How you remind me • Bastian.

Cette convocation, n'a rien de bon. Un mauvais pressentiment le titille depuis qu'il a reçu l'appel d'un des gars de son patron... de son père. Chaque fois qu'il pense à ce fait, il sent une sourde colère le prendre aux tripes. Il déteste cet homme. Du plus profond de son âme. Seulement il doit lui sourire, il doit prétendre apprécier de travailler pour lui. Quand il meurt d'envie de refermer ses doigts autour de son cou... Ce sentiment ne le quitte jamais. Même quand il se surprend à vouloir en savoir plus sur lui, à le connaître, à vouloir être son fils. Ce qui n'arrivera jamais, ça il est en certain.


Devant cette porte close, il attend nerveusement. Quelque chose dans cette situation ne lui plaît pas du tout. Il ne sait pas pourquoi il doit absolument le voir ce soir. D'autant plus en voyant l'un de ses collègues, Okvan... Okran... Un truc comme ça, se faire virer du bureau sans ménagement. Il est le suivant. Son angoisse monte d'un cran en voyant la porte ouverte pour lui. C'est à son tour. Son estomac se tord une seconde mais il se lève, mimant une insolence et une confiance qu'il ne ressent pas vraiment à cet instant. Au contraire même. C'est tout l'inverse. Seulement il s'efforce de ne pas le montrer avant d'entrer dans la pièce d'un pas qui se veut assuré. Quand la porte se referme, il sent un long frisson parcourir son échine, mais relève la tête dignement pour observer son patron... son père. Nouveau frisson qui le prend jusqu'à sa colonne vertébrale. Sa gorge s'assèche, il n'est pas certain de savoir quoi dire pour se détendre. Jusqu'à cet éclair de génie... qui n'est finalement pas si génial. « C'plutôt rare de se faire convoquer dans le bureau du chef. Quelque chose ne va pas. » Sa voix ne tremble pas et il s'en félicite, fier de se voir suffisament solide pour ne pas montrer à quel point il flippe de se retrouver entre ses quatre murs avec cet homme.


Il ne s'agit pas de cette convocation. C'est plutôt parce qu'il sait ce dont il est capable. Il sait ce qu'il peut faire aux autres. Son père n'est pas quelqu'un de recommandable. Et c'est pour ça qu'il n'aime pas se retrouver en sa présence trop longtemps. Finalement il serre les mâchoires et reprend un peu insolent, comme à son habitude. « Il vous en reste un peu... Là... » Il pointe cet espace, entre ses lèvres et son nez, dans un sourire moqueur. Il n'est même pas sûr de ce qu'il consomme. Il n'a fait que voir, cette trace blanchie sur le bureau.

Le plus jeune des deux se retient difficilement de rouler des yeux face à l'attitude de son "patron". Ce besoin, de lui prouver qu'il est maître de cette entrevue, en se levant ainsi pour le surplomber, l'agace plus que de raison. Il déteste se sentir oppressé de cette façon mais se surprend à ne rien dire pour une fois. Il sait pourquoi il perd ses moyens. Avec n'importe quel autre personne, il se serait montrer insolent et se serait bien moqué de provoquer le grand manitou. Seulement là. C'est un peu différent. « Bastian. » Qu'il répond finalement, taisant à dessein son nom d'emprunt. Il sait que le géant blond s'interroge sur son patronyme entier. Seulement il ne compte pas le lui dire. Après tout, il n'a vraiment pas envie de lui avouer qu'il est son fils. Tout comme il détesterait lui mentir. Quand il sursaute, après le poing tapé, il se maudit aussitôt. Chaque moment où il lui montre sa faiblesse, il le prend comme un échec personnel. C'est dingue, ce paradoxe qui l'agite, dès qu'il s'agit de cet homme. D'un côté, il veut le détruire, lui faire du mal, le blesser, peut être même le tuer. Et de l'autre... Il a ce besoin viscéral, d'entrer dans sa vie, de le connaître et de se faire connaître. Pas en mal pourtant.


Alors quand il amène le sujet qui l'agite, Bastian sent une tension immédiate habiter son corps entier. La feuille traîne devant ses yeux et par réflexe, il observe chaque ligne, imprimant les chiffres dans un coin de son esprit. Et aussitôt il comprend de quoi il est question. Les comptes sont mieux fait qu'escompté. Il avait cru être plus discret mais visiblement, c'est un échec. Son patron le questionne sur ce trou dans sa banque. Et le jeune homme sent son souffle lui manquer. Par réflexe, il remonte son regard dans celui de son père, fixant leur azur quelques secondes. C'est difficile pour lui de rester impassible, mais il fait de son mieux pour ne rien lui montrer, relevant même le menton dans sa direction. « Non. » Un sourire vient traîner sur ses lèvres pendant plusieurs secondes, avant de reprendre sur un ton arrogant. « Enfin... J'le ferais bien en face de vous si je vous voyais plus souvent. » Bien sûr qu'il devrait se taire maintenant. Ce type n'est pas du genre à se laisser provoquer sans réagir. Tout ce qu'il espère maintenant, c'est qu'il prenne son aplomb et son arrogance pour ce que c'est censé être... une diversion. Il ne lui ment pas... Seulement il espère qu'il le croit, pour se dédouaner de tous soupçons.