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 petit déjeuner surprise / Alma

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petit déjeuner surprise / Alma
Dim 16 Mai 2021 - 19:11
Il est tôt et je suis déjà debout. La nuit a été rude, je n’ai pas très bien dormi, je me suis réveillé au beau milieu de la nuit en sursaut comme d’habitude. C’est peut-être parce que je sais que j’ai ma séance de psy tout à l’heure et que ça m’angoisse tout le temps de devoir y aller. J’ai un peu évolué en deux ans, mais je suis toujours sous traitement et je commence à en avoir un peu marre. Je n’aime pas tellement tout ces regards chaque fois que j’y vais. J’ai l’impression qu’on me prend pour un dingue, peut-être que c’est ce que je suis finalement ?

J’ai veillé toute la nuit en lisant un bouquin sur la physique évidement et j’ai bu beaucoup de café. J’ai sans doute somnolé un peu avant de véritablement me lever et de me préparer. Ma mère était levée, elle avait préparé un petit déjeuner. Je l’ai mangé pour lui faire plaisir, mais je n’ai pas tellement d’appétit. Je l’embrasse sur la joue avant de prendre mon sac et de partir pour l’hôpital. J’ai rendez-vous assez tôt, alors ça me permet de ne pas manquer un cours et de ne pas être en retard au laboratoire.

J’ai pris le métro et je me retrouve rapidement devant l’hôpital, mais je ne vais pas tout de suite au service psy, je passe par les urgences, comme je fais habituellement. Sur la route j’ai été cherché des viennoiseries que j’ai dans un sac en kraft. Je connais un peu le personnel à force d’y être venu, certains me dise bonjour, c’est un peu comme une deuxième maison, même si j’aimerais n’être jamais venu ici. La première fois que je suis venu ici c’était il y a dix ans, j’ai tenté de me suicider cause du harcèlement scolaire, pendant un an j’ai suivi une thérapie et je pensais en être sorti et puis j’ai rencontré Shawn il y a quelques années. Quand on se disputait ça se terminait toujours mal pour moi. La plupart du temps il me déposait et il attendait dans la salle d’attente. Je n’avais pas tellement envie de repartir avec lui et je finissais par le faire et il y a deux ans il est passé par la fenêtre parce que je l’ai poussé trop fort. C’était un accident. Je suis revenu à la case départ à devoir refaire une thérapie que je poursuis aujourd’hui même si maintenant je peux venir une fois par semaine, avant c’était tous les jours et j’étais disons le « interné ».

Je n’aime pas revenir ici, mais je n’ai pas vraiment le choix. Il faut que je vienne si je veux aller mieux et je veux aller mieux. Je ne sais juste pas comment faire. Je ne sais plus vraiment à qui je peux faire confiance ou pas, tout ça m’a changé. J’essaie de reprendre ma vie en main, mais ce n’est pas si simple. Les médecins sont plutôt gentils avec moi. Certains d’entre eux comme Alma que je viens justement voir, on fait beaucoup pour moi. Je ne la remercierais jamais assez, c’est un peu pour ça que je viens chaque fois que je passe ici et aujourd’hui je leur ai pris un petit déjeuner je sais qu’ils travaillent beaucoup. J’ai un sourire timide lorsque je la vois.

« Salut. Je ne dérange pas ? Je … J’ai apporté ça, je me suis dis que vous n’aviez peut-être pas eu le temps de manger quelque chose alors voilà. »


Je montre le petit sac avec le nom d’une boulangerie. J’espère que ça leur fera plaisir, en particulière à Alma qui m’a beaucoup soutenu. Je passe toujours lui dire bonjour quand je viens ici.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Lun 17 Mai 2021 - 22:40


petit déjeuner surprise

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Quelle nuit. Je n'ai pas fermé l'œil une seule seconde. Mes muscles sont endoloris et ma gorge est tellement sèche que ma salive brûle mes muqueuses sur son passage. J'ai eu ma dose d'adrénaline pour la semaine. Un polytraumatisé sur accident de moto, un infarctus du myocarde et une overdose qui a fini arrêt en cardio-respiratoire pile au moment où je pensais pouvoir aller m'allonger, le tout au beau milieu des cystites, des entorses de cheville et des rhinopharyngites. J'ai l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur mais je sens que mon cœur palpite encore avec force dans mon thorax. L'adrénaline m'empêchera sans doute de trouver le sommeil avant le milieu de la matinée. Je ne m'en formalise plus depuis le temps. J'ai mon petit rituel. Après les transmissions, je me dirige vers la salle de pause et je me prépare un café. Il s'agit autant de décompresser que de glaner l'énergie suffisante pour faire la route jusqu'à la maison sans risquer de me retrouver plus tôt que prévu aux urgences, de l'autre côté du brancard. Ces quelques instants précieux sont une forme de sas entre le monde hospitalier et celui du dehors. La transition est parfois brutale, autant que le rayon de soleil qui ne manquera pas de m'éblouir dès que j'aurais franchi les portes du bâtiment. C'est la collision de deux univers, une expérience singulière qui ne manque pas de me surprendre à chaque fin de garde.

