Patrick • Don't worry, I'm in love with the goalie.

Don't worry, I'm in love with the goalie.

Alors que le coach appelle ses joueurs auprès de lui, prêt pour leur dernier débriefing avant le match, Cornelia relève la tête vers l'homme qui, la tenant dans ses bras, la dépasse d'une bonne tête et qui, dans quelques minutes, fera des prouesses sur la glace. C'est pour lui qu'elle est ici aujourd'hui, tant dans les vestiaires que dans la patinoire. Juste pour l'encourager. Et, aussi, parce que c'est l'occasion de passer un moment père-fille, Patrick étant déjà installé dans les gradins, derrière la cage du gardien. Lui ayant faussé compagnie le temps de venir voir son amoureux, Corny s'apprête à le rejoindre, pour laisser l'homme se concentrer mais...

"- Encore un ?" souffle-t-elle en réclamant ses lèvres. "Et te blesses pas..."

A deux pas, Lisa Hampton pouffe. Demander à Aayden de ne pas se blesser ou de ne blesser personne pendant un match de hockey, c'est comme... demander à un enfant de ne pas être curieux, de ne pas chercher à toucher tout ce qu'il aperçoit : impossible. Lisa le sait, Cornelia le sait... Elle pousse un petit soupir. Il est évident qu'à la fin de la journée, il aura probablement quelques contusions, minimum.

"- Enfin, pas trop !"

Sortant finalement des vestiaires, la patineuse rejoint rapidement les gradins, se faufilant jusqu'à sa place aux côtés de son paternel. Son regard se promène sur les gradins blindés. La foule est venue en masse pour ce gros match des crocodiles contre les Riessersee. L'ambiance, elle, semble survoltée. Et Cornelia... stresse un peu, elle doit bien l'avouer. Non pas qu'elle n'ait pas confiance en leur capacité de victoire - bien sûr que si elle a confiance - mais... elle sait que c'est un sport dangereux, plus que le patinage et, si elle aime l'adrénaline de son sport et de la compétition en ce qui la concerne, voir son copain se faire démonter par un palet, une crosse ou quoi que ce soit d'autre n'est pas vraiment dans ses plans. Si bien sûr le quasi trentenaire ne défonce pas lui-même quelqu'un dans l'équipe en face, ce qui est plus que probable.

"- Y'a du monde !" souffle Cornelia.

L'entraîneur des crocodiles entre dans la patinoire et s'installe dans l'espace réservé aux joueurs qui ne sont pas sur la glace, tandis que Lisa prend place à ses côtés dans cette loge spéciale. Cornelia se gratte le cou, consciente que Lisa n'est pas simplement présente sur le banc de l'équipe. Elle le sait, la rouquine a des patins de hockey aux pieds et, sur ses épaules, un maillot aux couleurs de l'équipe. Elle a beau espérer que ce n'est pas utile pour aujourd'hui... Elle sait que les probabilités penchent plutôt en sa défaveur.

"- Les garçons ont l'air en forme, ça promet un match incroyable ! J'espère que les Riessersee sont en forme aussi !"

Don't worry, I'm in love with the goalie.

Le match va bientôt commencer et elle mentirait si elle disait qu'elle ne sent pas l'excitation pointer le bout de son nez. C'est faux. Elle est excitée. Survoltée même, intérieurement, s'attendant à ce que son petit ami fasse des prouesses sur la glace parce que, elle le sait, il est bon. Elle l'a vu s'entraîner et elle a regardé des rediffusions de matchs sur son téléphone. Elle sait ce qu'il vaut sur le terrain. Elle sait aussi de quoi il est capable, aussi bien dans ses cages de gardien que... hé bien, dans tout le reste. Elle sait comme il peut réagir au quart de tour, comme parfois, le match part en vrille. Elle sait tout ça. Elle espère que ça ira aujourd'hui. Que devant son père, il ne montrera que le meilleur de lui. Elle peut espérer que Lisa, dans la réserve, n'ait pas à intervenir...

La mascotte entre en piste, suivie des joueurs, et Cornelia n'a d'yeux que pour le sien, un grand sourire prenant place sur ses lèvres comme à chaque fois qu'elle le voit. Bon sang. Il a beau avoir dix ans de plus qu'elle et être son opposé en terme de caractère, elle qui est si douce et posée, il la rend heureuse, son goalie. Même s'il lui fait peur parfois, aussi. Non pas vis-à-vis d'elle, mais vis à vis de sa capacité à se blesser et finir à l'hôpital.

