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 Amalia ➸ Les guerrières du jeudi

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Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Sam 1 Mai - 19:44


Les guerrières du jeudi


Amalia & Inga - 27 avril 2021
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C'est devenu un rituel. Chaque jeudi depuis huit mois déjà, j'attrape mon sac de sport et je m'engouffre dans les profondeurs du métro hambourgeois, direction Eimsbüttel. L'itinéraire dure une vingtaine de minutes, suffisamment pour laisser derrière moi le bordel inextricable de mon existence et me concentrer sur ce qui m'attend, mes objectifs, les racines de ma motivation. Assise seule dans un carré de quatre places, je fais le vide en écoutant un morceau de Janis Joplin. Je surprends la sérénité avec laquelle j'aborde l'entraînement de ce soir et je mesure le contraste avec l'intense anxiété qui me terrassait la première fois que j'ai parcouru ce trajet. J'étais une toute autre personne. Crispée autour de mon sac, les jambes secouées par des mouvements incessants, rongée par la peur, le doute et l'appréhension, je me demandais sincèrement dans quelle galère je m'étais encore embarquée. Cette galère s'est avérée être l'une des aventures les plus inestimables, décisives et cruciales de ma vie.

Je sors du métro et je parcours les quelques centaines de mètres qui me séparent du club de sport sous la fraîcheur humide de cette fin de mois d'avril. Je salue les visages désormais familiers que je croise sur mon passage et je file vers les vestiaires. Je me change rapidement, lace mes baskets avec assurance et referme le cadenas sur mon casier. Je me dirige ensuite vers l'évier pour me ravitailler en eau. Pendant que ma bouteille en inox se remplit doucement, je croise mon reflet dans le miroir. Je suis brusquement propulsée un an et demi en arrière et je fais face au spectre de mon visage pâle et cerné tel que je l'avais aperçu dans la glace des sanitaires de l'aéroport le jour de mon retour de Delhi. Je me sentais tellement désarmée face à mon destin, l'empreinte de cette impuissance ultime m'érafle encore. Je reprends contact avec l'instant présent. Mon regard glisse le long de ma nuque jusqu'à mon deltoïde dessiné par les heures de travail déjà derrière moi. Je coupe l'arrivée d'eau, je referme ma gourde et je passe doucement ma main sur mon épaule sculptée. Je souris. Semaine après semaine, mes progrès s'inscrivent sur mon corps. Semaine après semaine, je reprends le contrôle.

Je fais mon entrée dans la salle de boxe et je salue d'un geste de la main les sportifs déjà présents. Je n'aurais jamais pensé trouver ma place dans un tel lieu mais l’expérience m'a prouvé que j'avais tort. Je me sens bien ici. Il n'y a pas de drame, pas d'embrouille, pas de faux-semblant, seulement la vérité de l'effort et une forme de solidarité tacite nourrie par le respect mutuel dont la marque s'échange de regard en regard. Mes cicatrices bien visibles dans mon dos, dévoilées par l'échancrure de ma brassière, personne ne m'a jamais demandé d'où elles viennent. Ici, des cicatrices, tout le monde en a. Je pose mon sac sur le banc et je me lance dans un échauffement articulaire en attendant Amalia, ma mentor, celle qui m'a tout appris.  
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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Mar 18 Mai - 2:32


INGA & AMALIA

les guerrières du jeudi  



Sa moto enfourchée, Amalia roulait à travers Hambourg. Elle roulait vite et surtout, la tête ailleurs. Son regard était rivé devant elle et pourtant, il était ailleurs. Elle réagissait au monde qui l'entourait pas automatisme. Les feu rouges, les passants, elle appréhendait tout tel un automate programmé, obéissant à un protocole que lui avait inculqué l'armée ; toujours avoir conscience de son entourage. Sans ce privilège de déformation professionnelle qui était encré en elle depuis des années, elle se serait sans doute déjà renversée au moins huit fois.
Rien ne semble parvenir à apaiser ses pensées. Elle a pourtant tout essayé. Soirée beuverie au bar où bossait Matt désormais, nuit à refaire toutes la déco des pièces de l'appartement de ses ébats sauvages avec Julius, aller courir, se perdre à cheval durant quelques heures à l'extérieur de la ville durant plusieurs heures... Mais rien, pas même sa passion pour l'équitation ne parvenait à lui faire quitter cet espèce d'état second qui semblait s'emparer d'elle dès lors qu'elle se retrouvait seule sans son meilleur ami ou l'homme qu'elle aimait pour occuper ses pensées. Avec eux, Amalia passait en second et parvenait à porter son masque pour leur dissimuler son mal être. Elle voulait les préserver de ce qu'elle se sentait devenir. En particulier Matt. Elle avait horreur de cette situation et en même temps, elle la cachait. Elle la retenait de son mieux, l'enfermer en elle pour ne pas y faire face. Lili savait d'où venait cet état qui semblait ne plus vouloir la quitter mais elle s'interdisait de l'affronter en face.
Elle était forte. On le lui disait toujours. Dès qu'on pensait à elle, on pensait à cette sulfureuse brune inébranlable, au franc parlé inéluctable. A cette militaire qui avait fini première de ses classes à l'armée et qui avait réussi à prouver assez sa valeur pour finalement devenir tireuse d'élite, un des postes les plus difficiles d'accès et donc reconnu dans le milieu. Elle était cette force de la nature, cet esprit libre et insaisissable, ce caractère bien trop trempé pour être ébranlé.
Et pourtant...

Garée face à la salle de sport, Amalia retira ses gants, puis son casque avant d'ébouriffer ses cheveux, ses grands yeux clairs toujours portés vers un ailleurs hors d'attente, même pour elle. Elle quitta l'engin, le sécurisa histoire d'éviter tout vol, puis elle rejoignit les vestiaires. A peine entrée dans le hall du gymnase où elle se rendait chaque jeudi, elle se sentit reconnecter quelque peu à la réalité. Ses poings la démangèrent. Elle avait envie de cogner ! De toutes ses forces, de toute sa hargne ! Elle salua quelques connaissances, leur offrant ce sourire de circonstance et cette fausse légèreté qui la caractérisait d'habitude, puis s'enferma dans le vestiaire où elle se changea en vitesse. Lili troqua son jean pour un legging, son tee shirt pour une brassière et ses rangers pour des baskets avant de bander ses mains.
Elle n'oublia pas de remplir sa bouteille d'eau qu'elle cala sous son bras, puis enferma son sac et son casque dans son casier avant de récupérer sa serviette. Elle rejoignit la salle et inspira profondément cette odeur si familière qui la réconfortait toujours. Ses yeux se posèrent immédiatement vers le ring sur lequel elle crevait d'envie de monter, mais avant elle devait s'échauffer et surtout, trouver Inga. Elle devait déjà être arrivée la connaissant.

