(Wilhelm+Adria) Un dilemme routinier

Un dilemme routinier

✧ ✧ ✧ ✧ Adria + @Wilhelm Reiter ✧ ✧ ✧ ✧

Depuis son arrivée dans la belle ville nordique, Adria avait développé un semblant de routine — oui, Adria Thomas, elle qui ne jurait d’habitude que pratiquement par la spontanéité à part tout ce qui avait un lien avec son application (il fallait, après tout, un horaire plus stable pour les utilisateurs). Certes, hier elle s’était inscrite spontanément à un cours de spinning au centre-ville en fin d’après-midi, mais sinon, ses journées se résumaient à à peu près la même chose. Il faut dire que, ces jours-ci, la brunette était dans ses pensées souvent, à débattre dans sa tête ce qu’elle voulait bien faire de cette grossesse inattendue. Elle a entendu parler que l’avortement est un sujet quelque peu tabou en Allemagne de manière générale, que c’est plutôt difficile d’en avoir un ici, mais rien ne l’empêcherait de retourner en France bien que le temps semble commencer à lui à manquer. L’adoption, alors, peut-être? Elle ne se voit pas particulièrement mère pour le moment, mais elle ne se voit pas non plus vivre en sachant que sa progéniture serait ailleurs et pas avec elle. Donc oui, une certaine routine s’est crée automatiquement chez Adria tellement elle est préoccupée. Chaque matin, elle se réveille dans le lit d’Axel qu’il a insisté de lui prêter, puis elle se traîne à la cuisine pour se préparer un déjeuner protéiné au blender. Elle fait ensuite le tour de ses réseaux sociaux et de son application pour répondre aux questions de ses abonnés. Elle a annulé ses prochains lives et n’en a pas remis d’autres à l’horaire, premièrement parce qu’elle se verrait mal donner ses classes en ligne dans le salon de son frère et de sa soeur, et aussi parce que tout effort qui lui donne chaud ces temps-ci lui donne aussi la nausée. Mais Adria étant Adria, elle a besoin de bouger, et c’est pourquoi, après avoir terminé sa routine matinale, elle sort marcher afin de découvrir Hamburg davantage. Ça fait plusieurs jours qu’elle marche et il lui semble qu’elle a tant encore à découvrir. C’est d’autant plus excitant. Il y a un restaurant en particulier qu’elle a découvert quand elle était venue visiter Axel et Adelia pour la première fois. Elle adore l’ambiance, a même eu l’occasion de rencontrer le gérant (plutôt mignon, elle ne se le cache pas), de discuter avec lui. Vraiment sympathique et à l’écoute, deux traits de caractères qui lui ont donné envie de revenir au resto, sans compter que ce qu’ils y servent est vraiment délicieux. C’est d’ailleurs là qu’elle se rend depuis quelques jours quand ça ne lui dit plus trop de marcher et d’explorer, et aujourd’hui n’est pas une exception.

La voilà installée à une table près de la fenêtre, avec son chocolat chaud habituel et une part de gâteau à laquelle Adria n’a pas encore touché. Elle ronge sans s’en rendre compte l’ongle de son pouce, les doigts de son autre main pianotant l’écran de son téléphone posé sur la table, son regard tourné vers l’extérieur, songeuse. La porte d’entrée s’ouvre et s’amènent alors un couple et leur bébé. Un bébé qui pleure, ses cris faisant sursauter Adria qui, voulant se tourner pour attraper son sac et trouver ses écouteurs dedans, accroche malencontreusement sa tasse de chocolat chaud qui se renverse sur la table et même sur ses vêtements. « Merde merde merde », marmonne-t-elle en se levant d’un bond, attrappant son téléphone pour l’essuyer sur son t-shirt et éviter qu’il ne s’imbibe. Tant pis, elle aura du lavage à faire. Un soupir sort d’entre ses lèvres alors qu’elle éponge à présent le liquide avec des serviettes en papier qui ne sont pas assez nombreuses. Elle s’apprête à aller demander quelque chose pour essuyer la table quand elle voit le gérant, Wilhelm, s’approcher avec un torchon. « Es tut mir Leid », dit-elle d’abord, se rappelant quelques notions qu’elle a appris en cours d’allemand il y a des années. C’est… pas mal ça. « Je peux m’en charger, si vous le voulez », dit-elle dans un petit rire gêné en tendant la main pour qu’il lui prête le torchon.

