(Elke+Mateo) I Remember It All Too Well

I Remember It All Too Well

✧ ✧ ✧ ✧ Mateo + @Elke Schulz ✧ ✧ ✧ ✧

Il y a plus d’un an. Quelques jours après l’accident.

Mateo ne saurait pas dire depuis combien de temps il est dans cette chambre, sa main sur le bras de sa femme, branchée à toutes sortes de machines et les yeux clôs, sa poitrine se levant et s’abaissant au rythme de “sa” respiration. Il a à peine dormi depuis… depuis l’accident. Celui-ci tourne en boucle dans sa tête comme la pire scène de film qu’il ait vue de toute sa vie. Lui arrivant sur les lieux avec son équipe après qu’on leur ait dit qu’il s’agissait d’un accident impliquant une voiture, une moto et au moins trois passagers, lui ne faisant pas le lien, bien entendu, avec sa famille, et lui réalisant que, coincée dans la voiture, il y avait Magdalena. Sa Magdalena, la femme de sa vie, inconsciente, clairement en mauvais état… La petite Barbara qui a couru vers Samuel dès que les collègues de Matt l’ont sortie de la voiture. Mat, lui, désespéré de sortir Maggie de sa voiture, allait trop vite, plus vite qu’il n’aurait dû, criant des ordres à droite et à gauche pour presser ses collègues de la sauver. Son coeur battait trop vite, tout autour de lui semblait flou, étourdissant. Son capitaine lui a donné l’ordre de se retirer de la situation, lui disant qu’il n’était pas en état de faire son boulot, qu’il devrait plutôt aller s’occuper de sa fille qui, heureusement, ne semblait avoir qu’un bras cassé. Un vrai miracle, lui a-t-on dit. Mat a résisté, bien entendu; Maggie avait plus besoin de lui, elle avait besoin d’être sortie de la voiture immédiatement. Barbie était entre les mains d’une ambulancière bienveillante, elle n’était plus en danger. Même Samuel était déjà sur une civière, en train de recevoir les soins dont il avait besoin. Mais son capitaine a insisté, a même été jusqu’à le menacer de devoir le mettre dehors s’il n’obéissait pas. Mais Schulz s’en foutait, son job était loin d’avoir autant d’importance que la femme de sa vie… Pourtant, il a fini par obéir, à se retirer de la scène d’accident, bien que surveillant toujours sa femme de loin, en allant rejoindre leur fille. Barbie pleurait parce qu’elle voulait sa mère et que son bras lui faisait mal. Matt s’était penché vers elle pour la rassurer, lui tenir l’autre main, tout en vérifiant régulièrement ce qu’il en était de Magdalena. Enfin, enfin, ses collègues ont réussi à la sortir de la voiture accidentée, à la transporter jusqu’à l’ambulance. Le voyage jusqu’à l’hôpital a semblé beaucoup trop long pour Mat. Et s’ils n’arrivaient pas à temps?

Pourtant, quelques jours plus tard, Magdalena n’a peut-être pas encore ouvert les yeux, mais elle est toujours de ce monde. Son corps guérit trnaquillement, très tranquillement à vrai dire, mais il ne faut sans doute pas s’attendre à autre chose considérant toutes les blessures que l’accident lui a causées et les chirurgies qu’elle a dû subir. Mat vient la voir chaque jour, lui tenir la main, lui parler comme si elle pouvait l’entendre. Barbara n’a passé qu’une nuit à l’hôpital, seulement pour être sous surveillance un petit vingt-quatre heures, et elle est à présent chez la jumelle de sa mère avec Myles. Les deux enfants demandent sans cesse à venir voir celle qui les a mis au monde. Sauf qu’aujourd’hui, le médecin a exécuté toutes sortes de tests sur sa patiente et souhaitait en transmettre les résultats à Mat. Celui-ci ne veut pas que ses enfants entendent, pas parce qu’il est persuadé que ça serait des mauvaises nouvelles, mais parce qu’en tant que pompier, il en a vu, des choses, et qu’il veut seulement prévenir. Juste au cas, il ne veut pas que ses enfants entendent.

Finalement, le médecin entre dans la chambre et demande à parler à Mateo. Celui-ci retient son souffle, prie pour le mieux dans sa tête, souhaite à tout prix que ce seront des nouvelles encourageantes. « Monsieur Schulz », commence-t-il, et Mat croit détecter un ton plus… sombre, dans la voix du docteur. Et alors que celui-ci lui annonce que Magdalena est tombée dans un coma et qu’ils ne savent pas quand et si elle se réveillera, Mateo sent ses jambes ses dérober sous lui, son coeur s’arrêter, et il s’affale dans la chaise derrière lui, à côté du lit de sa femme. Il croit entendre le professionnel lui dire qu’il lui laisse un peu de temps pour digérer la nouvelle et qu’il est là s’il a des questions, mais le pompier essaie juste de calmer son esprit qui brasse tout plein de pensées en ce moment. Que faire, à présent? Comment va-t-il dire ça à leurs enfants? Il y a des chances que votre mère ne se réveille pas…

Mateo ne s’est pas rendu compte qu’il s’est endormi, la tête posée sur le matelas juste à côté du coude de Magdalena, la main sur elle, comme pour se rassurer qu’elle serait toujours là. Il se rend compte qu’il s’est endormi que lorsqu’il se réveille parce qu’il a senti quelque chose sur son épaule. Une main, que son regard fini par distinguer alors qu’il tourne la tête doucement. Son regard remonte le long du bras qui est relié à ladite main et il s’aperçoit que c’est Elke qui est là, à côté de lui. Mat cligne des yeux à répétition pour chasser le sommeil et, quand il réalise que sa soeur est réellement là, il se lève en un bond pour la serrer dans ses bras — ou plutôt pour qu’elle le serre dans ses bras —, et les larmes se mettent à rouler sur ses joues sans qu’il ne puisse y faire grande chose. « Elle est dans un coma… » souffle-t-il, la gorge nouée. « Ils ne savent pas si elle se réveillera… » arrive-t-il à ajouter, de peine et de misère.

