Parking du commissariat de police ✯ Vendredi 21 janvier 2022
Ce fut aux côtés de son grand-frère Ugo qu'Alrik Müller compris qu'elle était sa vocation. Accro à l'époque aux séries policières, l'allemand s'imaginait à la place des sujets principaux. Il se voyait déjà commandant d'une brigade spécialisée en crimes en tout genre, rêvant alors de résoudre les enquêtes les plus complexes, les plus obscures. Il voulait devenir un grand de ce monde, celui dont le nom resterait à jamais gravé dans la mémoire de ceux qu'il aidera. Car il le savait déjà à l'époque, nombreux étaient les crimes non-résolus. Et lui, pas encore engagé pour l'État, s'était déjà juré à l'époque de venir en aide aux autres, et de faire tout son possible pour que ses enquêtes ne demeurent pas à jamais sans réponse.
Alrik avait finalement réussi à atteindre son but. Il avait fait tout son possible pour y arriver, même si cela avait évidemment déçu ses progénitures. Mais Alrik n'en avait eu que faire de leur opinion, puisqu'à ses vingt cinq ans, il monta de grade et devint Officier de la police d'Hambourg. Un rang qui le satisfaisait qu'à moitié, puisque il devait encore se charger des petites affaires, sans réellement pouvoir enquêter de son côté. Ce n'était pas faute, pourtant, de travailler en secret sur divers crimes, le poussant à apporter des réponses à son lieutenant de l'époque dès qu'il en savait plus.
Pour autant, ces années en tant qu'agent puis officier de la police d'Hambourg l'avaient marqué. Certes, Alrik ne participaient pas tellement à ces enquêtes qui le faisaient rêver adolescent, mais il contribuait toutefois à faire régner l'ordre et diminuer la délinquance dans la ville. Et parmi cette délinquance, son regard s'était porté sur une jeune femme à l'époque où il n'était qu'un agent parmi d'autres. Une mineure qui enchaînait les arrestations, au détriment de ses parents.
Spencer Munster ; un patronyme qui s'était gravé dans son esprit, aussitôt qu'un premier regard fut échangé. Pourtant à l'époque, ce fut son collègue qui arrêta cette gamine. Mais Alrik ressentit à travers son regard une profonde détresse. Si profonde qu'il voulut aussitôt la secourir. Pensant croiser sa route qu'une fois, l'agent ne s'y était pas attardé, se contentant de surveiller la mioche recluse dans son coin, comme on le lui avait demandé. Mais voilà que Spencer enchaîna les arrestations en tout genre, et que lui... Lui ne pouvait être autre chose que le spectateur de sa délinquance. Ce ne fut qu'une fois Officier de Police qu'Alrik se permit de rentrer véritablement en contact avec elle, essayant de lui faire prendre le droit chemin. Spencer Munster était devenue son objectif ; c'était elle qu'il voulait aider par-dessus tout.
Seulement, les années défilèrent et Spencer ne semblait pas avoir évolué plus que ce qu'il aurait souhaité pour elle. Lui était devenu depuis peu Lieutenant-chef de la police de la ville, mais elle alors ? Les arrestations se poursuivaient. Alors certes, Alrik ne la voyait plus débarquer toutes les semaines au commissariat, mais il arrivait encore que la blonde atterrisse directement dans son bureau, voire en cellule de dégrisement. Cela l'agaçait. Terriblement, même. Mais à quoi bon se battre quand l'autre n'en avait que faire...
De toute façon, en ce moment Alrik n'avait pas la tête à se battre contre qui que ce soit. Depuis sa promotion, qu'il avait tout de même fêté, le brun s'était plongé tête-baissée dans son travail. Il fallait dire aussi qu'il essayait d'éviter le plus possible de se balader en ville, se plongeant alors dans la résolution d'enquêtes criminelles, uniquement pour chasser ses pensées qu'il n'arrivait plus à supporter.
Iris Vahid était de retour en ville ; après quatre années sans la voir.
Nina Vahid avait resurgit de nul-part à son tour ; après quatre années sans la voir.
Et lui était resté à chaque fois là, l'air bête, à observer son destin se jouer.
Il était chamboulé de telles retrouvailles. À tel point qu'il était un tantinet sur les nerfs. Sa sœur dirait sûrement que la raison se trouvait dans ces multiples tasses de café qu'il s'enchaînait, mais la réalité n'avait qu'un nom : Vahid. Les sœurs Vahid étaient son pire cauchemar, celui bien réel qu'il cherchait à éviter depuis qu'il les avait retrouvé.
Ainsi, comme régulièrement depuis quelques temps, Alrik décida de se rendre relativement tôt au travail. Clope au bec, le lieutenant-chef circulait à travers la ville, espérant arriver relativement vite pour empêcher ses pensées de le submerger. Et alors qu'Iris surgissait à nouveau dans ses souvenirs, voilà qu'il circula sur le parking du commissariat, à la recherche d'une place. Mais alors qu'il passa devant l'entrée, un agent poussa les portes du bâtiment et relâcha au même instant une blonde qui ne lui était pas inconnu. Une blonde qui étonnamment, souriait. À croire qu'elle était encore sous l'effet de l'alcool... Alrik freina donc brusquement, sans avoir vérifié au préalable d'être suivi, puis baissa sa fenêtre.
« Tu te fous de moi ? », râla sans se gêner le lieutenant-chef en direction de cette gamine plus si jeune qu'autrefois.
« Grimpe. », lui ordonna-t-il sur un ton autoritaire, sans réfléchir, ouvrant aussitôt sa portière passagère.
Oh décidément, ces derniers temps, ce n'était pas le moment pour l'agacer. Et autant le dire, Spencer venait justement de déclencher l'évaporation de la cocotte-minute. Alrik était prêt à exploser d'une seconde à l'autre. La blonde avait donc tout intérêt à l'écouter, au risque de voir l'impatience d'Alrik se réveiller de la pire des façons qu'il soit.