Cette soirée d'octobre dernier a été la pire. Ces retrouvailles inattendues avec un vieux souvenir du passé que Faust aurait aimé garder enterré à jamais. Et il aurait continué à nier cette rencontre si la nuit ne s'était pas terminée sur ce baiser volé. Immonde sensation qui a brûlé contre ses lèvres jusqu'alors destinées aux femmes. Immonde et... et... particulièrement ravageuse. En rentrant, Faust a déposé ses affaires sur le canapé, avant de se délester de son écharpe et son long manteau. Judith était couchée. Incapable de fermer l'œil, l'avocat s'en est allé rejoindre le salon de sa belle demeure pour s'installer au divan et se laisser distraire par les programmes tardifs de la télé. Si tout aurait pu se terminer dans le meilleur des mondes, le choc fut grand lorsque l'homme de droit se retrouva confronté à une diffusion explicite incluant une relation homosexuelle. Deux corps masculins entrelacés, chauffés par les soupirs et les caresses sous le glissement des draps. Télécommande à la main, il aurait pu changer de chaîne immédiatement et passer à autre chose. Mais ce ne fut pas ce qu'il fit. Des pensées confuses tournèrent dans sa tête, inlassables. Ce militaire énervé. Ce chemin parcouru le long du fleuve. Et puis, sur ce pont... Hésitant, Faust s'assura une nouvelle fois du sommeil de sa femme et se laissa enfoncer dans le creux du canapé. De la télé émanait les grondements rauques et l'échauffement des peaux entre elles. Ce fut assez pour Faust, et sa main droite descendit rejoindre la boucle de sa ceinture.
Trois mois plus tard, le voilà dans ce pub atypique et richement décoré, entouré de ses amis et collègues pour fêter son anniversaire. Nous sommes le 7 janvier. Judith lui a annoncé sa grossesse quelques semaines plutôt. Cette nouvelle a laissé interdit l'avocat qui, depuis ce jour, reste estomaqué. « Scheiße. » Ils vivent toujours ensemble, et Judith se trouve sur place, avec tout le monde, le ventre rond. On fête donc à la fois l'anniversaire du père et cet heureux événement qui pousse au creux de maman. L'avocat s'est armé de son plus beau sourire. Un sourire blanc monté de toutes pièces fait pour charmer. Max est là aussi, avec Wolfhart et Schneider. Des confrères du barreau. Si tous ont le goût de la fête, le principal intéressé ne partage pas le même engouement festif. Mêlé à la foule, promené par la masse humaine qui dérive sous la musique énergique et les invités, Löwe tente d'effacer toute trace de sa présence. Il y a des années qu'il n'a pas touché la cigarette et pourtant une envie soudaine lui vient lorsqu'il se sent angoissé par le flot d'informations sur lequel il n'a aucun contrôle. Non, mauvaise idée de se raccrocher à ces fausses aides. Trouver Judith ? Et quoi, faire face à cette protubérance au niveau de son ventre ? Aller chercher Max ? Perdu au cœur des festivités, le verre à la main. Tiens, un verre. Pourquoi pas, s'il faut ça pour se détendre. Au comptoir, Faust appelle au barman pour se servir un cocktail. Si tôt repéré, si tôt rattrapé : Marla et Sofia arrivent pour gratifier l'avocat et ses 38 ans fraîchement atteints. Faust les accueille avec sa risette travaillée, attendant le moment opportun pour se débarrasser de ces gênes et retrouver un semblant de solitude. Lui qui est d'ordinaire homme à festoyer, ce soir l'envie n'y est pas. Dommage pour lui, aujourd'hui il forme le poumon névralgique de cette fête, aussi est-ce difficile de passer inaperçu quand son nom est crié dans tous les sens.