Remember that night ? ı Johan

L’aube s’est immiscé tranquillement dans cette chambre aux murs blanc crème. Johan ouvre les yeux alors que Le Soleil filtre entre les rideaux et réchauffe son visage. A peine les yeux ouverts, il grimace doucement en sentant le mal de crâne qui frappe et qui donne l’impression d’un étau sur son cerveau. Il s’étire tranquillement, laissant échapper de ses lèvres un long soupir. En se redressant, il attrape un pantalon et l’enfile avant de se rendre à la salle de bain. Il doit maintenant trouver une excuse pour partir de cette maison inconnue. Il n’est pas rentré chez lui la veille, ma la femme avec qui il a passé la nuit était du genre un peu trop bavarde, mais une fois que l’alcool avait fait effet, il n’en avait plus eu cure. Elle arrive derrière lui, alors qu’il vide sa vessie et ça le dérange de ne pas avoir droit à un minimum d’intimité. « Je dois me rendre au bureau, j’ai encore beaucoup de boulot à faire… » La blonde soupire bruyamment avant d’accepter. Il quitte le domicile quelque minutes à peine après son réveil pour aller chez lui, il a besoin d’une douche et de cachet pour faire passer ce mal de tête ! Foutu alcool.

Une fois chez lui, il dépose ses clés sur le meuble dans l’entrée. Il se sent sale, il n’aime pas se réveiller en terrain inconnu et ne se souvient même pas pourquoi il a pris cette décision. La pulsion du manque devait être trop grande. Depuis qu’il avait aménagé dans cette ville, il s’est noyé de travail pour oublier à quel point ses filles lui manquaient. Depuis près d’un an qu’il était ici et ses filles étaient venues passer quelques semaines durant l’été, elles étaient censées revenir une semaine durant le temps des fêtes pour le voir. Il fallait qu’il prépare leur venue. C’est pourquoi après avoir pris ses cachets et sa douche. Il décida qu 'aujourd’hui, il n’allait pas aller au bureau, mais procéderait aux achats des fêtes et il travaillerait plus tard dans le confort de sa maison. Il mangea un morceau avant de s’habiller pour sortir.

Il commençait ses achats, des cadeaux pour ses deux grandes filles et à cet instant, il eut une pensée pour cet enfant qu’il n’avait jamais connu. Cet enfant qu’il n’avait même pas pu voir ou aider ne serait-ce qu’un peu à cause de ses obligations envers sa femme et la plus vieille de ses filles. En sortant de la bijouterie, il se rendit dans un café et se mit en ligne pour commander une boisson chaude pour apporter, histoire de ne pas perdre trop de temps dans son magasinage. Cependant, alors qu’il allait bientôt pouvoir passer sa commande, il tourna la tête en direction de l’entrée et cru reconnaître quelqu’un. Comme la vie faisait drôlement les choses, il avait eu une pensée pour cet enfant inconnu et voilà qu’il tombait sur la génitrice de celui-ci. Leur regard se croisa un instant avant qu’elle ne tourne les talons pour ressortir. Ni une, ni deux, Johan quitta la file et l’interpella, elle ne se tourna pas, il accéléra le pas pour la rejoindre. Une fois plus près, il mentionna de nouveau son nom et cette fois elle s’arrêta et se tourna en sa direction. Le cœur se de Johan s'accélérer d’un coup en revoyant son visage, elle était encore comme dans ses souvenirs, même si l’âge avait fait son œuvre, il ne lui enlevait rien de sa beauté ! « Bonjour… » Il avait ressenti le ton froid de Sofia, il se doutait qu’elle ne sauterai pas de joie en le revoyant, même s’il avait espéré un peu plus de chaleur dans son ton. Presque vingt-trois ans se sont passés depuis leur dernière rencontre. Sur le coup, son sourire s'estompe sur son visage et il secoue la tête. « Je n’ai plus de femme, je suis divorcé depuis un peu plus d’un an. » Il soupire et passe une main dans ses cheveux. Il recule d’un pas et jette un regard autour de lui. Il y a tellement de choses qui se sont passées dans sa vie depuis leur dernière rencontre, même depuis la dernière fois qu’ils ont communiqué ensemble. Il se sent las en cet instant, la courte nuit et le mal de crâne n’aide en rien son humeur. Il aurait pu la croiser n’importe quel autre jour, mais il avait fallu qu’il tombe sur elle maintenant, portant dans les mains un sac de bijouterie.