Mon esprit divague tandis que le café coule dans ma tasse. Si le débit de la machine n'avait pas cessé automatiquement, j'aurais sans doute recouvert le plan de travail de liquide brûlant. Je finis par me réveiller, j'attrape mon mug fétiche et je pars en direction des vestiaires. Alors que je traverse le couloir, un visage familier me surprend. Mickey Parker. Je souris en haussant les sourcils. Des patients, j'en ai vu défiler des milliers pendant ma carrière mais il y en a qui marquent. Il y en a dont le nom surgit parfois dans mon esprit sans crier gare. Il y en a dont je pourrais réciter par cœur le taux d'hémoglobine ou la créatininémie. Ce sont ceux qui me rappellent mes failles et mes erreurs, qui peuplent désormais mon petit cimetière personnel et ceux dont je me rappelle lorsque je perds un peu le sens de mon métier. Le jeune homme qui se tient devant moi, un sachet en kraft rempli de viennoiseries dans la main fait partie de cette seconde catégorie.

Je ne suis pas du genre à m'attacher aux patients, pas plus que n'importe quel médecin. Nous faisons chacun irruption dans la vie de l'autre et nous vivons une expérience commune. Nous partageons quelques minutes ou quelques heures parfois intenses et je les consacre à me battre pour eux avec zèle et application avant de refermer la parenthèse. Il m'arrive d'être impactée par ce que je vois, par ce que j'entends, par ce que je vis mais quelle que soit l'issue de ma prise en charge, j'ai appris à reprendre mon chemin sans trop regarder en arrière. Parfois, cependant, c'est plus fort que moi. Parfois, lorsque je franchis les portes de la clinique, j'emporte avec moi des histoires, des visages et des voix. Des traits fins et espiègles malgré la tristesse. Des yeux marron clair. Des équations au dos d'un bon de radiologie. Mickey Parker.

Il vient souvent. Il est rare de nouer une telle relation avec les patients lorsqu'on travaille aux urgences. La rencontre est souvent ponctuelle, eux aussi reprennent leur chemin. Il y a pourtant ceux qu'on appelle les habitués, les personnes atteintes de maladies chroniques instables qui décompensent régulièrement, les individus en rupture sociale, les toxicomanes, les victimes de violences. Souvent, d'ailleurs, tout se mêle. Ce jeune homme, je suis très heureuse de ne plus le croiser sur un brancard. « Bonjour Mike ! » C'est ainsi qu'il m'avait demandé de l'appeler. Il m'est bien plus aisé de ne pas le nommer Monsieur Parker maintenant qu'il n'est plus mon patient. « Vous savez bien que vous ne nous dérangez jamais, surtout quand vous nous amenez à manger ! Merci beaucoup ! » Mon sourire s'élargit pendant que j'attrape le sac de viennoiseries dont s'échappe une délicieuse odeur. « Comment vous allez ? Vous voulez un café ? » Je plonge mes lèvres dans le mien en attendant sa réponse. Ce n'est pas mon habitude de proposer des boissons chaudes à tous mes anciens patients mais Mickey Parker n'est clairement pas n'importe quel ancien patient.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Mar 18 Mai 2021 - 19:05
Je n’aime pas venir ici. Je n’ai jamais ça, qui aime l’hôpital ? Personne à part ceux qui y travail et encore parfois même eux n’en peuvent plus. Ils ont beaucoup de courage et de patience de s’occuper de tout le monde, des cas graves, comme des moins graves. Ils encaissent tout ça et je ne sais pas comment ils font, de voir des tas de personnes qui vont mal et qui parfois ne s’en sortent pas. Ça ne doit pas être facile. Ils ont dû en voir de toutes les couleurs. Je peux bien leur apporter des viennoiseries de temps en temps, pour tout ce qu’ils ont fait pour moi ça vaut au moins ça, ça vaut même plus que ça même.

Je ne saurais dire le nombre de fois ou je suis venu ici, je dois avoir un dossier gros comme le monde. Au début c’étaient des petits bleus, je ne venais pas, je me soignais tout seul, mais rapidement c’est devenu plus que ça. Il m’emmenait toujours ici quand il se rendait compte qu’il était allé trop loin et qu’il m’avait trop frappé. Il était soûl la plupart du temps et il s’excusait je le croyais alors je lui laissais toujours une chance, puis je l’aimais. Il y a cette fois ou il m’a balancé une bouteille de verre sur la tête, j’ai encore une fine cicatrice sur le coin de l’arcade sourcilière. Il avait le chic pour expliquer les accidents et dire que ce n’était pas. Que j’étais maladroit. Que je me prenais les portes et je le couvrais parce que je l’aimais, mais ce n’était plus suffisant. Je ne pouvais plus le laisser faire. Je me souviendrais toujours de cette fois ou je l’ai repoussé. A cause de lui j’ai passé plusieurs mois à devoir expliquer que c’était un accident, heureusement qu’ils ont trouvés des preuves, heureusement les médecins et surtout Alma ont été interrogé et m’ont soutenu. Je me suis finalement sorti avec un non-lieu. Je n’étais pas coupable, mais ça m’a bousillé. Je suis toujours là aujourd’hui à suivre une thérapie qui n’en finit pas et à avoir l’impression que je suis complètement dingue. Je voudrais tellement que tout ça ne soit jamais arrivé, ne jamais avoir croisé sa route. Je souris et je lui réponds :