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Un dilemme routinier

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Heureusement que le chocolat chaud a refroidi depuis un moment, peu touché par Adria qui s’est perdue à de nombreuses reprises dans ses pensées. Heureusement parce qu’au moins, elle ne se brûle pas quand le liquide s’étale sur son t-shirt. C’est quand même à son téléphone qu’elle pense en premier, il est supposé être résistant à l’eau, mais elle ne veut pas avoir à le tester, donc elle l’essuie sur son vêtement. À présent, elle se focus sur celui-ci avec le peu de serviettes qu’elle a, mais comme elle s’y attendait, ce n’est pas assez, alors elle s’apprête à se lever pour aller en demander, mais le gérant — Wilhelm — a été plus rapide qu’elle. À croire qu’il sait tout ce qui se passe dans son restaurant. Une serveuse passe par là et il lui demande d’aller chercher un nouveau chocolat chaud pour Adria. « Ce n’est pas… » Nécessaire, était-elle pour dire, mais Cathrin est déjà partie en direction de la cuisine, alors elle se tait. Elle s’excuse donc au gérant d’avoir fait un tel dégât, elle s’en retrouve un peu embarassée malgré elle bien que, comme il le souligne, ça arrive. Et elle le sait, parce qu’elle était barmaid, avant. « Merci », souffle-t-elle quand Wilhelm lui dit qu’il peut s’en charger. Elle ne voudrait pas rendre la situation encore plus malaisante en insistant pour le faire elle-même. « S’il vous plaît », ajoute-t-elle quand l’homme lui demande si elle veut bien des serviettes pour son haut. Elle pourrait franchement rire de la situation si elle n’était pas aussi dans sa tête. Quand il mentionne la buanderie juste en face, le regard de la presque trentenaire se tourne automatiquement dans la direction indiquée. Eh oui, il y a bel et bien une buanderie. Elle balaie toutefois l’air de la main, comme pour dire que ce n’est pas plus grave que ça. « Ça va aller, mais merci. J’ai bel et bien un t-shirt de rechange, mais je laverai celui-ci plus tard. » Ou elle le jetera à la poubelle. À voir. Elle avait justement des vêtements de sport dans son sac, parce qu’elle n’était pas certaine qu’elle retournerait chez Axel et Adelia avant son cours de spinning. Qu’elle risque de devoir quitter à cause de ses nausées, mais au moins… elle aura essayé.

Quelques minutes plus tard, Adria revient des toilettes après s’être changée et découvre un chocolat chaud tout neuf posé sur la table. Ça a le don de la faire sourire, vraiment, c’est le genre de petite attention qui la fera revenir à de nombreuses reprises par la suite. Son regard divague sur la petite famille qui est entrée un peu plus tôt, le bébé s’est calmé à présent, bercé au creux des bras de son père. Sans s’en rendre compte, Adria se ronge l’ongle du pouce, plongée une fois de plus dans ses pensées. Le père de ce… bébé qui grandit en elle n’est même pas au courant. Devrait-elle le contacter? En même temps, ce n’était pas prévu qu’ils se revoient… L’amour à distance, très peu pour Adria. Son train de pensées est interrompu par l’arrivée du gérant, qui s’installe juste en face d’elle, tout sourire, comme si rien n’était. Sa familiarité et son aisance a un petit quelque chose de rassurant, il faut dire. Quand il mentionne qu’elle semble nerveuse, Adria arrête aussitôt de se ronger l’ongle. La gentillesse de l’homme lui donnerait pratiquement envie de pleurer (les hormones, qu’elle blâmerait), mais elle se contente de se redresser, de passer ses mains autour de sa tasse encore chaude. Celle-là, il ne faut vraiment pas qu’elle se la renverse dessus. « Oh… j’ai une décision à prendre. Une décision qui changera ma vie », soupire-t-elle en baissant les yeux, quelque peu dramatique. Mais réaliste. « Et je ne suis pas la plus douée pour prendre ce genre de décisions », dit-elle dans un petit rire, rire tout faible. Non, elle est meilleure pour prendre des décisions spontanées, sans réfléchir. Mais ce genre de décision, elle ne peut pas prendre ça… spontanément. Elle relève la tête pour poser son regard sur le petit garçon assis à une table dans le coin de la salle, seul. Elle est peut-être perdue dans ses pensées depuis tantôt, mais elle a bien remarqué que Wilhelm va régulièrement le voir. « C’est votre fils? » demande-t-elle, curieuse. Soyons francs, Adria n’aurait jamais été capable d’être monitrice de camp de vacances, mais elle trouve les enfants plutôt mignons… de manière générale. C’est le cas de celui-ci, en tout cas.

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