Quand son père se penche vers elle et demande lequel de ces garçons a dérobé le cœur de sa fille, Cornelia tourne la tête vers lui, rougissant un peu. D'accord. Elle est complètement grillée. Et il a raison, sa mère ne va pas tarder à la presser de questions pour en savoir plus sur le garçon qui fréquente leur fille et dont elle n'a pas encore parlé. Ses joues rosissent légèrement comme elle reporte son regard sur la glace, son regard croisant furtivement celui du goalie qui vient se placer, à qui elle adresse un petit signe de la main et un grand sourire, oubliant une fraction de secondes son père à côté d'elle, le temps que son cœur cesse de tambouriner dans sa poitrine. Quand l'homme lui tourne le dos, installé dans ses cages, ses joues sont toujours rosées. Cornelia se râcle la gorge. Elle ferme les yeux. Oh, elle sait qu'elle ne peut pas cacher ça à son père, elle est toujours honnête avec ses parents mais... Elle n'oublie pas qu'Aayden a 29 ans. Dix ans de plus qu'elle. Un élément que ses parents pourraient ne pas apprécier.

"- Sachs." souffle-t-elle finalement, les joues rouges, son regard rivé sur le maillot du dit joueur, tandis que le match commence.

Don't worry, I'm in love with the goalie.

"- Sachs..." qu'elle répète alors même que son père a parfaitement compris.

Le goalie, oui. Évidemment, Patrick tique un peu lorsqu'il entend la confession de sa fille et même s'il pose la question, il connaît déjà très bien la réponse qu'elle pourrait lui faire. Il faut dire que le nom du joueur s'étale fièrement dans son dos comme un étendard, surplombant son numéro, le 25, qu'il a choisi pour Lisa. 2 Mai. 25. Un chiffre que d'autres ont critiqué mais que Corny n'aura jamais ni l'envie ni la prétention de lui faire changer. Elle comprend qu'ils sont meilleurs amis et elle le respecte, aussi. Contrairement à d'autres.

Même si son père n'a pas vraiment besoin de réponse pour savoir que oui il est bel et bien question du goalie, Cornelia acquiesce d'un léger mouvement de tête à sa question avant de reproduire exactement le même mouvement lorsque son père affirme qu'ils en parleront après le premier tiers temps. Elle se doutait bien de toute façon qu'elle y aurait droit tôt ou tard et qu'elle ne pourrait pas y couper. Alors elle en prend son parti, simplement.

Le jeu est bon, beau, même si trop calme à son goût, Aayden n'étant pas suffisamment sollicité alors qu'il se retrouve à tourner devant ses buts comme un lion en cage pour ne pas perdre des réflexes. Mais voilà au moins qui pourra prouver à l'homme installé à ses côtés qu'Aayden Sachs n'est pas juste la brute épaisse dont on peint le portrait. Elle connaît de lui une toute autre facette. Celle du garçon doux, aimant, prévenant et amoureux. Celle d'un garçon qui lui fait espérer que l'histoire reste belle et la plus longue possible. Celle du garçon dont elle ne sait pas encore qu'elle se séparera bien trop vite, pour lui rendre sa liberté.

"- Hé bien… à peu près deux mois qu'on se fréquente mais un mois et demi qu'on est ensemble. Il m'a fait tomber sur la glace et il m'a rattrapé. Mais, je ne crois pas qu'il se souvienne que c'est déjà arrivé. Ou en tout cas, il se rappelle pas que c'était moi… et après ça il m'a invité à aller boire un thé, quelques jours plus tard." explique la brune avant de se lever. "Donne-moi une minute, je reviens ! Ou… cinq ?"

Elle ne laisse pas à son père le temps de répondre, descendant quatre à quatre les gradins pour aller rejoindre le garçon qui depuis ses cages lui faisait de grands signes et sourires charmeurs depuis un peu plus tôt.

Don't worry, I'm in love with the goalie.

Un thé. Son père semble plus que surpris par cette information, qu'il répète sans la commenter. Pour autant, le ton interrogatif dont il teinte ces deux mots veut tout dire. C'est comme s'il demandait à sa fille quelques précisions sur la question. Comme s’il demandait à ce qu’elle raconte comment on pouvait inviter à prendre un thé, une invitation qui peut sembler bien désuète, bien old school. Alors elle précise, comprenant que son père s’interroge.

"- Den ne boit pas. Il ne supporte pas l’alcool de toute façon, alors Lisa tient à ce qu’on ne lui en donne pas. C’est sa meilleure amie. Mais de lui-même, il n’en est pas friand. Il préfère le thé. Les thés glacés. Ce genre de choses."

Le premier tiers-temps ayant pris fin, Cornelia s’excuse auprès de son père, demandant qu’il lui accorde quelques minutes, le temps pour elle de descendre et rejoindre son goalie en bordure de piste. Échangeant avec lui sur ce premier temps de jeu, elle en profite au passage pour obtenir quelques baisers, le regonfler à bloc avant que la fin de la pause ne soit sifflée. Un dernier baiser. Une dernière étreinte. Et elle lui rend son casque, avant de remonter dans les gradins, retrouvant son père au côté duquel elle se rassoit, un grand sourire s’étalant sur son visage, alors que l'arbitre siffle la reprise du match.

"- Il l'est !" affirme la demoiselle comme son père remarque que le goalie a l'air gentil. "C'est un amour."

