(CAMILLE [2023]) here we go...

Le déménagement devait être un soulagement. Il devait leur apporter une sérénité plus importante en les rapprochant notamment de la famille de Ceris. Mais si sa compagne semblait pleine de bonnes intentions vis a vis de ces grands changements, il remarquait son air triste. Quelque part, il le comprenait. Si pour des raisons écologiques et sociétales, mais aussi parce que son travail le satisfaisait en terme de naissances, il ne s'était jamais inquiété d'avoir ou non des enfants, il  s'était aussi installé une forme de nostalgie en lui après la fausse couche de Ceris.

Évidemment, il estimait que comparé à ce qu'elle, elle pouvait ressentir, ce n'était pas grand chose. C'est aussi pour ça qu'il n'avait pas hésité à accepter de tout quitter. Son métier d'obstétrique, il pouvait l'exercer n'importe où, on chercherait toujours et partout des médecins.  Il avait d'ailleurs retrouvé très vite un poste, et il ne saurait tarder de reprendre le travail.

Pour ce qui était de trouver une maison, ils avaient fait bouger leurs meubles par des déménageurs, du moins, ceux qu'ils gardaient, et Camille avait été très minutieux pour essayer de préserver sa femme. Le reste avait été arrangé par une agence de décoration d'intérieur, pour qu'ils n'aient plus qu'à poser leurs affaires.

Les voilà désormais dans la villa qu'ils occupaient, leurs affaires dans les mains. La porte ouverte et une fois entrés, il posa les affaires au sol. Il lui offrit un sourire et la prit dans ses bras, la serrant contre lui par la taille, pour l'éteindre dans un moment plein de douceur. «bienvenue à la maison, chérie» affirma-t-il avant de déposer un baiser protecteur sur son front, en tenant l'arrière de son crâne dans sa main, toujours dans un élan de douceur.

Arriver dans cette nouvelle maison, à Hambourg, c'était supposé être une sorte de libération pour le couple. Le renouveau dont ils avaient besoin, plus que tout. C'était surtoout le cas de Ceris, qui souffrait de la situation. La fausse couche avait révélé plus que jamais son envie d'être maman, et si la question ne s'était pas posée auparavant pour Camille, elle était désormais au centre de ses préoccupations. Car au moment où tout ça c'était produit, il ignorait qu'il avait un enfant déjà grand. Il l'ignorait toujours lorsqu'il a poussé la porte de cette nouvelle maison, aux multiples couleurs, bien qu'il les trouvât associées avec goût. Il y avait dans cette villa qui était désormais leur maison, un quelque chose d'apaisant, qu'il ne retrouvait pas dans leur triplex à Paris. Peut-être que ce nouveau départ leur permettrait de consolider les bases ? Peut-être qu'ils arriveraient à se retrouver, l'un et l'autre à la fois eux-mêmes mais aussi entre eux. Ceris lui semblait éteinte, défaite de toute cette lueur d'espoir qu'il avait tant aimée chez elle quand ils s'étaient rencontrés à l'hôpital, quand elle était en stage d'infirmière. Il l'aimait toujours autant, sinon même plus. Mais il souffrait de la voir ainsi.

Il venait de poser les sacs, et déjà Ceris avait pris un pour le délester. Camille leva rapidement les yeux au ciel, avant de la suivre. Ils avaient bien agencé, avec la majorité des meubles. Il marqua un temps d'arrêt, lui qui était resté silencieux quasiment depuis l'ouverture, sans réponse aux différentes remarques de sa femme, avant de reprendre, finalement, la parole. «La plupart des meubles est là. On aura les cartons avec le gros de nos affaires dans les jours à venir mais... oui, ce sera à nous de ranger tout ça. Et pour les quelques petits meubles qu'on a décidé de garder... On pourra leur demander de les placer, je pense.» suggéra-t-il, sans forcément être certain de sa réponse.

