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 Alma * Tea is coming

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gare à la crise de la quarantaine
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Eleonora Richter
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Alma * Tea is coming
Jeu 13 Mai 2021 - 17:53
Alma
La journée s’annonce longue et compliquée pour l'infirmière, alors qu’elle souffre depuis le matin d’un violent mal de crâne. L’allure ralentie, la mine enchaînant les grimaces, la quadragénaire subie cette journée plus qu’elle ne la supporte pour être honnête. Même une aspirine ne l’a que partiellement aidé, illusion fugace d’aller mieux. Devant ses collègues qui s'inquiètent et lui proposent tous de s’asseoir un peu, de faire attention à elle, de prendre quelques minutes, Eleonora refuse poliment et continue de travailler, culpabilisant d’être dans un tel état. Parce que d'autres ont besoin d’elle, comptent sur elle et qu'elle ne peut leur faire faux bond. Alors malgré tout, elle avance, elle continue de travailler, même si ce n’est pas évident, même si elle préférerait rentrer chez elle et s’allonger un peu. Un peu ? Beaucoup.

Aux urgences, elle n'a pas le temps de s'arrêter. On a pas le temps de prendre du temps. Alors elle continue, elle avance. Parce qu'il y a toujours trop de monde qui attendent, trop de monde qui ont besoin d'elle, trop de monde qui ont besoin d'aide. Un homme tombe un toit de sa maison en voulant faire des réparations, deux accidentés de la route, un doigt coupé... Les urgences sont diverses et variées. Mais toutes requièrent l'entière disponibilité du personnel. Parce que, parfois, ça se joue à pas grand chose. Parfois, ça ne se joue qu'à quelques minutes.  

Il est midi lorsque Eleonora, la mine fatiguée, défaite, comme toujours depuis douze ans, prend la direction de la cafétéria, éreinté par cette matinée, désirant plus que tout prendre un thé, se laissant bientôt tomber dans un siège, posant devant elle un gobelet fumant dans cette salle bondée. Plongée dans ses pensées, une main massant sa tempe, elle en est sortie par une voix, une silhouette, qui demande à pouvoir s’asseoir.

«- Allez-y» répond-elle machinalement avant de relever la tête une collègue. «Oh ! Comment vas-tu ?» demande-t-elle en reconnaissant la silhouette qui s'installe.
...

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Re: Alma * Tea is coming
Dim 27 Juin 2021 - 22:30


coffee is coming


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C'est un drame ordinaire qui se joue depuis ce matin dans le service des urgences de la Klinik Fleetinsel. Depuis le début de la journée, la boîte contenant habituellement les dosettes de café demeure désespérément vide. La situation commence déjà à produire ses conséquences néfastes. L'agent d'accueil s'endort sur son ordinateur, l'aide-soignant a servi deux barquettes de confiture à un patient diabétique et l'interne est irritable au possible. Quant à moi, je suis littéralement au bord de l'implosion. Je peux aisément passer quarante-huit heures sans dormir, douze sans m'assoir et dix sans uriner mais il m'est tout bonnement impossible de faire l'impasse sur mes cinq à six tasses de café quotidiennes. En bonne cheffe de service, il est de mon devoir de gérer cette crise avant que la situation ne dégénère. Alors que je finis ma ponction lombaire et compte consciencieusement les gouttes de liquide céphalo-rachidien qui tombent une à une dans le dernier tube, je pense déjà à aller ravitailler mes collègues à la cafétéria. Ça, c'est une véritable urgence. Le type avec son nez qui coule qui râle dans le box de circuit court peut bien attendre.

Mes pas me guident instinctivement jusqu'au lieu de ma convoitise et l'odeur délicate des grains de café finit de m'attirer vers ma destination. Alors que je fais la queue derrière plusieurs collègues avides de ravitaillement, je remarque Eleonora assise ou plutôt échouée sur un siège dans un coin de la salle. Nous sommes censées travailler ensemble mais je l'ai à peine croisée depuis ce matin, nous avons passé les dernières heures à courir partout. Mes prescriptions, elle en a pris connaissance grâce à notre merveilleux logiciel qui nous épargne la nécessité de communiquer en face à face tels de véritables êtres humains. Arrivée au comptoir, je commande un seul et unique café puis je me dirige vers ma collègue. La rhinite attendra encore un peu, ça lui fera du bien de réfléchir au sens de sa vie. Arrivée à hauteur d'Eleonora, je lui demande si je peux m'assoir. Je hausse les sourcils en souriant lorsqu'elle me répond en me vouvoyant. Elle n'est vraiment pas réveillée ce matin. Je n'attends pas son invitation pour prendre place face à elle. « Ça ira mieux quand j'aurai avalé ce double espresso ! Et toi ? T'es aussi en plein syndrome de manque de caféine ? » Je m'empresse de prendre une gorgée de café pour traiter le mien au plus vite.
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Re: Alma * Tea is coming
Mar 29 Juin 2021 - 2:33
Alma
Depuis le matin il n'y avait plus une seule dose de café au service des urgences. Eleonora en avait largement entendu parler par ses collègues, qui se lamentaient de ne pouvoir avoir leur dose de caféine pour tenir leur journée, l'or noir étant pour beaucoup leur moyen de subsister en milieu hostile que les urgences pouvaient représenter. Si elle-même ne souffrait pas autant que ces derniers de cette pénurie - le thé étant toujours aussi infect mais bien présent dans le service, quoique infusé dans une eau tout juste tiède - elle ne pouvait pourtant pas en ignorer les effets négatifs sur sa propre journée alors que non contente de souffrir le martyr il lui fallait en plus supporter les humeurs de ses collègues en plein sevrage de caféine. Alors quand Alma suppose que sa collègue souffre peut-être tout simplement d'un problème d'expresso également, elle-même s'empressant d'avaler le sien, Eleonora dessinerai presque un sourire sur ses lèvres. Presque. Si elle savait encore comment faire. Mais le bonheur l'avait quitté depuis déjà bien longtemps.