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Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

« On se retrouve dans quelques minutes pour la deuxième heure d’Elke et les Magnifiques. Tout de suite après les actualités ! » Un coup d’œil vers la régie et un hochement de tête plus tard, la publicité était lancée. C’était la plus longue pause que vous aviez pendant l’émission, car les premières minutes étaient réservées aux actualités spécifiques à chaque région. Ce n’était pas ton équipe qui s’en occupait, c’était des animateurs différents en Allemagne. Tu eus à peine le temps de souffler un coup que tu remarquas que ton téléphone portable s’était allumé sur la table, près du micro, affichant le nom de ton fiancé. Tes sourcils se froncèrent. Ce coup de fil n’avait rien de normal. Ton futur mari connaissait tes horaires d’onde et jamais il n’osait t’appeler pendant, même pendant une pause publicitaire. Ce qui voulait dire qu’il avait pris la peine d’ouvrir sa radio, pour attendre cette annonce avant de composer ton numéro. Tu attrapas ton téléphone et tu te permis de quitter le studio avant de répondre.

Tu restas stoïque tandis qu’il parlait. Rien de ce qui te disait ne te plaisait. Tu sentais l’angoisse monter dans ton estomac alors qu’il avançait dans son récit. Tu appris que ta belle-sœur, Magdalena, avait eu un grave accident de voiture avec sa petite fille et son cousin. Tu soufflas presque en attendant que la petite allait bien, que sa vie n’était pas en danger, mais tu déglutis lorsqu’il ne t’annonça pas la même chose pour Maggie. Immédiatement ta pensée alla vers ton petit frère et ton fiancé anticipa ta question sur l’état de ton frère. Ce n’était pas joyeux. Les informations venaient de la jumelle de Magdalena qui voulait t’avoir dans le coin, mais qui n’avait pas osé t’appeler directement. Après avoir raccroché, tu restas figée une bonne minute ne sachant pas quoi faire. D’un côté, tu avais ta conscience professionnelle, mais de l’autre, on parlait de ta famille, ta priorité. Même si tu te doutais que Mateo n’avait pas besoin de toi dans la seconde et qu’une heure, ce n’était rien, tu savais que tu n’aurais pas la tête à offrir une heure de qualité à tes auditeurs. Ton esprit était déjà ailleurs. Tu rejoins le studio et tu prévins ton équipe de la nouvelle que tu venais de recevoir. Avant de n’avoir pu proposer quoi que ce soit, le scripteur de l’émission prit le relai pour attribuer la suite de l’émission à tes trois collaborateurs du jour. C’était l’avantage de ton émission, tu n’étais pas seule et une absence soudaine était possible. Donc tu quittas la radio, en pleine heure de pointe pour te rendre à l’hôpital.

***

Quelques jours s’étaient écoulés depuis ce fameux jour qui avait chamboulé ton quotidien, mais ce n’était rien à côté de celui de ton petit frère. Toi, tu t’étais contentée d’être une présence, un soutien. Tu ne pouvais rien faire de plus et cette impuissance ne te plaisait pas. Après ta journée du lundi, tu te rendis de nouveau à l’hôpital toujours avec cette boule au ventre qui te ramenait plusieurs années en arrière où tu avais passé beaucoup trop de temps dans cet hôpital. Tu n’étais pas sans penser à ton fils à toutes les fois où tu franchissais les portes d’entrée. Et même si tu voulais te montrer au maximum optimiste pour Mateo, tu ne savais pas l’être. Le nombre de personnes qui t’avait promis que tout irait bien pour ton fils alors que... tu n’avais jamais pu le ramener chez toi. Oh, certes, tu n’en voulais à personne d’avoir voulu y croire, mais tu ne pouvais plus présenter cette même optimisme presque naïve que tu avais eu à l’époque. Tu ne faisais pas partie de ceux qui disaient à ton frère que Maggie allait s’en sortir, car sur papier, personne n’en savait rien. Si les médecins étaient positifs, ça serait une autre histoire, mais pour l’instant, c’était le néant pour tout le monde. Alors tu ne pouvais pas te permettre de dire à ton frère ou à ses enfants que tout allait bien aller. Tu pouvais seulement laisser le temps faire son travail en sachant pertinemment comment ça pouvait tuer une personne à petit feu. Tu pouvais uniquement être présente et prier très fort pour ta belle-sœur. Ce jour-là, en pénétrant dans la chambre d’hôpital, tu sentis ton cœur se briser de voir ton frangin endormi dans une position pas du tout confortable près de sa conjointe. Tu fermas les yeux un instant pour chasser tes souvenirs qui revenaient au galop et pour te plonger dans ton rôle d’ainée. Tu avanças doucement dans la pièce et tu posas ta main contre l’épaule de Mateo. À son réveil, il ne tarda pas à rejoindre tes bras et tu le serras aussi fort que possible. C’est à cet instant que la mauvaise nouvelle tomba. Magdalena était dans le coma et les médecins ne savaient pas si elle allait se réveiller. Tu serras fortement les dents. La vie était injuste. Ce que tu pouvais la détester parfois. Pourquoi pouvait-elle se montrer aussi cruelle ? Tu aurais tellement voulu avoir la science infuse, pouvoir lui dire qu’elle allait se réveiller, mais... Tu ne pouvais pas lui faire une telle promesse. Ta main vint se poser derrière sa tête pour bien le garder contre toi pendant qu’il évacuait sa peine. « Elle va se battre. » Ça, tu pouvais l’affirmer sans l’ombre d’un doute. Tu la connaissais celle que tu surnommais amicalement « Miss Parfaite ». Elle devait être encore plus têtue que toi. Tu t’éloignas légèrement de ton frère pour le regarder dans les yeux. Tes pouces glissèrent sur ses joues pour retirer ses larmes. « Nous allons nous battre avec elle. » La famille allait être présente et ils allaient se soutenir. Pour le meilleur comme pour le pire. « Ça fait combien de temps que tu es ici ? Est-ce que tu as mangé ? » Tu te doutais bien que Mateo n’avait pas du tout la tête à ça, c’est pour cela que tu allais penser pour lui, que tu allais jouer ton rôle de grande sœur.

