((eleonora&isadora)) Coming Home

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with @"Armin Richter" &  @Eleonora Richter

"Allez Izzy, tu prends une longue inspiration et tu appuies sur le bouton. C'est pas sorcier, puta*n !" Debout devant cette porte, tu te sens ridicule. Tu hésites, tu as chaud. Ton estomac est noué et ton coeur se serre, tu as le sentiment d'avoir le souffle court, de manquer de souffle aussi. Dans ta tête, c'est un bazar sans nom de pensée qui se bousculent, qui se chevauchent. Est-ce que tu as raison d'être ici ? Et si tu te trompais ? Si tu n'étais pas cette gamine que ce n'était que le hasard ? Tu allais faire souffrir des gens pour rien. Renuer un passé douloureux chez tout le monde pour rien. Le doigt sur le bouton de la sonnette, tu le retires avant de le repositionner, déterminée et enfin, tu oses. Tu appuies et le son de la sonnette de surprend.

En réalité, tu réalises seulement ce qui va se passer. Tu as pris l'avion de Londres sur un coup de tête, tu as débarqué dans cette ville, dans ce poste de police où cette femme t'a dit qu'elle était ta tante. Elle t'a donnée cette adresse, tu lui fais promettre de ne rien dire de ta présence, tu ne veux pas t'emballer sur des hypothèses et maintenant te voilà. Eimsbüttel. Un nom que tu ne connaissais pas il y a encore quelques heures et pourtant, c'est chez toi. Apparemment. Tu ne sais pas vraiment. Comme beaucoup d'adultes, tu as assez peu de souvenirs de ton enfance et avec les traumatismes en plus, les zones d'ombres sont nombreuses. Tu sais que tu appris a faire du vélo dans une rue qui ressemblait a celle-ci mais si tu veux être réaliste, cela pourrait être n'importe quel rue d'Allemagne. Pourtant te dire que c'est ici te rassures. Te dire qu'ils sont tes véritables parents et qu'ils ont peut-être des réponses aussi. Tu attends, tu ne sais pas vraiment combien de temps mais cela te semble interminable. Tu frottes tes mains contre ton jean, tu ne veux pas qu'elles soient moites et en même temps, comment ne pas stresser ? Et ta tenue ? Soudain, tu y penses, tu aurais peut-être dû porter quelque chose de spéciale ? Une tenue pour marquer le coup ? Mais c'est trop tard. La porte s'ouvre et tu découvres un visage; Un visage lié au tien, par les liens du sang. Maintenant que tu le vois, tu en es certaine.

P.S : en espérant que ça vous conviennent

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Cette journée s'annonçait pleine de surprise et elle n'avait pas la moindre idée de ce qui l'attendait en quittant les urgences de l'hôpital, à l'issue d'une longue, très longue garde. La nuit avait été épuisante et sa seule envie, à présent, était de rentrer chez elle pour prendre une longue douche bien chaude, avant de s'enfoncer sous ses draps pour dormir d'un sommeil réparateur qui rechargerait ses batteries en vue de la prochaine garde, le lendemain soir.

En arrivant chez elle, aux aurores, elle dépose donc ses affaires dans l'entrée, attrape une pomme dans la corbeille à fruits de la cuisine et croque dedans en montant déjà rejoindre la salle de bain pour une douche délassante. Posant la moitié du fruit encore intact sur le bord du lavabo, elle ne tarde pas à se glisser sous le jet chaud de la douche avant de baisser progressivement la température pour la tiédir, laissant les affres de la nuit s'écouler au fil de cette eau qui glisse le long de son corps. Elle ferme les yeux, se laisse porter, comme si cette douche avait le pouvoir d'éloigner tout ses soucis puis se décide à sortir, gagnant bientôt sa chambre pour s'écrouler sur son lit plusieurs heures.

Midi est déjà passé quand elle ouvre un œil au milieu de sa chambre, le corps parcouru d'un profond bâillement et elle s'étire avant de repousser mollement les couvertures, non sans avoir d'abord passé ses mains sur son visage, comme si cela pouvait retirer les dernières traces de sa fatigue. Elle pousse un soupir, fixe le plafond un instant, puis se décide à se lever, enfilant prestement ses habits et ses pantoufles pour rejoindre la cuisine, ouvrant mollement la porte du réfrigérateur.

Nouveau soupir. Elle déteste plus que tout être chez elle, n'avoir rien à faire. Elle déteste plus que tout ne pas avoir l'urgence de l'hôpital, des situations, des questions de vies ou de mort, pour permettre à son esprit de ne pas penser au sujet qui tourne toujours dans son esprit, encore et encore, sans vouloir lui laisser le moindre répit.

Fermant la porte du réfrigérateur, elle attrape une tasse et l'installe sur la machine à café, glissant une dosette de thé dans celle-ci avant d'appuyer sur le bouton. La mise en route de la machine brame dans toute la cuisine et elle se masse les tempes en grimaçant. C'était vraiment une longue garde. Le genre qui vous épuise. Elle n'est pas certaine de ne pas se recoucher dans l'après-midi mais, pour l'heure, elle se contente de glisser un morceau de sucre dans son thé avant de tirer la chaise pour s'installer autour de la table de cuisine, devant sa tasse fumante.

Elle n'a pas le temps de la boire que l'on toque à la porte et, surprise, elle se lève pour aller ouvrir, s'arrêtant net devant le visage qu'elle aperçoit. Non. Ce n'est pas possible. Elle ne peut pas le croire et, pourtant, elle a attendu ce moment toutes ces années. Elle a attendu de la revoir là, sur le pas de cette porte, pendant plus d'une décennie. Sa fille. Elle déglutit. C'est elle. Elle a grandit, bien sûr, mais elle la reconnaîtrait entre milles.

"- Is..." elle essaie de parler mais ses mots se bloquent dans sa gorge tandis que ses yeux s'inondent de larmes. Rapidement, elle se jette au cou de sa fille, pleurant toutes les larmes de son corps en la pressant contre elle, embrassant sa tempe, passant sa main dans son dos. "Ma chérie... Ma chérie enfin..." souffle-t-elle, sa voix brisée par l'émotion. "Oh mon bébé... c'est bien toi..."

