Entre affaires et quelques verres | Ft Anneliese

La cuisine, c’était l’endroit où Paloma se sentait entière, sereine, et en contrôle. C’était le seul endroit où elle pouvait s’exprimer, sans tabou, sans arrières pensées et sans honte. Dans ses plats, elle laissait parler ses émotions, sa personnalité et ses rêves. Peut-être que la meilleure manière de connaître Paloma, finalement, était d’entrer dans sa cuisine et goûter ses plats. Paloma ne cuisinait pas toujours chez elle. En tant que cheffe privée, elle devait parfois cuisiner directement depuis la cuisine de ses clients. C’était toujours une véritable épopée : il fallait penser à tout. De ses couteaux fétiches aux ingrédients, en passant par les assaisonnements, Paloma devait tout trimbaler avec elle. “Je comprends pas pourquoi tu ouvres pas plutôt ton restaurant, ce serait plus simple !” lui disait-on souvent. La vérité, c’était que Paloma aimait s’adapter à de nouveaux endroits.

Bien-sûr, Paloma avait aussi sa propre cuisine. Une cuisine professionnelle, à Wandsbek, où elle vivait avec son fiancé. Une cuisine bâtie dans une petite dépendance de sa demeure, qui permettait ainsi de ne pas avoir à pénétrer dans la maison du couple pour accéder à cette fameuse cuisine. La propriété se trouvait dans une large rue huppée où on y trouvait des demeures modernes et, oui, il fallait bien l’avouer : riches. A vrai dire, c’était idéal. Pour se rendre à son travail, Paloma n’avait qu’à sortir de sa maison, traverser son jardin et paf, elle arrivait dans cette petite bâtisse aux grandes baies vitrées qui offrait une vue sur le jardin parfaitement entretenu. La dépendance avait été bâtie aux normes sanitaires et ressemblait tout simplement à une cuisine de particulier… en version professionnelle, ce qui donnait une impression d’être directement chez Paloma, non pas dans la cuisine d’un restaurant. Et pourtant… c’était le cas. C’était ici qu’elle organisait parfois les dîners et tournait les vidéos destinées à son blog, ou, comme aujourd’hui, attendait une cliente pour une dégustation. La dépendance se constituait donc seulement de cette cuisine ouverte sur un comptoir derrière lequel on pouvait s'installer sur des chaises hautes (image). Il y avait aussi une table, pour les dîners un peu plus organisés, et, derrière, des sanitaires. Rien de plus, rien de moins.

Anneliese était donc souvent conviée dans cet endroit. Paloma avait laissé le portail ouvert pour qu’elle puisse se garer directement dans l’allée et entrer dans la petite dépendance qu’elle devait commencer à bien connaître. Ca n’était la maison de Paloma, donc, Anneliese le savait : elle pouvait entrer sans même frapper. C’était à vrai dire tout l’aventage de cet endroit : c’était plus professionnel que sa propre demeure, mais bien moins formel qu’un vrai restaurant. Derrière les fourneaux, Paloma préparait les dernières petites touches. Elle avait préparé toute une dégustation. Connaissant déjà les goûts et standards de sa cliente, ça n’avait pas été compliqué. Et puis, il fallait bien avouer que ce petit voyage en Sibérie avait été inspirant. Elle en avait parlé à la radio d’Elke et avait déjà couvert quelques recettes en vidéo sur son blog. On aurait pu croire qu’elle était épuisée après un tel voyage, mais non.

La porte s’ouvrit alors sur Anneliese et Paloma, derrière le comptoir, releva ses iris verts vers l’arrivante et affiche un immense sourire. Se redressant, elle contourna le comptoir pour s’approcher de sa fidèle cliente.

– Anneliese ! Entrez entrez. Toujours aussi radieuse ! complimenta-t-elle avec sincérité. Installez vous, posez votre manteau, faites comme chez vous comme toujours !

Elle fit signe à Anneliese de s’installer sur l’une des chaises hautes permettant à la cliente d’être installée directement au comptoir, là où Paloma avait déjà sorti des verres à vin et quelques bouteilles. Que serait une dégustation sans les vins pour l’accompagner ?

– Cela faisait un moment. Comment allez vous ? J'espère que vous avez pu éviter les embouteillages de fin de journée !

Anneliese accordait une grande importance à ses rendez-vous ; rien n'était laissé au hasard, elle se préparait méticuleusement. Elle prit soin de choisir une tenue qui reflétait à la fois son professionnalisme et son style personnel. Sa silhouette élancée était sublimée par une veste de tailleur impeccablement coupée. La veste, d'un noir profond, mettait en valeur ses courbes avec grâce, sans être trop ajustée, tandis que son col montant lui conférait une allure sophistiquée. Associé à sa veste, le pantalon était taillé avec précision pour épouser ses formes sans être contraignant. La coupe élégante du pantalon soulignait la longueur parfaite de ses jambes, descendant avec fluidité jusqu'à ses chaussures. À ses pieds, elle chaussa des escarpins à talons hauts classiques, d'un bleu électrique vibrant, ajoutant une touche de féminité à sa démarche assurée. Pour accompagner sa tenue, elle opta pour un chemisier en soie de la même teinte bleu électrique, créant ainsi une harmonie subtile avec ses chaussures.

