Journée importante pour le musicien qui avait bien commencée en se réveillant en retard. Thomas avait rendez-vous à 11h30 pétante, pour faire les répétitions dans la salle de concert où il avait été embauché pour la soirée. Un vieux dossier avec son oncle qui avait donné son numéro personnel à un groupe qui cherchait un guitariste, le leur avait attrapé un vilain virus dont il n’avait pas voulu savoir les détails. Tommy ouvrit un œil à 11h17, beaucoup trop tard pour prendre une douche, attraper le premier bus qu’il voyait et foncer à la salle de concert. Typiquement Tommy, quitte à être en retard, il en profita pour prendre une douche, donner à manger à Wolfgang, entre deux câlins avec l’animal. Il s'habille avec une chemise noire et un vieux jean délavé qu’il avait dans son placard depuis bien trop longtemps. Le musicien sort de chez lui, attrapant le premier bus comme prévu. Il était 11h39, déjà en retard. Et cinq minutes après être monté dans le bus, il s'aperçut qu’il n’avait pas sa guitare, comment avait-il pu oublier ça ? Thomas se frappe le visage et descend au prochain arrêt, rebrousse le chemin à pied, vingt minutes de marche et il arrive à son appartement pour aller chercher sa guitare pour ce soir. Il reprit le bus et arriva devant la salle de concert à 12h23.
Courant à pleine vitesse pour entrer dans les loges, il ne vit personne, il entra sur scène où les répétitions avaient déjà commencé. Je suis désolé, je suis en retard. Dit-il d’un air affolé. A la place du guitariste, il vit une autre personne. Le batteur se lève, un grand brun, beaucoup trop costaud pour se prendre le chou. Désolé mec, mais t’as une heure de retard, on a trouvé quelqu’un d’autre. Thomas fulmine, sans cet oubli de guitare il ne serait pas arrivé tant en retard. N'essayant même pas de débattre, en colère contre lui-même et contre ces opportunistes beaucoup trop fiers pour accepter l'erreur humaine, il quitte la salle. Ils devaient sûrement venir de Berlin, des bobos purs qui venaient jouer à Hambourg et ne pas laisser une chance aux locaux. Thomas avait toutes les raisons du monde de leur en vouloir, il retourna chez lui par le même chemin d’où il était venu. Il passa se prendre un bon kebab au passage qu’il dégusta arrivé chez lui. Sa guitare avait retrouvé sa place initiale. Le garçon plongea dans son canapé, énervé et déçu de ne pas avoir pu faire les répétitions, en colère contre ces gens. Il préféra allumer Netflix et lancer une série qu’il regardera jusqu’à sa fin d’après-midi.
Arrivé 17h, sa rancœur ravalée, il se leva du canapé, qu’il n’avait pas quitté depuis, pour se changer. Même s’il ne jouait pas ce soir, il avait gardé son pass pour aller voir ce stupide concert. Il préféra ôter sa chemise et s’habiller de manière plus décontractée, un t-shirt blanc, un jean noir, une paire de converse montante et sa veste en cuir légendaire feraient l’affaire. Il avala un morceau rapidement et regarda son petit chien qui n’avait pas eu sa promenade quotidienne. Désolé gars, demain promis on sort. Il sortit de chez lui, dévala ses escaliers deux par deux pour prendre le même bus que la matinée, aller au même endroit que la matinée. Le concert n’était pas commencé, il s’installa en fond, évitant la fosse où les fangirls allaient s’entasser comme des sardines, commanda un verre du cocktail spécialement concocté pour l’occasion. J’espère que vous allez vous vautrer comme des merde. Dit-il en grognant assez fort pour que sa voisine l’entende.