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Il y a plus d’un an. Quelques jours après l’accident.

Quand Mateo ouvre les yeux, il a du mal à se retrouver, ne s’étant pas rendu compte qu’il s’était endormi. Il prend quelques secondes de plus pour se rendre compte que ce qui l’a sorti de ce sommeil, c’est une main sur son épaaule. Et quand il lève le menton pour associer un visage à cette main, il trouve sa soeur, Elke, postée pas loin de lui et qui l’observe. Immédiatement, les yeux embrouillés par la fatigue, il se lève d’un bond pour qu’elle le serre dans ses bras. Et, cette fois-ci, ses yeux s’embuent de larmes qu’il ne peut plus contenir, les premières depuis l’accident. Parce que cette fois-ci, le taux d’espoir que sa femme se réveille est en chute libre, et il ne sait pas quoi faire. Il se sent désemparé et… vulnérable. Deux émotions qu’il ne montre que rarement. La dernière fois qu’il s’est senti aussi vulnérable, c’était quand il a tenté de revenir dans la vie de Magdalena et de Myles. Il le voulait tellement qu’il aurait tout donné pour qu’elle dise oui. Et elle a dit oui. À l’intérieur de lui, il s’est senti très vulnérable quand son neveu, le fils d’Elke, est parti pour toujours… Mais c’était elle qui avait besoin de lui, et il a donc ravalé ses larmes et sa peine comme si ça voulait dire qu’il pourrait être mieux là pour elle. À présent, elle est là pour lui, depuis toujours, mais dans ce cas-ci depuis l’accident. Il a même cru comprendre qu’elle avait quitté son émission de radio pour venir le rejoindre le jour-même directement. Il ne l’exprime peut-être pas si souvent de manière verbale, mais il est infiniment reconnaissant d’avoir autant de bonnes personnes autour de lui…

Quand Elke lui répond que Magdalena va se battre, Mateo inspire et retient son souffle quatre secondes, avant d’expirer doucement contre l’épaule de sa soeur. Magda est est une femme forte, acharnée, oui elle va se battre. Il veut bien le croire. Mais tellement de facteurs externes sont en jeu… Elke s’est quelque peu éloignée pour passer ses pouces sur ses joues, pour essuyer ses larmes, exactement comme elle a fait quand il avait sept ans et qu’il est tombé de son vélo, s’écorchant les genoux au sang. Ça a un petit quelque chose de réconfortant pour l’homme, un simple geste qui lui rappelle qu’il n’est pas seul, qu’il est bien entouré. Même si une partie de lui se sent seule parce que, normalement, c’est avec Magda qu’il gère tout — les enfants, les vacances, les repas, les devoirs… la vie, quoi, sans compter qu’elle est l’amour de sa vie —, et là… il ne sait même pas si elle va réouvrir les yeux un jour. Il se sent dépassé par tout ça, il aimerait que tout redevienne comme avant rien qu’en ouvrant les paupières. Il hoche la tête quand Elke ajoute qu’ils vont se battre avec elle. Mat continuera de venir la voir dès qu’il le peut, de lui tenir la main. D’emmener les enfants, aussi. Ne sait-on pas quel genre de miracle toute cette belle énergie pourrait donner? « Uh? » Perdu dans ses pensées, le pompier met quelques secondes à réaliser ce qu’elle vient de lui demander. « Oh… je sais pas. » Il regarde l’horloge accroché au mur. « Ça fait deux heures environ que je suis ici… et non, j’ai pas mangé, mais… j’ai pas très faim. » Il esquisse un léger sourire pour la forme, un sourire dénué de joie et rempli de fatigue, et qui ne se rend pas à ses yeux. Son estomac est noué, il a l’impression que tout ce qu’il mangerait n’y resterait pas très longtemps. Sa soeur est tout de même toujours aussi attentionnée.

Les doigts de Mateo frôlent le bras de sa femme alors qu’il regarde son visage, peu reconnaissable sous les diverses blessures qui s’y sont logées. Puis, il se laisse tomber sur la chaise, passe ses mains dans ses cheveux et lève les yeux dans ceux d’Elke. « Je sais pas quoi faire… » souffle-t-il, le coeur lourd. Pas qu’il ait réellement un choix. Et comme il y a des chances qu’elle se réveille, il est hors de question de la débrancher… et même si tout espoir était anéanti, il ne saurait pas comment il pourrait arriver à une aussi horrible conclusion. « Je vois pas ma vie sans elle… » poursuit-il dans un murmure. Il sait que, parfois, la vie est cruelle comme ça. Elke en est la preuve-même, ayant perdu son fils il y a des années de ça. Comment elle a fait pour vivre au-travers de tout ça — mis à part qu’elle est une des personnes les plus fortes qu’il connaisse —, il n’en sait rien. Il voudrait juste lui aussi fermer les yeux, pour se réveiller et que tout soit réglé.