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Tu ne saurais pas dire avec exactitude ce que tu ressens quand tu découvres le visage de cette femme. Un visage qui te donne un sentiment étrange, un mélange de retrouvailles et de découverte, comme-ci l'a voir était une réponse à tes questions. Mais également la naissance de nombreuses nouvelles questions. Comme si ce regard qui se remplis de larmes répondait au tien et te disait que ca y est, que tu avais trouvé ta place. Après toutes ses années de thérapies, de solitude profonde, de doutes, ça y est, tu as rentrée chez toi. Comme si tu venais de retrouver le foyer que tu cherchais depuis tant d'années, depuis que la porte de ta cave avait été ouverte et que la petite fille que tu étais, avait commencé à redécouvrir le monde. Que tu aurais aimé que ce soit ce visage que tu retrouves à ce moment-là, tu en es certaine. Et tu n'as pas le temps de dire quoi que ce soit qu'elle te prend dans ses bras. Un geste qui te surprend. Simplement parce que tu n'es pas tactile, parce qu'à l'exception de Marta tes soirs de déprime, personne ne t'a pris dans les bras depuis bien longtemps. Parce que la tendresse te fais peur, parce que le contact de quelqu'un si proche de toi te brûles de l'intérieur, t'étouffes, te coupes le souffle. Mais pas là. Là, c'est une étreinte agréable, douce et chaude à la fois. Tu es surprise par ce sentiment que tu ne comprends pas complètement. Par cette situation qui t'échappe. « Oui, je crois que c'est moi. » Tu ne peux l'affirmer complètement. Tu es encore bien trop perdu pour cela et pourtant au fond de toi, oui. Tu veux croire que vous avez raison d'y croire. Que tu es ce bébé, son bébé. Mais tu sais aussi qu'il y a une possibilité, celle où tu te trompes, celle où tu ne fais que ressembler à ce portrait robot sans pour autant être cette petite fille disparue. Parce que tu ne te souviens de rien concernant ton passé. Il est flou, il est traumatisé et tu te demandes si cette impression de connaitre cette femme et cette maison n'est pas simplement le fruit de ton imagination. « Je suis désolé de débarquer comme ça, je ne savais pas trop comment m'y prendre .. La police m'a donné votre adresse donc je me suis dit que ce serait le plus simple. Mais.. J'espères ne pas me tromper. » Oui, parce que faire du mal, c'était vraiment la dernière fois que tu souhaitais.

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Elle n'ose pas vraiment y croire, après toutes ces années passées à attendre le retour de son enfant mais, enfin, celle-ci est bel et bien là, devant elle. Eleonora croit rêver. Peut-être que c'est le cas. Peut-être que sa longue, trop longue attente depuis la disparition de sa fille a finit par la rendre folle, au point qu'elle l'imagine et la voit partout où elle n'est pas. Ce ne serait pas la première fois. Il est déjà arrivé, dans les premiers temps à la suite de la disparition de sa fille, qu'elle la visualise dans les couloirs de l'hôpital, dans les allées des parcs, les abords du parc zoologique et bien d'autres endroits où l'on a l'habitude de voir des enfants. Mais cette fois, cela n'a rien à voir avec ces fois précédentes. Cette fois, ça a l'air bien réel, bien tangible. Quand elle prend son enfant dans ses bras, cette fois, elle n'a pas l'impression de serrer dans ses bras un fantôme, ni même du vide. Mais bel et bien son enfant.

Elle croit que c'est elle, oui, mais la blonde qui la presse contre son cœur en est certaine. Elle reconnaîtrait sa fille entre mille, même après toutes ces années. Elle lui ressemble. Elle ressemble à son père. Et elle ressemble au portrait robot que le détective a fait réaliser il y a quelques mois seulement. Elle n'aurait pas pensé que cela marcherait aussi bien, que le travail du dessinateur pourrait être aussi réaliste mais, à quelques erreurs près, le portrait est plutôt fidèle, reconnaissable, et elle ose croire que cela aura aidé à ramener sa fille auprès d'elle, bien que le principal soit son retour bien plus que ce qui l'y a conduit, au moins aux yeux de sa mère.

Elle la presse encore contre elle, ne pouvant se résoudre à la lâcher, éprouvant le besoin de garder sa fille contre elle, auprès d'elle, de sentir sa présence à ses côtés encore et encore. Elle ne peut la laisser repartir, elle aurait trop peur qu'Isadora disparaisse de nouveau. Elle aurait trop peur qu'on la lui reprenne, trop peur que cette réalité ne s'évapore et ne la laisse, seule et désœuvrée.

"- Ne t'excuse pas, mon ange..." souffle-t-elle comme Isadora reprend la parole, expliquant vaguement ce qui l'avait conduit jusqu'ici. "Depuis que tu nous as été enlevé, nous n'avons jamais cessé d'espérer ton retour... D'attendre ce moment..." elle souffle, une larme roulant sur sa joue. "Ne t'excuse pas."

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Tu naviguais sur le net comme toutes les jeunes femmes de ton âge et puis, tu avais vu l'affichette d'une petite fille disparue qui avait été vieillie et cela avait été un choc. Ses cheveux blonds étaient plus long, semblable à ceux de la petite fille et donc loin de ton carré mais la forme du visage, la couleur particulière de tes yeux. Tu te reconnaissais en elle. Alors tu en avais parlé à ta psy, à Londres. Elle t'avait expliqué que c'était possible puisque ton passé est flou et que tout ce qu'on sait de toi, c'est le kidnapping. L'histoire pouvait coller mais il ne fallait pas que tu t'emballes. Il ne fallait pas que tu laisses ton souhait de connaitre ton passé, ton souhait de retrouver ce passé prendre le dessus sur la réalité. Il y avait bien plus de chances pour que tu ne sois pas cette enfant. La vie est plus souvent joueuse que juste. Tu essayais de te souvenir de cela, tu essayais de te souvenir de chaque mot de ta psy pour rester sur terre. Pour ne pas t'emballer. Tu allais devoir faire des examens, des tests d'ADN et une fois que tu auras le résultat entre les mains, tu pourras être sûre, tu pourrais t'emballer et croire au passé. C'était le plan. Un plan que tu veux suivre mais tu doutes. Face à la femme en face de toi, face à ses larmes, tes sentiments prennent le dessus. Et oui, le coeur de pierre que tu laisses voir au monde n'est que la façade derrière laquelle se cache une petite fille qui ne rêve que d'amour. « Ne pleurez pas, s'il vous plait. Je .. Le portrait me ressemblait et .. On devrait peut-être en parler, pour y voir plus clair ? Être sûre ? » Tu lui souriais, tu ne veux pas être impolie mais face à ses larmes, tu as peur. Et si tu n'étais pas sa fille ? Et si tu étais simplement en train de torturer cette femme ?