Leur rencontre avait été "violente". Pas celle qu'Amalia aurait souhaité et encore moins Inga mais depuis, des liens s'étaient créés. Amalia avait été sincère en lui proposant de venir boxer, mais elle ne s'était pas attendue particulièrement à ce que la jeune femme donne suite. Pourtant, elle l'avait bel et bien fait, débarquant tel une enfant gênée la première fois qu'elle était venu fouler la salle de ses pieds. Lili l'avait accueillie avec un grand sourire sincère et de là tout était parti.
Au début, c'était juste pour la "guérir". Pour la faire évacuer ce qu'elle portait, lui faire prendre confiance en elle et l'aider à ne plus jamais avoir à subir une situation semblable à celle de laquelle Amalia l'avait tiré. Mais à mesure du temps passé ensemble, elle s'était mise à sincèrement apprécier Inga. La militaire avait peu d'amis, particulièrement parmi les femmes mais si elle devait définir sa recrue, ce serait sans doute le mot qu'elle emploierait. Elle était fière d'ailleurs de son chemin parcouru ! En huit mois elle avait énormément appris et elle était heureuse de voir que la jolie activiste prenait du plaisir également et ne le faisait plus que par "nécessité".

Il n'y avait qu'à la regarder, elle était ici comme chez elle à présent. L'ayant enfin repéré, Amalia s'empressa de la rejoindre, étouffant un peu plus la sensation étouffante qui l'éteignait aujourd'hui pour laisser place à sa bonne humeur, puis lui claqua les fesses avec un grand sourire enfantin.

- Salut ! Désolée je suis un peu en retard. Grosse journée. J'ai trop hâte qu'on s'y mette !

Elle tournait ça à la dérision, le twistait en impatience de sportive empressée, mais le besoin était sincèrement viscéral et ce soir, Amalia se rendait compte que les rôles étaient inversés. Ce n'était plus Inga qui avait besoin d'elle, mais elle qui avait besoin d'Inga... Elle ne se rendait juste pas encore compte à quel point.

- Je te rattrape dans l'échauffement et on va faire quelques frappes ?

Lili s'étira, se mit au sol pour quelques exercices d'assouplissement et de gainage, puis tourna son visage pour observer Inga qui faisait ses séries également.

- Tu commences à te dessiner dis ! effleura-t-elle son épaule et son biceps.

Inga était une belle femme et le sport lui allait bien ! Elle était d'une morphologie relativement fine et elle ça n'avait pas changé, mais son corps prenait des courbes sympathiques grâce aux muscles qui prenaient élégamment en volume sous sa peau !



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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Mer 19 Mai - 7:30


Les guerrières du jeudi

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Le démarrage est laborieux ce soir. J'ai encore des courbatures héritées de mon entraînement de l'avant-veille et je suis clairement raidie par l'absence de stretching entre mes séances. Les cours de yoga avec Valentina sont désormais un lointain souvenir. Je crois que je ne cherche plus la sérénité, du moins plus la sérénité par la douceur et la subtilité. J'ai besoin d'exploser. La méditation, la cohérence cardiaque, la sophrologie et toutes ces techniques censées apporter une forme de bien-être aux pratiquants représentent un travail émotionnel qui, quelque part, me révolte. Où va la rage lorsqu'on la métabolise ? Disparaît-elle avec l'apaisement de la fréquence respiratoire et de la tachycardie ou s'enfouit-elle encore plus profondément dans nos entrailles ? Rien de se perd, rien de se crée, tout se transforme. J'ai trop joué à l'alchimiste avec mes émotions, prenant sur moi pour les gérer comme une femme convenable, une femme sage, élégante et maîtresse d'elle-même. Aujourd'hui, j'ai envie de frapper. J'ai envie d'entendre le cisaillement de l'air sous l'effet de mes coups. J'ai envie que ce soit le punching-ball qui absorbe ma colère, pas mon propre organisme.

J'exécute quelques Good Morning sans charge lorsqu'Amalia fait une entrée remarquée dans la salle d'entraînement. Je sursaute légèrement quand elle me salue à sa façon, me redressant en laissant échapper un éclat de rire. Ma partenaire sportive a l'air d'humeur espiègle et énergique, cela ne présage rien de bon pour l'état de mes courbatures dans les jours à venir. J'interromps mes mouvements et mon regard s'éclaire. La complicité qui s'est installée entre nous après être née de l'essence du pire m'est particulièrement précieuse d'autant plus que notre relation ne ressemble à aucune autre. Amalia est une personne tout à fait singulière. Il y a une force en elle, une flamme dans laquelle je me reconnais et qui me pousse à sortir de ma zone de confort. Je devine ses zones d'ombres, les cataclysmes sous la surface car ils font écho aux miens dans le silence seulement troublé par les impacts de nos poings sur les pao. Je vois ses yeux lorsque ses muscles sont au bord de la tétanie mais qu'elle continue à enchaîner les coups. C'est indicible. Nos échanges verbaux sont des tirades théâtrales, des lignes entre lesquelles vient se glisser des éclats intangibles de vérités crues. C'est au tour de ma réplique. Je lance un regard taquin à un jeune homme qui fait de la corde à sauter à quelques mètres de nous. « Je crois qu'Ugo est soulagé de te voir, si t'étais pas venue j'aurais été obligée de lui mettre sa raclée. » Je ris à nouveau puis acquiesce lorsqu'Amalia me propose le menu des réjouissances pour la séance.

Mon corps commence doucement à se réchauffer. Je rejoins Amalia en gainage et je sens progressivement la brûlure dans mes abdominaux qui doucement s'affirment. Il y a quelques mois, c'étaient mes bras qui me limitaient pour tenir les exercices. Ma camarade semble également avoir remarqué les progrès qui s'inscrivent sur mon anatomie. J'esquisse un sourire lorsqu'elle effleure mon membre supérieur, m'efforçant de ne pas perdre l'équilibre sur ma planche. « Heureusement que toutes ces pompes que tu me fais faire commencent à porter leurs fruits sinon j'aurais demandé un remboursement ! » Derrière mon sourire et ma légèreté se cache une réelle fierté, bien que je sois encore loin d'avoir atteint la masse musculaire de ma coach improvisée. C'est tellement puissant de prendre le contrôle de mon corps, de me le réapproprier, de le façonner pour en faire une arme, pour qu'il puisse servir mes propres intérêts et non ceux des autres, ceux de la société, ceux des hommes. Ce moment, il est à moi. Il est à nous. Il est à l'Histoire.

Après quelques minutes de mise en condition, je me redresse avec énergie et j'étire mes épaules avant de les rouler afin de les préparer à ce qui les attend. Je vais chercher mes gants de boxe dans mon sac de sport et je les enfile en jetant un regard déterminé à Amalia. « On attaque ? » Je suis plutôt de bonne humeur ce soir mais je ne me leurre pas, quel que soit mon état thymique du jour, il en reste que j'ai des décennies de colère à extérioriser. Comme chaque semaine, le sac de frappe risque de prendre très cher.
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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Mer 14 Juil - 0:00


INGA & AMALIA

les guerrières du jeudi  



Dernièrement, la salle de sport était le lieux où Amalia se sentait le mieux. Il n'y avait pas besoin de parler. Pas besoin de feindre. Juste de frapper. Courir. Pousser. Tirer. Elle ne s'était pas encore épanchée sur ce que Matt lui avait révélé avec quiconque. Ni lui, ni Julius. Elle ne le voulait pas car elle n'était pas prête à faire face. En parler, rendrait tout réel. En parler, la ferait se sentir pire encore que ce qu'elle se sentait déjà ! Parce qu'elle se blâmait ! Comment pouvait-elle faire autrement ? Lili prenait sur elle ce qui était arrivé à son meilleur ami comme au reste de leur unité et elle portait ce poids seule.
Elle pouvait gérer ! Du moins elle le pensait. Car la vérité était que ça la dépasser. Tout ça était bien trop lourd, même pour elle qui se voulait inébranlable. Lorsqu'elle venait ici sans Inga, Amalia se déchainait sur les machines de la salle de sport à s'en abrutir la tête autant qu'à s'en épuiser les muscles. C'était devenu son seul exutoire. Mais elle commençait à ne plus voir ses limites. Car la vérité était qu'elle n'extériorisait rien ! Au contraire, elle contenait tout et la force qu'elle mettait à frapper dans le sac de box, était la même avec laquelle elle s'obligeait à ne pas regarder la réalité de ce qui s'était passé en face. Amalia était rongée. Dévorée. Elle se détruisait en voulant protéger son meilleur ami de ce qu'elle éprouvait au plus profond d'elle mais surtout, elle se détruisait en voulant se protéger elle-même...