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Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

La situation ne serait simple pour personne. Elle serait d’autant plus difficile pour la famille de ton frère. Tu n’étais pas sans penser à ton neveu et ta nièce qui n’allaient sûrement pas comprendre tout de suite ce qui se passait et surtout ce que ça impliquait. Ils n’avaient pas perdu leur maman, mais la situation laissait croire le contraire. Les enfants n’aimaient pas les imprévus, tous ne savaient pas les gérer. Comment annoncer à ses enfants que leur mère allait peut-être se réveiller, mais que personne ne pouvait donner de date précise ? Tu allais devoir être présente un maximum. Ton petit frère n’avait pas à avoir toute cette charge sur les épaules, plus que jamais il allait avoir besoin de sa famille. Même si Myles risquait de mieux comprendre, ça serait autre chose avec Barbara. Elle était tellement jeune, tellement naïve… Tu ne devais pas y penser maintenant et pourtant ça te fendait déjà le cœur. Dans l’immédiat, ton attention totale devait aller sur Mateo. Il avait besoin de toi, il avait besoin d’être soutenu.

« Très bien. Je vais aller te chercher une soupe à la cafétéria tantôt. Tu dois avaler quelque chose. » Même si c’était léger, ça lui donnerait un fond. Un petit peu d’énergie pour affronter les heures à venir. Ce n’était pas un choix que tu lui donnais. Tu avais été une abonnée de la fameuse soupe du jour de la cafétéria pendant la période que tu avais passé ici. Elle t’avait étonnement aidé à tenir le coup. D’avoir un fond qui t’avait empêché de vomir toutes tes émotions. Lorsque la situation allait le permettre, tu allais laisser ton frère un instant pour récupérer cette fameuse soupe presque magique. Et tu allais lui faire avaler par le nez s’il le fallait.

Dans la seconde, tu devais rester ici. Ton frère venait de se laisser tomber sur la chaise aux côtés de son épouse et tu avais rarement vu autant de détresse dans son regard. Ça n’avait rien à voir avec la Martinique, les minutes précédentes son mariage. La peur n’était pas la même. « Chut, chut. Ne pense pas à ça. Tu vas trop vite. Une étape à la fois. » Tu t’étais accroupie devant lui et tu avais posé une main rassurante sur son genou. Mateo avait toutes les raisons pour être pessimiste, mais tu n’allais pas le laisser l’être. « Elle est toujours là. Vivante. Tu n’as pas à imaginer ta vie sans elle. Tu dois, au contraire, être présente pour elle. » Ton ton était plus ferme voire autoritaire. Ton regard planté dans celui de ton frère l’était également. Tu savais que la situation était difficile, mais tu ne voulais pas le voir baisser les bras si vite. « C’est difficile à faire, j’en ai conscience, mais dans l’instant, tu n’as rien à faire. Soit présent, tiens lui la main, parle-lui… » Il n’y avait malheureusement pas de recette miracle. L’impuissance était l’unique sentiment présent dans une situation comme celle-ci. « Où sont les enfants ? As-tu besoin que je fasse quelque chose ? » Malgré tout, il ne fallait pas perdre le nord. Tu te doutais bien que les enfants de ton frère n’étaient pas seuls, mais tu voulais également t’assurer que la situation était sous contrôle.

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Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

Le patron de Mateo lui a accordé quelques temps de congé. L’homme se sent tellement dépassé par tout… ça. Les heures de sommeil lui manquent, il n’arrive pas à dormir sans que des pensées noires et pleines d’anxiété ne viennent l’embêter et, en plus, il peine à penser à manger. Son estomac est noué en permanence, et ce n’est que par routine qu’il n’oublie pas de nourrir ses enfants (qui le lui feraient remarquer de toute manière) tellement il a la tête ailleurs. C’est une chance que la famille Ferguson-Schulz soit bien entourée, avec la mère de Mateo qui lui apporte des petits plats et Elke et la jumelle de Magda qui veillent sur les enfants. Elke qui, d’ailleurs, s’enquiert à savoir s’il a mangé ou pas, question toute simple qui arrive quand même à le destabiliser. Il finit par admettre qu’il ne sait plus quand il a mangé et que, de toute manière, il n’a pas faim. « Oh… d’accord. Merci », dit-il vaguement quand sa soeur lui dit qu’elle ira lui chercher une soupe à la cafétéria. Il sait bien que ça ne lui sert à rien de protester et de lui répéter qu’il n’a pas faim, elle le fera quand même. Si sa tête ne tourbillonnait pas d’idées sombres, il s’amuserait du fait qu’elle faisait exactement la même chose quand elle le gardait le temps d’une soirée quand ils étaient plus jeunes, et qu’elle arrivait toujours à le pousser à manger même quand il disait ne pas avoir d’appétit parce qu’il était à fond sur ses jeux vidéos.