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Sa fille est de retour, sa fille est rentrée à la maison. Enfin. Eleonora le sait, le sent, est persuadée que c’est elle, parce que c’est ce que tout son être lui crie quand elle tient enfin entre ses bras la chair de sa chair, disparue depuis trop longtemps. Elle ne peut pas croire que son instinct de maman, malgré son désir vif de retrouver son bébé, l’induise en erreur. Elle ne peut pas croire que tout son être se trompe et que cette fille ne soit pas la sienne. C’est Isadora. C’est forcément Isadora. Elle lui ressemble, comme elle ressemble à Armin et tout en elle est en alerte, persuadé d’avoir retrouvé l’être le plus important de sa vie. C’est elle, c’est forcément elle, ça ne peut être qu’elle… D’autant plus qu’elle porte son collier à son cou, marqué d’un I, qui lui avait été offert enfant. Pourtant, entre les bras de sa mère, la demoiselle doute, lui demandant de ne pas pleurer, tout en semblant ne pas être encore tout à fait sûre qu’elle est bel et bien cet enfant disparu.

L’entendre la vouvoyer, en lieu et place du “maman” d'autrefois lui brise le cœur, lui rappelant au passage comme le temps a passé et tout ce qu’elle a manqué de la vie de sa fille. Il y a plein de choses qu’elle ignore, plein de zones d’ombres. Elle ne sait pas ce que sa fille a vécu toutes ces années. Elle ne sait pas ce qu’elle aime, quel genre de femme elle est devenue. Si elle a été bien traitée et aimée, toutes ces années de son absence. Elle ne sait pas ce que son enfant a étudié, quels sont les rêves qu’elle poursuit désormais. Elle ne sait pas si elle a été amoureuse, si on lui a brisé le cœur, si au contraire tout va bien.

”- Désolé, oui, je… entre…” souffle-t-elle en s’écartant de la porte d’entrée, l’invitant à entrer. ”Le salon est tout droit, sur la droite.” précise-t-elle, songeant qu’elle ne s’en souvient probablement pas. Elle ferme la porte derrière elle pendant ce laps de temps, avant de la rejoindre. ”Tu veux boire quelque chose ?” propose l’infirmière en l’observant, nerveuse. ”Tu as mangé ?”

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Tu as vécu des drames. Du haut de tes 22 années de vie, tu as vécu plus de drames que la plupart des gens en une vie entière, plus de douleurs et de doutes que la moyenne. Tu as grandie plus vite que tu n'aurais dû le faire et tes années d'innocence te semble inexistantes alors tu es méfiante. Méfiante mais bienveillante envers la femme en face de toi qui ne semble pas douter de ton identité une seule seconde. Et tu ne cesses de te demander si elle a raison d'y croire ou si tu n'es pas en train de torturer une mère perdue, une mère désespéré à l'idée de retrouver sa fille. Tu espères lui paraitre plus raisonnable que froide avec tes mots parce que tu ne lui veut aucun mal. Quel soit ta véritable mère ou que votre rencontre soit le fruit d'un cruel jeu du diable, tu ne veux faire de mal à personne. Malgré ton passé, tes douleurs et tes traumatismes, tu es quelqu'un de bien. Quelqu'un qui veut faire le bien et non se venger du monde. Elle t'indique le salon et tu l'écoutes pourtant, tu as le sentiment que même sans ses indications tes pieds auraient pu t'y guider. Tu as le sentiment de connaitre cette maison, d'y reconnaitre la décoration ou encore la disposition des pièces, c'est un sentiment étrange. Une sensation que tu ne connais pas et que tu ignores comment interprété. Tu as tellement peur de te tromper.

« Je .. » Tu ne saurais pas dire si les questions s'enchainent ou si elle te laisse le temps de la réflexion. Tu es tellement perturbé par tout cela et puis à sa question, tu réalises que tu n'as pas mangé depuis presque 24h, depuis ton arrivé à l'aéroport. Tu t'étais bien autorisé un paquet de cookies durant le vol pour évacuer ton stress mais depuis, tu t'étais laissé porter par tes sentiments, par les évènements et sincèrement, la faim n'était pas présente avec tout ce stress. « Je n'ai pas faim, merci mais je veux bien un verre d'eau si possible ? » Tu étais un peu timide, bien que presque certaine de savoir où était la cuisine et de te souvenir de l'étage où tes parents mettaient la bouteille d'eau. « Je peux vous posez une question ? » La délicatesse n'est pas ton fort et tu le sais, pourtant, tu te dois d'être délicate avec elle. Tu te dois de lui poser les questions sans être brusque. Tu décroches alors ton collier, unique souvenir de ton enfance. Unique preuve que tu es bien elle : Isadora la fille disparu et non Isobel, le prénom que tu t'étais choisi. « Vous connaissez ce pendentif ? »

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Elle n'a pas faim, cela ne l'étonne pas vraiment au vu du moment. Elle suppose qu'elles ressentent la même chose, qu'elles sont dans un état similaire l'une et l'autre. Il a beau être midi passé, Eleonora non plus n'a pas faim et ce même si elle n'a pas mangé depuis plusieurs heures à présent. Elle a grignoté avant de pouvoir se coucher, mais elle ne peut pas dire qu'elle s'est vraiment rempli l'estomac. Quand elle s'est réveillée, elle se souvient qu'elle avait faim. Mais depuis, cette sensation a complètement disparu et peu importe que son estomac soit vide, il lui semble qu'il est plein, qu'il est trop noué, tourmenté, retourné, par les évènements, par la situation, par le fait de retrouver sa fille et de voir que cette dernière ne la reconnaît pas, la vouvoie, comme si elle n'était pas sa mère. Quelque part, l'infirmière sait que c'est le cas, qu'elle a beau être la mère d'Isadora par le sang, elle n'a pas pu l'être par les actes pendant ces dernières années. Évidemment, elle n'a jamais cessé de chercher sa fille mais le fait est que son enfant a grandi sans elle, qu'elle a dû se construire sans son soutien, peut-être même sans se douter que sa mère était là, quelque part, son père également, à la chercher. À continuer de croire qu'elle était vivante quelque part de par le monde.

"- D'accord"

De l'eau, donc. Eleonora s'apprête à aller chercher une bouteille lorsque sa fille l'arrête, demandant si elle peut poser une question. La main sur l'encadrement de la porte, la blonde tourne son attention de nouveau sur son enfant, acquiesçant évidemment. Bien entendu, sa fille peut lui poser toutes les questions qu'elle veut, toutes les questions dont elle a besoin. L'infirmière tâchera de faire au mieux pour lui répondre. Et la question qu'elle lui pose a une réponse des plus simples, puisque l'enfant veut simplement savoir à quoi correspond le collier qu'elle porte à son cou.