- T'en serait capable !

Inga commençait à être plutôt douée ! Son corps s'était dessiné par le sport oui, mais il s'était également assoupli et avait gagné en dextérité autant qu'en puissance ! Lili ne doutait pas que la jolie brune aurait pu étaler Ugo. Il se défendait, mais Inga avait de meilleurs réflexes que lui grâce à sa silhouette gracile.
L'ancienne militaire acheva son échauffement en bonne et due forme puis s'étira un peu, en particulier au niveau de son épaule gauche qui gardait quelques séquelles d'une ancienne blessure et accessoirement - mais ça elle préférait le taire - d'une mauvais coup pris sur un ring de MMA clandestin...

- D'ailleurs le tarif va passer double, la taquina-t-elle à son tour et lui "fouettant" le derrière de sa serviette.

Lili appréciait cette amitié avec Inga. Elle était imprévue et s'était faite plutôt très naturellement. La jeune femme ne s'était pas du tout imaginé lorsque Inga avait commencé à venir à la salle, qu'elle se serait tenue de façon aussi assidue à ses entrainements et qu'elle y aurait autant pris goût. C'était plutôt cool ces rendez-vous hebdomadaires avec une copine de salle et Lili appréciait la ténacité dont son "élève" faisait preuve. Car elle ne s'était pas détournée du sport après avoir appris quelques mouvements de self défense. Non elle s'était vraiment passionnée pour l'art martial autant que le renforcement musculaire et ça lui faisait plaisir ! Observer une personne dans une salle de sport en révélait généralement beaucoup sur elle et sa mentalité.

- Yes ! Let's go !

Amalia jeta sa serviette sur son épaule, puis enfila ses gants de box avant de boire un coup d'eau. Elle se plaça derrière le sac afin de le maintenir et laissa commencer Inga. Les premiers coups d'échauffement commencèrent doucement, jusqu'à ce que le rythme et la puissance de ces derniers s'intensifient. Lili affirma sa prise et encouragea Inga, lui donnant quelques conseils de posture au passage. Attention à ses jambes, sa garde... mais à mesure que sa copine extériorisait sa colère, Amalia elle sombra dans ses pensées. Elle savait ce de quoi Inga cherchait à se libérer et cette fois l'écho de leur vécu commun pourtant tut entre elle eu de l'impact sur Amalia qui était trop fragilisée par les dernières révélations de Matt. Elle ! Le rock, celle qu'on pensait toujours inébranlable et incapable d'éprouver d'émotions douces se sentait faible et ébréchée ! Une situation qui la perturbait autant qu'elle la terrorisait car elle ne l'avait plus expérimentée depuis le décès de son père... Rapidement, son regard parti dans le vide. Ou plutôt vers ses tréfonds...
Avant même qu'elle ne le réalise, ce fut son tour de prendre la place de Inga. Elles échangèrent leurs places. A son tour elle aurait du débuter ses frappes en douceur, mais ce qu'elle prit pour un commencement avait déjà un goût d'achèvement dans ses tripes. Amalia frappa le sac avec une telle rage que si Inga ne l'avait pas maintenu il se serait sans doute envolé plus haut que de raison et pourtant, il était lourd ! Diablement lourd ! Mais ça ne l'arrêta pas et elle recommença, ses yeux fous égarés dans ses souvenirs, dans ces images qu'elle refusait d'affronter mais qui la submergeaient soudain. Amalia ne parvenait plus à les contenir. Tout sorti. Logan, Matt, son unité... Elle hurla si fort que la plupart des gens cessèrent ce qu'ils étaient en train de faire pour se tourner vers elle. Lili cogna encore, ressentant la douleur salvatrice dans ses articulations. Elle voulait avoir mal physiquement ! Ça l'aiderait peut être à supporter combien elle souffrait émotionnellement ! Lili acheva le tout d'un coup de pied rageur qui n'avait rien de très académique et fila prendre l'air dehors.

Pour autant elle eu beau inspirer et expirer autant que faire se pouvait, l'air ne vint jamais assez emplir ses poumons et l'apaiser. Elle suffoquait. Elle n'y arrivait plus. Elle était arrivée au bout d'elle-même. Elle chassa une sensation de chatouille qui lui courut sur la joue. Mais lorsqu'elle ramena son gant de box devant ses yeux, elle se rendit compte qu'une larme y parlait et que d'autres suivaient ses sillons le long de son visage alors que le visage de Stark s'imposa à elle, venu à l'évidence la moquer et lui rappeler cruellement que finalement, il avait gagné !
Que pire, il lui avait pris bien plus que ce qu'elle aurait jamais imaginé pouvoir un jour lui donner...



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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Ven 16 Juil - 15:49


Les guerrières du jeudi

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Je fixe le sac de frappe, le visage marqué par la détermination. Je suis toujours traversée par une forme de doute lorsque je débute une séance. Je suis consciente que je vais chercher l'inconfort, jouer avec mes limites, les repousser peut-être. Il y a toujours la question d'être à la hauteur intimement mêlée au risque de me décevoir. Ce que je remets en jeu à chaque entraînement dépasse largement le strict cadre de la performance sportive. Je sais que je suis physiquement capable de relever les challenges que je m'impose mais il m'arrive bien trop souvent de frôler l'abandon. Je sais que je suis mon principal obstacle, c'est toujours un combat contre moi-même.

Je prends une profonde inspiration, je me mets en garde et je fais un signe de tête à Amalia. Je commence à frapper doucement. Après avoir enchaîné les jab cross, je rajoute des crochets et des uppercuts puis quelques coups de pied. Je me concentre sur ma technique, écoutant studieusement les conseils de ma partenaire. A mesure que je prends de l'aisance, j'augmente ma puissance et je varie le rythme, le niveau et l'intensité de mes frappes. Mon souffle se raccourcit et je sens quelques gouttes de sueur perler sur mon front. J'entre dans la zone rouge. Je me déchaîne sur le punching-ball. Je ne pense pas au déchet qui m'a agressée. Je ne pense pas à l'incendie. Je ne pense pas à ma famille. Je ne pense pas à Mark ni à Ewen. Je ne pense pas aux multiples manières dont l'humanité me révolte. Je ne pense pas à cette part obscure de moi-même qui me pétrifie. Je ne pense pas. Mes muscles parlent, ils hurlent, interrompus seulement par la voix d'Amalia qui me rappelle de maintenir ma garde haute. Je lutte contre la fatigue, contre la gravité, contre la douleur mais je ne m'arrête pas. A chaque impact, quelque chose se libère et je me sens puissante, dangereusement puissante. J'oublie où je suis et je me retrouve. Je lance le dernier crochet du droit, je change de garde et je recommence.