Il se laisse de nouveau tomber sur la chaise à côté de sa femme, se laissant aller vers des territoires encore plus négatifs quand il va même jusqu’à songer que Magda pourrait ne pas revenir et… comment expliquerait-il ça à leurs enfants? Comment pourrait-il même vivre sans la femme de sa vie? Elke s’accroupit devant lui et pose la main sur son genou. Il relâche son souffle quand elle lui dit d’y aller une étape à la fois. C’est vrai, ils n’en sont pas encore là, et il espère qu’ils ne s’y rendront pas. Vivante, qu’elle dit. « Vivante, grâce à des machines… » Sa gorge est nouée par les sanglots qui veulent s’en échapper. S’il n’y avait pas toutes ces machines, Magdalena ne serait sans doute plus là du tout. Il expire de nouveau. « Oui, je… je vais être là pour elle. » Il pose la main sur son bras de nouveau, même s’il aurait préféré prendre sa main tout court. Mais elle est pas mal amochée à cause de l’accident… Le ton d’Elke est ferme. Mat se dit qu’il n’a pas trop le choix de l’écouter, de la croire. Au moins d’essayer. Il hoche la tête aux suggestions de sa soeur. Elle connaît malheureusement ce qu’il ressent en ce moment, elle parle d’expérience. Et c’est ce qui est désolant. « Tu penses qu’elle nous entend? » demande-t-il, fronçant quelque peu les sourcils en direction de sa femme, pensif. Si c’est le cas, il s’en veut d’être un livre ouvert quant à la peine qu’il ressent face à son comas. « Les enfants sont… avec la jumelle de Magda. C’est sans doute mieux comme ça plutôt qu’ils soient avec moi présentement », grommelle-t-il plus pour lui-même. Il ne sait pas quoi leur dire, comment gérer leur peine à eux, parce qu’il ne sait même pas comment gérer la sienne de base. Il ne gagnerait sans doute pas le prix du père de l’année, mais bon, ce n’est pas la première fois. « Merci, mais que tu sois là ici, maintenant, est déjà beaucoup pour moi. » Il se lève, se penche sur sa femme pour laisser un baiser tout délicat sur son front, avant de se tourner vers son aînée. « On va se promener? J’ai besoin de sortir d’ici. » D’un côté, il n’a pas envie de laisser Magda seule, mais il a besoin de s’aérer les idées, de souffler.

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Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

« Vivante point. La cause n’a aucune importe. Magdalena est là. » Tu jouais les grandes sœurs, les femmes déterminées qui croyaient à ce qu’elles disaient. Tu avais passé trop de temps dans cette situation pour arrêter de jouer sur les mots. Même si ta belle-sœur n’était pas réellement parmi vous, elle restait vivante. Peut-être allait-elle revenir, peut-être pas, mais c’était une situation à évaluer au jour le jour. Si Mateo craquait maintenant, il ne saurait pas remonter la pente. Il devait rester réaliste. Pas optimiste, ça ne donnait rien, mais réaliste. Maggie était toujours vivante et Maggie allait se battre avec ses proches. C’était les deux informations que Mateo devait accepter pour rendre son cœur plus léger. Le reste allait se produire au jour le jour.

Ton petit frère confirma qu’il allait être là pour elle et tu hochas la tête. C’est ce que tu voulais entendre. Plus que jamais sa belle-sœur avait besoin d’une présence à ses côtés. « Oui, je crois qu’elle nous entend. » Tu n’avais jamais vraiment eu de certitudes de cette affirmation, mais tu avais tendance à y croire. Peut-être que Maggie ne pouvait pas tout entendre, mais tu restais certaine qu’elle pouvait attraper des brides de conversation. « Je crois aussi qu’elle a ses capacités olfactive. On ira lui acheter ses fleurs préférées d’accord ? » En plus d’ajouter un peu de couleurs à cette pièce, tu pensais que l’odeur pourrait réconforter la femme de ton frère.

Tu te doutais que ton frangin n’était pas si irresponsable, mais dans une situation comme celle-ci, tout être humain pouvait perdre ses repères. Tu ne pus t’empêcher de demander pour les enfants et la réponse te suffit. Ils étaient bien entourés, c’était essentiel. De plus, ils se trouvaient avec des gens qu’ils connaissaient et qu’ils appréciaient, de quoi rendre la situation plus légère. Tu étais d’accord que les avoir ici n’était pas la meilleure option. « Bien. Je vais discuter avec elle. Je pourrai lui donner un coup de pouce la semaine prochaine. Ils sont déjà prêts à me remplacer au pied levé aux Magnifiques. » Ce que tu les aimais ces gens. Ils étaient beaucoup plus que des collaborateurs à tes yeux. Ils étaient devenus des vrais amis et chacun s’était porté volontaire pour adapter leur horaire à des possibles absences de ton côté. Le fait d’être autant soutenu de ton côté allait te permettre de soutenir ton frère au maximum. C’est ce que tu désirais. Si lui n’avait pas besoin de toi, ses enfants en auraient besoin. Tu n’allais pas laisser la sœur de Maggie tout gérer toute seule. Vous n’étiez pas uniquement une famille, vous étiez une équipe. « Et tu n’es pas prêt de te débarrasser de moi. Je viendrai tous les jours s’il le faut. » Tu souris et tu attrapas délicatement sa main. « Oui, c’est une bonne idée. Allons marcher. » Tu le guidas hors de sa chaise avant de le tirer délicatement vers le couloir. Tu connaissais beaucoup trop cet hôpital ce qui te permit de le guider vers l’ascenseur le plus près afin de rejoindre la cour. « Tu aimerais venir t’installer chez moi quelques jours avec Barbie et Myles ? Ça me ferait plaisir de vous accueillir tant que tu ne piques pas ma salle de bain. Peut-être que changer un peu d’air ne peut pas vous faire de tort ? » Tu ne voulais pas trop t’avancer sur les besoins de ta famille. C’était une proposition pour laquelle tu pouvais accepter un refus sans insister. Tu voulais uniquement qu’on sente que tes paroles n’étaient pas en l’air et que tu voulais être réellement présente et accessible. Que tu étais prête à mettre le travail que tu chérissais tant de côté. Travail qui ne te permettait pas d’être autant présente pour les gens autour de toi.