« Ce n’est pas grand-chose comparé à ce que vous avez fait pour moi. »

Elle me demande comment je vais. Je n’aime pas cette question. Je n’aime pas qu’on me demande si ça va, parce qu’en général je fini toujours par répondre oui pour éviter les questions gênantes, mais Alma c’est différent, ou devrais-je dire le docteur Blackwell. Elle me connait bien, elle saura que je mens et je n’ai pas envie de lui mentir. Je hausse les épaules et lui dit :

« Le jour ou j’irai bien j’imagine que je ne viendrais plus ici et je veux bien un café, la nuit a été … mouvementé. »

Elle sait surement que j’ai toujours des angoisses et des terreurs nocturnes, elle a dû lire mon dossier ou du moins demander si elle pouvait le lire, je ne sais pas ce qu’ils peuvent faire ou non. Je sais juste qu’il y a le secret professionnel, ils n’ont pas le droit de donner de nom quand ils parlent de nos cas enfin je crois que c’est ça.

« Et vous ça va ici ? Ce n’est pas trop dur ? »

J’imagine qu’ils en voient de toutes les couleurs.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Sam 22 Mai 2021 - 10:41


petit déjeuner surprise


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Je prends une profonde inspiration, humant pour la énième fois le doux parfum des viennoiseries. Je ne suis pas devenue médecin pour recevoir des médailles, des lauriers ni des petits déjeuners gratuits mais je dois avouer que ce genre d’attentions met toujours du baume au cœur et contraste avec l'âpreté de certaines interactions. Les urgences sont un univers hostile et anxiogène qui pue la maladie, la mort, la peur. Littéralement. Cette atmosphère est propice à la violence, à l’agressivité, aux décompensations en tout genre. Parfois, toutefois, entre les murs aseptisés et sous les néons blafards, il arrive que des moments précieux se distinguent du chaos. Plus rarement encore, des liens se tissent et perdurent. C’est ce qu’il s’est passé avec Mickey. Ce serait mentir de prétendre que je ne tire aucun crédit de l'amélioration de son état mais la réalité, c’est que les astres étaient alignés. Il était venu les bons jours. Ceux où nous n’étions pas surchargés, épuisés, exaspérés. Ceux où nous pouvions nous payer le luxe de nous attarder un peu auprès d'un patient, de ne pas nous cantonner à la technique, de faire de la belle médecine. De la médecine humaine. J'ignore si le jeune homme qui se tient face à moi sait qu'il a été une heureuse exception. Alors que mes doigts froissent le papier kraft, j'accepte ses remerciements en m'engageant à faire mieux. Faire encore mieux. Mes erreurs m'ont beaucoup appris mais ce sont les patients comme lui qui m'ont toujours poussée vers l'excellence.

Je demande à Mike comment il va et sa réponse franche et spontanée me donne matière à songer. Il fait preuve d'une maturité que je respecte et je suis fière de l'entendre s'exprimer ainsi, honnêtement, sincèrement, sans détour. Pour ma part, j'ai depuis des temps immémoriaux pris l'habitude de répliquer que j'allais bien avant de me poser réellement la question. Je trouve ça terriblement puissant de parvenir à ne pas éluder ses problèmes sans en faire tout un drame mais ça n'a jamais été mon naturel. Mon déni a toujours été l'un des moteurs de mes accomplissements, je ne suis pas prête à m'en séparer. Je souris discrètement en hochant la tête lorsque Mickey accepte ma proposition. Les nuits mouvementées, je ne sais que trop bien ce que c'est. Lorsque ma sœur s'était installée chez moi après son séjour en clinique psychiatrique, je l'entendais se réveiller en hurlant à travers les murs trop fins de notre petite maison. Je la retrouvais quelques minutes plus tard dans la cuisine avec un verre de vin blanc. Je m'en servais un moi aussi et nous restions là, toutes les deux, jusqu'à l'aube.