"- C'est définitivement le branle-bas de combat dans tout le service depuis ce matin avec cette disparition des dosettes de café." remarque Eleonora. "Las, je crains de souffrir bien plus du néant de nos réserves d'ibuprofène aujourd'hui." poursuit-elle. "Je crains que ma céphalée ne me mette hors-jeu bien avant la mauvaise humeur de mes collègues en plein sevrage." soupire l'infirmière en posant le regard sur son interlocutrice.

Portant son gobelet légèrement tiédi à ses lèvres, la quadragénaire en prend une gorgée, grimaçant légèrement. Une chose était certaine, aucun patient ne venait à l'hôpital pour la qualité des denrées. Même le thé avait des allures d'eau tout juste infusé avec un sachet qui aurait déjà servi, nageant tristement dans le gobelet. Non pas qu'elle soit vraiment exigeante sur ce qu'elle pouvait ingurgiter… mais parfois, cela pouvait expliquer que certains médecins soient à cran. Ou gaspillent leur pause à traverser la rue pour se rendre au coffee-shop au bout de la rue, proposant de vraies boissons aux grains moulus ou des thés un peu plus exotique que la traditionnelle offre vert-menthe-citron.

"- Aucun docteur ou infirmière n'a encore craqué pour aller faire une course histoire de ravitailler tout le monde ?"

C'était presque étonnant que personne ne l'ait encore fait. Mais c'était aussi et surtout le signe d'une matinée chargée, épuisante, au cours de laquelle personne n'aurait vraiment pu se le permettre à moins de craquer complètement

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Re: Alma * Tea is coming
Mar 13 Juil 2021 - 22:36


coffee is coming

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Un flux croissant de soignants affamés s'amasse dans la cafétéria, faisant progressivement augmenter le volume sonore autour de nous. Mes yeux attirés par le brouhaha délaissent un instant mon gobelet. Mon regard se promène de visage en visage et je ne vois que des masques. J'ai souvent comparé l'hôpital à une gigantesque cour de récréation avec ses profils caricaturaux, ses dynamiques de groupes et ses rapports de domination. Tout le monde ment, tout le monde feint, c'est un secret de polichinelle. Depuis que j'évolue dans ce milieu, je me prête au jeu. Je m'adapte. Je dissimule mes faiblesses, je dompte ma sensibilité, je protège farouchement mon territoire et le système me récompense chaque jour pour ces prouesses banales. Je n'œuvre pas par plaisir mais par nécessité. C'est ainsi. C'est un mécanisme de survie dont on oublie trop souvent la fonction profonde, il devient rapidement une seconde nature. Sans doute que mon masque déteint peu à peu sur ma peau, que cette dernière subit depuis des temps immémoriaux une perte progressive de son caractère immaculé. Peut-être ne l'a-t-elle jamais véritablement été, immaculée. Drapée dans mon costume régalien, je me sens forte, puissante, indestructible. Quelque chose s'émaille toutefois lorsque je fixe trop longtemps les yeux d'Eleonora.

Je chasse cette sensation étrange que je préfère considérer comme vouée à l'inextricable et je me concentre sur le discours de mon interlocutrice. Les céphalées sont un mal fréquent parmi mes collègues et l'atmosphère des urgences n'y arrange rien. En bonne migraineuse moi-même, j'ai toujours une véritable pharmacie à disposition dans mon tiroir. Je tolère le fait que le personnel pioche exceptionnellement dans les réserves du service mais en arriver à une pénurie d'ibuprofène, c'est intolérable. « J'en ai dans mon bureau, je t'en passerai une plaquette tout à l'heure. Et rappelle-moi d'en toucher un mot à Steffie, c'est la troisième fois qu'elle oublie de faire les commandes. »  Je replonge dans mon café, quelque peu agacée. Être cheffe de service, c'est devoir entretenir des rapports hiérarchiques avec ses collègues. C'est un statut qui isole. Il y a quelques relations privilégiées qui échappent à cette dynamique, celle qui me lie à Eleonora depuis de nombreuses années en fait partie.