"- C'est un cadeau de tes grands-parents, mes parents. Ils t'ont offerts le médaillon pour ton baptême, quand tu avais tout juste quelques mois et, quand tu as eu cinq ans, nous avons remplacé la chaîne qui devenait trop petite…"

Cette chaîne devenue trop petite, à l'époque, elle avait eu la bonne idée de la conserver pour, peut-être, l'offrir à ses petits enfants plus tard. Pendant un temps, elle avait cru que ce jour n'arriverait jamais mais il semblait qu'elle puisse de nouveau le souhaiter, même si aujourd'hui rien n'est certain, puisqu'elle ignore tout du potentiel désir d'enfant, de maternité, de sa fille, qui est encore bien jeune de toute façon pour penser à ça.

"- Le I pour ton prénom, bien sûr et la date, à l'arrière, le 20 janvier 2001, c'est celle de ton baptême." souffle-t-elle avant de reprendre. "Je vais te chercher de l'eau, je reviens."

Elle disparaît alors pas plus de deux minutes, le temps pour elle d'aller dans le bureau chercher un album photo puis, dans la cuisine, afin de prendre une bouteille dans le réfrigérateur et deux verres, avant de revenir dans le salon, servant sa fille avant de s'installer à ses côtés dans le canapé, le vieil album sur ses genoux.

"- C'est l'album de ton baptême." précise-t-elle avant de l'ouvrir, désignant le médaillon sur une photo. "Tu vois ? Il est là…" murmure-t-elle doucement.

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Il existe deux types de personnes, ceux qui mangent face au stress et sont dont l'estomac est tellement noué qu'ils sont incapables d'avaler quoique ce soit. Tu fais parti des deux groupes, quand il s'agissait d'un examen, tu étais capable de manger ton poids en sucreries mais pour les choses sérieuses, rien ne passe. Alors là, tout de suite, tu n'as pas faim. Bien au contraire, l'idée de manger te donnerais presque la nausée et pourtant, au fond de toi, tu dois avoir faim car tu n'as pas manger depuis bien longtemps. Trop longtemps. Mais en refusant tout, tu as le sentiment d'être froide, distante eet Marta t'a toujours dit qu'il fallait accepter quand on nous propose ce genre de choses, que cela était plus polie et surtout plus sociable alors tu demandes un verre d'eau.

Assise dans ce salon, les questions se bousculent, des questions sur le passé. Le passé commun mais aussi le passé séparé. Est-ce qu'ils t'ont cherchés ? Est-ce que ton père est en vie ? Est-ce qu'ils sont encore ensemble ? Ta connaissance sur le sujet est limité à ce que les témoignages disent et bien souvent, c'est le genre de drame qui sépare les familles, qui brise des liens même les plus forts mais avant de poser ses questions, tu dois être sûre. Sûre que tu es bien la petite Isadora qui a disparue il y a tant d'années. Et tout ce que tu gardes de cette époque, c'est ton pendentif qui par miracle n'a jamais été cassé ou arracher par ton agresseur. Un symbole qui a traversé le temps, une source d'espoir quand tu n'avais plus rien. Ton bien le plus précieux. Aujourd'hui encore ce pendentif est signe d'un miracle puisqu'il te confirme que tu es bien Isadora. Deux pendentifs identiques, sur deux enfants à l'histoire et aux traits semblable, c'est trop de coïncidence pour en être vraiment. Donc c'est ta mère, ta véritable mère, celle qui t'a porté dans son ventre, celle qui s'est levé en pleine nuit pour tes pleurs. Tu es émue, plus que tu ne le montres. Tu ne dis rien et elle poursuit. A ses mots, tes doigts caressent le bijou, elle vient de résoudre également ta question sur la date qui t'a longtemps perturbé.

Elle revient quelques instants plus tard avec ton verre d'eau et avec un album photo qu'elle ouvre devant toi. Après l'avoir remercié pour le verre. Elle ouvre l'album y découvres un bébé, toi, avec ce pendentif, entouré d'une famille mais surtout d'amour. Tu le vois dans les sourires, dans les regards qui ne trompent pas.

« Je.. Je ne sais pas quoi dire, c'est .. » Tu perds tes mots, tu passes de l'orpheline à un bébé aimée, recherchée, c'est compliqué à a exprimer. « J'ai toujours su qu'il était important, comme un porte bonheur mais je n'aurais jamais imaginé cette réalité, c'est fou. » Tu regardes les photos, tu essayes de reconnaitre les visages mais la plupart te semble inconnu ou alors lointain, tu n'es pas certaines que tu saurais les reconnaitre. Sauf lui. Lui, tu le reconnaitrais entre mille. « C'est mon père ? »

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Dans le fond, elles vivent toutes les deux presque la même chose. Une tempête émotionnelle. Eleonora imagine bien que sa fille doit être perturbée, déstabilisée par tout ça. C’est une chose à laquelle elle est normalement formée dans le cadre de son travail, puisqu’il arrive de travailler avec des victimes présentant des signes de stress post-traumatiques et autres. Des enfants enlevés, retrouvés dans des états d’urgence, elle en a vu quelques-uns dans sa carrière, s’est heurté à leur réalité. Mais le vivre avec sa propre fille, c’est autre chose. La blonde réalise qu’elle n’est pas forcément capable de mettre en pratique ce qu’elle a appris, les émotions arrivant en elle par vagues. Elle essaie de ne pas perturber et stresser Isadora plus qu’elle ne doit déjà l’être, mais c’est relativement difficile de faire face à autant d’années de recherches, de doutes, de craintes, qui s’achèvent. C’est difficile de pouvoir rester calme dans une telle situation et impossible d’être détaché, impossible de garder la tête parfaitement froide et les idées claires. Un bordel émotionnel indescriptible.

Elle apporte de l’eau et un album photo, présentant le médaillon qu’Isadora porte autour du cou, lui montrant des photos du jour où il lui avait été offert par ses grands parents. Évidemment, sa fille n’aurait jamais imaginé que ce dernier avait une telle portée, une telle signification. Il y a sans aucun doute beaucoup de choses, en réalité, qu’elle ne sait pas sur elle-même. Beaucoup de ses racines qu’elle doit retrouver à présent. Patiemment, Eleonora l’y aidera, évidemment, de même qu’Armin, quand il rentrera de déplacement. D’ailleurs, sa fille le désigne sur la photo.