« Suivez-moi ! » J'ouvre la voie et je rebrousse chemin vers la salle de pause où se situe la sacro-sainte machine à café. J'élargis mon sourire lorsque Mike prend de mes nouvelles. « Personne ne m’a vomi dessus cette nuit donc je n’ai pas à me plaindre ! Je viens de finir ma garde, on a le temps de prendre le café tranquillement. » C'est une réflexion utopiste, dès lors que je traîne dans mon service vêtue de ma tenue hospitalière, je sais que je peux être alpaguée à tout moment. Après avoir posé le sac de viennoiseries sur la table, je mets une dosette dans la machine à café, j'attrape un mug très kitch orné de photographies de chatons que je pose sur le repose-tasses puis je le lance la préparation de la boisson. Pendant que le liquide sombre coule, je tourne la tête et jette un regard derrière mon épaule. « Comment ça se passe à l'université ? Vos recherches avancent ? » Toujours aussi souriante, je tends son café au jeune homme. Je lui parle de ses études car c'est ainsi que j'ai toujours abordé les gens qui souffrent, en mettant l'accent sur leurs forces, leurs talents et en m'évertuant à les tirer vers le haut. C'est également quelque peu égoïste car c'est un sujet que je me plais à évoquer. J'adore les urgences mais il est vrai que l'ambiance des laboratoires me manque. On y expérimente une autre saveur d'adrénaline.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Dim 23 Mai 2021 - 21:12
Je n’aime pas venir ici, je n’aime pas mais j’y suis quelque peu obligé si je veux aller mieux et je veux. Je le veux vraiment, tourner la page, ne plus me sentir aussi mal, je veux que ça change, que ça s’arrête. Je suis plutôt sur la bonne voie, ça serait dommage de tout arrêter alors je viens chaque semaine, je viens et j’espère toujours que le médecin me dira que je peux diminuer mes doses d’anxiolytiques, mais ce n’est pas encore le cas. Je fais trop de cauchemars, trop de crises d’angoisse. Il préfère que je continue à les prendre et ça m’aide je le sais bien, mais j’espère sincèrement qu’un jour tout redeviendra comme avant, avant que je ne l’aie rencontré lui, ce type qui m’a complétement changé et qui a fait basculer toute ma vie. J’aurais donné le monde pour lui, j’aurais fait n’importe quoi. Je l’aimais et c’est au fond ce qui est le plus incroyable dans toute cette histoire, je l’aimais vraiment. Je dois avoir un problème pour aimer toujours des types qui me font du mal. Evidement je n’aimais pas quand il me faisait mal, mais il trouvait toujours le moyen de m’attirer à lui et il redevenait gentil, presque innocent. Mais il recommençait toujours et cette fois là … j’en ai eu assez, ça à tourner au drame. Je suis un peu perdu dans mes pensées alors qu’elle m’a emmené jusqu’ à la machine à café. Je me suis arrêté en repensant à tout ça, les yeux dans le vague. Les images reviennent quelques peu. Je secoue la tête pour chasser mes pensées et me concentre sur le médecin urgentiste.

J’ai un tout petit sourire lorsqu’elle me dit que personne ne lui a vomit dessus. Ils doivent en voir de tous les couleurs. Je me souviens quelquefois ou je suis venu ici. Il y avait un peu de tout, dans les brancards, des petits bobos ou des moins gros. Je jette un œil au couloir à la porte de ce service ou je n’ai pas le droit d’être et elle me fait penser aux grandes portes qui s’ouvrent en grand lorsqu’on arrive et pendant un court instant, je me revois au milieu de tout ce monde, paniqué, les mains tremblantes à regarder Shawn partir sur le brancard. De nouveau je reste immobile, comme si je revivais ce moment terrible. Mes yeux sont figés sur la porte alors qu’elle se sert du café et je ne l’écoute plus vraiment. Toutes les images reviennent dans ma tête. Sur mon visage mon expression est vide, comme si je n’étais plus vraiment là et en même temps mes yeux scrutent cette porte. Je n’aime pas venir ici à cause de ça également, j’ai souvent des flash-backs qui me donnent l’impression d’être vraiment dingue, comme maintenant ou je suis incapable de me reprendre et de bouger. Je reste là a voir ces images défiler, j’ai l’impression de me dédoubler parce que je me revois tout faire.

Je me revois suivre le brancard, supplier qu’ils le sauvent, mais il était déjà trop tard et je sens même une pression sur mon bras comme lorsque les policiers sont venus me chercher parce qu’ils avaient des questions à me poser. Je ne l’entends même pas me poser la question. Je suis juste là quelque part. ça ne dure pas longtemps et j’ai un sursaut en entenant de nouveau sa voix. Je la regarde sans trop savoir quoi lui répondre parce que je n’ai pas entendu ce qu’elle m’a dit. Je suis un peu tremblant. Je la regarde, j’ouvre la bouche sans savoir trop quoi lui dire avant d’avouer :

« Désolé je … je n’ai pas … je n’ai pas entendu ce que vous avez dit. Je … »