Je hausse les sourcils lorsqu'elle s'étonne que personne n'ait pris l'initiative d'engager une mission ravitaillement. Elle doit être quelque peu perturbée par son mal de crâne pour ne pas avoir remarqué le wagon de patients qui a littéralement submergé les urgences ces dernières heures. Je n'ai même pas eu le temps de m'octroyer une pause pour aller aux toilettes. A ce propos, je me fais la réflexion que la pénurie de café n'est peut-être pas une mauvaise chose pour nos vessies. La frénésie s'est brusquement interrompue il y a une dizaine de minutes. La salle d'attente est presque vide et il ne reste plus que six personnes sur des brancards en attente d'un transfert ou de résultats. « C'est exactement ce que je suis en train de faire avant que le service ne se transforme en scène de crime mais, comme on dit dans l'aviation, il faut toujours mettre son propre masque à oxygène avant de porter secours aux autres. »  Je lève mon gobelet de café en souriant avant de prendre une nouvelle gorgée. Mon masque à oxygène n'est définitivement pas assez serré.


Dernière édition par Alma Blackwell le Ven 16 Juil 2021 - 17:10, édité 1 fois
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Re: Alma * Tea is coming
Mer 14 Juil 2021 - 3:21
Alma
Elle allait peut-être mourir aujourd’hui, tant elle avait mal à la tête. Peut-être que cette céphalée finirait par faire exploser son cerveau. Ça lui paraissait presque possible et d’autant plus probable que le volume sonore s’élève au fur et à mesure des minutes qui passe, un certain nombre de collègues plus ou moins proches décidant de prendre, justement maintenant, une pause qu’ils ont cependant bien mérité et qui, seule, peut leur permettre de traverser l’épuisante journée qui est la leur, chargée de toutes les responsabilités que l’on place sur leurs épaules, gonflée de tous les espoirs qui reposent sur leurs silhouettes.

Alors que sa main la masse un instant, furtivement, la douleur lui arrachant une grimace, les mots d’Alma sonnent comme du miel à ses oreilles, par la perspective d’être bientôt soulagée sinon de ses maux au moins de son mal. Avec un peu de chance, il ferait effet suffisamment rapidement pour qu’elle ne soit pas condamnée à se trainer toute l’après-midi. Elle ne pouvait, du reste, pas même se le permettre. Prendre soin des autres avant de prendre soin d’elle-même, telle était la promesse qu’elle avait faite il y a longtemps, déjà.

Et pourtant, à ce miel du soulagement, se mêle l’acidité de l’incompréhension. Comment était-il possible qu’un hôpital vienne à manquer de médicament parce qu’un membre du personnel – dont c’était pourtant le travail – avait oublié de faire son travail. Oublié de s’occuper des commandes nécessaires pour que les soignants puissent travailler. Une remarque que, non contente de penser, Eleonora ne manque pas de faire éclater, à mi-chemin entre l’agacement et la surprise.

"- Comment peut-on oublier de faire les commandes de médicaments, dans un hôpital ?"

Et les médicaments n’étaient pas la seule chose qui manquait aux urgences aujourd’hui, comme en témoignait le besoin urgent de caféine pour bon nombre de soignants. Un besoin qu’ils ne pouvaient satisfaire, les précieuses dosettes d’or noire s’étant toutes comme volatilisés. Depuis le matin, alors, la cafetière faisait grise mine et les quelques chanceux qui avaient pu s’octroyer un café lyophilisés entre deux patients portaient encore sur leurs visages les stigmates de ce mauvais goût. A tel point qu’il était presque miraculeux qu’aucun soignant n’ai craqué et décidé de partir en mission ravitaillement – ou d’étrangler un patient -, un miracle d’avantage dû à l’affluence qu’il y avait eu, cependant, qu’à la raison.

"- Café ou pas café ceci dit, l’hypothèse d’une scène de crime dans nos couloirs n’est pas à exclure."

Parce que les patients, non contents d’être nombreux en un jour maudit – puisque sans café pour de trop nombreux soignants – avaient, en prime, décidés d’être chiant, pour beaucoup d’entre eux. Ou bien était-ce le manque de caféine – et dans son cas, d’ibuprofène – qui avait généralisé un agacement tel chez l’ensemble des blouses blanches, qu’ils avaient perçus le monde en gris, depuis le matin ?

"- Soyons honnêtes... ils se sont particulièrement donnés le mot ce matin. Non ?"