Mais ils avaient le temps, et Camille avait décidé de ne pas reprendre le travail directement, se laissant deux semaines pour rester près d'elle, loin d'imaginer qu'elle avait déjà fait le nécessaire pour commencer à travailler ici, àà Hambourg, sans forcément lui en avoir parlé. Ils faisaient partie de ces couples qui se disaient tout : le bon comme le mauvais, persuadés de pouvoir affronter la vie ensemble, les obstacles les mains liées l'un à l'autre. Elle était la femme de sa vie, il n'y avait qu'elle pour en douter. Certes, il ne l'avait jamais demandée en mariage, mais ce n'était pas qu'il ne voulait pas, c'était qu'il s'agissait d'une futilité, et qu'après que Camille lui ait fait remarquer ce que cela signifiait pour lui, elle n'a jamais ramené le sujet sur la table, comme si elle était satisfaite de cela. Alors, forcément, il n'avait jamais fait sa demande. Simplement car il ne savait pas ce que cela pouvait signifier pour elle. Pour lui. Pour eux, en réalité. Mais il l'aimait; Il l'aimait suffisamment pour tout plaquer, et aller vivre en Allemagne avec elle.

Le désarroi de Ceris lui semble palpable, alors même qu'elle fait le nécessaire pour ne pas qu'il le ressente, qu'elle lui voile la face, et très probablement, qu'elle se voile la face également au passage. Camille aura beau essayer de faire changer les choses et de lui montrer qu'ils s'en sortiront toujours ensemble, cette émotion qu'il a ressentie chez elle, et qu'il a l'impression de toujours apercevoir dans ses paroles, ses gestes et ses soupirs, il ne saurait pas comment la faire disparaître. Il savait être présent, se montrer fort à ses côtés, néanmoins, ils ne se sont jamais trouvés dans une telle situation, tous les deux, et avec l'âge qui passait et grandissait, il savait que les chances qu'ils avaient tous les deux d'avoir un enfant diminuaient chaque fois un peu plus.

Quelque part, il s'en veut de ne pas s'être posé la question auparavant : est-ce qu'elle voulait d'un enfant ? Lui n'en ressentait nullement le besoin, bien qu'il avait senti les larmes lui monter, des larmes de joies, quand sa compagne lui a annoncé qu'il allait être papa -ignorant toujours qu'il l'était déj)- et même s'il n'était plus tout jeune, il s'est vite imaginer pouponner un enfant. Malgré cela, des deux, il était celui qui avait le mieux gardé le cap après la fausse couche de sa femme, ne craignant pas de parfois se montrer plus dur même envers lui-même, et de passer pour l'insensible. Il a été heureux dès l'instant où il s'est imaginé papa. Mais il a eu moins de mal à se faire une raison, bien que, pour Ceris, il ne pourrait pas baisser les bras sur ce projet.

Des projets, ils en avaient toujours. Comme de venir en Allemagne. Comme cette maison. Comme l'agencement sur lequel ils avaient travaillé, en bougeant l'agence. En entendant les mots de sa compagne, il soupire. «Tu es déjà utile, tu sais. Il n'y a jamais que toi qui en doute.» dit-il en lui souriant honnêtement. Il y croit, et il sait que lorsque ça ne va pas, Ceris est capable de semer elle même le doute dans son propre esprit.

Il allait pour s'affairer à commander ou à faire à manger avec les quelques conserves qu'ils ont dans leur sac quand Ceris a affirmé avoir quelque chose à lui dire. Sans forcément y prendre garde, il s'est arrêté net, et a froncé les sourcils. Que pouvait-elle ne pas lui avoir dit ?

Oh.Très bien. «D'accord, je vois. Tu es sûre que ce n'est pas trop tôt, que tu n'as pas besoin de plus de temps ?» Il n'est pas déçu. Il connait sa compagne, et il sait parfaitement qu'elle ne peut rester sans rien faire, qu'elle va finir par tourner en rond. Toutefois, il s'est attendu à avoir un peu plus de temps, ce pourquoi il a décidé de reprendre le boulot plus tard.