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Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

Mateo hoche la tête aux paroles de sa soeur, n’ayant pas l’énergie d’argumenter que pour lui, ça a une importance. Magda respire grâce aux machines, et pour lui, c’est à se demander si elle est vraiment là. C’est une chance que la technologie moderne existe, pour laisser le temps à son corps de se réparer de lui-même. Mat ne peut faire autrement qu’agréer qu’il sera là pour elle, coûte que coûte. Peut-être que, comme Elke dit, sa femme les entend. C’est rassurant d’une part, de l’autre… elle doit entendre toute la tristesse dans leurs voix sans rien pouvoir faire. Sa soeur croit qu’elle a aussi ses capacités olfactives. « Tout sera mieux que… ça », dit-il en montrant la pièce de sa main. L’odeur qui flotte dans les airs n’est pas mauvaise en soi, mais loin d’être réconfortante. Trop… pure et désinfectée. Tout comme la chambre est dénuée de décorations, vraiment plate, loin de ce que Magda aurait choisi pour leur chez-eux. Il se voit déjà lui acheter un bouquet avec des lys dedans, le même genre qu’il lui avait acheté des années auparavant quand il a tenté de revenir dans sa vie et celle de leur fils. C’était le premier pas pour qu’elle revienne dans sa vie (ou plutôt, qu’il revienne dans la leur), peut-être qu’avec une petite touche de magie, ce serait le premier pour qu’elle se réveille… qu’elle revienne à eux? « Merci », souffle-t-il quand Elke affirme pouvoir donner un coup de pouce à la jumelle de Magda dans la semaine prochaine. À lui aussi, par le fait même… Même s’il n’a pas l’impression d’être là, d’être présent, ou même d’être en capacité de s’occuper de ses propres enfants. Magda ne se réveillera peut-être pas et ça le hante. S’il pouvait avoir quelques jours pour brasser ses pensées… les démêler… « Tu as des collègues en or », fait-il remarquer dans un faible sourire. Il a bien conscience que ce n’est pas rien quand même, sa soeur a son émission de radio et des milliers — centaines de milliers, millions? il ne sait pas — de personnes qui l’écoutent à tous les jours et qui s’attendent à ce qu’elle soit présente. « Tu sais que je comprendrais si tu ne pouvais pas… venir nous aider. Ta vie ne s’arrête pas parce que la mienne, oui… je le sais », dit-il tout bas, cherchant les bons mots.

Il lui rappelle finalement qu’elle soit là pour lui, maintenant, est déjà beaucoup. Quand Elke lui dit qu’elle viendra tous les jours s’il le faut, il se contente de tenter de lui montrer toute la reconnaissance qu’il le peut à-travers ses yeux. Il suggère plutôt qu’ils aillent marcher. Il lui peine de quitter Magdalena — t’sais, des fois qu’elle ouvrirait les yeux pendant son absence, ou pire… —, mais il a besoin de s’aérer l’esprit. Elke agréé et le tire vers la porte, il se laisse entraîner il ne sait où, mais certainement qu’une marche va pouvoir l’aider. Que c’est une solution beaucoup plus raisonnable que de juste… s’en aller. Il serre sa main un peu plus fort avant de lui répondre. « Merci, mais… je pense que c’est mieux qu’on soit chez nous. Les enfants ont toutes leurs affaires à la maison, ce serait peut-être trop compliqué… » Il laisse traîner sa phrase, incertain de ses propres paroles. Peut-être qu’elle a raison, que ça leur ferait du bien de changer d’air un peu. En plus, les enfants adorent leur tante et sa maison, et peut-être que ça leur est douloureux d’être dans leur propre chez eux, la maison de leur mère, sans que celle-ci ne soit présente. Ça l’est pour Mateo, en tout cas… « Et tu sais très bien que je n’aurais pas le choix de te piquer ta salle de bain », ajoute-t-il dans un petit sourire malicieux, bien que ça ne monte pas jusqu’à ses yeux. Ils arrivent finalement à la cour extérieure et le pompier inspire un bon coup, pour renouveler ses poumons d’un nouvel oxygène. D’un nouvel espoir. Il se laisse tomber sur un banc, la brise fraîche du mois d’avril caressant son visage presque comme pour le réconforter il semblerait, et il lève la tête vers son aînée. « Pourquoi ce genre de trucs arrivent? Tu penses que ça pourrait être le karma? » Pas qu’il croit nécessairement au karma, mais… peut-être la vie veut-elle le punir d’avoir nié ses responsabilités de père et d’avoir abandonné Magda quand elle lui a annoncé être enceinte. Même si, bon, c’est pas juste lui que la vie punirait, la principale concernée étant Magda elle-même. La vie est trop injuste, c’est ce qu’il faut en retenir, qu’il songe.

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Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

Tu hochas la tête lorsqu’il parla de tes collègues. En effet, tu avais des collègues en or. Tu étais très bien entourée, Elke. Mieux que jamais. Que ce soit à la radio ou à télévision, mais c’était vraiment dans la première branche que tu avais trouvé une vraie famille. Cette famille, tu ne la laisserais tomber pour rien au monde et inversement. Chacun était là pour les autres, dans les meilleurs comme dans les pires moments. « Je le sais que tu le comprendrais, mais pour le moment, je suis là, d’accord ? On verra au jour le jour, ok ? » Il avait raison que ta vie ne s’arrêtait pas, car la sienne était en difficulté, mais ça ne t’empêchait pas de vouloir être présente. Tu allais faire au maximum pour être là, pour lui accorder tout le temps que tu pourrais te libérer. « Ta vie est peut-être en pause aujourd’hui, mais elle ne s’arrête pas. » Tu ne voulais pas qu’il pense comme cela. Il vivait une épreuve difficile, il avait le droit d’être déprimé, mais il n’avait pas le droit d’arrêter de vivre. Même s’il affirmait que Magdalena était toute sa vie. C’était faux. Il avait également ses enfants.