Depuis de longues semaines, nous répétons Ein Sommernachtstraum. Depuis plusieurs jours, tous les membres du corps de ballet, des quadrilles aux solistes, répètent sans relâche pour convenir au mieux à la vision de celui qui nous guide dans cette recherche de l’exceptionnel. Depuis de longues heures, tout un chacun s’use physiquement et moralement pour arriver à ce rêve que nous présenterons dans quelques jours devant un parterre de gens, à qui peu importera le léger tremblement d’une jambe ou l’angle approximatif d’un bras posé sur le dossier d’un lit. Toutefois, un travail qui frise le parfait c’est ce que recherche chaque danseur à notre niveau. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas nous contenter de l’approximatif, de l’à-peu-près. Nous sommes exigeants avec nous-mêmes, c’est dans notre nature. En outre, à côté de cette œuvre maitresse, il y en a évidemment d’autres qui ont été jouées dans les murs de l’opéra ne nous permettant que très peu d’heures de repos. Pourtant, ces quelques heures loin de notre sacro-sainte scène sont essentielles. Il faut absolument, comme dans tous les domaines, prendre du recul avec les collègues, le lieu de travail, l’activité en elle-même… Ce soir donc, j’ai enfilé un tee-shirt blanc et un skinny noir, prête à aller me vider l’esprit dans les rues effervescentes d’Hambourg. J’ai jeté mon dévolu sur un concert auquel l’on m’a invité de la manière la moins subtile du monde quelques semaines auparavant. Je prenais un verre dans un bar quand un type franchement lourd à chercher, en désespoir de cause, à se vendre à travers sa place de bassiste dans un groupe. Avant de partir, il m’avait donc laissé un pass pour son prochain concert au Barclaycard Arena. Initialement, je l’ai accepté pour qu’il s’imagine que sa combine filait comme sur des rails et qu’il débarrasse le plancher, mais force m’est de constater que ce n’était pas une si mauvaise idée au final. Et puis, noyée dans la foule, il y avait peu de chance que je tombe à nouveau sur l’énergumène… La foule est déjà dense dans la salle de concert. Des groupes hétéroclites disséminés aux quatre coins de la pièce trépignent dans l’attente. Ils rient, ils boivent, ils se parlent, ils s’exclament. Ne sachant pas vraiment quel type de musique va résonner dans les baffles ce soir, j’ai opté pour quelque chose d’assez classique vestimentairement parlant et on dirait que je me fonds pas mal dans le paysage. Préférant éviter la fosse et sans être certaine de vouloir rejoindre le parterre, je repère un endroit destiné à servir à boire dans le fond de la salle. Je me fraye un chemin entre les différents groupes, les différentes personnes, plus ou moins pris par leurs conversations. Le comptoir est déjà assailli par des dizaines de personnes assoiffées. Quand j’atteints enfin mon but, il ne me reste plus qu’à attirer l’œil du barman qui ne sait déjà plus où donner de la tête.
« - J’espère que vous allez vous vautrer comme des merdes. grommèle mon voisin et je tourne mon regard vers lui tout en haussant les sourcils. - Mauvaise journée ou tu souhaites ça à chaque personne qui vient commander un verre ? je lui souris amusée. »
Le serveur pose un verre devant lui et j’en profite pour commander la même chose. Le cocktail a l’air sympa avec ses couches mauves, bordeaux et vertes tirant vers le noir. Une musique d’ambiance commence à se diffuser dans la salle et quelques personnes se mettent à danser. Des sons électropop commencent à emplir la pièce sans qu’aucun groupe n’ait fait son apparition sur scène. Cela ne me fait pas vraiment envie et j’espère que je ne me suis pas fait avoir sur toute la ligne. Ma consommation à peine déposée, je m’en saisis pour satisfaire ma curiosité. Je goute la vodka et le raisin, mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur le dernier gout. Je pince les lèvres en réfléchissant à cette dernière saveur qui m’échappe. Les sons, en revanche, ne m’échappent pas le moins du monde et j’ai comme l’impression que ce n’était pas une si bonne idée de profiter de ce cadeau.
« - Excuse-moi, tu sais ce qu’ils sont censés jouer ce soir ? je me penche vers mon voisin qui semble aussi seul que je le suis tout en pointant la scène au loin.»
Ça doit paraitre étrange de poser ce genre de question. Mais qu’est-ce que j’y peux, moi, si j’ai très rapidement décroché de l’exposé pompeux et intéressé du bassiste inintéressant de l’autre soir ?