”- Oui, c’est lui. Il est en amérique pour l’instant, il va falloir que je le prévienne… Mon Dieu, il va être fou de joie. Je ne sais pas si je dois lui annoncer… comme ça ? Alors qu’il est loin et… seul ? Peut-être… qu’il faudrait attendre qu’il soit de retour ? Si je le préviens maintenant…”

Il voudra bien sûr rentrer immédiatement, mais elle sait que son voyage est important. Et puis, elle a peur, dans le fond, de la manière dont il pourrait réagir. Il ne manquerait plus que l’homme fasse un infarctus, à des milliers de kilomètres de sa ville, de sa fille, de sa famille. Mauvaise idée. Elle demandera à ses proches de la conseiller sur ce point. D’ailleurs, elle continue de montrer des gens sur les photos.

”- Ici, ce sont mes sœurs. Tes tantes Evelin, Erin et Elisabeth…” dit-elle en les montrant une à une sur la photo.

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La situation est étrange, presque folle. Tu es là, assise dans ce salon inconnue mais dont tu as l'impression de te souvenir, parlant avec une femme inconnue qui est en réalité ta mère. Regardant tes souvenirs oubliés mise sur des photos. En fait, tout est connue et inconnu à la fois autour de toi mais aussi dans ton esprit, tu es troublé. Comme si tout était enfin à sa place mais dans un monde que tu ne connais pas. Ou si. Bref, tu ne sais plus, tu commences a douter de tout. A vrai dire, tu pourrais même te demander sans problème si tout cela est réel, ou si c'est encore un de ses rêves que tu fais depuis des années. Ce genre de rêve qui semble si réel qu'il se confonde avec la réalité. Discrètement, tu te pinces le bras, tu as lui quelques part qu'on ne peut pas se pincer dans les rêves. Là, tu peux, mais est-ce une preuve suffisante ? Peu importe, tu ne veux pas perturber la femme en face de toi plus qu'elle ne doit déjà l'être alors tu ne dis rien de ta frustration. Tu te contentes d'essayer de reconnaitre les visages, d'essayer d'avoir des souvenirs. « Fais comme tu le sens, tu le connais mieux que personne et je peux attendre. J'imagine que cette nouvelle est bouleversante, pas forcément simple a annoncer par téléphone. Il est y est pour le travail ? » Tu lui souriais, tu imaginais que ce genre de nouvelle pouvait être assez perturbante, surtout si il était coincé loin d'ici. Attendre, cela pouvait être la bonne solution. Evidemment, tu es pressés de le revoir mais en même temps, tu n'as jamais eu de père en dehors de ton agresseur, jamais eu de figure paternel et sans grande surprise, tu as beaucoup de mal avec les hommes alors attendre, cela peut-être une bonne chose pour toi aussi. Te laisser le temps d'apprivoiser cette nouvelle vie. « Je vois, une passion pour la lettre "e" » Tu riais légèrement. Ce n'était pas une moquerie, au contraire, tu trouvais cela super comme idée, ça te rappelait la série Charmed que Marta adorait à la télévision et où toutes les soeurs avaient un prénom en "P". « Est-ce que j'ai des frères et soeurs ? » Ta question est innocente, tu es un bébé sur ses photos et il n'y a que toi alors tu devines que tu n'as pas d'ainés mais des cadets ce n'était pas impossible. Après tout, tu ne sais rien de la vie de tes parents aujourd'hui.

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Eleonora acquiesce quand sa fille demande si son père est en Amérique pour le travail. Elle est donc un peu perdue, ne sachant pas vraiment si elle doit prévenir son mari tout de suite du retour de leur fille à Hambourg ou si elle doit garder cette information secrète. L'homme étant parti pour quelques mois aux États-Unis, elle a mauvaise conscience de ne rien lui dire avant son retour. D'un autre côté, si elle lui annonce qu'Isadora est revenue, l'homme risque de ne plus penser qu'à ça et ne pas pouvoir finir son travail ni dans les temps, ni correctement. Il voudra rentrer immédiatement à Hambourg, ce qu’elle peut parfaitement comprendre, pour voir sa fille de ses propres yeux. Après une si longue séparation, il risque de ne plus pouvoir faire autre chose que s’impatienter de la revoir, de la serrer dans ses bras. Elle imagine forcément que d’un point de vue professionnel, donc, il vaudrait mieux ne rien lui dire. Mais d’un point de vue humain.. Il faut sûrement qu’elle lui annonce la nouvelle et que l’homme voit ce qu’il veut dire. S’il veut rentrer immédiatement en Allemagne ou rester sur place. Lui donner la liberté de faire ses propres choix. Elle reste pensive.

"- Non ce… Ce ne serait pas humain de lui cacher ça le temps qu’il revienne." remarque la blonde. "Il faudra que je le lui dise le plus tôt possible."

Quand ils s'appelleront, elle pourrait lui annoncer la nouvelle. Cela devrait être le cas un peu plus tard dans la journée. Et en y pensant, elle réalise qu'elle va devoir appeler l’hôpital pour prendre une ou deux semaines. Elle travaille normalement demain soir mais elle sait qu’elle ne pourra jamais être sereine, garder la tête froide, en laissant sa fille chez elle, même si elle demandait à une de ses sœurs de la garder pour qu’elle ne soit pas toute seule. Ce n’était pas possible, pas après ce qu’ils avaient tous vécu. Elle espérait que sa cadre serait compréhensive, mais elle n’en doutait pas.

"- C’est vrai. Il faut dire qu’ils s’appellent eux-mêmes Egon et Elina…" explique la blonde.

Le fait que la famille s’appelle tous par la lettre E avait donc un côté presque traditionnel, que la blonde avait rompu en appelant sa fille d’un nom en I. Mais elle avait au moins fait perdurer l'appellation Marie comme second prénom pour son unique enfant. Une enfant qui, d’ailleurs, s’inquiète de savoir si elle a quelques frères et sœurs, si bien que le regard de sa mère se voile un peu, un instant.

"- Non. Malheureusement nous… Nous avons eu beaucoup de mal à devenir parents. Tu es né huit ans après notre mariage. Un petit bébé miracle…" souffle-t-elle. "Seuls les progrès de la médecine nous ont permis de t’avoir."

Un parcours long et difficile, à fortiori dans les années 1990.

