Une pause café- Sofia

Enfin une journée off, une journée ou je ne travail pas à l’hôpital. Je travaille trop, je le sais, mais je n’ai pas d’enfants et je n’ai pas non plus de mari ou d’épouse, ni l’un ni l’autre, alors je me propose souvent pour les collègues qui ont une vie sociale, moi je n’en ai pas tellement, ma froideur y est surement pour quelque chose. Je sais que je fais peur comme ça, mais ce n’est qu’une façade, quand on me connait, je suis différente. J’aime aider les autres, je ne ferais pas ce métier sans ça, mais on m’a trop prise pour une idiote. Je me suis faite avoir trop de fois par des imbéciles, par des menteurs et j’en ai trop souffert, alors je me ferme, mais les patients et patientes savent que je suis bien plus douce que j’en ai l’air, même si j’ai mon caractère et que je ne les laisse pas faire lorsqu’ils font certains caprices. J’ai du répondant, heureusement, je ne me laisse plus voire facilement.

Je regarde le plafond, toujours allongée dans mon lit vide, triste constant à presque quarante ans, pas de vie amoureuse, pas d’enfant. Je sens les larmes montées, mais je ne les laisse pas venir et je vais dans la salle de bain, je m’habille, enfile une chemise et une chemise et sorts des baskets, j’a l’intention d’aller me balader un peu, de faire le tour de la ville, de me poser, d’écrire quelques mots peut-être. Je cherche l’inspiration, je cherche à ne pas rester ici toute la journée.
Je sors, il est environ dix heures, je n’ai pas petit- déjeuner mais il y a une boulangerie extra ou je vais régulièrement, près de l’hôpital alors je décide d’y aller et cette fois de prendre le temps de me poser, de m’installer et de m’assoir à une table. Ça peut paraître bête mais je ne fais pas souvent ce genre de choses, je suis souvent au travail à l’hôpital alors oui je n’ai pas toujours le temps. Il reste une place au bout de la boutique, devant la fenêtre idéale pour observer le monde. Je m’installe après avoir pris un thé et une brioche au sucre et un donut parfumé à la framboise, un petit-déjeuner copieux mais peu importe. Je regarde à l’extérieur et vois toutes ces femmes, des couples, peut-être qu’ils ont des enfants eux.

Je sens une présence près de moi et je tourne la tête, une jeune femme me fait face, peut-être qu’elle a demandé quelque chose, mais j’étais trop dans mes pensées, elle veut surement la chaise. Je la regarde, une jolie brune, cheveux court, de beaux yeux, tout à fait mon style de femmes, mais je ne dis rien et je lui dis :

« Excusez-moi, j’étais dans mes pensées. Je n’ai pas entendu. »

Et je fronce les sourcils, je la croise de temps en temps, j’ai un sourire avant de lui dire :

« Oh Sofia, j’étais tellement dans mes pensées. Installe-toi, tu as un peu de temps ? »

Je me sens un peu idiote de ne pas l’avoir reconnue tout de suite, mais parfois le cerveau réagis bizarrement, on se connait un tout petit peu. C’est une femme que j’apprécie, on a un peu les mêmes principes je trouve.

« Tu vas bien ? »

Il y a un moment qu’on ne s’était pas croisé et je suis contente d’avoir décidé de bouger un peu, je ne l’aurais pas croisé sinon.

Je n’ai pas reconnu tout de suite Sofia, il faut dire qu’on se connait peu finalement, mais la voir est toujours agréable. Je lui fais un sourire et lui propose de s’assoir. J’étais tant dans mes pensées que je ne l’avais pas vue, je me laisser souvent divaguer, trop souvent même. Je pense à tout et rien à la fois, à ce monde qui est le miens et qui ne me convient pas spécialement. Je fais avec, comme tout le monde, mais je ne peux pas m’empêcher de me dire que je mériterais d’avoir une autre vie. Comment je vais ? Cette question à laquelle ont mens systématiquement est assez pesante, pourtant je lui souris, je fais comme si tout allait bien et je lui dis d’un ton qui se veut enjoué :

« Ça va et toi ? Ça faisait un moment qu’on ne s’était pas vu. Il faudrait qu’on se voit plus souvent. Comment va ta fille ? »

On avait parlé un petit peu la dernière fois, comme aujourd’hui de tout de rien, il faut bien être un peu ouvert aux autres pour apprendre à se connaître et j’ai plutôt bien accroché avec Sofia, on ne me trouve pas toujours sociable, pourtant je le suis. Je suis parfois juste trop dans mes pensées, avec le travail j’ai peu de temps à moi et quand j’en ai c’est pour toujours penser au travail, à ce que j’aurais pu oublier de faire auprès de certains patients, être infirmière ce n’est pas toujours évident. Je suis trop attaché à mes patients peut-être, trop empathique ? Ce n’est pas simple. Elle doit me trouver bien triste, elle qui a un enfant, je donnerais beaucoup de chose pour avoir une famille moi aussi, mais je crois que j’ai un peu loupé le coche, il est trop tard pour ça. Je finirai vieille et seule, mais pas entouré de chats, je n’en ai pas.