Ultime frappe. Le souffle court, je me penche en avant et je pose mes mains gantées sur mes cuisses. Ce que je ressens est indescriptible. C'est comme mourir et renaître dans l'étincelle du même instant. Mon cœur bat la chamade et percute violemment mon sternum. J'ai chaud, terriblement chaud et je suis en nage. Les endorphines se répandent dans mon organisme. « Purée, ça fait du bien. A toi... attends j'arrive. » M'efforçant de reprendre mon souffle, je me traîne jusqu'au banc pour me sécher et me débarrasser de mes gants puis je viens prendre la place d'Amalia derrière le sac de frappe. Cette partie de la séance est particulièrement instructive, elle me permet d'observer la technique de mon amie, ses placements, la manière dont elle engage ses hanches, une multitude de détails qui lui sont automatiques mais qu'il me reste à acquérir.  « Prête ! » Je n'étais pas prête. Le premier coup assené par la jeune femme manque de me faire perdre l'équilibre. Je me rattrape au punching-ball et j'écarte les jambes pour élargir mes appuis. «  Wow, tu rigoles pas aujourd'hui ! » Je ne crois pas si bien dire.

Les instants qui suivent se transforment en épreuve. Alors que je m'efforce d'encaisser les frappes violentes qui s'abattent sur le sac, je réalise rapidement que quelque chose de va pas. « Amalia...» Je tente d'attirer son attention, en vain. Je décide donc de m'ancrer dans le sol plus solidement encore et je la laisse se défouler. Son cri m'étonne à peine, tout était déjà sur son visage, dans ses yeux. Je ne me laisse pas décontenancer, j'essaie d'être là pour elle comme elle l'a été pour moi. Le silence s'est fait dans la salle, on entend plus que l'impact de ses gants sur le plastique. Soudain, après un dernier kick qui manque de me faire basculer, Amalia quitte la pièce. Je reste interdite pendant quelques instants tandis que le sac oscille devant moi puis je fronce les sourcils en remarquant les paires d'yeux qui me fixent. « Qu'est-ce que vous regardez ? » Je fusille les curieux du regard avant d'emboîter le pas à mon amie.

Il fait frais dehors. Une odeur de pluie flotte dans l'air. J'avance vers Amalia puis je me fige lorsque je remarque ses larmes. Cette vision me trouble, peut-être même qu'elle me choque tant elle tranche avec le visage qu'elle a toujours arboré face à moi. Il y a un diastasis entre la représentation mentale que je me fais d'elle et ce que je vois. Je sais pertinemment qu'elle est humaine et qu'elle a des émotions, je n'aurais pas été étonnée si je l'avais retrouvée en train de s'éclater les os de la main sur un mur mais des larmes, c'est une autre histoire. Je suis décontenancée mais sans doute bien moins qu'elle. Je m'approche doucement puis je pose ma main sur son épaule. « Tu veux t'assoir ? » Je lui propose d'aller nous poser sur les marches d'une boutique fermée. Pour parler, pour se taire, comme elle voudra.  
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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Lun 2 Aoû - 18:30


INGA & AMALIA

les guerrières du jeudi  



Amalia était un rock. De toute petite, elle n'avait jamais été du genre à pleurer et montrer ses douleurs. Du moins pas avec la même facilité que les autres enfants. A tel point que quelques fois, son père et son grand père s'en étaient inquiétés. Était-il possible que leur petite merveille fut insensible à la douleur ? Son paternel l'avait emmené à l'hôpital faire une batterie de tests mais non, tout était normal. Elle était juste... forte. Amalia avait grandi dans un milieu d'hommes entourée par des hommes en prenant pour exemple un cow-boy renommé qu'elle avait vu malmené par des taureaux sans jamais broncher et un ancien militaire de carrière ultra gradé à la rigidité évidente.
A l'école parmi les petites filles, elle était celle qui dénotait toujours de par sa force de caractère et sa "brutalité" et ça n'avait pas changé à mesure qu'elle avait grandi. Elle avait toujours été à part de par son tempérament et sa façon d'être. Elle ne s'intéressait pas aux mêmes choses que les autres personnes de son âge. Lili attendait les week-ends pour partir en road trip avec son père parcourir les routes de rodéo en rodéo plus que pour aller faire du shopping ! Après les cours, elle prenait son cheval pour partir à travers le désert avec son chien au lieu de rejoindre ses camarades au café à la mode déguster des milk-shakes en parlant garçons et bals de l'école...
Elle n'était pas une femme qui se dévoilait aisément. Elle avait appris à être ainsi et avait consolidé cette aspect d'elle à cause des épreuves qu'elle avait vécu. Lili était si peu habituée aux larmes que pour elle, elles étaient une marque de faiblesse hors elle avait horreur de se sentir faible ! La vulnérabilité, ce n'était pas pour elle ! C'était s'exposer et s'exposer, c'était dangereux. N'était-ce pas ce qu'on leur enseignait à l'armée ? Certes on parlait d'exposition physique et non émotionnelle mais pour Amalia, c'était la même chose. Elle avait pleuré lorsqu'elle avait perdu son père. Elle avait pleuré lorsqu'elle avait cru avoir perdu Julius. Plus jamais elle ne voulait se sentir à cette place à nouveau. La sensation d'étouffer, d'être submergée, de ne plus être capable de gérer, de se supporter elle-même tant sa poitrine suffoquait, c'était horrible. Alors elle se contenait. Toujours. Autant qu'elle le pouvait. Amalia se réfugiait dans la colère, dans la violence. Le sport l'aidait à évacuer et à demeurer maîtresse de ce qu'elle contenait.
Mais à l'évidence, désormais elle portait beaucoup et son corps implosait. Sa peau se craquelait et laissait suinter ses blessures. Qu'importe à quel point la militaire s'en défendait, le poids l'accablait désormais beaucoup trop et la brisait. Elle se démantelait.

Incapable de gérer cet état si peu familier pour elle, Lili demeura interdite face à ses larmes qui ne cessaient de creuser les sillons sur ses joues rosies par l'effort autant que son émoi. Elle sursauta en sentant la main de Inga se poser sur son épaule et se retourna aussi vivement que si elle venait de la brûler au fer.
Amalia cligna de ses paupières déjà gonflées par ses pleurs, comme si elle reprenait corps avec la réalité et cherchait soudain à comprendre ce qui était en train de se passer. Dans quelle situation se trouvait-elle ?! Elle vit le trouble sur le visage de la brune qui lui faisait face et ce trouble fit écho en elle. Elle ne se reconnaissait pas. Elle ne se supportait pas. Lili retira ses gants de box qu'elle jeta au sol et regarda ses mains qui tremblaient si fort qu'elle dut en fermer ses poings pour ne plus être confrontée à cette image inacceptable pour elle. Lili se sentait comme à nue ! Ecorchée vive... Et la plaie était trop béante cette fois pour qu'elle empêche le sang de s'en déverser à flot. Elle avait la sensation d'en être totalement souillée...
Et Inga la voyait ainsi...
Etait-ce si grave...? Sur l'instant, oui ! Indéniablement. A tel point qu'elle manqua lui hurler de partir et de lui foutre la paix ! Lili était habituée à être celle qui portait le monde. A soutenir et consoler ses proches. Jamais elle n'était celle que l'on devait porter. Elle s'y refusait. Mais Inga n'était plus une disciple. Ou une simple partenaire de sport. Non elle était devenue une amie. Une amie qui la voyait se fendre sous ses yeux... Amalia pouvait presque sentir la cassure partir de son cœur et raisonner jusque dans sa colonne vertébrale, le long de son échine perlée de sueur. Elle cherchait à se battre, à retenir, à masquer, puisqu'elle n'était pas face à Matt ou Julius qui étaient les deux seules personnes au monde à l'avoir vu ainsi, mais elle en était incapable.