Thomas avait passé une journée affreuse, grommelant toute la journée que ce groupe de musique avait le cerveau de macaques et pourtant il voulait voir ce qu’ils donnaient sur scène. Le pire dans cette histoire c’est que le musicien savait qu’il s’agissait d’un bon groupe, avec de la bonne musique, qu’il allait sûrement bien s’amuser à ce concert. Avant ça, il avait passé la journée dans son canapé à se morfondre et à regarder Netflix en continu. Ses instruments trônant dans sa chambre alors qu’il devait en utiliser une ce soir et vivre une très bonne soirée, gratter ses cordes de guitares jusqu’à s’en écorcher les doigts, dans la lumière des projecteurs à entendre le public se déchaîner sur les musiques qu’il devait jouer. Mais il n’en était rien et quoi de plus frustrant pour un guitariste passionné que de ne pas jouer de son instrument.
Il avait tout de même voulu voir ce que le groupe donnerait ce soir. Et muni de son pass il avait refait le même chemin que la matinée avec son bus et était rentrée dans la salle de concert. Pour une fois qu’il était à l’heure, il avait préféré ne pas se faire remarquer et s’installer derrière la fosse pour profiter du bar qui avait été installé exprès pour ce concert. N’était pas un concert de rock s’il n’y avait pas de buvette dans le fond de la salle. Thomas s’installa avec son cocktail dont le goût n’était pas encore identifié dans le fond de la salle, s’adossant à la rambarde qui séparait le fond de la salle à la fosse, laissant ainsi les buveurs profiter du débit de boisson à disposition. Il espérait juste que le groupe attrape un sale karma et se plante ce soir, ce qu’il fait entendre. Il n’avait même pas vu une jeune femme s’approcher de lui. Thomas tourne la tête quand cette dernière répond à sa remarque. Une jolie silhouette, aux cheveux bruns, un corps à en faire pâlir certains. Un accent qui ne venait pas d’Allemagne, sonnant plutôt comme celui d’Astrid, une française donc.
Pardon, je parle du groupe, ils ne sont pas vraiment top. Dit-il en portant à ses lèvres le verre du cocktail avec de forts mélanges. Heureusement qu’il avait l’estomac habitué à l’alcool, au bout du troisième verre il aurait raide décalqué dans le cas contraire. Il valait mieux déguster lentement ce breuvage pour ne pas finir la tête à l’envers ce soir. Elle pose la question de ce qu’ils jouent ce soir.
- Du rock, un peu alternatif, un peu pop, leur propre création, j’ai écouté les morceaux il y a une quinzaine de jours, ça passe. Tommy n’avait pas envie de dire que les morceaux marchaient bien à Berlin, et qu’ils allaient sûrement bien marcher ce soir, le remplissage de la fosse ce soir en témoignait de leur futur succès. Non, le groupe faisait de la bonne musique, qui pouvait ressembler facilement à un Simple Plan. Mais qu’est-ce que faisait cette fille ici si elle ne connaissait pas la musique de ce soir ? Tu n’es pas là pour le groupe justement ? Demanda Tommy, perturbé par cette question un peu étrange. Il sirota le cocktail, lentement, les projecteurs commençaient à se mettre en marche pour accueillir le groupe, signe qu’ils allaient bientôt rentrer sur scène pour jouer.
- Et toi ? Pourquoi tu es là ce soir si tu ne sais pas le genre de musique qu’ils vont jouer ? Il se tournait vers la française, au moins, quitte à supporter la musique de ce groupe auquel il devait faire part, autant que cela se fasse en bonne compagnie. Au pire, ils prendront d’autres cocktails jusqu’à ce qu’ils oublient la raison même de pourquoi ils sont venus ce soir.
