de quelqu'un !

- Oui ! Oui ok ! Ok... Euh ouais la semaine prochaine, bonne idée.

La jolie brune dont les joues étaient plus roses que si elle les avait fardée de poudre colorée, écouta les conseils de sa BFF et tapa sa réponse de ses doigts fébriles. Elle échangea quelques minutes avec Ju', un sourire niais naissant à ses lèvres à mesure qu'elle retrouver son instinct taquin avec lui.
Elle avait beau être dans un endroit blindé de monde, elle était totalement prise dans sa bulle et oubliait le reste. Il lui avait tellement manqué ! Et elle allait enfin le revoir !

- Hum ! cligna-t-elle des yeux, réalisant qu'elle n'était pas toute seule et percuta enfin. Attends quoi ? Comment ça me trouver quelque chose de sympa à me mettre ? Calme-toi hein je te vois venir ! Puis ça va c'est pas un rendez-vous galant non pl...
Il veut que j'aille chez lui ! Je pensais qu'on sortirait quelque part moi et il... Il veut cuisiner pour moi, bugua Amalia en laissant aller son regard perplexe de l'écran de son portable à Harriet.

Ouais enfin ça voulait rien dire, on ne s'emballe pas !
La blonde recommanda des cocktails afin de "fêter son premier rendez-vous" et Amalia lui en fut reconnaissante. Elle allait avoir besoin de boire oui !

- Arrête je te dis, c'est pas un rencard ! C'est juste... des retrouvailles d'anciens collègues.

Comme pour la mettre dans l'embarras et donner raison à son amie, l'écran de son téléphone se ralluma à nouveau avec une autre réponse de Julius, qui l'invitait à se faire belle non sens omettre de bien préciser le port "d'une belle robe".
Lili sentit son sang quitter son corps et une bouffée de chaleur lui monter à la tête. Elle releva un regard paniqué vers son amie et lui montra le funeste texto, incapable de dire le moindre mot. Elle allait faire un arrêt cardiaque sous peu là ! Putain mais NON ! C'était une blague ! ELLE en robe ?! Mais il était pas sérieux ! Pourquoi il lui faisait un coup pareil ?! Il devait quand même bien se douter que ce n'était clairement pas son genre ! Elle était sans doute la nana la moins glamour au monde ! Non mais l'angoisse !

- Non mais je vais pas mettre une robe...! Je vais avoir l'air complètement tarte ! Hé ! Wow wow wow tu arrêtes tout de suite ! pointa-t-elle un doigt accusateur vers Harriet qu'elle sentait jubiler. T'es déjà en train de me créer ton look de A à Z dans ta tête là ! C'est hors de question que je porte une robe ! Oublie !

Amalia savait que son amie ne vivait que pour ce moment ! Depuis leur adolescence, Harri était désespérée par le manque de féminité de son amie qu'elle trouvait pourtant si jolie. Elle s'était donnée pour mission sacrée de l'habiller en fille au moins une fois dans sa vie mais elle pouvait toujours courir, ça n'arriverait pas !