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Re: Alma * Tea is coming
Ven 16 Juil 2021 - 17:13



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La réflexion scandalisée d'Eleonora me fait soupirer. Dans un monde idéal, tous les employés de cet hôpital feraient preuve d'autant de zèle et d'investissement qu'elle. Dans un mode idéal, les infirmières bénéficieraient d'un temps dédié pour faire l'inventaire et les commandes au lieu d'avoir à sacrifier leur pause pour s'occuper de la pharmacie. Dans un monde idéal, nous aurions bien moins souvent la migraine.

Je hausse les sourcils tout en vérifiant que je n'ai pas d'appel en absence sur mon DECT. J'attends l'avis du chirurgien digestif le plus désagréable de la Klinik sur un cas d'occlusion et j'ignore quels fléaux bibliques s'abattront sur moi si je rate son appel. « Bonne question, Eleonora. J'espère qu'on est juste à court d'anti-inflammatoires et pas d'adré ou de morphine... » Je range dans la poche de ma tunique le téléphone tant redouté et détesté pour son pouvoir de nuisance bien que ce petit appareil ne soit qu'un pauvre messager innocent. Qu'est-ce qu'il attend pour me rappeler d'ailleurs, ce foutu chirurgien ? Depuis quand est-ce que ça prend deux heures de retirer un appendice ? Agacée, je replonge dans mon café.

Une scène de crime, c'est sans doute ce qui m'attend si je rappelle mon confrère en insistant pour que Monsieur Schmidt et son colon en souffrance montent au bloc avant l'heure du goûter. Personne ne m'avait dit à l'université que mon futur quotidien d'urgentiste consisterait à me battre, négocier, m'engueuler avec la terre entière et m'arranger avec la réalité pour mieux "vendre mes patients" aux autres services.  Il y a une part de moi que ce cinéma amuse et arrange. Je n'ai jamais cherché à éviter le conflit. Chaque affrontement est pour moi une occasion supplémentaire de faire mes preuves, d'assoir mon autorité et d'inspirer le respect.

Il me semble toutefois qu'Eleonora ne fait pas allusion à l'agité du scalpel dont j'attends le signe de vie mais aux patients particulièrement gratinés qui se sont décidés à franchir les portes des urgences ce matin comme elle ne tarde pas à le relever. Je hoche la tête avec conviction. « On est d'accord ! T'as vu celle qui a fait un scandale parce que j'ai refusé de lui faire un arrêt de travail pour des piqûres de moustiques ? C'est la pleine lune ou quoi ? » Gagnée par l'exaspération, je soupire à nouveau puis je laisse quelques secondes s'égrener avant d'éclater de rire. « Il faut vraiment qu'on aille se boire un verre, on devient sacrément aigries. »
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Re: Alma * Tea is coming
Lun 19 Juil 2021 - 0:08
Alma
La pénurie de café est une chose, la pénurie de médicaments en est une autre. Surtout dans un hôpital. Surtout quand la pénurie découle d’un oubli de faire les commandes. Un tel oubli, dans un établissement de santé, avait de quoi surprendre, de quoi interpeller. Car cela ne devrait pas être possible et Eleonora elle-même s’en insurge, soulignant l’incongruité de la situation. Et pourtant. Pourtant, elle sait parfaitement ce qui a pu mener à une telle situation, alors que les personnels soignants n’ont tout simplement pas le temps de faire les inventaires comme il le faudrait, sacrifiant alors leurs pauses pour remplir ces devoirs. Des pauses qui, parfois, sautent déjà pour d’autres motifs, parce qu’ils n’ont tout simplement pas toujours le temps ou les moyens d’en prendre. Parce que travailler dans un hôpital est loin, très loin, d’être une promenade de santé. Parce qu’on leur en demande plus, avec moins. Parce qu’il faut pouvoir être toujours sur tous les fronts. Mais tant que ce n'est que de l'ibuprofène qui manque et pas de la morphine ou de l'adré… la quadragénaire grimace. Ce serait catastrophique.

”- Souhaitons le en effet...” admet l’infirmière, en plissant le nez.

Au vu des urgences qui pouvaient frapper à n'importe quel moment, au vu des cas qui pouvaient se retrouver entre leurs murs, mieux valait que certaines substances ne viennent pas à manquer. Mais tout le service des urgences surveillait toujours soigneusement les stocks pour ces produits, considérés comme étant les plus importants. Ceux sans lesquels ils risquent de perdre des vies. Ceux sans lesquels ils ne peuvent tout simplement pas faire leur travail. Ceux sans lesquels ils imposeraient à leurs patients une douleur sans nom. une douleur que personne ne veut avoir à supporter. Le genre de douleur que seul l’alcool, peut-être, pourrait faire disparaître. Ceux sans lesquels les urgences de l’hôpital se transformeraient sûrement en scène de crime, ce qui n’était toutefois pas à exclure tout de suite, tant parfois les clients savent se montrer des plus agaçants. Ils en avaient eu quelques-uns de ce genre là aujourd’hui.