Il revoit des images du passé qui lui reviennent en mémoire et cette fois-ci il refait un pas en avant. « Je crois qu’on a plusieurs choses à se dire et ce n’est pas tellement l’endroit… je te dois des explications… » Le ton n’est pas celui de l’homme d’affaires, il n’a pas l’arrogance habituelle. Il relève les yeux pour les plonger dans celle de Sofia. « Est-ce que je peux t’offrir quelque chose à boire et quoi s’assoie pour discuter ? » Elle n’est pas obligé d’accepter, mais si elle a vraiment pu ressentir des sentiments à son endroit, il espère ne pas s’être trompé et ne pas avoir été le seul à ressentir un attachement entre eux, elle pourrait au moins l’écouter non ?

Noël cette année, sera le deuxième noël que Johan passe en tant que divorcé. La différence, c’est que cette année, il n’a pas l’excuse de préparer sa mutation vers un autre pays pour occuper ses dix doigts. C’est aussi la première fois depuis la naissance de la plus vieille de ses filles, qu’il se retrouvera complètement seul pour les fêtes. Lui qui normalement se forçait pour ralentir la cadence et voir la magie de noël à travers les yeux de ses enfants, regrette un peu en ce moment de ne pas retrouver ça ! Son appartement n’a pas la moindre trace d’un ornement de noël et en plus, il travaille en double pour ne pas se retrouver seul entre ses quatre murs.Il n’a pas le cœur à la fête cette année, il n’a pas envie de faire l’effort non plus, parce que de toute façon, ça ne rime en rien et qu’il n’a pas personne avec qui partager du temps. Ses filles viendront le rejoindre seulement après noël. C’est lourd, il s’ennuie de ses filles, ce n’est pas non plus comme si elles avaient encore besoin de sa présence constante à 22 et 17 ans, mais il s’est rendu compte dans la dernière année que c’était lui qui avait besoin d’elles.

Toujours est-il qu’après sa pauvre nuit de sommeil, il n’a pas envie de travailler, le souvenir de ses filles le ramène à l’ordre et il se dit qu’il doit quand même faire un petit effort pour quand elles seront là. Cadeaux ainsi qu’un effort de décoration pour ne pas avoir l’impression d’arriver dans une maison impersonnelle et sans âme. Tout à l’air d’un magazine de décoration, où rien ne traîne et où personne ne vit vraiment. Comme une scène Ikea.  Pourtant tout autour cri noël, tout en vert et rouge et les lumières qui scintillent de partout. De toute façon, comme on est en pleine semaine, il risque d'y avoir moins de gens dans les endroits commerciaux et il pourrait être plus à l’aise dans ses déplacements et pour faire des choix.

Par contre, la vie peut jouer de drôles de tours et mettre en face deux protagonistes qui ont une histoire commune. Cette histoire ne s’est pas très bien terminée, l’homme aurait aimé un dénouement différent à cette histoire. Il aurait aimé ne pas laisser l’adolescente seule avec cette grossesse. Il n’avait pas prévu qu’il laisserait un souvenir indélébile de son passage. Déjà, il n’avait pas su son âge avant cette histoire. Il en avait 23 et n’avait vu que l’opportunité d’une nuit de plaisir, même s’il avait ressenti un certain attachement envers elle, plus qu’il ne l’aurait dû pour être tout à fait honnête. Faire des choix ce n’est jamais facile, les assumer non plus, il aurait pu laisser Eva et aider Sofía, mais il aurait abandonné un enfant quand même, Eva avait découvert le pot au rose et avait refusé que son autre fille soit avec eux. S’il partait avec Sofía, il avait peu d’espoir de revoir son autre enfant. Dans un cas comme dans l’autre, il était perdant.  Aujourd’hui de l’eau avait coulé sous les ponts et il ne pensait même plus que la brune pourrait encore vivre ici dans cette ville, il ne pensait pas non plus qu’il l’a croiserait , puisqu’il venait d’y passer presque un an sans l’avoir croisé. L’homme ressent l’amertume dans la voix de la femme. Il aimerait qu’elle comprenne qu’il a conscience de ses erreurs, mais qu’il était plus jeune et con à cette époque. Bien sûr, il a continué à tromper Eva, mais ce ne sont pas toutes les femmes qui ont les mêmes mœurs qu’elle. « Je comprends que tu sois fâché, je t’ai menti à cette époque. Je n’aurais pas dû… » Ce ne sont pas des excuses à proprement parler, mais c’est un semblant et puis il légitime les sentiments qu’elle peut éprouver à son endroit.