Danser j’adore cela en toutes circonstances et je pense que je ne pourrais pas m’en passer un seul jour. Ainsi, même si je voue un amour sans borne aux dieux de la danse classique, j’aime aussi laisser mon corps répondre à la musique qu’il perçoit. Sortir danser n’est pas une façon de parler chez moi. Si je prends le temps de sortir pour découvrir un nouvel endroit ou prendre un verre, cela doit automatiquement être accompagné de bonne musique. Laisser mon corps voguer au rythme des notes, des accords, des mélodies, des sonorités c’est une façon de lâcher-prise, d’oublier. Certains ont besoin de sport, d’autres d’alcool ou encore d’autres substances ou activités. Moi, j’ai besoin de danser sans contraindre mon corps à suivre des pas bien définis, une chorégraphie minutieuse et précise. C’est laisser naturellement s’exprimer mon inconscient, sans retenues ou presque, sans barrières. J’aime aussi percevoir l’énergie que peuvent générer des corps et des souffles qui à l’unisson sont projetés dans l’univers que les musiciens ont créé. Un bon concert c’est certes la musique, mais c’est aussi la magie créée par celle-ci qui comme une vague se déverse sur le public avant de revenir à la scène dans une énergie impressionnante. De manière générale, je ne suis pas bien difficile en matière de musique. Tant que j’y trouve un intérêt, une occasion de danser, cela me plait. Toutefois, à mon sens certaines mélodies ne sont pas faites pour danser. Au mieux, l’on peut se dandiner d’un pied à l’autre ou encore balancer la tête à la manière des chiens à l’arrière des voitures. Donc, tout ce que j’espère en entendant la musique qui se diffuse dans la salle, c’est que ce soir soit une autre occasion de vivre un bon moment de musique et pas un traquenard. Et la première réponse du jeune homme à mes côtés n’arrive pas vraiment à faire taire mes appréhensions. Je lui souris néanmoins amusée par sa remarque. Sous ses airs grognons, il a un certain charme avec ces yeux clairs alliés à des cheveux foncés tombant en quelques mèches désordonnées devant son front. Il doit sans doute être encore plus agréable à regarder quand il sourit… Mon verre à la main, je jette un regard à ce qui m’entoure. La salle est immense et déjà presque remplie à sa capacité maximum. La scène est vaste et quelques instruments y trônent déjà ici et là. Quand je n’y tiens plus et que je lui pose la question fatidique, je suis rassurée par sa réponse. Au moins, s’ils ne sont pas trop mauvais, il y aura peut-être matière à faire.
« - Du rock, un peu alternatif, un peu pop, leur propre création, j’ai écouté les morceaux il y a une quinzaine de jours, ça passe. j’acquiesce le remerciant pour cette réponse avant d’apporter mon verre à mes lèvres. Tu n’es pas là pour le groupe justement ? il est dérouté par ma question, logique. - Oh tu parles de ça ? dis-je en pointant le pass que j’ai enfilé autour de mon cou pour plus de facilité ; essayez donc de mettre une horreur de cette taille dans un aussi petit sac à main. Non, absolument pas. Je ne les connais pas… On m’a juste… invitée en désespoir de cause. On va voir si c’est aussi passable que ça. les lumières de la salle se tamisent davantage projetant toute l’attention sur la scène, l’on peut sentir toute l’excitation d’une foule qui se presse au plus près de cet endroit qui en fait rêver plus d’un. - Et toi ? Pourquoi tu es là ce soir si tu ne sais pas le genre de musique qu’ils vont jouer ? Il pivote vers moi avec une sorte d’étincelle espiègle dans le regard ; un verre à la main on pourrait presque croire qu’il joue les grands habitués, mais est-ce vraiment un jeu ? moi, je tourne la tête vers lui gardant le corps appuyé contre la rambarde nous séparant de l’autre espace de concert. - J’ai vu de la lumière et je me suis dit que ça devait être sympa ? un éclat de rire suit de près cette phrase ridicule avant que des cris hystérico-déespérés ne commencent à envahir la pièce. En réalité, j’ai eu une très longue journée… Une série de très longues journées en fait et vu que l’on m’a invitée, je me suis dit que ce serait l’occasion de me changer les idées. je sirote une autre gorgée. Et toi ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de venir écouter des morceaux qui sont juste passables ? »
La musique retentit d’un plein coup dans la salle. La batterie résonne à intervalle régulier et la guitare entonne une mélodie plus qu’entrainante. Après quelques minutes, la voix du chanteur se mêle à tous ces sons provoquant une nouvelle salve de cris dans l’assistance. Le premier morceau est entrainant diffusant une irrépressible envie qui s’infiltre par mon pied qui bat la mesure, remontant le long de mes jambes avant de finir sa course dans mes hanches et mon buste bougeant en cadence.