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Il n'était déjà pas facile de savoir ce que tu devais faire pour toi. De savoir comment tu devais réagir face à cette situation qui te semble encore irréelle par moment. Alors savoir pour un homme que tu ne connais plus, ça te semble fou. Mais tu comprends l'hésitation de ta mère. Ne rien dire, c'est lui laisser l'esprit tranquille tant qu'il est loin, c'est lui éviter ce choix cornélien entre rentrer ou rester parce qu'après autant d'années, quelques semaines, ce n'est rien. Et en même temps, il a le droit de savoir. De ce que tu comprends, tes parents n'ont jamais abandonnés de te chercher, tu as toujours été comme un poids en dessus de leurs têtes qui un jour allait soit les assommé, soit les libérés. Cela doit être usant. Mais cela montre aussi la force de leur amour. « Je te fais confiance, tu sais ce qu'il faut faire mais sache que je ne bouge pas. J'avoue que je suis arrivé ici un peu sur un coup de tête mais je vais rester en ville un moment je pense. » Tu ne peux pas lui promettre d'y rester pour toujours. Tu ne peux pas lui dire que tu ne retourneras jamais à Londres parce que c'est ta ville, celle qui t'a vu grandir, celle où tu as laissés Marta. Et même si tu ne t'y ai jamais senti totalement chez toi, tu ne peux pas nier tes souvenirs. Une chose est sûre, tu dois retrouver ton passé pour avancer et cela, tu ne peux le faire qu'ici. Il faut que tu retrouves ta famille, cette ville, des amis aussi, peut-être. Tu ne sais pas si tu avais des amis, l'amitié n'a jamais été ton truc.

« J'imagine qu'ils ont adoré te voir briser la tradition ? » Tu es curieuse d'apprendre sur cette famille qui est la tienne. Tu as vu des films, tu devines qu'ils ont des forces et des faiblesses mais est-ce une famille aimante et solidaire ? Ou est-ce l'une de ses familles complexes dont l'amour n'est jamais clairement dit ? Ou alors ils ne se parlent plus vraiment ? C'est possible, surtout après un drame et ta disparition en est un. En parlant de famille, tu lui demandes ensuite si tu es fille unique ou si tu as la chance d'avoir des frères et des soeurs et à son regard, tu comprends que tu aurais dû te taire .. Est-ce que ta famille avait subi un autre drame et tu venais de mettre les deux pieds dans le plat ? Par chance, non. Ses mots te rassurent sur ce point, bien que tu comprennes que les choses étaient compliqués pour t'avoir. « Je suis désolé, les choses n'ont pas dû être facile, enfin je suppose, je n'y connais pas grand chose en médecine ou en bébé. » Tu lui souriais. Tu avais peur d'être maladroite.

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Il faudra qu'elle annonce la nouvelle à Armin le plus tôt possible. Il ne va tout simplement pas en revenir. Même si cela veut dire qu'il risque de rentrer plus tôt que prévu et abandonner les projets professionnels qui l'attirent en Amérique. Elle sait que cela pourrait manquer de professionnalisme. Mais elle sait que ne rien dire serait manquer cruellement d'humanité. Ils attendent le retour de leur fille depuis trop longtemps pour qu'elle puisse le lui cacher. Depuis trop longtemps pour qu'elle garde ce secret pour elle tandis qu'il souffre encore de l'absence et des recherches qui n'aboutissaient pas, jusque-là. Le plus tôt possible, donc, il faudra qu'elle lui annonce la vérité et qu'elle le laisse libre de son choix, libre de sa décision. Le reste n'est pas de son ressort.

Quand sa fille affirme qu'elle ne bouge pas, Eleonora a une grimace. Bien sûr qu'elle ne bouge pas. Où voudrait-elle aller ? Sa place est ici avec elle, avec eux, avec sa famille qui l'aime et qui n'a cessé d'attendre son retour, de la chercher, quand bien même pour la police ce n'était plus nécessaire. Cela leur avait été impossible de renoncer. Impossible d'accepter le pire comme réalité. Ils n'avaient pas pu croire que c'était terminé et ils avaient eu raison de s'attacher à leur croyance, de toute évidence. Alors les mots de sa fille la bouleversent, quand elle parle de rester en ville un moment, sans parler de définitivement. Son cœur s'emballe. Trop d'émotions.

"- Où… Où voudrais-tu aller ? " demande-t-elle, sa bouche se tordant légèrement. "Tu… tu penses ?"

Elle pense seulement ? Pour son cœur de mère c'est difficile à encaisser, même s'il est vrai qu'elle a perdu une petite fille et retrouve aujourd'hui une jeune femme adulte, avec ses propres projets, ses propres aspirations, auxquelles elle ne connait rien encore. Il y a trop de choses qu'elle veut dire. Bien trop qu'elle veut demander, qu'elle a besoin de connaître.

"- Oh, ils n'ont pas dit grand chose en réalité. Tout le monde était trop heureux d'apprendre ta naissance." souffle Eleonora, esquissant un sourire à ce doux souvenir. "Mais nous avons choisi Marie comme second prénom, parce que mes sœurs et moi le portons toutes."

Quelque part, ils ont bien respecté au moins une tradition, ce n'est pas si mal, n'est-ce pas ? Mais ils avaient eu tant de mal à pouvoir avoir un enfant que la famille, en apprenant la grossesse puis la naissance de la petite Isadora n'avait rien trouvé à redire, trop heureux de cette heureuse nouvelle. Sa mère avait pleuré plus d'une fois, par ailleurs, de voir sa fille devenir mère après avoir eu tant de mal à concevoir.

"- Non, c'est vrai. Mais en fin de compte tu étais là et… c'était tout ce qui comptait, pour tout le monde." souffle-t-elle. "Maintenant parle-moi un peu de toi. De ta vie. De… ce que j'ai manqué." son cœur se brise. "Qu'est-ce que tu as fais, comment tu as grandis… Quels sont tes rêves… est-ce que tu as un petit copain ? Ou… ou une petite copine ?"

Elle était prête à accepter l'un ou l'autre indifféremment. Après ce qu'ils avaient subi, le simple fait de la retrouver était suffisant.

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Est-ce dans ta nature ? Ou est-ce parce que ton manque d’interaction avec des humains durant des années à affecter ton cœur ? Tu l’ignores, mais tu devines tes maladresses quand tu vois les réactions de ta mère. Tu ne veux pas la blesser, tu n’oses imaginer ce qu’elle a vécu ses dernières années ou ses dernières minutes quand tu es revenue dans sa vie. Tu comprends qu’elle doit avoir peur de te voir fuir, disparaitre encore une fois. Mais tu es comme ça, tu es volage, incapable d’être un oiseau cage. Tu as besoin de te dire que la porte est ouverte, que tu es libre de t’envoler quand tu le souhaites même si à cet instant, ce n’est pas ce que tu veux. A cet instant, tu veux rester pour comprendre ta vie, pour réapprendre à la vivre et savoir qui tu étais. Tu en as besoin pour savoir celle que tu veux être. Besoin aussi pour retrouver tes souvenirs enfouies du passé.