Elle réalisa alors que parce que Inga n'était ni Matt, ni Julius, elle pouvait peut-être se laisser aller... Lorsque cette dernière lui proposa de s'asseoir, la jeune femme acquiesça, réalisant à quel point elle était fébrile sur ses jambes. Elle se laissa choir sur les marches et ses coudes appuyés sur ses genoux repliés, elle repoussa ses cheveux en arrière avant de tout laisser sortir...
Elle avait envie de crier, de frapper, de vomir tant ça venait du plus profond de ses tripes. Elle accrocha ses médailles miliaires à son cou et se plia en deux comme si la douleur était si lancinante qu'elle ne pouvait l'affronter. Elle ne sut pas combien de temps ça dura. Des minutes, des heures ? Aucune idée mais au bout d'un moment, Lili finit par retrouver doucement son souffle et réussir à s'apaiser.
Elle réalisa alors qu'elle avait accroché Inga et cramponné à elle comme à une bouée en plein ouragan. Amalia se redressa et essuya ses yeux, totalement vidée :

- Je suis désolée...

Désolée qu'elle ait vu ça. Désolée de ne pas avoir été à la hauteur de celle qu'elle était supposée être dans les yeux de son amie ; une infaillible. Une inébranlable.

- On peut y retourner si tu veux...

Amalia voulut se relever et filer enchaîner comme si rien ne s'était passé, comme si tout ça s'était passé de l'autre côté d'un miroir ébréché, mais le poids de sa peine autant que de sa souffrance la garda clouée au sol.
Elle avait envie de parler... A quelqu'un qui ne soit pas concerné par tout ce qu'elle renfermait. Les deux hommes de sa vie ne pouvaient pas avoir vent de ce qu'elle leur cachait... Ça les inquiéterait. Ça les rendrait furieux. Elle ne voulait pas ça pour eux. Qui sait comment ils réagiraient si elle leur avouait ce qu'elle avait vraiment dans sa tête ? Elle voulait les épargner. Ne pas être un soucis à gérer pour eux... Ils se blâmeraient l'un comme l'autre les connaissant alors qu'elle était la seule responsable de tout ce qui lui arrivait ! Parce qu'elle n'avait pas su gérer et être assez forte !
Inga elle en revanche, elle était neutre... Et pourtant Lili gardait ses lèvres scellées, qu'importe à quel point les mots voulaient sortir... Elle était là pour aider Inga, pour la faire dépasser son traumatisme et la rendre plus forte !

Non l'inverse.



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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Lun 30 Aoû - 22:45


Les guerrières du jeudi

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Le soleil déjà bien timide depuis le matin s'est définitivement caché derrière les nuages qui moutonnent. Le béton des marches sous mon postérieur est froid, dur, austère. Je sens ma mâchoire se crisper à mesure que ma gorge se noue d'impuissance. Les sanglots d'Amalia sont faits de larmes de plomb qui semblent s'être condensées à l'intérieur de son corps svelte depuis des millénaires, peut-être davantage. Je sens leur poids juste derrière mon sternum, il m'arrime à cet escalier. Je n'ose pas décoller mes paumes des marches ni même penser trop fort. Je pense, pourtant. Je me demande de quelle nature sont les démons que mon amie tente d'expier. J'en ai croisé bien des espèces, suffisamment pour savoir que les siens sont faits de la glaise des ténèbres les plus hideuses. C'est quelque chose que l'on sent comme l'odeur du soufre. Je me retourne brusquement vers elle lorsqu'elle s'agrippe à moi. J'expire profondément en passant mon bras autour de son épaule, presque soulagée d'observer mon corps trouver une manière convenable de se positionner dans l'espace. Les secondes passent et je m'empêche de songer afin de pouvoir être présente, seulement présente.

La jeune femme se redresse soudain et son visage se voile d'embarras tandis qu'elle se confond en excuses. Je balance vigoureusement la tête en fronçant les sourcils. « Ne sois pas désolée. Breaking news, t'es humaine. » Je me reconnais tellement dans sa réaction que la situation en devient presque ironique. Si les rôles avaient été inversés, j'aurais peut-être déjà détalé comme un lièvre. On m'aurait retrouvée tapie sous une voiture ou derrière une poubelle. J'esquisse un sourire quand Amalia me propose d'y retourner. L'étape suivante de la séance est l'entraînement en binôme et je n'ai pas nécessairement envie de subir le même sort que le sac de frappe. « Je préfère pas, je tiens à la vie. » Mon rire s'élève quelques instants dans l'atmosphère grise de la ruelle, un rire doux et légèrement nerveux. Les émotions m'ont toujours embarrassée, qu'il s'agisse des miennes ou de celles des autres. Cet embarras se distille avec subtilité jusqu'au moment brusque où il me retourne le ventre. L'humour a toujours été un garde-fou, une façon de faire redescendre la pression et de repousser l'orage dans mon ventre.

Je lance un regard à Amalia qui n'a sans doute jamais été aussi immobile qu'à cet instant. Quand j'étais petite, je disais qu'il y avait des paysages dans les yeux des gens. J'aimais fixer les personnes que je croisais et décrire les paysages qu'ils avaient dans les yeux. La boulangère, c'était un village bavarois un jour de fête avec des fleurs magenta aux balcons et des éclats de rire sur la place principale. Le facteur, c'était une grande plage bordant la mer du Nord recouverte de brume et d'embruns. La voisine d'en face, c'était un jardin sous la pluie, le jardin d'une maison abandonnée avec des clous apparents et tordus plantés dans le lambris grisâtre de murs recouverts de lierre malade. Ma mère m'a dit à plusieurs reprises que ce n'était pas poli alors j'ai arrêté ou du moins, j'ai appris à me montrer plus discrète. Dans les yeux d'Amalia, j'ai toujours vu un paysage rocailleux à couper le souffle avec des reliefs impressionnants, à l'image du Grand Canyon. Je n'avais jamais réellement songé à la manière dont le Grand Canyon s'était formé. Je hausse les sourcils. « Après, si t'as envie de retourner régler son compte à ce foutu punching-ball, je suis là. Et si t'as envie de parler, je suis là aussi. » Toujours ancrée au béton de cette marche, je resserre ma queue de cheval et je laisse mon regard flotter dans l'espace, au loin, me demandant à quoi ressemble le paysage qu'il contient.
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Lun 11 Oct - 2:46