Un amour qui la traite comme une princesse depuis qu'ils sont ensemble. Un amour qui ne cesse de faire attention, considérant son TDA, pour que celui-ci n'interfère jamais dramatiquement dans leur relation. Un amour en qui elle a parfaitement confiance. Peut-être même l'amour de sa vie. C'est sûrement trop tôt pour le dire. Pour en être sûre. Mais… c'est sûr que c'est un homme qui va compter dans son existence. Sûrement celui qu'elle épousera. Ou celui dont elle parlera un jour à sa fille, dans une salle de bain, en l'écoutant pleurer sur un imbécile qui lui aura brisé le cœur. L'un ou l'autre. Pas d'autre choix.

Don't worry, I'm in love with the goalie.

Pourquoi un hockeyeur. La question a de quoi prêter à sourire. Comme si la demoiselle avait choisi son partenaire pour le sport qui est le sien. Évidemment, ce n'est pas comme ça que ça s'est passé. Elle est tombée amoureuse du goalie pour la personne qu’il est, non pas pour qui il est. Qu'il soit issu d'une famille exagérément riche ou qu'il pratique un sport à l’opposé du sien n’avait pas été son critère de sélection, loin de là. C'était seulement lui. Parce qu'il est gentil. Parce que c'est une grande âme. Parce qu'il la rend heureuse et la fait se sentir bien. Complète. Parce qu'elle se sent plus elle quand il est là, quand elle est entre ses bras. Parce qu'il fait battre son petit cœur plus vite. En fait, c'est lui pour tout un tas de raisons. Des raisons qui cependant n'ont rien à voir avec son boulot, son sport. C'est surtout une évidence. Ça y ressemble. Aussi rit-elle en haussant les épaules.

"- J'ai pas choisis." remarque la demoiselle.

Sur la glace la cohue se fait comme un adversaire vient juste de percuter Aayden, son équipe sautant rapidement sur l'impudent. Heureusement le goalie sort rapidement de la mêlée, le puck en main est le reste de l'équipe se calme. Le jeu reprend alors. L'équipe fait une passe décisive et marque un but, déclenchant une liesse générale tandis que Corny tourne la tête vers son père, un grand sourire aux lèvres.

"- Je lui proposerai !"

Bien sûr, il n'est pas dit que le hockeyeur acceptera, Cornelia se doute que rencontrer son père peut être un peu intimidant. Mais elle a bien envie de pouvoir voir son cher et tendre après le match. Match sur lequel elle reporte son regard avant de blêmir un peu, ne comprenant pas ce qui se passe alors qu'elle aperçoit Lisa qui entre sur la glace, patins aux pieds, se précipitant vers Aayden alors que les hockeyeurs la rejoignent pour former comme un rempart devant elle.

"- Oh bon sang ! Qu'est-ce qui s’est passé !?" demande-t-elle en se mordant la lèvre.

Don't worry, I'm in love with the goalie.

Qui est-ce. Ça ? c’est le signal que quelque chose ne va pas. Quand cette petite blonde entre sur la glace, c’est que les choses sont sur le point de déraper. Que, telle la wonder-woman qu’elle est - au moins capable de calmer le goalie -, elle doit intervenir, histoire de contrôler la situation, d’éviter quelques points de suture. Et c’est aussi le signe que ce sera vraiment, vraiment, vraiment la merde, si elle est touchée. Ce qui ne devrait pas arriver, alors que les crocodiles se mouvent tous les cinq autour d’elle en rempart, comme pour l’escorter jusqu’à leur goalie, s’assurant qu’il ne lui arrive rien. Et elle aurait vraiment aimé que cette blonde n’entre pas sur la glace, pas aujourd’hui. Pas devant son père.

"- C’est Lisa, sa meilleure amie." explique la brune sans même tourner la tête vers son père, le regard rivé sur la blonde.

Venant d’atteindre le gardien, Lisa a posé ses mains sur ses joues, le forçant à la regarder, ramenant sa tête contre son front. Corny sait ce qu’elle est en train de faire, pour l’avoir déjà vu par le passé. Elle appelle le goalie à focus sur elle-même, pour le détourner de ce qui l’a fait sortir de ses gonds. Elle est sûrement en train de lui dire que tout va bien, que ça va aller, qu’il faut se calmer. Quelque chose comme ça. Elle ne sait jamais ce que dit Lisa exactement mais le principal, c’est que ça marche. Que ça calme le fauve. Que ça l’empêche de finir aux urgences ou au poste de police.

"- Non, c’est juste que…" elle pousse un soupir. "Il a des petits problèmes de gestion de la colère. A cause de son TDAH."

Elle aurait mieux aimé ne pas avoir à expliquer ça si tôt, avant qu’il ait pu rencontrer le jeune homme de ses propres yeux. Elle aurait préféré qu’il le connaisse d’abord en tant qu’homme et non joueur, histoire qu’il ne se fasse pas d'à priori. C’est un peu loupé. C’était peut-être pas une bonne idée d’aller au match avec son père. En même temps, elle ne voulait pas manquer celui-ci.

"- C’est… C’est jamais contre moi, avant que tu te poses la question." elle souffle, reportant son regard sur son goalie. "Il me traite comme une princesse, au contraire…"