Accessoirisant sa tenue avec sobriété, elle porta un sac à main en cuir spacieux où elle glissa ses documents essentiels. Ses oreilles étaient ornées de boucles d'oreilles pendantes en argent, tandis qu'un bracelet délicat ornait son poignet.

Anneliese avait manqué son rendez-vous pour sa manucure, mais cela ne l'empêcherait pas d'y aller. Dans sa voiture, elle retoucha ses boucles de cheveux, ajusta le col de sa chemise et de son tailleur, puis sortit en direction de la demeure d'Elliana. Elle était impatiente de retrouver cette jeune femme qu'elle trouvait particulièrement plaisante, tant par sa présence que par ses conversations. Elle se hâta de rejoindre la porte qui s'ouvrit sur son passage, découvrant Elliana derrière le comptoir. Un large sourire illumina le visage tacheté de rousseur d'Anneliese : « Paloma, quel plaisir de vous revoir. Votre compliment me touche, je peux vous retourner le même. » Elle prit le temps d'observer autour d'elle, remarquant une cuisine impeccable. Elle s'installa à l'endroit indiqué après avoir retiré son manteau. « Votre voyage s'est bien passé ? » demanda Anneliese, remarquant les bouteilles de vin qui serviraient sûrement à agrémenter la discussion. « Oui, un très long trajet, malheureusement », souffla la rouquine, se remémorant le vide dans les tiroirs-caisses qu'elle avait dû combler de ses économies pour éviter la fermeture de certaines boutiques. « C'était impeccable, j'ai décidé de me rapprocher d'ici avant que cela ne devienne impraticable. » Elle repoussa ses cheveux en arrière et sourit : « Sinon, je vais bien et vous ? » Elle était impatiente de commencer, bien qu'elle n'ait pas mangé avant l'entretien. C'était la faute de Jayden, toujours là pour lui préparer un repas délicieux qui lui donnait envie de reprendre l'habitude de manger trois repas par jour, une habitude qu'elle avait abandonnée depuis des années.

Anneliese était toujours si classe, si raffinée, à ne jamais avoir l’air de laisser le moindre détail au hazard. Paloma le savait, c’était ce genre d’apparence que sa belle-famille voulait qu’elle arbore aussi. Elle l’avait bien compris dès la première minute où elle les avait rencontrés. Elle n’avait jamais véritablement eu la sensation d’être assez bien à leurs yeux, puis, elle avait comprit que leur opinion n’était pas ce qui importait Néanmoins, ça n’empêchait pas la jeune femme d’observer Anneliese avec une certaine admiration pour cette perfection physique de toute évidence travaillée et largement remportée. Cela dit, elle aurait mit sa main à couper qu’Anneliese avait toujours eu une classe naturelle. Enfin, non, elle n’allait pas y mettre sa main à couper non plus, étant cheffe cuisinière, elle avait des couteaux diablement tranchants. Paloma, elle n’était pas aussi élégamment vêtue. Elle portrait son uniforme de cheffe : un ensemble blanc, immaculé et parfaitement bien repassé. Ses cheveux étaient rassemblés en une queue de cheval qui aurait pu être un peu mieux faite, mais avec ses boucles brunes qu’elle avait eu une sainte flemme de lisser ce matin, elle avait abandonné. Pourtant, elle lui rendit le compliment ce qui ne manqua pas de légèrement faire rire Paloma qui avait toujours eu beaucoup de mal à accepter les compliments.

– Ah, je vous remercie. L’aventage des tenues de travail : on a peu à se soucier de comment les accorder, dit-elle avec un léger rire, préférant l’humour et l’auto-dérision dans sa grande modestie.

Son voyage ? Ah… oui. Son voyage. Son voyage avec Harry. L’espace d’un instant, son coeur loupa un battement face à ce souvenir… eh bien… disons que penser à Harry faisait toujours remonter ses erreurs.

– Très bien, très bien ! Je termine l’édition des videos pour créer un véritable épisode complet de 30 minutes. Il devrait paraître la semaine prochaine.

Néanmoins, Anneliese lui fit part que le trajet avait été compliqué, ce qui déclancha un moue compatissante sur le visage de la Cubaine.

– Excellent choix, dit-elle en se tournant sa cave à vin encastrée dans l’un des meubles de cuisine pour en sortir deux bouteilles de vin pétillant. Je vais bien. Bien occupée, mais j’aime bien trop cela, vous le savez.

Elle ouvrit une première bouteille, puis la deuxième, avant de remplir le fond de quatre flûtes. Juste assez pour en savourer quelques gorgées.

– Bon, j’ai de quoi vous faire oublier ces atroces embouteillages. Nous n’en avons pas discuté, mais j’imagine qu’on part sur des bulles ? Alors, je sais, l’idéal c’est toujours le Champagne. MAIS, y a deux mois, j’ai été visiter un petit vignoble italien et leur Proseco est à tomber. En plus, il se marierait parfaitement avec les propositions que je t’ai préparées.