INGA & AMALIA

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Même la plus haute et solide des montagnes, face aux éléments perdait de ses pierres et s'affaissait. Amalia elle, s'y refusait. Elle se voulait constamment forte. Jamais encline à ployer. Elle était celle qui toujours soutenait. Portait. Aidait. Conseillait. Elle était le rock vers qui on se tournait et l'épaule sur laquelle on se reposait. Jamais la jeune femme ne s'autorisait de montrer la moindre faiblesse. Par deux fois elle s'était retrouvée submergée par ses émotions contenues et par deux fois lorsque ces dernières avaient implosées d'avoir été trop longtemps brimées, elles avaient manqué l'emporter.
La première fois avait été suite au décès de son père. Son chagrin et sa détresse avaient été tels qu'elle avait sombré dans une mélancolie qui l'avait presque faite disparaitre. Son grand père  l'en avait extirpé par la peau des fesses en la trainant à l'armée qui l'avait forcé à sortir sa rage face à ce deuil qu'elle n'avait pas accepté et lui avait appris à se canaliser.
La seconde, avait été lorsqu'elle avait cru avoir perdu Julius... Non pas à cause de la mort qui le lui aurait pris sur le champs de bataille, mais parce qu'il avait choisi de la quitter. Ce malentendu qu'elle avait sur le coup pris comme un rejet l'avait rendu presque folle. Lili était comme tombée en elle-même et captive de son propre corps, de sa propre douleur, elle était allée se perdre dans les bas fonds de quelques bars clandestins qui organisaient des combats de MMA pas franchement légaux. Elle avait plongé sur les rings avec une attitude qui avait effrayé certains types qui faisaient deux fois sa taille tant son calme les avait glacé. Elle avait le regard absent, presque vitreux et elle s'était laissait cogner dans l'espoir que la souffrance physique éradiquerait celle de son cœur. Pas un cri n'avait franchi ses lèvres ensanglantées alors qu'elle recevait des coups aussi puissants que si on lui avait lâché des enclumes en pleine gueule. Jusqu'à ce que d'un coup elle se réveille et passe à l'offensive. Elle avait alors été alors comme possédée. Possédée par ses démons prêts à tout ravager...

Oui deux fois déjà, elle avait cru que ses émotions libérées l'emporteraient. Et ça lui avait fait peur. Elle n'avait pas le courage de faire face à celles-ci ! Il y avait trop de choses et elles étaient trop sombres ! Trop profondes ou trop récentes ! Elle crèverait si elle allait à leur rencontre ! C'était peut-être de la lâcheté, du déni, elle se foutait du terme mais elle savait qu'au plus profond d'elle même elle ne voulait pas voir ce que les ravages que Stark avait fait sur elle donneraient si elle les laissait s'exprimer ! Elle n'était pas prête à voir ça ! Elle ne le pouvait pas ! Parce que cette fois elle serait seule face à tout ça pour s'en sortir et elle ne s'en pensait pas capable... Matt n'était pas au courant de ce qui la rongeait. Julius non plus. Son grand père n'était pas là pour lui secouer les puces et la ramener vers la surface si elle coulait trop profondément... Alors elle se faisait violence pour tout retenir une fois de plus.
Mais son corps n'en pouvait plus. Il n'était plus assez vaste pour retenir ce qu'Amalia lui imposait et il se craquelait...
Elle apprécia le silence de Inga, car elle n'aurait pas su quoi lui répondre si cette dernière l'avait soumise à la question... Sa présence en tout cas était réconfortante. Elle lui donnait de la force, aussi bizarre cela fut-il... Amalia était d'un naturel attirant et jovial, invitant ce qui faisait qu'elle avait le contact facile et donc énormément de potes par ci par là. Elle avait ses frères d'armes à l'armée. Mais dans la vie de tous les jours, près d'elle, elle n'avait pas grand monde. Julius était son amour. Matt son meilleur ami. Et ça s'arrêtait là.
Mais avec Inga, il y avait ce lien qui s'était tissé à force de leurs entrainements. Lili s'était mise à attendre avec de plus en plus d'impatience chacune de leurs retrouvailles certes pour l'amour du sport qu'elles s'étaient mises à partager, pour le plaisir de l'aider à s'affirmer et à gagner en confiance en elle, mais surtout parce qu'elle adorait cette nana. Sa répartie la faisait parfois hurler de rire et sa spontanéité était rafraichissante.
Puis... il y avait ce "lien" partagé. Cette situation qu'elles avaient vécues toutes deux, bien qu'Inga l'ignorait et qui faisait qu'Amalia se sentait plus proche d'elle. Juste parce que elle, elle savait...  

Son visage entre ses mains, elle lissa son visage avant de sourire malgré elle face à la réponse de Inga quant au fait de tenir à la vie. Lili avait horreur de sentir ses larmes recueillies sur ses paumes qu'elle essuya immédiatement sur son legging.
Inspirant profondément, elle essaya d'apaiser le feu qui lui brûlait toujours ses poumons et distillait sa force en vulnérabilité.

- Ouais... Faisons ça...

Elle récupéra ses gants et poussa sur ses mains afin de se relever et aller déglinguer ce foutu punching ball. Lili n'était pas une fuyarde. Mais généralement elle préférait gérer ses contrariétés avec des actes plutôt qu'avec des mots. C'était bien plus simple pour elle car cela avait toujours été sa façon de fonctionner. Ayant grandi avec deux hommes dont un ancien militaire de carrière, Amalia n'avait jamais véritablement appris à exprimer ses émotions mais plutôt à les traduire. Ado lorsqu'elle était en colère, elle filait à cheval à travers le désert ou partait curer quelques boxes. Elle empilait les ballots de paille dans la grange. Ou montait les sacs de grains à la remise. Tout se réglait toujours dans l'activité. Mais là elle avait la sensation qu'exploser tous les sacs de frappe du monde n'y suffiraient pas...
Lili se tourna vers son amie alors qu'une nouvelle perle saline, traîtresse, roula sur sa joue pour venir mourir entre leurs deux corps.

- Je suis une putain d'hypocrite ! se remit-elle à sangloter, l'envie de vomir lui montant aux tripes.

Malgré elle les images vinrent danser derrière ses prunelles, la ramenant vers un passé qu'elle avait tant de fois cherché à estomper mais qui souvent la nuit revenait la hanter.

- Toutes ces conneries que je te sors et toi qui me regarde comme ta sauveuse alors que...!

Inga était devenue bien plus forte qu'elle. Parce que elle, elle avait en effet réussi à combattre son traumatisme ! Elle l'avait affronté, pris par les cornes et elle dealait avec depuis ! Elle lui bottait le cul et faisait tout pour que jamais plus on l'y reprenne.
Lili elle, pressait de toutes ces forces sur sa blessure dans l'espoir qu'elle cesse de saigner et sans doute était-ce le cas. Du moins s'en était-elle persuadée avec le temps qui avait passé mais elle venait de retirer ses mains et la plaie était aussi béante qu'au premier jour, sinon pire car depuis, elle avait pris le temps de puruler...
Elle n'était pas digne de l'admiration ou même de l'estime qu'elle lisait dans le regard désormais assuré de Inga lorsqu'elle le posait sur sa mentor...

- J'ai pas été foutue de m'aider moi-même face à ce fils de...!





