Sun Mi&Bastian • revival

C'était un peu par hasard que Bastian s'était retrouvé nez à nez avec Sun Mi. Il avait un peu coupé court ces derniers temps avec le monde extérieur, se satisfaisant de la présence de ses deux colocataires, Simon et Clément, dans sa vie. Et puis, sa dernière sortie hors de l'appartement ne s'était pas particulièrement bien soldée. Il avait revu Ayleanna, la femme qui, bien que tout le monde, excepté Simon et Clément, l'ignorait, portait le cœur d'Elise et dont il était tombé amoureux. Le conservateur n'avait aucune idée de s'il s'agissait d'un transfert vis à vis de sa défunte épouse, mais il avait eu besoin de se rapprocher d'elle… jusqu'à ce qu'elle lui mette un stop. Elle était partante pour rester amie avec lui, mais sa condition de santé ainsi que ses inquiétudes vis à vis de la vie, et enfin, pour finir, le vécu de Bastian, qu'il lui avait révélé, mais à moitié, c'était trop pour qu'elle se risque à le voir souffrir si elle devait partir elle aussi.

Alors, évidemment, Bastian avait fini par se terrer chez lui, mis à part quand le matin, il partait très tôt au travail, et qu'il rentrait le soir. Ce jour-là, quand il s'est trouvé devant Sun Mi, il s'est senti bête. Il ignorait qu'elle était en Allemagne, et s'il l'avait connu à l'époque en France, et grâce à Elise, il ne se serait pas attendu à la revoir. Ils avaient discuté, pendant de longues minutes, et quand il a finalement osé parler d'Elise, elle ne l'a plus lâché. Savait-elle déjà qu'elle était décédée des années auparavant ? Venait-elle de l'apprendre. Toujours était-il qu'il lui avait proposé de passer à la maison, et qu'ils avaient cuisiné, et discuté pendant de longues heures. Il ne se souvenait plus si ses colocataires la connaissaient, toujours était-il qu'ils ont discuté ensemble comme de vieux amis. Et finalement, l'heure passant, ils avaient proposé à la jeune femme de rester dormir, étant trop tard pour rentrer.
Puis la semaine avait passé, et Sun Mi était souvent passée, tant à la maison qu'au travail de Bastian. Puis la semaine d'après, quand elle avait remarqué que Bastian se refermait encore, elle avait essayé de le faire sortir. Dans le fond, il appréciait le geste, et bien qu'il soit trop fier pour la remercier, il était plein de gratitude envers son comportement.

Si bien qu'au final, après presque trois semaines depuis qu'il avait revu Sun Mi, il lui fit livrer des chocolats, avec une invitation sur laquelle était écrite.


Et à la fin de sa matinée de travail, il se rendit au lieu de RDV, et s'adossa contre une fontaine pour attendre son amie.

On ne refuse jamais des chocolats. Ou un cadeau quelconque. Sauf quand on avait avec les années développé un caractère tel que Sun Mi possédait. Quelle n'avait pas été la drôle de mimique qui s'était affichée sur le visage du livreur quand l'ancienne danseuse lui avait tout d'abord affirmé que le coli pouvait être offert à sa femme si il en possédait une. À son compagnon peut être...Après tout, il arrivait parfois que des collaborateurs voire amants trop insistants tentaient de s'imposer dans son existence. Et la coréenne ne tolérait ce genre de débordement, elle qui appréciait de mettre les limites d'une relation quand celle-ci commençait. Les remerciements faisaient partie d'une autre catégorie et la directrice du ballet d'Hambourg était connu dans son milieu pour apprécier les recevoir en personne et non par voie postale. Il s'en était ainsi fallu de peu que la porte ne se referme sur un jeune homme surpris mais toutefois assez insistant pour lui annoncer qu'un certain Bastian Sachs serait des plus déconfis lorsqu'on lui retournerait les friandises. La porte s'était alors arrêtée et dans l'entrebâillement de cette dernière avait surgit une main aux longs doigts fins et soignés. Ses appendices parfaitement manucurés avaient attrapés la boite, un remerciement prononcé un brin trop fort avait été surgis de derrière le battant avant qu'il ne se referme. Minutieusement, la nouvelle propriétaire des mignardises avait ouvert la carte comme si elle avait pu être piégée. Des amis, Sunny n'en manquait point. Mais il n'y en avait qu'un seul dont une telle attention ne pouvait que la surprendre. Le couple Sachs... Rencontrer des années auparavant en France, alors qu'elle n'était encore qu'une jeune adulte pleine de rêve. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais Elise avait plu à cette petite asiatique qui parlait un français souvent avec un accent prononcé. Bien qu'entourée, l'Opéra Garnier ne lui offrait guère de vraies amies. Mais la danseuse étoile avait trouvé dans ces jeunes gens des compagnons d'aventures qu'elle n'aurait jamais espéré revoir. Du moins, pas l'un sans l'autre. Ils étaient sa Lune et son Soleil. Mais plus qu'un ne brillait aujourd'hui. Retrouvé en Allemagne, la si sévère directrice avait laissé couler pendant des semaines les torrents d'un cœur meurtri quand enfin, la solitude arrivait après chaque répétition. Les yeux dans le vide, la coréenne ne cessait de repenser à cette si belle Elise mais aussi à celui qui l'avait vu s'éteindre. Humaine dans l'ombre d'autrui, Sun Mi s'était montrée plus radieuse auprès d'un Bastian qui se repliait sur lui même. La coréenne avait répété ses visites de façons impromptues chez cet ami qu'elle refusait de laisser souffrir seul, guettant le moindre signe de gaité ou d'amélioration de santé. Plus réceptive et empathique qu'on n'aurait pu le croire de ce monstre qui faisait trembler certains artistes, elle avait compris que d'autres douleurs torturaient cet être brisé. Mais jamais Sunny ne s'était permise la moindre inquisition. Les gens ne se livrent à vous que s'ils le désirent, elle ne le savait que trop bien...Finalement, le travail l'avait englouti et trois semaines s'étaient écoulées sans une seule visite de sa part ou le moindre message.

Il est surprenant, ce qu'un simple bout de carton et quelques mots peuvent vous faire ressentir. Adosser à la porte, elle avait eut un sourire qu'on n'aurait su interpréter. Joie et tristesse, soulagement ? Les émotions se mélangent si facilement. Sun Mi n'avait pas goûté aux chocolats, comme s'ils étaient des plus précieux. Assise à son bureau, la concentration avait été difficile et le temps avait décidé de s'étendre jusqu'à l'heure fatidique où elle devrait partir pour être à l'heure au rendez-vous. Veste blazer orangée avec chaussures et ruban teintée nouant une longue natte brune, elle était le plus beau macaron de la ville, elle en était certaine. Habituée à la ponctualité, ce fut donc à l'heure que notre danseuse arriva devant l'Opéra. Son plus beau sourire s'afficha avec sincérité quand ses pas la menèrent vers Bastian.

"Si je te pousses dans la fontaine, ai-je le droit de faire un vœu ou serais je maudite ? Sans pièce sur moi, il faut faire avec ce que j'ai. Qu'en penses tu ? " lui lança t'elle tout en poussant légèrement le front de son ami avec son index. Sunny n'aimait point les arrivées banales, elles amenaient toujours à cette redoutable question à laquelle la plupart répondait par un mensonge. Comment vas-tu ?