Lorsque tu affirmais être présente pour quelqu’un, tu ne l’étais pas à moitié. Tout naturellement, tu proposas à ton frère de venir à la maison avec ses enfants. Tu parlais de changer d’air, mais c’était également une façon de lui retirer une certaine pression mentale. Tu pourrais t’occuper des repas, des devoirs, de tes neveux pendant que lui prendrait soin de sa femme. Ton offre, il la déclina et tu hochas la tête. « Je ne te ferme pas la porte. Si tu changes d’avis, vous êtes les bienvenus. Surtout n’hésite pas. Ma maison est vide depuis que j’ai mis tu-sais-qui dehors. » Tu en parlais toujours avec une certaine nonchalance. Comme si tu voulais te détacher complètement de cette histoire qui, au final, t’avait beaucoup touché. Elle te touchait encore aujourd’hui. « Tututu. C’est littéralement pour des cas de force majeure comme celui-ci que j’ai trois salles de bain chez moi. Tu vas en trouver une autre que la mienne. » Tu savais qu’il te narguait, mais toi, tu ne narguais pas avec ce sujet. Tu détestais l’idée de partager ta salle de bain avec quelqu’un. Et ça depuis toujours. C’était l’un de tes seuls caprices de star et les gens autour de toi s’en amusaient beaucoup.

Tu guidas ton frère jusqu’à l’extérieur, vers cet endroit où tu étais allée trop souvent. Tu ne laissas prendre place sur un banc tandis que toi, tu restas debout à observer le paysage avec une certaine touche de nostalgie. Tu avais le cœur gros de te retrouver encore ici pour l’un de tes proches. Tu fronças les sourcils à la question suivante de ton frère. Tu l’observas un instant avant que le naturel revienne au galop, tu savais être abrupt. « Le karma pour quoi ? Pour avoir voulu une pelouse plus verte que celle du voisin ? » Tu faisais, bien sûr, référence à Maggie et son obsession de la maison parfaite. Est-ce que ça méritait vraiment un karma comme cela ? « Un karma pour mettre ta vie constamment en danger pour sauver celle des autres ? » C’était ta façon de dire que tu n’y croyais pas. La vie pouvait être une garce, mais elle n’envoyait pas des épreuves pour se venger. « C’est un accident, Matou. Un horrible accident. Sans cause, sans but… Un accident. » Tu soupiras avant de finalement prendre place à ses côtés. « Je sais que tu as besoin d’un coupable, mais il n’y en a pas. Et encore moins toi… Tu n’étais pas là, tu ne peux pas être le responsable. » Ce que tu pouvais comprendre sa pensée. Tu avais eu la même tellement souvent lorsque ton fils était malade. Tu avais cru tellement longtemps que c’était de ta faute, que tu avais échoué quelque part.

I Remember It All Too Well

✧ ✧ ✧ ✧ Mateo + @Elke Schulz ✧ ✧ ✧ ✧

Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

La tête de Mateo est tellement trop pleine. Il ne sait pas comment il est censé passer au-travers de cette épreuve, alors que sa femme est dans un comas et que rien n’est promis qu’elle s’en sorte. Ça lui fait tellement mal, ça lui démange de s’enfuir, de trouver un endroit où il pourrait crier toute sa peine et sa frustration… Mais il a ses enfants à gérer, il sait qu’ils ont besoin de lui même s’il n’arrive pas à saisir l’idée. C’est surtout de leur mère dont ils ont besoin. C’est elle qui gère… gérait tout, qui savait comment être là pour eux dans n’importe quelle situation, comme si elle avait un manuel d’instructions imprimé dans sa tête en tout temps. Heureusement, Mateo n’est pas réellement seul, les Ferguson-Schulz sont bien entourés par leur famille proche, mais le pompier a l’impression de trop leur en demander. Ils n’ont pas à accommoder radicalement leur vie pour eux… non? Elke parle d’y aller au jour le jour. Il hoche la tête, reconnaissant de sa présence et de sa franchise, mais il espère en fait qu’au jour le jour ne se transformera pas en pendant trop longtemps. Il faut que Magda revienne à elle. Aucune autre option n’est possible. Il pince les lèvres quand sa soeur lui rappelle que sa vie ne s’arrête pas même si elle est en pause. D’un sens, ce sera tellement plus facile si le monde pouvait s’arrêter pendant que Magda est dans le comas, le temps que tous ses membres et ses organes endommagés aillent mieux. « Mmm », se contente-t-il de dire en détournant le regard.

La proposition d’Elke le touche, mais il ne veut pas s’imposer. Autant il sait qu’elle adore ses enfants, il sait aussi qu’ils peuvent parfois prendre… trop d’espace. Bon, peut-être pas Myles qui joue aux jeux vidéos la plupart du temps, mais la petite Barbie a besoin d’être constamment entourée, elle. Elle est une vraie pipelette quand elle s’y met. Mat fronce les sourcils quand elle évoque tu-sais-qui. Ce mec, il aurait pu le frapper quand il a su ce qu’il avait fait à son aînée… Tant d’épreuves ensemble et il va voir ailleurs. Quel con. « Merci, je vais y réfléchir. Je vais voir pour en parler avec Myles, peut-être que ça lui plairait en fait… » Il sait à quel point l’adolescent admire sa tante. Le père de famille ne peut s’empêcher de taquiner sa soeur sur sa salle de bain, qu’elle protège comme son précieux. Même s’il en plaisante, il n’oserait jamais la lui piquer pour vrai. Il rit doucement à sa réponse, même si son coeur ne se sent pas tant plus léger que ça. « Okay, okay, mais j’en réclame une alors, et les enfants prendront l’autre. Faut bien que j’aie un petit privilège d’être plus vieux qu’eux », plaisante-t-il sans que son sourire ne se rende à ses yeux. Il se serait fait plaisir d’en partager une avec Magda, toutefois…