« Et ça, à tes oreilles, c’est juste passable ? je me penche vers mon voisin pour qu’il entende ma voix au-dessus du bruit de la foule et de la musique. »
Quand je me recule, je lui souris toujours le regard pétillant à la fois emportée par la musique et les élans de cette soirée qui s’annonce fort divertissante.
Accoudé devant la préparation de la scène, un verre à la main, comme à son habitude, Thomas observait tout ce qu’il pouvait être observé, la scène, le staff occupé à apporter les amplis, les milliers de câbles qui traînaient sur le côté, la fosse qui commençait à se remplir de fans, qui avaient patientés des heures devant la salle pour être au plus près de leur groupe préféré. Pour ce soir, le musicien préférait être en retrait, il savait que le style allait lui plaire, il faisait partie de ce monde, même si lui préférait le rock à un style plus pop, mais pourquoi pas après tout. Tommy grognait, de ne pas être sur scène ce soir, de ce stupide retard qui lui avait couté sa place, qui l’avait empêché d’être sur le devant de la scène. En contrepartie, il avait eu accès gratuitement au concert. Installé là au loin, la remarque qu’il sortit sur l'espérance d’un échec cuisant avait atteint les oreilles de sa voisine. Une femme qui semblait avoir dans les mêmes âges que lui, élancée, avec un sourire qui lui allait parfaitement. Elle ne savait pas ce qui allait être joué ce soir, faisant s’interroger le musicien. Elle point alors le pass du doigt. Etrange d’en avoir obtenu, peut-être qu’elle connaissait le groupe après tout. Au fond, Thomas allait sûrement passer une meilleure soirée que prévu.
- Et bien, j’espère que l’on va passer une bonne soirée passable alors. Dit-il en levant son verre et en buvant une gorgée.
Le musicien lui demanda par la suite, qu’est-ce qu’elle faisait là. La réponse de la jeune femme fit rire le garçon, en même temps qu’elle-même. Les cris des fans commencent à se faire entendre, mais il faut croire que Thomas avait désormais porté son attention sur sa voisine plutôt que sur la scène où commençaient à rentrer les musiciens.
- Tu me crois si je te dis que je devais jouer ce soir ? Sa phrase fut interrompue par un énorme coup de batterie et un aller-retour de guitare électrique, les cris des fans devenant stridents aux oreilles du musicien. Mais qu’est-ce qu’il était bon d’entendre une foule crier comme cela. Les premières paroles jaillirent, la voix du chanteur, grave et rauque, donnait une saveur particulière à ce premier morceau. Tommy ferme les yeux quelques instants, et agite la tête au rythme de la guitare, son instrument de prédilection. La jeune femme se pencha vers lui. Il ouvre les yeux pour l’observer, un sourire qui le fait sourire à son tour. - C’est sympathiquement passable ! Avec son sourire malicieux il tendit son verre à côté de celui de la jeune femme afin de pouvoir trinquer avec elle.
- A ce concert passable où nous avons pu rentrer gratuitement. Son grand sourire traduit bien qu’il allait sûrement mieux apprécier ce concert grâce à elle. “- Thomas, au fait”. En espérant qu’il obtiendrait au moins son prénom pour avoir dévoilé le sien.