Je suis dingue ? Oui sans doute. Je déteste ces flash-backs. J’ai l’impression de ne plus être moi-même, de ne plus avoir le contrôle et de devenir quelques peu paranoïaque.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Jeu 3 Juin 2021 - 21:12


petit déjeuner surprise

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Ce regard, je l'ai vu des centaines de fois. Au début sans savoir. Il provoquait chez moi une forme de malaise subtilement glaçante, d'impatience dans les jambes, de crispation à l'arrière des épaules. À mon insu je crois, je faisais semblant que ce n'était qu'une absence. Je ne voulais pas savoir où ces gens allaient ni pourquoi le capteur de fréquence cardiaque s'affolait un peu. Je me concentrais sur la technique, je partais en quête de signes cliniques, je répétais des protocoles dans ma tête. C’est en mission sur le terrain que j’ai compris, en côtoyant des victimes de catastrophes et de guerres, des soldats, des civils expatriés. Difficile de jouer les gammes du déni lorsque l’enfer de l’autre n’est pas restreint au monde privé de son esprit et qu’il dissémine les preuves de son horreur partout dans la réalité présente, partagée, par tous, par moi. J’avais réagi comme tout bon médecin l’aurait fait. J’avais passé des nuits entières à parcourir des bouquins, des articles scientifiques, des papiers divers et variés. Je m’étais inscrite à des formations en ligne sur les psychotraumatismes et j’avais obtenu des scores parfaits aux questionnaires d’évaluation. Il parait que la connaissance, c'est le pouvoir. Que le pouvoir, c'est le contrôle. Et il y a le vide dans les yeux de Mike. Ce regard, je l’ai vu des centaines de fois mais en moi, c’est toujours la même forme de malaise subtilement glaçante, toujours cette impatience dans les jambes, toujours cette crispation à l’arrière des épaules.

J'ai cependant toujours su masquer mes réactions intimes et c'est un sourire avenant, professionnel, indéfectible qui habille mon visage aux traits tirés par ma nuit blanche. Le jeune homme revient à lui et m'avoue avec embarras qu'il n'a pas entendu ma question. Je n'en fais pas grand cas. J'ai toujours été experte dans l'art de passer outre. Je ne suis pas du genre à forcer les autres à se pencher au-dessus du précipice de leurs failles ni à remplir les silences d'une pesante compassion. Ce qu'on peut parfois surprendre dans mes yeux, c'est surtout la gravité de mon réalisme. Je vois le monde et ses atrocités. Je vois le monde et je l'accepte car je n'ai guère d'autre choix. J'accepte aussi la colère que m'inspire cette sinistre blague dénuée de sens qu'est la vie des êtres humains et je l'insuffle dans mes actes. Je ne m'apitoie pas, j'agis. Le pathos, les membres du côté maternel de ma famille en débordaient. Cela n'a jamais sauvé personne.

Je pose les deux tasses de café sur la petite table de la salle de pause et j'invite Mike à s'assoir « Je vous demandais comment ça se passait à l'université ! Du nouveau sur le paradoxe de l'information ? » C'était ce que je faisais avec ma sœur lorsque son enfer la rattrapait. Je lui parlais presque comme si de rien n'était d'un sujet qu'elle aimait, qui la mettait en confiance, qui la propulsait dans une dimension où elle avait une forme de contrôle. Pour elle, c'était la danse. Je m'assieds et je prends une gorgée de café avant de piocher dans le sachet de viennoiseries. Je crois que quelque part, j'apprécie l'état dans lequel me place la fatigue. Tout me parait lisse, lourd et léger à la fois. Mes pensées sont ralenties, presque absentes. S'épuiser pour atteindre le repos, c'est un autre paradoxe qu'on pourrait soumettre à la science. J'esquisse un sourire en croquant dans une brioche. Je n'ai pas nécessairement envie ni besoin d'éluder ce qui est en train de se jouer derrière les yeux de l'étudiant mais je ne déciderai pas à sa place d'aborder le sujet sensible que nous voyons pourtant tous les deux comme un éléphant au milieu de la pièce. Parker sait que j'ai toujours été là lorsqu'il souhaitait en parler mais aussi lorsqu'il avait besoin de tout sauf de cela. Médecin urgentiste et illusionniste, c'est joli sur un curriculum vitae.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Dim 6 Juin 2021 - 12:49
Ce n’est pas nouveau, je n’aime pas être ici. Je déteste ça même. J’aime bien voir les infirmières et les médecins qui se sont occupés de moi, mais revenir ici c’est … comme faire des bonds dans le temps où je me sens toujours aussi impuissant, toujours aussi mal d’être qui je suis. Je ne comprends pas ce qui est arrivé. Je ne comprends pas pourquoi tout à basculé, ce qui a cloché avec lui. Il était plutôt gentil au départ et je fais confiance bien trop facilement. Je me suis fait avoir. Je ne suis pas le premier, je ne serais pas le dernier, mais les choses ont tellement dégénérée. Je ne pensais pas me faire arrêter un jour et chaque fois que je passe ici, je revois toutes ces images qui défilent dans ma tête, comme un film et je n’arrive plus à les arrêter. Alma me parle mais je n’écoute pas vraiment, absorbé, parce que je vois par mes souvenirs dévorants. Je ne sais plus vraiment où je suis lorsque je reviens à la réalité avant de me rappeler et de m’excuser auprès de l’urgentiste qui me dit qu’elle me demandait comment ça se passe à l’université, j’ai un sourire à sa question, un vrai sourire et je lui réponds :