Une petite marche s’avère nécessaire pour s’aérer l’esprit et Elke entraîne son petit frère à l’extérieur. Il ne tarde pas à s’installer sur le banc, pensif, lui demandant finalement si ça pourrait être le karma qui en veut à sa femme. Un petit rire triste s’échappe de sa gorge alors qu’il secoue la tête à la réponse de sa soeur. Magda prend… prenait…? un soin fou à entretenir son terrain, ce qui peut paraître bien inutile par moments à Mateo qui se fout un peu du bien-paraître la majorité du temps. Chose certaine, si quelqu’un a un bon karma, c’est bien sa femme. Elle est tellement forte et dotée d’un coeur immense. Elle aime leurs enfants comme personne. Elle ne mérite définitivement pas ça. « Ça fait partie du métier », dit-il tout bonnement en haussant les épaules. « J’ai fait mon lot de grandes erreurs… » Comme laisser Magda toute seule pendant sa grossesse et la première année de vie de Myles. Elke essaie de le convaincre que c’est simplement un accident. Et il sait qu’elle a raison… mais ça le travaille. Il cherche une raison. Elle semble lire dans ses pensées en essayant de le déculpabiliser. « Mouais… j’imagine… » Les coudes posés sur ses genoux, il fixe le sol sans rien pouvoir dire pendant un moment. « Elke? » demande-t-il au bout d’un long moment. « Je peux te poser une question? » Il prend de nouveau une pause, pesant les pour et les contre à savoir s’il devrait se lancer ou pas… Mais s’il y a bien une personne qui peut comprendre ce qu’il est en train de vivre, bien que la situation soit différente, c’est elle. « Comment t’as fait pour… être aussi forte quand ton fils était malade? Et après… comment t’as fait pour tenir le coup? » demande-t-il, la gorge serrée.

♡ code par mpitiousmermaid ♡

Jeudi le 08 avril 2022 - 16h55

Malgré la rancœur que tu conservais, tu t’étais bien remise de ta séparation. Après la perte d’un enfant, tu avais l’impression que les épreuves n’étaient pas aussi difficiles à surmonter. Tu avais grimpé des collines alors que tu étais encore en train de monter l’Everest depuis la perte de ton fils. Tu arrivais à parler plus facilement de celui que tu qualifiais de tu sais qui que de l’être que tu avais mis au monde. « Pas de problème. Si Myles préfère venir seul ou si tu veux juste me laisser Barbie ou tes deux enfants, tu peux… C’est vraiment comme tu le sens, je serai là peu importe. » Tu n’imposais rien et tu ouvrais toutes les portes possibles. Mateo n’avait pas besoin de les utiliser, mais si ça devenait plus compliqué pour lui, elles resteraient disponibles. Tu te fichais complètement que ça puisse bouleverser ton horaire, tu allais savoir te débrouiller. Pour ta famille, tu allais faire tout ce qui fallait. « Si c’est une salle de bain qui faut pour te faire plaisir, je peux t’en donner deux. » Tu avais rétorqué avec humour dans l’espoir de soulager cette ambiance qui était beaucoup trop lourde pour vous deux.

L’extérieur était également une bonne option pour tenter de vous changer les idées. Tu en avais eu tellement besoin quand tu étais ici, tu savais comment la coupure avec le vent extérieur pouvait faire du bien. Mais pas toujours… Tu le voyais à la réaction de ton frère. Il était complètement perdu dans ses pensées, dans sa recherche de réponses. Tu ne pouvais pas t’empêcher d’être un peu brutal dans ta propre réflexion pour qu’il comprenne qu’il n’avait aucune raison de s'autoflageller. Ni lui, ni Magda n’était responsable de leur malheur. « Oh arrête, tu veux ? Tout le monde fait des erreurs et la vie ne nous punie pas à chaque fois. » Tu soupiras doucement et tu attrapas sa main que tu serras fermement pour qu’il arrête. Ton regard posé dans le sien, tu voyais bien qu’il n’était pas de ton avis, mais il n’argumenta contre toi. Heureusement, il aurait perdu. Tu aurais trouvé toutes les raisons du monde pour prouver qu’il n’était pas responsable de cet accident.

La suite, tu aurais dû la voir venir. Tu aurais dû prévoir que cette question ferait surface. Et tu restas figée un instant. Ton regard s’était accroché à au point au loin tandis que tu réfléchissais à la meilleure réponse. Tout en restant honnête. Tu ne voulais pas lui mentir, lui faire croire qu’on oubliait. « Quand Lukas était malade, je suis restée forte pour lui. Il avait besoin d’une personne sur qui se reposer à chaque instant, je me devais d’être cette personne. Je le devais. » Tu pinças fortement les lèvres afin de chasser l’émotion qui pouvait transparaître dans ton regard. « Chaque jour était un combat. Qu’est-ce que j’aurais donné pour rester en boule dans mon lit, à pleurer. Mais… Ce n’était pas possible. » Tu avais eu des faiblesses que tu n’avais peut-être pas admises à l’époque, mais maintenant, tu le faisais. Tu ne voulais pas passer sur un super-héroïne alors que tu avais juste été une maman. « Tu vas voir, ça va se faire tout seul. Tu es un père avant d’être un pompier, d’être un mari ou d’être un homme. Tu vas tenir le coup aussi. Pour eux. » Tu tournas la tête vers lui et tu précisas : « Mais surtout, ne reste pas seul dans ça. Tu vas devoir apprendre à te reposer sur tes proches aussi. Même si notre histoire s’est mal terminée, sans tu-sais-qui, je n’aurais pas tenu le coup. » Tu grimaças légèrement, ce n’était pas simple à dire, mais c’était la pure vérité.