Dans ce type d’événement, la possibilité de rencontrer des gens intéressants est multipliée par au moins un million. On peut toujours trouver quelqu’un avec qui partagée un bon moment, quelqu’un pour vous donner un coup de main ne serait-ce qu’on vous informant de l’heure ou du type de musique joué ou tout simplement quelqu’un qui aidera à faire défiler le temps. De ce fait, arriver seule pour ce genre de soirée ne m’a jamais dérangée. Assez sociable depuis l’enfance, j’ai toujours trouvé une opportunité pour engager la conversation. C’est donc tout naturellement que je réponds avec humour au souhait de mon voisin. Que pouvait-il m’arriver dans le pire des cas ? Qu’il m’envoie promener ? Il y a mille fois pire que ça. Contre toute attente, il ne semble pas complètement fermé à la conversation puisqu’il me répond. Je me dis que c’est étrange de venir écouter un groupe dont on souhaite l’échec, mais il poursuit en me questionnant sur l’étrangeté de ma question tout en ayant la délicatesse de ne pas le faire remarquer. Il est difficile d’expliquer que l’on porte un pass pour un concert sans connaitre la moindre information que ce soit sur le groupe et sa musique, mais la bizarrerie ne fait-elle pas partie du monde ou plutôt, ne lui apporte-t-elle pas une saveur en plus ? Finalement, j’arrive à le dérider avec ma réplique ridicule, stigmate d’une longue et épuisante semaine. J’avais raison, il est encore plus séduisant quand il sourit, avec cette fossette discrète que se dessine au coin de ses lèvres. Je n’ai pas le temps de répondre à sa révélation que la musique résonne dans les amplis disposés partout dans la salle. La batterie donne le rythme, mais c’est la guitare et la voix du chanteur qui donnent toute son ampleur au morceau. La voix rocailleuse et basse apporte une note de sensualité tandis que les cordes apportent une certaine forme de puissance et de tension. Ce sont elle qui donne le ton. Il est difficile de résister à une telle chanson, celle qui vous donne une irrépressible envie de danser dans tous les sens et de reprendre le refrain. Finalement, la musique n’est pas aussi terrible que j’aurais pu l’imaginer en écoutant le bassiste, qui se la joue davantage dans les bars qu’en ce moment, ou la musique d’ambiance de mon arrivée et je ne peux pas m’empêcher de le faire remarquer au jeune homme à mes côtés. J’aurais presque regretté de l’avoir dérangé, mais il me répond avec un sourire espiègle.
« - C’est sympathiquement passable ! toujours le sourire aux lèvres, je lève les yeux aux ciel, les épaules légèrement sous l’emprise de la mélodie en arrière-plan, avant que nos verres s’entrechoquent. A ce concert passable où nous avons pu rentrer gratuitement. un nouvel éclat de rire m’échappe en trinquant une seconde fois. Thomas au fait. - Enchantée… je laisse quelques secondes s’écouler avec un sourire en coin, technique vieille comme le monde me dis-je. Léa. je bois la dernière gorgée de ma boisson. Alors raconte, Thomas… je me tourne à mon tour vers lui. Qu’est-ce que tu fais ici parmi le commun des mortels, alors que tu pourrais être là-haut ? je ponctue ma phrase d’un énième sourire. »
La musique change, une autre chanson lance ses accords dans les airs rencontrant la foule. Dans ce genre de soirée, peu importe le thème, peu importe même la musique, on trouve toujours quelqu’un à rencontrer, un étranger sur la route, et qui peut se révéler être des plus intéressants. Et il semblerait que ce soir soit des plus intéressants…
Il s’en voulait, c’était presque sûr, mais au final en voyant le groupe joué sur scène, son orgueil reprenait le dessus. Ils étaient moins bien que si Tommy avait joué avec eux. Au final, accoudé sur la rambarde, en retrait de la foule à boire son verre, il restait stoïque, observait tout autour de lui. Chaque note résonnait facilement dans sa tête, chaque son de guitare encore plus. Le chanteur avait une voix rauque, collant parfaitement avec le style de musique que le groupe jouait ce soir. Oui ils étaient bons, aucun doute là-dessus. Mais Tommy restait persuadé qu’ils auraient été meilleurs avec lui à leurs côtés, alors le musicien préférait noyer sa frustration dans son verre.