« Ca se passe bien, j’ai un labo, enfin je le partage avec des collègues mais mes recherches avancent et je travaille en ce moment sur les nanoparticules lié à la nanotechnologie et l’en prochain je pourrais même donner des cours. »

Je suis vraiment content d’avoir pu reprendre mes études. J’ai lu pas mal de livres pendant que j’étais interné, j’ai pu continuer à étudier malgré le fait que je n’étais pas à la fac. Ca m’aidait à ne pas être totalement dingue et j’ai toujours été fasciné par les nanotechnologie ou je regarde un peu trop de films fantastique. Je sais que pour certains c’est un peu dingue, mais je suis dingue non ? Et puis dès que les choses ne sont pas aux « normes » on nous traite de fou, les scientifiques ont souvent été traité de cette façon.

« Vous voyez Jarvis dans iron man ? Je suis certain qu’on peut utiliser le même genre de paramètres pour aider le cerveau humain lorsqu’il est endommagé. Alors oui c’est un peu tiré par les cheveux, un peu fictionnelle dirons-nous, mais j’y crois vraiment même si on essaie souvent de me décourager et qu’on me dis que je suis dingue, mais je le savais déjà que je l’étais. »

J’ai un petit haussement d’épaules c’est pour ça que je suis là, parce que je suis dingue.

« Et vous alors, quoi de neuf ici ? »

Je demande, mais j’imagine que ce n’est pas tous les jours simple.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Dim 27 Juin 2021 - 19:48


petit déjeuner surprise


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Animée par cette manifestation particulièrement sournoise de la fatigue qui se déguise sous les atours de la faim, je dévore ma viennoiserie en écoutant Mike parler. La passion qui enflamme le discours du jeune homme me fait sourire. Lorsqu'il évoque Jarvis et Iron Man, je ne peux m'empêcher de m'imaginer me réveiller après un grave accident de voiture colonisée par une intelligence artificielle qui prendrait progressivement le contrôle sur ma propre identité avant de partir rejoindre une armée de cyborgs pour conquérir le monde. Je regarde sans doute trop de films de science-fiction ou peut-être que je suis juste terriblement vieille et ringarde. Quoi qu'il en soit, c'est beau de deviner l'enthousiasme et la fougue dans la voix du jeune physicien. J'aime l'entendre me décrire l'horizon qu'il parvient enfin à dessiner. Je hausse les épaules. « Je ne connais pas beaucoup de génies qui n'ont jamais été traités de dingues, ce n'est pas en étant conventionnel qu'on révolutionne la science ! » Je ponctue ma remarque en portant ma tasse de café à mes lèvres auxquelles mon sourire reste pendu. Qui sait, peut-être que c'est lui qui trouvera un traitement pour la maladie d'Alzheimer.

Mike me demande des nouvelles de la vie palpitante des urgences de la Klinik Fleetinsel. Je me fais parfois la réflexion qu'on pourrait aisément faire de notre quotidien une série, quoi que les scénaristes estimeraient peut-être que nos histoires manquent de crédibilité. Les patients qui viennent régulièrement et restent ici pendant plusieurs heures à attendre sans rien faire en ont un certain aperçu, je me demande ce que Mickey en a retenu. Je hausse les épaules. « Oh vous savez, la routine ! Hier un type a failli perdre son doigt après avoir essayé d'attraper un écureuil. Ah et Gunter a enfin abandonné la coupe mulet mais je ne suis pas sûre qu'il ne récidivera pas à l'automne prochain. » Gunter, c'était une figure emblématique du service. Il y travaillait en tant qu'aide-soignant depuis plus de trente ans. Il avait un humour absolument vaseux et un sens du style assez discutable mais il avait un grand cœur, au moins aussi grand que celui qu'il s'était fait tatouer sur le bras.

Je plonge ma main dans le sachet et je me découpe une moitié de viennoiserie tout en me faisant la réflexion que je suis remarquablement sociable pour une personne qui n'a pas dormi de la nuit. Je n'aime pas particulièrement converser avec mes congénères, surtout le matin mais avec le jeune physicien, c'est bien trop naturel pour que cela ne m'intrigue pas. Peut-être que pour une certaine raison, nous parlons le même langage alors qu'habituellement, j'ai toujours besoin de traduire le fil de ma pensée en discours intelligible et inversement. Je regarde l'intérieur du sachet, luttant contre mon envie de me resservir puis le tend vers mon interlocuteur. « Vous ne voulez pas en prendre avant que je dévore tout ? » Et tout le monde dans ce service sait pertinemment que j'en suis tout à fait capable.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Sam 3 Juil 2021 - 20:49
J’ai un sourire à sa remarque, elle n’a pas tort. Les scientifiques ont tous été plus ou moins traité de fou à un moment donné de leur carrière, mais je me sens encore plus dingue qu’eux avec tout ce qui m’est arrivé et je fais une petite moue qui montre clairement que ça ne me remonte pas trop le moral, mais j’ai beaucoup de mal là me sentir bien ces temps-ci, surtout quand je viens ici.