Le froid se fait un peu plus mordant, il aimerait pouvoir parler avec elle, maintenant qu’il l’a croisée, il veut pouvoir s’expliquer et veut qu’elle puisse comprendre que ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il a agit comme un salop. Il hoche la tête en signe d’acquiescement quand elle parle des explications. Il a un mince sourire sur les lèvres quand elle parle du chocolat chaud. Elle accepte et ça le rend heureux. S’il peut faire la paix avec ce passé ce sera une bonne chose. Il ne pourra jamais oublier, ni cesser de penser à cet enfant au loin. Il avance en direction du café qu’il avait quitté en l'apercevant. Il lui tient la porte et va à une table libre dans un coin un peu discret. « un chocolat chaud ? » Il attend la confirmation pour aller chercher leur boissons chaudes et revenir vers la table. Il dépose celui de Sofia avant de s’asseoir avec le sien. Il retire son manteau pour être plus à l’aise et moins coincé. « Comment tu vas ? Je ne savais pas que tu vivais encore ici. Je ne t’ai pas dû tout croisé dans la dernière année.   » Il n’a pas envie de rentrer tout de suite dans le vif du sujet. Même si c’est possible que ce soit nécessaire !

Tellement d’années ont passé avec Eva, que Johan est encore en train de s’ajuster avec la vie de célibataire. Il ne s’était jamais privé de rencontrer des femmes ou de profiter des charmes de celles-ci, même si une femme magnifique l’attendait à la maison, mais de n’avoir personne avec qui discuter en revenant du boulot. De ne pas avoir personne qui l’attend tout simplement reste quand même difficile, il n’a habité seul que très peu de temps au final dans sa vie. Il avait trouvé une colocation lorsqu’il avait quitté le domicile familial avant de se prendre un studio quelques années plus tard, un studio qu’il n’avait habité qu’un an ou deux avant de se marier et de faire l’achat de la maison familiale. Maintenant, il vivait ce qu’un jeune adulte pouvait vivre en quittant le nid familial et se débrouiller seul. Mais en quittant sa famille, il n’avait pas simplement quitté la maison, mais bien le pays qui l’avait vu naître. Il était en Allemagne pour se faire un nouveau départ et une nouvelle aventure ! C’était un chapitre de sa vie qu’il allait écrire sur des terres germaniques. Il espérait repartir sur de nouvelles bases, dans un pays où on ne le connaissait pas vraiment, sauf les hommes d’affaires avec qui il parlait déjà ! Il voulait grossir encore l’entreprise.

Il était moins connu dans ce pays, mais restait quelques personnes qui l’avaient connu, dont une en particulier qu’il n’avait jamais réellement pu oublier. Pour cause, ils avaient partagé un moment ensemble, un moment agréable et qui aurait peut-être pu mener à plus s’il n’avait pas été déjà engagé envers Eva. Il aurait aimé pouvoir faire plus pour Sofia, il aurait même été prêt à donner de l’argent pour qu’elle puisse éduquer leur enfant comme il se doit, mais sa jeunesse avait fait en sorte que ses parents avaient encore une emprise sur elle. Il avait un choix à faire et en la revoyant aujourd’hui, il se demandait s’il avait pris la bonne décision ! Oui, il avait partagé vingt et un an de mariage avec Eva, mais jamais il ne l’avait aimé comme elle le méritait ! En fait, si Johan était vraiment honnête envers lui-même, il pourrait dire qu’il n’a jamais ressenti le vrai amour pour une autre femme. Le vrai amour, il l’a découvert en prenant son enfant dans ses bras pour la première fois, sa fille aînée, dès qu'il a croisé son regard, il a su qu’il serait capable de tout pour protéger son enfant.  

Il ne s’attendait pas aujourd’hui à retomber sur un fantôme de son passé. Encore moins après avoir pensé à cet enfant qu’ils avaient eu ensemble, sans avoir eu la chance ne serait-ce que de passer quelques minutes avec elle. Il savait que c’était une fille. Il avait trois filles, mais une qu'il ne connaîtrait probablement jamais ! Il avait tenté à quelque reprise de se faire un portrait de celle-ci avec les images mentales qu’il avait gardé de la brune. Il essayait de voir quel genre de mélange ils avaient pu faire, lui en temps que véritable danois blond aux yeux bleus et elle avec son air typiquement latin… aujourd’hui, il voyait cette femme qui avait toujours la même prestance qu’autre fois, avec un quelque chose en plus, probablement une confiance en elle… Elle l’accule directement, lui faisant comprendre qu’elle lui en veut d’avoir fait d’elle une maîtresse à son insu. Elle n’a pas tord en un sens, il aurait dû être honnête avec elle dès le départ. Mais en même temps… Ce n'était pas censé se passer ainsi, c’était supposé être l’histoire d’une seule nuit ! « Je ne pensais pas qu’il y aurait cette connexion entre nous, je ne savais pas que ce ne serait pas que l’histoire d’une nuit. Si j’avais su j’aurais fait les choses différemment, mais on ne peut pas refaire le monde avec des si j’avais ! Tu ne savais pas non plus ce qui nous arriverait ! J’aurais dû t’en parler, je ne l’ai pas fait et je suis désolé, mais je ne peux pas revenir en arrière pour le faire ! » même s’il le voulait, il ne pourrait pas tout reprendre à zéro, mais il veut pouvoir s’expliquer. Qu’elle comprenne que ce n’était pas de gaieté de cœur qu’il avait fait ce qu’il avait fait.