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Sam 20 Nov - 21:25


Les guerrières du jeudi

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Amalia semble prête pour un nouveau round. Je vois les prochaines minutes défiler devant mes yeux et je réalise qu'il y a une probabilité non négligeable pour que je rentre chez moi sans avoir la moindre idée de ce qui a pu la bouleverser. Il y a toujours eu une forme de pudeur entre nous. C'est la colère qui a soudé notre lien, une émotion primaire, explosive, active. Chaque semaine, il s'agit d'apprendre à encaisser les coups, à supporter la douleur, à ne pas avoir peur de sa force. Je ne connais pas grand-chose de sa vie, elle pas grand-chose de la mienne. Je n'ai jamais jugé nécessaire de lui poser mille questions personnelles pour ressentir notre connexion alors si cette soirée doit se terminer dans un profond silence seulement entrecoupé par les impacts de ses gants sur le sac de frappe, qu'il en soit ainsi. J'acquiesce d'un mouvement de tête puis je me relève et étire mes épaules endolories, prête à faire mon retour dans la chaleur de la salle.

Alors que je me dirige vers la porte, mes yeux croisent ceux de mon amie qui soudain se délestent d'une nouvelle larme. Je m'arrête net et fronce légèrement les sourcils, à l'écoute. Ma perplexité s'accroit lorsqu'elle se qualifie d'hypocrite avec une forme de dégoût glaçant, une attitude envers sa propre personne que je ne l'ai jamais vue revêtir et qui semble émerger des abysses de son être. Je balance la tête, interloquée, l'implorant presque de me donner davantage de matière à réagir. Mon vœu est exaucé et j'ai l'impression de prendre une balle en plein thorax. Je me fige, le sang glacé par le choc. Ce n'est pas la compassion qui prend le pas dans mon regard mais la colère. Je ne suis pas tout à fait surprise qu'elle ait pu être victime. Après tout, nous partageons une place similaire dans la société au détail près qu'elle a évolué dans un milieu où la masculinité toxique est poussée à son paroxysme. Toutefois, la culpabilité dévorante qu'elle semble ressentir malgré toutes ses belles paroles distillées avec conviction au fil des derniers mois me remplit de tristesse et de rage. Pas contre elle, contre le système.

« Je suis désolée que tu aies eu à vivre ça. » Je fixe Amalia dans les yeux, respirant profondément afin de garder mon calme. « Tu sais, j'ai jamais été du genre à me laisser faire. Je suis une activiste, c'est mon boulot de me battre même si c’est pas avec mes poings. J'ai pas fait l'armée mais j'ai vu des trucs bien plus impressionnants que ce mec et pourtant, c'est face à sa grosse tête de sous-merde que je suis restée paralysée. » Quelques flashs de l'incendie me reviennent à l'esprit. J'avais été capable de m'extraire d'un train en feu alors que j'étais blessée et que je suffoquais. J'avais su trouver la force de traverser les flammes, mais, face à mon agresseur, je ne m'étais pas défendue. J'en conviens, ce paradoxe aurait sans doute été bien plus perturbant si j'avais eu un entraînement militaire. Toutefois, l'impact de l'entraînement sur l'instinct a ses limites. « Je sais ce que tu dois te dire. T'aurais pu, t'aurais dû... toutes ces conneries. » J'esquisse un discret sourire en répétant ces vieilles paroles d'Amalia qui soudain prennent un nouveau sens. « Il y a des choses qu'on ne contrôle pas. Quoi que tu aies fait ou non, ton instinct de survie a géré comme il pouvait sur le moment et il a réussi parce que tu t'en es sortie vivante. » Je hausse les sourcils, bien décidée à remettre les choses à leur place. « Et je te regarde comme ma sauveuse parce que c'est ce que t'as été ce soir-là. C'est ce qu'on doit être les unes pour les autres. C'est la raison pour laquelle que je suis là. » Apprendre à me battre m'a aidé à reprendre une forme de contrôle sur mon corps et à devenir plus forte mais je ne me leurre pas. Face à une nouvelle agression, il se pourrait que je me fige à nouveau. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de sœurs de lutte. Je jette un coup d'œil aux gants de boxe d'Amalia puis hoche la tête avec détermination. « Pas que pour moi, pour nous toutes. »
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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Jeu 16 Déc - 16:08


INGA & AMALIA

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Se taire. Ca aurait pu être une solution. Ca avait été une solution... Puisque l'armée n'avait rien voulu entendre lorsqu'elle avait cherché à plaider sa cause, que le conseil de discipline avait statué en faveur d'une mise à pied la concernant elle s'était dit que le mieux à faire était de laisser ça derrière elle. Lili ne s'était pas sentie légitime à se faire entendre d'avantage car au fond, elle n'avait pas subi grand chose. Bien moins que certaines autres femmes. Bien moins que ce que Inga avait failli subir... Puis elle était militaire de carrière. Elle n'était pas une fleur fragile sans défense. Il lui était arrivé ce qui était arrivé parce qu'elle n'avait pas été assez forte et ça, ça la bouffait elle que se voulait constamment inébranlable.

Lorsque les mots sortent de sa bouche pour la première fois depuis des mois, Amalia a un tel dégoût d'elle même dans ses paroles qu'elle se ferait presque vomir. Elle ne se supporte plus. Elle ne supporte plus son enveloppe charnelle et crochète ses doigts contre son ventre noué comme si elle cherchait à s'en extirper.
Elle se sent fausse face à Inga. Une imposteur doublée d'une donneuse de leçons complètement hypocrite car elle n'a pas su faire pour elle tout ce qu'elle s'efforce d'inculquer à son amie depuis plusieurs semaines ici dans cette salle de box. La jolie brune s'est enhardie, endurcie grâce à Amalia mais finalement, c'est comme si elle avait transféré en Inga toute sa force propre pour s'en drainer elle-même... Elle se sent vidée et dépourvue de tout amour propre. Il n'y a plus que cet écœurement et cette rage tangible qui faisait couler les larmes sur ses joues rougies par cet afflux d'émotions auquel elle n'était plus habituée depuis longtemps.

Amalia se laisse retomber sur les marches et prend sa tête entre ses mains alors que Inga lui parle. Les mots ricochent sur elle. Elle les entend mais les repousse. Elle ne mérite pas d'être réconfortée. Elle est reconnaissante à son amie pour ses mots mais elle n'a pas conscience. Elle ne sait pas...

- C'est pas pareil Inga...
- Je sais ce que tu dois te dire. T'aurais pu, t'aurais dû... toutes ces conneries.


Lili tourne son visage au regard larmoyant vers elle et lui rend son timide sourire alors qu'elle reprend les mots qu'elle a eu pour elle après l'incartade avec l'autre tête de con. Rien qu'à repenser à lui, Amalia ressent les picotements dans ses phalanges qui ont heurté son nez... Ça avait été si jouissif !

- Moi je contrôlais...

C'est du moins ce dont elle est sûre. Et c'est pourquoi ça la ronge autant. Elle a choisi de faire d'elle ce qu'elle est aujourd'hui. D'une certaine façon. Indirectement. Son regard sur tout ça est sans doute biaisé mais pour elle c'est la seule vérité et cette vérité fait mal. Elle est tel un poison qui la dévore constamment de l'intérieur et lui brûle les veines à chaque pulsation de son cœur. Elle est devenue une compagne de route avec laquelle elle a appris à cohabité mais qui constamment la fait suffoquer.