Je demande des nouvelles de l’hôpital, comment ça se passe ici et visiblement comme avant. Il y a des endroits où rien ne change et ça c’est une bonne chose, même s’il se passe souvent des évènements tristes ici. Elle me donne des détails et je l’écoute attentivement, ça doit être fascinant, de voir tout ça, de pouvoir sauver des vies. D’être là au milieu de toute cette agitation. J’ai beaucoup de respect pour les médecins et je souris même lorsqu’elle me dit que Gunter à changé sa coupe mulet et je réponds amuser :

« C’est vrai, oh il faut que je le voie et tu penses qu’il va rester longtemps sans sa coupe ? »

Ça me fait plaisir de voir qu’il y a un peu de vie ici entre deux urgences. Ils ont du courage, beaucoup de courage. Je suis content de voir qu’elle apprécie les viennoiseries, au moins quelqu’un en profitera, ça ne risque pas d’être moi et j’acquiesce quand elle me demande si je suis certain de ne pas en vouloir et je lui réponds :

« Oui sûr, je n’ai pas très faim. »

Je ne mange pas beaucoup ces derniers temps. J’arrive à dormir mais je dors mal et c’est un peu compliqué de suivre un nouveau rythme, j’ai du mal à m’adapter, sans doute parce que je me prive plus ou moins sans vraiment m’en rendre compte. La culpabilité peut nous faire faire des drôles de choses et j’ajoute :

« Et c’est pour vous que je les ai pris, ça me fait plaisir vraiment. »

Pour le service, pour elle, pour ceux qui m’ont aidé. Ils méritent au moins ça et c’est trop peu en vu de ce qu’ils ont fait pour moi.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Mar 13 Juil 2021 - 22:52


petit déjeuner surprise


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J’aime voir le visage de Mike s’illuminer d’une lueur d’amusement, même si c’est au détriment de notre ami Gunter. Je suis contente qu’il se rappelle avec légèreté de ce personnage et de ses frasques capillaires. Cela signifie que les souvenirs qu’il garde de ses passages aux urgences ne sont pas tous brumeux. Il me revient à l'esprit une brûlante soirée d'août où j'avais emmené ma sœur dans un hôpital de Naples après l'avoir retrouvée catatonique dans la salle de bain. Je crois que les Blackwell ont toujours aimé décompenser dans les salles de bain, nous trouvons sans doute dans le contact froid du carrelage et de la céramique quelque chose qui se mêle bien aux ténèbres. Alors que nous patientions dans la salle d'attente, le faux plafond s'était littéralement effondré juste à côté de nous. Elle n'a jamais eu le moindre souvenir de cet incident pourtant marquant. De ses passages aux urgences, elle ne se rappelle presque de rien à l'exception de quelques petits détails anecdotiques comme la couleur du plastique de la tubulure de sa perfusion ou le nombre de sucres que sa voisine de chambre vidait dans son café. La mémoire est une fonction qui m'a toujours autant désemparée que fascinée. Effrayée aussi, même si je n'aime pas me l'avouer. Le fait que Mike se souvienne de Gunter avec son être entier, c'est bien. Je crois. Je souris. « Il y a un pari qui tourne dans le service, j'ai misé sur septembre ! » Je ris doucement ce qui détourne pendant quelques instants mon attention des viennoiseries.

Mike n'a pas faim. Il n'a pas souvent faim. Il sait que je sais. Il sait que je ne dirai rien, pas ici, pas maintenant. En psychiatrie, chaque mot est un scalpel qui peut aussi bien sauver une vie que la mutiler de manière irrémédiable. J'ai toujours cherché à utiliser mes mots comme des scalpels, de manière réfléchie, précise, orientée. Oui, le vortex créé par l'abîme de souffrance qui se dissimule derrière ces quelques paroles d'allure banale est intolérable. Une part de moi aimerait dire quelque chose, n'importe quelle chose mais qui est véritablement concerné par cette urgence ? S’agit-il d’apaiser son âme ou la mienne ? Je ne suis pas dupe. Les bons chirurgiens savent quand il faut s’abstenir d’opérer, les bons thérapeutes savent quand il faut se la fermer. Primum non nocere. Il me dit que nous apporter le petit-déjeuner lui fait plaisir et je lui souris entre deux bouchées. « C'est vraiment gentil Mike. » Je referme le sachet et l'éloigne un peu afin que mes collègues puissent profiter de cette nourriture irrésistible, me rabattant sur mon café. « Vous avez rendez-vous ce matin ? » Je plonge à nouveau mes lèvres dans le liquide sombre, levant un regard anodin et décontracté vers Mike. C'est une porte ouverte, libre à lui de l'emprunter ou de poursuivre sur le chemin doux et plat des banalités.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Sam 21 Aoû 2021 - 12:45
Venir ici est loin d’être plaisant, mais j’aime bien croiser les infirmières qui m’ont aidés. Elles ont beaucoup de courage, elles et ils d’ailleurs, il n’y a pas que des femmes. On pense trop souvent que c’est un métier de femme or c’est faux, il n’y a aucun métier qui ne soit que d’homme ou de femme selon moi. Elle me dit qu’elle a misé sur septembre avant qu’il ne se laisse repousser les cheveux et sa coupe mulet comme avant. Je ris et je lui dis :