« A Londres, chez.. » Chez toi. Dans la seule ville que tes souvenirs t’ont laissées, dans la seule ville que tu as l’impression d’avoir toujours connu même si les choses sont étranges depuis ton retour à Amsterdam. Mais tu retiens tes mots, tu as consciences de la facilité avec laquelle tu peux blesser la femme en face de toi. Et tu ne veux pas de cela. « Ou ailleurs, je n’en sais rien. Je ne me pose pas de questions en réalité, je suis mes envies bien souvent. Mais pour le moment, je reste ici. J’ai encore beaucoup de choses à retrouver, à comprendre. »

Tu tentes ensuite de partir sur un sujet plus léger. Un sujet anecdotique pour beaucoup mais un détail de ta vie de famille qui a toute son importance pour toi. Même si il souligne les épreuves que la vie avait imposés à tes parents. Fille unique. Tu mentirais en disant que tu n’étais pas un peu déçu et en même temps, c’était surement mieux ainsi. C’était une personne de moins pour souffrir de ton absence et pour vivre avec les conséquences que cela a imposé à ta famille.

Tu souriais face à ses questions, tu aimerais avoir des tonnes de chose à lui raconter. Tu aimerais lui dire que kidnappeur était une gentille famille qui t’avait donné plein d’amour mais ce n’était pas le cas. Enfin, c’est ce que tu supposes parce que si c’était la réalité, pourquoi ta tête aurait choisi de l’effacer ? Ton passé, tu le devines difficile. Tu le devines douloureux pour une enfant. Et tu ne sais pas ce que tu dois lui dire. Tu vois sa fragilité, les larmes difficilement retenues à chacune de tes phrases et tu as peur. Peur de la blesser, peur de ta maladresse et en même temps, tu ne veux pas lui mentir. Tu ne veux pas que votre nouvelle relation soit basé sur un mensonge.

«  Je ne sais pas vraiment, j’ai très peu de souvenir avant mes douze ans, mais d’après mon psy c’est normal » Tu lui souriais avant de reprendre. « J’ai été adopté. Quand on m’a retrouvé, personne ne savait qui j’étais, je n’avais que mon pendentif alors on m’a nommé Isobel et j’ai été adopté quelques semaines plus tard par l’infirmière qui s’était occupé de moi à mon arrivée à l’hôpital, Marta. C’est une femme en or,  je n’ai manqué de rien, vraiment. » Tu voulais la rassurer, tu ne pouvais pas lui dire comment été ton enfance, mais tu avais eu une adolescence. Compliqué, c’était une évidence mais tu avais eu le droit à une vie normale avec Marta. Tu riais ensuite pour répondre à sa dernière interrogation. « Et non, je n’ai pas de petits amis, j’ai quelques difficulté à me lier aux gens » Tu es même carrément du genre à fuir les autres. Solitaire dans l’âme, qui cherche à se construire seule avant de construire quelque chose à deux.

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À Londres. Elle ne dit pas chez qui, mais elle n’en a pas besoin. Savoir que sa fille pourrait repartir, loin d’Hambourg et loin de l’Allemagne, est suffisant. Bien sûr, elle n’y a grandi que pendant quelques années. C’est ailleurs qu’elle s’est construite, ailleurs qu’elle a évolué. À l’étranger, au sein de ce qu’Eleonora ne peut qu’espérer avoir été une famille aimante. Il faut que cette famille le soit, pour que son enfant ait envie de retourner là-bas. Pour que son enfant souhaite y retourner, à moins qu’elle ne choisisse une autre destination, comme elle s’empresse de le faire savoir. Elle ne sait pas encore vraiment. Elle ne se pose, heureusement, pas encore la question, pas alors qu’elle vient tout juste de revenir, mais cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête suffit à effrayer Eleonora. Elle ne pourrait jamais se faire à l’idée que son enfant reparte, que son enfant soit loin d’elle. Elle ne pourra jamais se faire à l’idée de ne pas l’avoir auprès d’elle, maintenant qu’elle l’a retrouvée. Une peur ancrée en elle de la perdre à nouveau, de la voir disparaître, s’évanouir dans la nuit et ne plus jamais revenir. Une peur de perdre pied de nouveau. Une peur de tout perdre. Et comment le lui reprocher, quand elle a traversé ce qu’elle a eue à traverser, qu’aucun parent ne devrait jamais avoir à subir ? La disparition d’un enfant, il ne peut rien y avoir de plus terrible. Rien y avoir de plus angoissant pour un parent. Ne pas savoir ce qu’il fait, ne pas savoir ce qu’il vit, ne pas savoir ce qui lui arrive ni ce qui s’est passé… Il n’y a rien de pire qui puisse arriver à un parent. L’inconnu.

"- C’est vrai…"

Elle a pour le moment, cependant, beaucoup de choses à retrouver, à comprendre, une vie à se réapproprier, à retrouver. Des proches à rencontrer de nouveau, des connaissances à rebâtir… Elle revient de loin, Isadora, au sens propre comme au figuré. Et sa mère sait qu’elles ignorent bien trop de choses de son existence. Isadora a du mal avec son passé, ayant été enlevée jeune. Elle, elle ne sait rien de ce qui s’est passé pour sa fille par la suite, de comment elle a grandi, des rêves qui sont les siens… Elle a mille choses à découvrir sur son enfant. Mille questions à poser, qui sortent toutes en même temps. Et il en reste tout autant à poser, tout autant à demander.

Mais Isadora ne peut pas répondre à toutes les interrogations qui envahissent les pensées de sa mère, alors qu’elle n’a pas beaucoup de souvenirs avant ses douze ans. Normal, d’après son psy. Et savoir qu’elle doit en consulter un, comme découvrir que la mémoire de sa fille est aussi chancelante, ne peut que laisser supposer des choses très peu rassurantes. Elles ne savent pas ce qui est arrivé exactement, mais elles savent toutes deux que c’est sûrement peu heureux. Bien pire que le simple traumatisme, déjà conséquent, d’avoir été enlevé à sa famille. D’avoir été arraché à ses racines.

Au moins, par la suite, elle a rencontré une bonne personne, Marta, qui a pris soin d’elle et qui lui a permis de ne manquer de rien. Sans même connaître cette femme, qui est ironiquement aussi infirmière, Eleonora se sent reconnaissante envers elle pour le soin qu’elle lui a apporté, pour l’amour qu’elle lui a donné. Elle a joué son rôle auprès de sa fille toute ces années et pour cela, une partie d’elle la jalouse, c’est évident. Mais l’autre, l’autre est simplement gonflée d’amour à l’idée que la vie de son enfant n’ait pas été sombre de bout en bout pendant le temps où elle n’était pas là.

"- Il faudra… Il faudra l’inviter à venir à Hambourg." souffle Eleonora.