Ils pénètrent dans ce café, les arômes divins montent à leurs narines alors qu’ils s’installent à une table un peu à l’écart. L’homme va chercher les breuvages avant de revenir vers la brunette. Il dépose la tasse de celle-ci devant elle avant de se débarrasser de son manteau. Il s’installe et tente d'ouvrir la conversation. Il fallait se douter qu’elle avait fait sa vie, qu’elle avait eu d’autres enfants depuis les vingt dernières années! Son regard chercha l’alliance à la main gauche, chose qu’il n’avait pas essayé de voir plus tôt dans le froid glacial de l’extérieur. Elle voyageait beaucoup elle aussi, c’était normal qu’il ne se soit pas vu dans ce cas ! Il n’avait pas bougé depuis la dernière année ! « Elle à quel âge ta fille ? Tu es encore avec son père ? » Façon de savoir si elle était prise, mais en ce moment il n’avait pas dans l’idée de la faire sienne, pas qu’elle ne l’attirait pas, mais parce que dans l’immédiat il risquerait plus de devenir un eunuque que de scorer. « Mes deux filles sont resté au Danemark avec leur mère ! Ma plus jeune a dix-sept ans. Elles vont venir me voir après noël… Je suis rendu ici à temps plein, on risque donc de se recroiser. J’aimerais pouvoir enterrer la hache de guerre avec toi. » Je prends une gorgée de mon café et je lui fais un sourire peiné.

La vie passe à une vitesse ahurissante. J’ai du mal à m’imaginer qu’il y a déjà tant d'années qui se sont écoulés depuis ma dernière visite dans ce pays, cette ville pour être plus exact ! Plus de vingt ans et ce voyage a changé ma vie tout entière, parce que j’ai toujours eu en tête des regrets concernant la façon dont les choses se sont passées ! J'aurais aimé pouvoir faire des recherches pour la retrouver et savoir ce qu’elle est devenue ! Est-elle tombée dans une bonne famille, est ce qu’elle a des parents qui l’aime ? Un toit sur la tête ? Je veux dire que toutes ces questions me reviennent, parce que je sais que j’aurais pu lui offrir quelque chose de bien si Eva m’avait permis de la reconnaître ! Ce n’est pas évident de savoir qu’une partie de nous vit loin de ses parents ! J’aime mes filles plus que tout au monde ! Déjà vingt-deux ans que je suis venu ici et que j’ai semer la vie dans une femme qui ne m’étais pas destiné ! Est ce que je vais pouvoir la voir un jour ? Ou dois-je chercher ? Je ne sais même pas avec quelle agence d’adoptions elle a pu être placée ! Est-elle dans ce pays ? Dans cette ville même ? Impossible de le dire !

Je ne pensais pas non plus que je reverrais un jour Sofia autre que sur des photos. Pas depuis la dernière conversation que l’on a eu. Quand elle a appris que j’étais marié et qu’en fait je n’avais jamais vraiment été un homme libre ! Dans ma tête par contre, j’ai toujours été libre, je n’ai jamais eu d’attache ! Parce que je n’ai jamais voulu laisser une femme contrôler ma vie ! Jamais non plus je ne pourrais le faire, j’aime trop ma liberté, mais je sais qu'au fond, si je rencontre une personne que je sois vraiment capable d’aimer je vais me calmer et je n’irais pas voir ailleurs ! Mais cette personne, je ne l’ai pas encore connue !