”- Je ne l’ai pas vu mais tout le monde en parle dans le service, il paraît que c’était très musclé !” remarque l’infirmière, avec une petite moue. ”Et encore, aujourd’hui aucun médecin n’a été blessé par un de ces charmants patients, nous devrions nous estimer heureux !”

Parce que les accidents dans la salle d’attente, les patients qui s’en prennent physiquement ou verbalement aux infirmières, ça arrive. Et plus souvent qu’on ne le pense, en plus. Aux urgences, on voit de tout. On affronte une certaine misère sociale, qu’il ne fait pas toujours bon de rencontrer. Eleonora l’avait, au cours de sa carrière, déjà expérimenté. Mais comme Alma éclate de rire, Eleonora concède que sa remarque est peut-être un peu aigrie. Un verre toutefois n’y changera sûrement pas grand chose. Cela fait des années, pour sa part, qu’elle est ainsi désabusée. Depuis le drame de son existence, finalement.

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Re: Alma * Tea is coming
Lun 16 Aoû 2021 - 1:52


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Je ris. Je ris car cette conversation est caricaturale. J'imagine la scène que nous sommes en train de jouer comme si j'étais cachée dans le décor, derrière un distributeur ou une plante verte. Eleanor et moi avons tout d'un duo iconique. Nous faisons la même taille, sommes dotées de la même silhouette élancée, de la même chevelure dorée et les océans clairs de nos yeux eux-aussi s'accordent. Lorsqu'on nous regarde parcourir côte à côte les couloirs de la clinique, il est aisé de se fourvoyer et de nous prendre pour des sœurs, des sœurs qui règneraient avec intransigeance sur l'empire impitoyable des urgences, de véritables personnages de fiction. Je m'imagine donc observer notre duo aux traits romanesques en train de râler avec véhémence à propos de problématiques quotidiennes mais vieilles comme le monde, du moins comme le monde de l'hôpital moderne et je ne peux m'empêcher de penser à ces pièces de théâtre comique auxquelles j'aimais assister lorsque j'étais étudiante à Édimbourg.

Certains trouveraient cela étrange de s'esclaffer alors qu'Eleonora vient d'évoquer les agressions insupportables que nous subissons bien trop régulièrement. Mon rapport à la violence a toujours été étrange. Je sais que je banalise le fait que je banalise, je rationalise le fait que je rationalise et je trouve l'ironie de ces cycles cognitifs hilarant. J'ai grandi en compagnie d'oncles qui nous chantaient des comptines avec un revolver mal planqué sous la chemise. C'était d'ailleurs leurs chemises qui attiraient mon attention. Je me demandais pourquoi est-ce que même presque neuves elles étaient si délavées, pourquoi est-ce qu'il semblait impossible de se débarrasser de la saleté, de la poussière et du sable sans altérer la blancheur initiale du tissu. Quand Zio Milo rentrait à la maison le visage couvert d'ecchymoses, il me disait qu'il avait raté son maquillage puis il éclatait de rire en me soulevant dans les airs alors je riais aussi pendant que l'air faisait gonfler ma jupe, je riais d'un rire presque sincère. La violence m'est aussi familière que les cannoli de ma mère. Peut-être que c'est pour ça que je suis tellement à l'aise dans mon empire impitoyable.

On s'évertue tous à cacher notre passé, nos drames, nos secrets mais la manière dont la vie nous façonne et détermine nos contours nous trahit à chaque instant. J'en suis l'exemple parfait, Eleanor aussi. J'ai parfois du mal à la regarder trop longtemps tant sa tristesse m'assaille. Je crois que je n'ai jamais vu une tristesse aussi pure. Elle s'est cristallisée dans ses yeux et ne les quitte jamais. Elle lui est sans doute devenue familière jusqu'à presque se fondre avec son identité. Après toutes ces années, qu'en faire sinon l'accepter, l'accueillir et danser avec elle ? C'est ce que j'ai fait avec la violence. « Je suis sérieuse pour le verre, ça nous ferait du bien de sortir un peu. Cet hôpital va finir par nous rendre dingues. » Sans doute aussi qu'il nous sauve, aussi bien elle que moi. Pour nous, notre métier est bien plus qu'un métier, c'est aussi pour ça que notre binôme est épique.
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Re: Alma * Tea is coming
Mar 17 Aoû 2021 - 18:48
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La pénurie de café est une chose, la pénurie de médicaments en est une autre. Surtout dans un hôpital. Surtout quand la pénurie découle d’un oubli de faire les commandes. Un tel oubli, dans un établissement de santé, avait de quoi surprendre, de quoi interpeller. Car cela ne devrait pas être possible et Eleonora elle-même s’en Un verre leur ferait certainement du bien, en tout cas, il ne pouvait pas leur faire de mal. Avec tout ce qu'elles avaient l'habitude de vivre à l'hôpital, elles avaient en tout cas bien besoin de se détendre un peu, de penser à autre chose, de se délasser le temps d'une soirée. Elles méritaient largement de prendre ce temps pour elle, de prendre un peu de repos pour décompresser. Un verre, une simple soirée, seulement de quoi essayer de recharger leurs batteries et d’aller un peu mieux même si, dans le fond, Eleonora n’irait jamais réellement mieux. Elle était trop marquée par la vie, trop blessée, trop brisée en son fort intérieur pour être réellement atteinte par les considérations qui pouvaient tant peser sur les épaules de ses confrères et consoeurs. Si ses collègues de travail pouvaient parfois se sentir écrasés par les inconvénients de leurs postes, elle n’avait pas le même ressenti. Cela n’avait pas sur elle le même impact. Quelque part, depuis des années, les choses du monde extérieur roulaient sur elle comme des gouttes de pluie. Elle a connu le malheur, Eleonora. Et elle l’a connu beaucoup trop violemment, trop brusquement, pour qu’aujourd’hui des choses aussi simples, aussi banales dans son existence finalement, puissent la toucher. Le drame de sa vie, elle l’a déjà vécu. Il n’y a plus rien qui puisse vraiment l’atteindre aujourd’hui, alors. Pour l’être, encore faudrait-il qu’elle vive. Cela faisait longtemps qu’elle en avait cependant perdu la définition, se contentant d’exister en attendant des jours meilleurs, en attendant le retour de cet enfant que la vie lui avait donné après des années de galère, avant de la lui reprendre.