Parce que cette femme est importante pour sa fille et parce qu’elle tient à la remercier d’avoir veillée sur Isadora. Parce qu’elle tient à montrer sa reconnaissance envers cette femme qui, toutes ces années, a fait au mieux pour essayer de combler les besoins d’Isadora, pour lui donner ce dont elle avait besoin, essayer de résorber ses traumatismes.

"- Oh, oui. C’est normal…"

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D'aussi loin que tu puisses te souvenir, tu étais seule. Certes, tu as toujours eu Marta, elle a toujours été là pour toi et tu sais que si tu l'appelais pour lui demander de venir, elle pourrait vider son compte en banque pour le faire mais votre lien est particulier. Proche et libre à la fois parce que Marta, elle te connait, elle connait ce traumatisme qui te ronges, elle le vient dans son travail quotidiennement alors elle ne t'a jamais rien imposé, ni Londres, ni son appartement. Alors penser à fuir, c'est naturelle pour toi et avant de voir le regard d'Eleonora changé, tu ne pensais même pas que ce genre de choix pourrait blesser quelqu'un. Parce que tu as une vision de la famille particulière et que tu devines bien différente de celle que tu aurais pu avoir en grandissant dans cette maison. Tu ne veux blesser personne, surtout pas la femme en face de toi que tu meurs d'envie d'apprendre à connaitre mais ta maladresse est là et tu tentes comme tu peux de la maitriser.

Et tu connais la clé de tout cela : le temps. Il va te falloir du temps pour apprendre ton passé, pour apprivoiser tes valeurs oubliés et ainsi les ajouter à ta vie, à celle que tu es devenue. A celle que tu veux être. Tu sais que tu as besoin de ce passé pour avancer, tu sais aussi qu'il va t'aider à comprendre les trous noirs dans ta mémoire. Tu sais que cela va être difficile, tu sais que découvrir ton passé, c'est aussi comprendre ce que tu as vécu avec ton agresseur et tu es prête. Tu t'attends au pire comme au meilleur, convaincu que quoique tu découvres, l'avenir est devant toi. Avec Marta en filet de sauvetage, toujours mais surtout une famille prête à t'aider et à t'aimer malgré tes failles. Quand tu vois Eleonora en face de toi, tu le sais, tu le sens, elle t'aime. Sans condition. « Un jour peut-être. » Tu souriais à ta mère, heureuse de voir que l'existence de Marta semblait être une bonne chose pour elle aussi. Parce que oui, tu craignais qu'elle ne l'a déteste d'avoir été là quand elle-même ne le pouvait pas. Mais malgré ta joie, tu n'es pas prête pour des rencontres, pas tout de suite en tout cas.

« Et c'est aussi le moment où je dois te présenter mes excuses, je vois bien que je te blesses avec ma maladresse et ce n'est pas mon intention. Je veux prendre le temps d'apprendre à te connaitre, à connaitre mon père aussi et notre famille, vraiment. » Tu lui souriais, tu ne savais pas trop quoi dire pour la suite. Si ta vie était passionnante pour écrire un livre ou pour un speech de film, pour la réalité, c'était difficile abordé, c'était un sujet que tu évites en général. Un sujet dont tu veux parler avec elle sans trop savoir pas om commencer et surtout quoi dire, la plupart des réponses à ses questions étant plutôt flou pour toi.

Elle a toujours su que ce moment serait compliqué, que ce moment serait difficile, qu’il ne serait pas facile de retrouver sa fille. Que ce serait tout à la fois une délivrance de la retrouver, de savoir enfin ce qu’elle est devenue, qu’elle va bien, pouvoir la voir en chair et en os mais, aussi, que ce serait un déchirement de constater tout ce qu’ils ont manqué, avec son père. De réaliser qu’ils ne la connaissent pas, qu’ils ne la connaissent plus, qu’elle a une vie en dehors d’eux, une vie dont ils ne font pas vraiment partie. Elle avait conscience que la retrouver cristalliserait ses angoisses les plus profondes, les plus enfouies. Que cela concrétiserait, vraiment, le fait qu’elle avait grandi et évolué sans eux, dans un monde où ils devraient se faire une place. C’est normal. On le leur a arraché depuis si longtemps… Comment pourrait-il en être autrement ? Ils ne pouvaient pas s’attendre à retrouver la même enfant qu’on leur avait arraché, bien sûr que non. Quatorze longues années avaient passées, depuis, et leur bébé n’en était plus un depuis bien longtemps.

Il faudra qu’elle voit cette femme, qu’elle rencontre cette Marta qui a prit soin de sa fille toutes ces années. Qu’elle la remercie de l’avoir bien traitée, de lui avoir offert un foyer et l’affection que sa propre mère n’était pas là pour lui donner, bien malgré elle. il faudra qu’elle voit cette femme pour recomposer les morceaux manquants de la vie de sa propre fille, pour qu’elle comprenne une partie de tout ce qui s’est passé depuis ce jour terrible où on la leur a enlevé. Il faut qu’elle voit cette femme, qu’elle la rencontre, qu’elle lui parle. Qu’elle fasse amende honorable.

Un jour, affirme Isadora, peut-être. Et sa mère hoche la tête. Ce n’est pas un peut-être, ça ne peut pas l’être. Si Marta ne peut pas venir, alors c’est la blonde qui ira jusqu’à elle, qui ira rencontrer un bout du passé de sa fille, qui ira voir où elle a grandi, dans quelle ville, dans quelles rues. Elle ira probablement même si Marta vient un jour en Allemagne, à vrai dire, poussée par la curiosité, par ce besoin de savoir, ce besoin, elle aussi, de se reconstruire et d’avancer.

Sa fille s’excuse et Eleonora secoue la tête. Elle ne doit pas le faire, elle n’a pas à le faire, ce n’est pas de sa faute. Rien de ce qui est arrivé n’est de sa faute. Elle n’était qu’une enfant. Elle n’était… qu’une âme innocente. Et elle a subi bien trop de choses pour son jeune âge pour s’excuser. C’était eux qui étaient responsables, eux qui n’avaient pas su la protéger comme ils auraient dû le faire, eux qui n’avaient pas suffisamment veillés sur elle. Du moins son mari.

"- Non, non… tu n’as pas à t’excuser." souffle Eleonora en caressant ses mains, avant de caresser sa joue, repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille. "Avec ton père nous savions que ce serait comme ça." elle murmure, les larmes aux yeux. "Nous savions que, quand tu nous reviendrais, tu aurais ta propre vie. Tu aurais ton propre passé, dont nous ne pouvions qu’être exclu…"