« Septembre ça me semble bien, s’il est habitué il ne tiendra pas longtemps. »

Je leur ai ramené des pâtisseries et elle a l’air contente, elles ont l’air bonnes, mais je n’ai pas faim comme d’habitude, je sais que ce n’est pas bien, que je devrais manger plus, qu’il faut que je mange plus, je me prive plus ou moins consciemment, par culpabilité. Je fais oui de la tête à sa question avec un petit soupire :

« Oui, toutes les semaines, au moins ce n’est plus tous les jours, mais c’est un peu long. »

La guérison est longue, je le sais le traumatisme que j’ai vécu n’est pas simple. Je m’en veux d’avoir tué un homme qui ne méritait que ça, même si c’était un accident, je n’ai jamais été quelqu’un de violent, de méchant, je suis celui qui subit tout le temps. J’ai subi sa violence pendant un moment et je me sens pourtant toujours coupable de sa mort. C’est un peu complexe, mais elle sait tout ça.

« Le jour ou je ne viendrais plus ici ça sera un miracle. Je vous aime beaucoup vraiment, mais je préférais ne pas avoir mis les pieds ici. »

Elle le sait, que ce n’est pas contre elle, elle sait que j’admire ce qu’elle fait, ce qu’ils font tous ici. Ils aident des gens comme on ex, même si ils ne gagnent pas tout le temps ça doit être épuisant.
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Re: petit déjeuner surprise / Alma
Mar 14 Sep 2021 - 9:17


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Je hoche doucement la tête lorsque Mickey évoque avec une certaine lassitude le rituel des consultations hebdomadaires, regrettant la trajectoire qui l'a mené jusqu'ici. Je hausse les sourcils puis je me lève de ma chaise afin de me préparer un deuxième café bien que ma tasse soit encore remplie au tiers. « Je te comprends. Moi aussi j'aurais préféré ne jamais entendre les blagues vaseuses du chef de service de psy, je ne sais pas si je m'en remettrai un jour. » Je laisse échapper un léger éclat de rire, dissimulant le subtil malaise qui vient de me prendre. Les mots de mon ancien patient, je les ai entendus de la bouche de ma sœur des dizaines de fois. Elle semblait sortir la tête de l'eau, elle jugeait qu'elle n'avait plus besoin d'aide, elle vidait ses boîtes de médicaments dans l'évier puis, loin du cadre contenant de l'hôpital, elle finissait par rechuter.

Tandis que je positionne la dosette de café dans la machine, mon regard glisse le long du mur et s'arrête sur une carte postale épinglée à un tableau en liège. Sur le carton, des façades blanches et des toits bleus surplombant la mer Égée. « Pendant une de mes premières gardes ici, j'ai pris en charge un type pas vraiment plus vieux que toi. Hépatite fulminante. Il a failli y passer. Il va bien maintenant mais il vient quand même régulièrement pour son suivi. Il ne nous apporte pas le petit dej mais il nous envoie des cartes postales. » Mike est suffisamment intelligent pour comprendre mon propos sans que je sois obligée de lui servir une nouvelle fois mon discours habituel sur la psychophobie.

J'appuie sur le bouton de la machine qui se met aussitôt à vrombir. Une fois ma boisson prête, je me retourne et m'adosse à la paillasse, mes mains encadrant la céramique brûlante de ma tasse. « Ne plus jamais mettre les pieds ici, c'est tout ce que je te souhaite... mais si jamais il faut que tu continues à venir, c'est ok aussi. Et je ne dis pas seulement ça pour que tu continues à m'apporter des viennoiseries ! » J'ai du mal à sourire à ma propre plaisanterie, assaillie par une question obsédante. Qu'est-ce qu'il se passe dans le cerveau lorsqu'on tue quelqu'un, aussi involontaire l'homicide puisse-t-il être ? De quelle manière la physiologie de cet organe si particulier s'en trouve modifiée ? Est-ce que le ciel a la même couleur, est-ce que les roses ont le même parfum, est-ce que le café a le même goût ? Alors que je plonge mes lèvres dans le liquide sombre, je réalise avec effroi que je devrais le savoir.
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