Elle fit glisser deux flûtes en direction de sa cliente, avant d’indiquer :

– A ta droite le Champagne, c’est la même Maison que celle que je te sers habituellement, mais cette fois-ci un assemblage pinot meunier et Chardonnay. A ta gauche, c’est le Prosecco. Tu devrais sentir des notes plus florales et fruitées que celles de Champagne. Honnêtement, je te conseille vraiment le Prosecco d’un point de vue gustatif pour ce menu, mais ce Champagne irait parfaitement bien aussi. Naturellement, c’est ton choix. Je sais que dans ce genre d’événement les gens s’attendent vachement toujours à du Champagne.

AMême si elle comptait parmi les millions d’abonnés de la jeune cheffe, Annie n’avait pas eu un seul instant à elle. Les seules petits moments qu’elle s’octroyait provenait des moments où elle prenait soin de son apparence. C’était idiot mais si cette partie devait être un plaisir et un moment de relaxation, Anneliese ne le voyait pas de ce point de vue. C’était des moments où elle devait se montrer parfaite aux regards des acheteurs et des artistes qui devaient lui faire confiance. Cela l’étonnerait qu’ils feraient une quelconque affaire avec elle si elle se présentait en jogging et les cheveux éparts à leurs entrevues. Anneliese était venue pour faire affaire mais elle avait une grande affection pour la jeune femme ce qui rendait les choses nettement plus agréables. Autrement dit, elle n’avait plus forcément le temps de fureter sur les réseaux. Bien sûr après les banalités d’usage, elle voulait quand même connaître les résultats de son dernier voyage. La nouvelle enthousiasma la rousse qui lui adressa son plus beau sourire : « C’est génial ! » Tout en se promettant mentalement d’aller rattraper son retard. Sauf qu’elle se savait terriblement faible. Elle ne savait pas remettre les choses au lendemain en ce qui concernait le travail alors forcément ses loisirs étaient vite revue à plus tard. « J’ai vraiment hâte de voir ça ! »  

Les deux femmes discutaient et bientôt, elles passèrent aux choses sérieuses, autrement dit, ce sur quoi elle avait bravé la circulation.

- J’ai de quoi vous faire oublier ces actroces embouteillages.
- Je n’en doute pas un seul instant !
En réalité, elle ferait nettement plus de route pour retrouver cette jeune cheffe aux idées novatrices afin de ravir à la fois les yeux et les papilles de ses futures acheteurs. En plus de ça, Paloma remplissait tout ce dont elle avait besoin pour arriver à ses fins : De l’art avec la nourriture. « Nous en avons pas discuté, mais j’imagine qu’on part sur des bulles ? » Anneliese hocha la tête vivement, elle avait une grande fascination pour le champagne. « MAIS, » Le langage corporel de la rouquine parlait plus franchement que ses lippes restants fermés tandis que Paloma lui proposait quelque chose. Curieuse, et gourmande, son meilleur ami pouvait le confirmer, elle scruta les deux flûtes tout en suivant scrupuleusement les instructions.

- Oh tu me prends par les sentiments avec un mélange Chardonnay, commenta la gérante en se mordant la lèvre inférieure. « Bon je t’avoue qu’habituellement je te dirais que mon choix s’arrêterait pour Champagne sans hésitation. Cela dit,… » Elle plissa le nez comme pour montrer le dilemme dans son cœur et dans sa tête : « Tu as réussi à piquer ma curiosité avec le Prosecco. » Les gammes italiennes ne pouvaient pas la trahir. Ses voyages, avec sa fille, lui avait apprit à ouvrir ses papilles gustatives et l’offre de sa cheffe lui avait mis l’eau à la bouche.

- Tu gouttes avec moi, dis moi ! » s’assura la Hampton avec un petit clin d’œil complice et préféra débuter, aussi surprenant que cela puisse paraître, au Prosecco. Elle ne voulait pas que son avis soit biaisé par son amour envers le champagne ou que sa bouche ne soit trop prise par les bulles de la boisson dorée. Une petite gorgée, Anneliese laissa le petit bol planait dans sa bouche, enveloppant les papilles gustatives dans son intégralité. En même temps, elle huma doucement le liquide dans le verre pour rendre l’expérience plus complète. Une petite minute plus tard, Anneliese finit par avaler le liquide – refusant catégoriquement de recracher quoique ce soit provenant de sa bouche et qui est tout aussi délicieux.

- Oh mon dieu, Paloma, mais c’est délicieux !

Elle hésita un instant puis reprit une nouvelle gorgée. « C’est incroyable, il va me le falloir pour un usage plus personnel, c’est certain ! » assura la Hampton avec un hochement de tête entendue mais toujours souriante. « Après ça, je ne doute pas que tu vas encore plus me dérouter avec tes propositions. J’ai vraiment hâte ! » s’exclama la rousse en reposant la flûte.