”- Tu as certainement raison.” acquiesce la blonde. ”Peut-être le sommes nous déjà...”

Elle, probablement. Sa vie n’avait plus aucun sens ni aucune saveur depuis longtemps, se résumant à partager son existence entre l’hôpital et sa demeure, où elle attendait toujours de voir sa fille pousser la porte et lui revenir, sans jamais que ses rêves ne prennent vie. Au lieu de cela, elle croisait parfois un mari avec lequel elle ne vivait plus, qu’elle aimait encore si fort, sans pouvoir le lui dire, tant une part d’elle le tenait responsable de la perte qui était la leur, la poussant à le tenir à distance, à refuser son soutien, sa présence, pour ne pas risquer de pourrir ce qu’il restait d’eux.

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Re: Alma * Tea is coming
Dim 12 Sep 2021 - 16:48


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Le cynisme noir d'Eleonora m'aurait sans doute arraché un éclat de rire si mon estomac n'était pas rempli de billes de plomb. Je me sens terriblement lourde sur la chaise dure et minimaliste de cette cafeteria hospitalière qui ressemble à s'y méprendre à toutes les cafeterias hospitalières dont j'ai eu le privilège de siphonner les stocks de café ces cinq derniers lustres. Les répliques qui viennent d'être prononcées résonnent dans mon esprit. Dingue. Taré. Fou. Je crois bien que ce mot en dit davantage sur la personne qui le prononce que sur celle qu'il désigne. Il vient donner une structure intelligible aux marges émoussées des sociétés, il se glisse derrière les confins arbitraires et mouvants de la norme, éclaboussant de lave les falaises des déviances. Tout cela, c'est la théorie. La pratique peut s'avérer bien plus lourde de complexité.

La folie est un spectre qui plane au-dessus de nous depuis fort longtemps. Nous, les Blackwell. Elle nous prend dans son ombre et nous prive du soleil si tant est qu'on essaie de la fuir. On a toujours dit de mes parents qu'ils étaient fous. Mon père était le genre de fou qui captive le regard. Solaire, fantasque, mi-artiste, mi-savant. Il trimballait partout avec lui son sac-à-dos délavé rempli d'objectifs. Il était capable d'arrêter notre vieille voiture au beau milieu de la route pour saisir sur sa pellicule un paysage ou un autre. Il disait que s'il le laissait s'échapper, il serait perdu pour l'éternité, comme lorsqu'on oublie de faire un vœu devant une étoile filante. Parfois, un petit embouteillage se formait derrière nous et quelques klaxons retentissaient dans la campagne écossaise, alors j'attrapais le panier en osier qu'on gardait sur la plage arrière, je descendais sur l'asphalte et je distribuais des fleurs séchées aux automobilistes qui voulaient bien baisser leur vitre. Les gens disaient qu'on était dingues ou le pensaient très fort mais ils le faisaient en souriant. Ma mère, c'était différent. Quand on la traitait de folle, on le faisait en murmurant, en détournant le regard, comme si son insanité était contagieuse voire létale.