Je me retrouve maintenant devant la brune et j’ai l’impression d’être le pire trou de cul de la terre. Je ne veux pas laisser paraître sur mon visage qu’elle m’atteint, ce serait lui donner trop de pouvoir sur moi. Je sais, je lui dois des excuses, mais je ne suis pas un faible et j’assume mon choix. Je n’avais pas le choix d’en faire un, même s’il était brisé le cœur. D’une manière ou d’une autre, je perdais un enfant, parce que jamais Eva ne m’aurait laisser voir ma petite ! Je n’aurais pas non plus eu Clara. Mes filles sont toute ma vie ! « Je n’ai pas réfléchi avant d’agir, mais je ne savais pas que ce serait aussi pour de conséquence! Si j’avais su, tu crois que j’aurais agis de cette manière ? » Elle me lance une pique qui me va droit au coeur ! Comme si j’avais imaginé la chimie que nous avions eu tous les deux, ne lui suis-je pas resté en tête ne serait-ce que quelque temps après cette rencontre ? Parce que moi, j’y ai pensé à cette fille par après, même si j’avais une autre femme dans les bras. Je fronce les sourcils avant de secouer la tête et de hausser les épaules. “C’est quand même dommage, vu qu’on a passé quelques jours ensemble. Je trouvais qu’on avait quand même de bons moments ! ” C’est inutile de ressasser le passé.

Je reviens rapidement à la table pour qu’on puisse discuter de manière un peu plus paisible que dehors avec le froid et tous ces gens autour de nous. Nous sommes dans un coin un peu plus tranquille et je peux prendre un peu plus mon aise, même si clairement, ce sont sur des oeufs que je marche vu ses réactions. Je sirote doucement mon café, j’apprends qu’elle est maman à nouveau, elle a donc deux filles. “Je suis désolé de l’apprendre, ce ne doit pas être facile tous les jours. ” Sa fille était jeune quand elle avait perdu son père, mon coeur se serre quand je pense à mes filles à l’âge de sept ans. Elles étaient encore si innocentes, un enfant ne devrait pas vivre la mort d’un de ses parents, ce n’est pas normal et c’est dur à porter sur leurs épaules si frêles. Je lui parle de mes filles, sans entrer dans les détails, juste que j’en ai eu une autre. “Il y a bien des choses que tu ignores à mon sujet et puis ce n’est pas comme si on avait garder le contact après que… Après toute cette histoire. ” Je suis le fautif, j’ai joué sur deux tableaux et malheureusement celle qui n’a pas eu son happy ending est avec moi, assise face à moi. En fait, peut-être qu’elle a gagné au change, parce qu’elle a été mariée selon ses dires. Par contre, elle a perdu beaucoup dans cette histoire et tout ça est de ma faute. J’en suis parfaitement conscient. Je mordille ma lèvre par nervosité. Un de mes tics, je me sens mal à l’aise à cause de cette histoire, elle dit ne pas m’en vouloir, mais elle dit peut-être ça pour me faire plaisir tout simplement. J’essaie de lire dans ses yeux, mais je suis incapable de lire en elle. Je ne la connais pas, je ne la connais plus du tout en vrai, en vingt ans on change plus que de raison. Elle était encore une adolescente et moi un jeune con, qui profitait du cadeau qu’on m’avait fait. Mon charisme et mon physique avantageux. “Tu aurais le droit de m’en vouloir et je comprendrais. Mais, je n’ai pas fait ça de gaîté de coeur tu sais, ça été une décision difficile à prendre. Une décision que je souhaite à personne… Je n’ai pas dormi pendant des mois par la suite en sachant ce que j’avais fait. Je m’en suis voulu de te mettre dans cette situation et peu importe la décision que je prenais je perdais un enfant. Je suis désolé Sofia, sincèrement et je m’en veux tous les jours de ma vie… Elle a 21 ans maintenant non ? ” Ma plus vieille a 22 ans, elle la suivait de près quand même.

Je baisse la tête, incapable de dire rien de plus, les mots se coincent dans ma gorge. Je suis un con et je sais que j’ai beaucoup à faire pour qu’elle puisse me pardonner un jour. Ce n’est pas comme si elle avait dû se débarrasser d’un animal parce que sa mère était allergique. Elle a porté notre fille pendant neuf mois pour ensuite la laisser partir. Je pose mes coudes sur la table et je prends ma tête entre mes mains. “ J’aurais aimé lui offrir un foyer, j’ai tout essayé pour convaincre Eva de la prendre avec nous. Je ne voulais pas qu’elle soit avec des inconnus, mais elle était inflexible. Si je divorcais, je perdais Esther et je n’aurais pas Clara… J’ai essayé de faire au mieux, je te jure qu’elle aurait connu sa maman et son père si j’avais pu… ” Ça ne veut peut-être rien dire pour elle, mais pour moi c’est mon regret le plus puissant. “Si tu es capable de me pardonner, tu vas réussir là ou je n’ai jamais réussi à me pardonner.” Je garde la tête basse et je renifle. Je ne pleure pas, mais j’ai le coeur en miette.