Heureusement, une charmante jeune femme était arrivée à ses côtés et commençait à lui adresser la parole. Une jeune femme qui n’avait pas non plus eu une réelle motivation profonde d’ultra-fan à venir à ce show. Elle a l’air sympathique et très taquine, et ce genre de traits de caractère plaît énormément à Thomas qui esquisse des sourires. Et après quelques répliques échangées, le guitariste lui dévoile qu’il devait jouer, à la fin de sa phrase, les batteries résonnent, la guitare électrique vibre et le spectacle commence. Oui il était assez évident, qu’au vu des cris de fans hystériques, le groupe soit effectivement talentueux, et la fierté de Tommy en prenait un coup.
La jeune femme se retourne vers Thomas et trinquèrent à ce concert “passable”, trop dans la retenue pour avouer que ça allait sûrement être un très bon concert et que ses oreilles allaient être gatées pour le reste de la soirée. Il finit par se présenter à la jeune femme, ravi de ne pas passer la soirée seul. Leurs verres se rencontrent plusieurs fois dans l’euphorie de la musique. La jeune femme mystérieuse s’apelle Léa, il repère un accent, semblable à celui qu’il a déjà entendu auprès d’Astrid, mais après quelques verres, Tommy n’allait clairement plus le remarquer.
- J’ai décidé de redescendre parmi les mortels, voir quel bordel vous nous avez foutu ! Dit-il en lâchant un rire.
- Plus sérieusement, ils cherchaient quelqu’un d’urgence et j’ai merdé pour venir à l’heure. Évitons de lui raconter tous les problèmes que le guitariste avait rencontrés et essayé de passer une bonne soirée malgré tout.
Dans un concert, il y a toujours des éléments incontournables : la multitude de gens agglutinés oscillant au rythme des sons déversés dans les haut-parleurs, les lumières passant de tamisées à stroboscopiques, le sol collant sous l’effet des boissons renversées, les vigiles à moitié aveugles et les musiciens pris à la fois dans leur art et dans l’euphorie de la scène. C’est dans ce mélange électrique tout particulier que l’art s’exprime en toute liberté et dans toute sa grâce et que, sans réellement se connaitre, des gens vibrant aux mêmes notes se connectent les uns aux autres sans consciemment le percevoir. Un concert, quand la musique est bonne bien entendu, c’est l’occasion de se laisser complètement aller aux sonorités. Si l’on vient à percuter quelqu’un pris par le mouvement, il suffit de sourire tout en levant la main d’un air désolée et de reprendre ses pas là où on les a laissés. Si l’on se retrouve dans une difficulté quelconque, il se trouve souvent quelqu’un pour vous proposer son aide. Le monde dans toute sa monstruosité et dans toute sa rivalité semble prendre une trêve une fois les portes de la salle passées, que celle-ci soit petite ou grande, que le groupe soit connu ou non. C’est dans cet espace que peuvent parfois naître des rencontres surprenantes, comme celle qui se joue en ce moment : le guitariste et la danseuse étoile. Il est assez agréable de discuter avec lui. Il est plutôt charmant avec un sourire séduisant et ce qu’il faut d’humour et, une fois déridé, il l’est plus encore.
« - J’ai décidé de redescendre parmi les mortels, voir quel bordel vous nous avez foutu ! je le suis et laisse échapper un rire face à cette réplique tout en finesse avant de lever les yeux au ciel. Plus sérieusement, ils cherchaient quelqu’un d’urgence et j’ai merdé pour venir à l’heure. je grimace, je lance un désolée pour lui avant qu’il ne reprenne. Et toi, lequel d’entre eux t’as invité ? je grimace à nouveau fronçant le nez. - Vu que tu sembles les connaitre un peu, à ton avis ? je préfère prendre cette situation du bon côté, avec humour. Lequel d’entre eux est assez imbu de son art pour s’en vanter auprès d’une parfaite inconnue dans un bar et en venir à lui fournir un accès en dernier recours ? je fais tourner le badge en question avec un air joueur. »
Au cours d’un concert, on trouve toujours des éléments incontournables et comment ne pas trouver cela distrayant lorsque l’on se rend compte que l’on est une part intégrante de ce microcosme qui s’expanse ?
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