Peut-être que nous le sommes déjà. Je souris tristement à ma collègue en avalant une nouvelle gorgée de café. Quoi qu'elle fasse, qu'elle croupisse sous le poids de la douleur incommensurable de l'absence ou qu'elle ait l'audace de s'octroyer ne serait-ce qu'une seconde de joie, il y aura toujours quelqu'un pour qualifier Eleonora de folle car il y aura toujours en elle quelque chose qui dérangera la norme. L'hôpital est l'endroit parfait pour planquer les personnes comme elle. Elle peut se noyer dans le travail jusqu'à l'épuisement, cachée derrière sa sacro-sainte vocation et on l'applaudira. Si elle explose de rage, de tristesse ou de désespoir, on pourra toujours prétendre que c'est à cause du boulot et on s'épargnera l'effort de poser trop de questions. Peut-être même qu'on la réconfortera, qu'on la plaindra, qu'on la glorifiera et elle étouffera encore un peu plus sous ces éloges au goût d'arsenic. Je hausse les épaules. « Si on ne l'était pas un minimum on ne bosserait pas ici. » Une réplique masquant sa profondeur derrière les atours d'une banalité. « Peut-être que si j'étais pas dingue, je serais fleuriste ou, je sais pas, guide de haute montagne. Et toi, tu serais quoi ? » J'avais du mal à l'imaginer sans ses yeux lourds et ses traits tirés. Peut-être que sans tout ce plomb dans l'estomac, on aurait pu devenir ce genre de personnes qui ouvrent une boutique de cupcakes. Cette potentialité me fronce les sourcils. Réaliser un glaçage me donne plus de sueurs froides qu'examiner une fracture ouverte. Je hausse à nouveau les épaules en masquant un soupir derrière un sourire de convenance. Dingue, je le suis sans doute déjà.
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Re: Alma * Tea is coming
Dim 12 Sep 2021 - 22:18
Alma
Dingues, elles le sont peut-être déjà toutes les deux. Peut-être qu'il faut l'être, pour travailler dans la médecine. Peut-être qu'il faut l'être, pour mettre sa santé en danger au quotidien afin de sauver celle des autres. Peut-être qu'il faut l'être pour accepter de bosser aux urgences, où l'on n'est jamais à l'abri de se faire casser la figure par un patient mécontent du temps qu'il doit attendre. Dingues, elles le sont peut-être déjà, pour avoir acceptés des métiers qui ne leur laissent que peu de vie privée, que peu de moments pour soi. Dingues, elles le sont peut-être devenues, par le manque de café, par les heures supplémentaires non payées, par les abus et par les comportements parfois agaçants des patients ou pire encore, par ceux de leurs collègues. Dingues, peut-être que c'est leur hiérarchie qui les a rendus ainsi. Ou tout simplement ce métier, qui les épuise, qui les vide de toute leur énergie, mais dont elles ne se verraient pourtant pas changer. Dingues, elles le sont peut-être d'ores et déjà, à continuer de s'accrocher à de telles carrières, détruisant leur vie sociale pour permettre à d'autres d'en avoir encore une. C'est une folie qui les habite peut-être depuis leur serment d'Hypocrate. Peut-être même d'avant. Du moment où elles ont décidé de se lancer dans des études en médecine. Du moment où elles ont décidé de dédier leur vie à sauver celle des autres.

Dingue, peut-être qu'Eleonora l'est depuis des années, depuis qu'elle a perdu sa fille, depuis ce soir où Isadora n'est pas rentrée. Si la médecine l'a épargnée, peut-être que c'est à ce moment précis qu'elle est devenue complètement folle, qu'elle est devenu complètement barrée. Quand elle a perdu son but dans son existence, quand elle a perdu sa raison de vivre. Peut-être que c'est à ce moment-là que la folie s'est vraiment emparée d'elle, la poussant plus encore à se retrancher dans ce métier épuisant, pour oublier cette vie qui ne l'a pas épargné. Dingue, elle l'est peut-être depuis le moment où elle a décidé de se lancer dans la médecine, alors même que sa santé a toujours été compliquée, que sa maternité a été difficile. Dingue elle l'est peut-être depuis longtemps, alors qu'elle a toujours vu les femmes enceintes passer les portes de l'hôpital, venir aux urgences, complètement paniquées, alors même que son ventre, pour sa part, ne se décidait pas à lui offrir son rêve, ne se décidait pas à lui offrir l'enfant tant attendu.

Et si toutes deux n'étaient pas dingues, alors qui seraient elles, que seraient-elles devenues ? C'est difficile à dire, difficile à estimer. Et pourtant Alma semble pour sa part en avoir une idée, quand la question prend sa collègue de court. Car dingues, Alma le reconnait, elles le sont sûrement au moins un peu, pour travailler ici. Alors, si elles avaient été saines d'esprit, quelles auraient été leurs vies ? Qu'auraient-elles fait ?

”- Peut-être serais-je devenue enseignante...”

Mais dans ce cas, alors, elle aurait cessé d'exercer depuis des années, rongée par l'absence de sa vie.

...

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Re: Alma * Tea is coming
Sam 4 Déc 2021 - 23:30


coffee is coming

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Enseignante, quelle idée. Je préfère encore traiter des rhinopharyngites à quatre heures du matin. Je n'ai jamais eu la douceur ni la patience d'Eleonora. J'ai toujours été abrupte, rugueuse, froide. Il y a quelque chose de lumineux en moi mais cette lumière est comme celle du soleil qui se réfléchit sur les glaciers d'Islande. Je ne supporte pas les effusions trop chaleureuses, le miel écœurant et visqueux dans la tisane des relations humaines provoque en moi une insoutenable nausée. Il me semble que je n'étais pas la pire des figures éducatives lorsque j'élevais mes neveux et nièces mais il n'y a pas un jour où cet exercice ne m'a pas paru laborieux. Je n'ai jamais eu à fournir d'effort pour les aimer du plus profond de mon être mais pour tout le reste, si. J'ai abordé cette expérience comme n'importe quel projet, avec anticipation, rigueur et organisation. Je planifiais les moments d'affection et les discours positifs afin qu'ils n'aient pas à souffrir de ma tendance spontanée à la rudesse. « T'aurais fait une bonne enseignante. » Cette réflexion semble s'arracher à mes songes. Je reprends contact avec la réalité, esquisse un sourire puis m'empresse de la compléter. « Mais si t'étais partie vers cette voie, tu n'aurais jamais eu l'opportunité unique de prendre en charge un type avec une tige de pâquerette dans l'urètre. » Un léger éclat de rire s'échappe de mes lèvres lorsque je repense à l'excuse ridicule que le patient avait tenté de nous faire avaler, bien conscient devant nos regards ahuris qu'il venait de faire son entrée dans le palmarès de nos meilleures histoires de garde.

La sonnerie de mon DECT résonne enfin. Je plonge ma main dans ma poche et en sort le fameux téléphone, les yeux remplis d'un espoir qui brutalement s'évapore lorsque je réalise que c'est mon service qui m'appelle et non cet abruti de chirurgien. Je prends la communication et vocifère sur l'aide-soignant qui insiste avec véhémence pour que j'abrège ma pause afin de m'occuper du nez qui coule avant que les urgences n'explosent. Je raccroche, pose brutalement le téléphone sur la table et soupire. « C'est pas mal, guide de haute montagne, non ? » Ma main se crispe autour de mon gobelet et j'en vide la quasi-intégralité, sentant la pression m'attirer vers mon poste de travail mais je lutte, ne souhaitant pas donner satisfaction au système aussi facilement alors que mon premier café de la matinée est encore brûlant.
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Re: Alma * Tea is coming
Lun 6 Déc 2021 - 16:51
Alma
Est-ce qu’elle aurait fait une bonne enseignante ? Peut-être. Peut-être pas. A vrai dire, elle n’en sait trop rien. Elle aurait sûrement eu la patience et l’investissement nécessaire. Aurait-elle eu, toutefois, de la pédagogie ? Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait apprendre, à son sens. Certains étaient pédagogues, d’autres ne l’étaient pas, c’était aussi simple que ça. Ce n’était même pas forcément une question de volonté mais parfois, seulement de capacités. Elle en était convaincue. Et puis, quand bien-même elle aurait été bonne dans ce métier là, elle ne le pratiquerait plus aujourd’hui. Elle aurait sûrement arrêté en perdant sa fille, parce que voir des enfants, voir des parents surtout, c’était parfois difficile. Trop difficile. Alors certes, elle en voyait tout de même en étant infirmière… mais bien moins que si elle avait été un personnel enseignant, évidemment. Tous ces bambins l’auraient toujours ramenés à ce moment où elle avait perdu sa fille, à son, propre enfant disparu, qu’elle n’était pas sûre de revoir un jour, tout en ayant pourtant l’assurance que celle-ci était vivante.

La pâquerette dans l'urètre, c’était sûrement l’anecdote la plus rocambolesque de toute sa carrière. Certes, si elle était devenue enseignante, elle n’aurait jamais eu celle-ci à raconter à ses amis. Elle en aurait certainement eu d’autres. Les enfants n’avaient pas leur pareil pour fournir de rocambolesques excuses, eux aussi. Et certains, parfois, pouvaient être presque crédibles.

”- Mais j’aurai peut-être eu des enfants plus doués dans les excuses - enfin les couleuvres - qu’ils auraient essayés de me faire avaler pour justifier certaines de leurs plus belles bêtises. Ou plus doués que le fameux type à la pâquerette.”

Car tel était et serait toujours le surnom de cet homme, dans le service. Après cet épisode, d’ailleurs, elle l’avait revu une fois pour son fils. Les collègues n’avaient pas pu retenir leurs rires. Elle avait essayé, elle, de rester alors la plus professionnelle possible pour prendre la famille en charge. Étant la plus brisée, elle avait aussi moins de mérite, certainement.

”- Et paisible, surtout ! Seuls les bouquetins et les marmottes pour perturber ta journée de travail et tes pauses… C’était quoi cette fois ? Rupture du stock de gaze ?”

...

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