- C'était mon Major.

Lili se fige toute seule alors qu'elle se rend compte des paroles qui commencent à sortir de sa bouche. Est-ce qu'elle se sent prête à raconter l'histoire ? Pourquoi ça lui parait si facile d'en parler là tout de suite alors qu'elle a toujours été incapable de le faire face à Matt ou Julius...? Ça n'a pas de sens. Elle a essayé de nombreuses fois de se confier sur le sujet après d'eux mais elle n'a jamais pu aller au bout. Sans doute parce qu'elle sait beaucoup trop comment ils réagiraient l'un comme l'autre et qu'elle a voulu les préserver. Ne pas faire choir ce poids là sur leurs épaules. Qui sait de quoi ils seraient capables si ils apprenaient ce qui s'est réellement passé entre Stark et elle.
Inga est la première personne assez loin de ce monde et assez proche d'elle pour lui permettre cette liberté de se confier et Amalia s'en trouve déstabilisée.

- Tu as vu Julius sur mon portable. C'était mon Major lorsque je l'ai rencontré. On a commencé à se fréquenter en déploiement.

Fréquenter pas vraiment. Ils baisaient tout au plus car à l'époque aucun d'eux n'était prêt à reconnaître que c'était bien plus que du sexe entre eux.

- Julius a pris des balles pour moi et a été rapatrié. Je l'ai cru mort durant des mois. Logan a pris sa place à la tête de mon régiment. C'est un peu le genre de mec qui pense que les femmes ont rien à foutre dans l'armée à part au secrétariat ou l'infirmerie. Je pense lui avoir lourdement prouvé le contraire...

Malgré son dossier chargé niveau insubordination et réprimandes pour des bagarres aussi bien commencées que terminées, sa liste incroyable de séjours au trou, elle est malgré tout sortie première de ses classes miliaires et fait... faisait partie de l'élite des tireurs à Djibouti avec son meilleur ami.

- Il a eu vent je sais pas trop comment de ce que je faisais avec Julius. Peut-être qu'il nous a vu ou entendu j'en sais foutrement rien mais il a décidé qu'il voulait le remplacer dans ce domaine là aussi. J'ai refusé. Du coup il a décidé de faire de ma vie un enfer. Il m'a prise en souffre douleur. Il m'a foutu toutes les pires corvées, tours de garde et missions les plus ingrates. Au final je sais même plus ce qui l'excitait le plus. Ma détermination à lui tenir tête ou redoubler d'imagination dans ses bizutages.

Ça avait été si loin... Rien que de repenser à certaines tâches qui lui avaient été confiées, les yeux d'Amalia se mettent à flamboyer et sa bouche se serre autant que ses poings contre ses cuisses.

- J'ai tenu. Des mois. J'ai rien lâché. Puis un jour j'sais pas... Je l'ai laissé faire... On n'a pas été au bout je l'ai repoussé avant mais...

Elle se coupe, essuyant les larmes qui reviennent rouler sur ses joues. Il n'y ava aucune tristesse dans ses yeux. Rien que de la dureté. Du jugement. Elle est incroyablement dure envers elle-même et se juge de la pire des façons. Parce que c'est la seule façon dont elle est capable de le faire.

- J'ai cédé Inga... Toi t'as eu le mérite d'essayer de te défendre...



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Re: Amalia ➸ Les guerrières du jeudi
Lun 7 Mar - 23:35



Les guerrières du jeudi


__

La tension s'accroit, c'est comme si les particules d'air s'étaient chargées de plomb. Je contrôle mon langage non verbal, m'efforçant de ne pas montrer mon désaccord. Ce n'est pas mon moment. Je commence à connaître Amalia et je sais qu'un rien, une crispation de mâchoire, un froncement de sourcil pourrait sceller ses lèvres et la retrancher dans la prison d'acier de ses songes torturés.  Je ne peux tout de même pas m'empêcher de répliquer en silence. Ce n'est pas pareil mais ça l'est. Le même diable dissimulé sous différents atours. Cela n'a jamais été une question de force physique ou si peu. Acculée contre ce mur, ce n'était pas la faiblesse de mon uppercut qui m'avait fait défaut. Je ne suis pas une âme chétive. J'ai toujours été forte et jusqu'à peu, je baignais dans l'illusion du contrôle. Nous ne sommes pas si différentes que cela.

Un léger vent se lève. J'ignore si c'est la brise qui me fait frissonner ou le caractère glaçant du discours d'Amalia. La silhouette de ce fameux Logan se dessine dans mon esprit. J'imagine sa mâchoire anguleuse et la noirceur cynique de son regard. La voix de la jeune femme s'interrompt à peine et je sens dans les interstices sa peur et sa colère, à moins qu'il ne s'agisse des miennes. Elles résonnent, rebondissent contre ses mots comme l'écho d'une révolte millénaire. Malgré la chair de poule qui conquiert la peau de mes bras, je ne bouge pas d'un millimètre. Cette histoire, je l'ai trop entendue et, à la fois, jamais assez. La variante que l'ancienne militaire m'en livre est d'une clarté accablante, prouvant bien que l'enjeu est le pouvoir, la domination, l'écrasement de l'autre.

La voix d'Amalia se casse. Je retiens mon souffle car mon intuition sait sur quels récifs son discours vient de buter. Elle parle de moi, utilise mon prénom et mon histoire pour se dévaloriser et cet élément de rhétorique m'est insoutenable. Un long soupir accompagne mon regard qui vient balayer le bitume. Elle sait mieux que moi ce que je devrais lui dire. Elle me l'a répété plusieurs fois, elle me l'a répété dès le début. Je suis en colère contre ce virus qui semble avoir contaminé le cerveau de chaque personne sexisée sur cette foutue planète. Je ne peux pas lui interdire d'exprimer ce qu'elle a sur le cœur mais ce qui sort de sa bouche ressemble à du venin. Peut-être qu'il vaut mieux pour nous qu'il se répande dans l'air entre nous, là où il se trouve notre portée, plutôt que dans les abysses de son être.

Je relève les yeux vers Amalia. La colère se mêle à la tristesse, celle d'avoir à nouveau à tenir ce discours, ce sempiternel refrain, presque un mantra. « Ce n'est pas de ta faute. » Je m'approche doucement de la jeune femme et je pose délicatement ma main sur son bras. « Ce n'est pas de ta faute. Que tu tiennes ou pas, que tu lâches ou pas,  que tu cèdes ou pas, ça ne change rien au fait que c'est lui le coupable. Céder ce n'est pas consentir. Jamais. » Elle le sait, je le sais, je crois que nous sommes beaucoup à le savoir désormais. Notre raison est convaincue mais ce n'est pas assez. Parfois, lorsque mes songes s'égarent et que mon humeur tangue, la culpabilité sort de son antre, preuve qu'elle n'a jamais véritablement quitté mon être et que, se sachant traquée, elle s'est simplement tapie dans un recoin de ma psyché. J'ignore si elle en sera un jour délogée, j'ignore si tel devrait être mon objectif. Je lâche le bras d'Amalia et prends une rapide inspiration. « Bon, il habite où cette petite merde, qu'on aille cramer sa voiture ? » Ma tentative de détendre l'atmosphère, je la ponctue d'un discret sourire. J'aimerais que dans son esprit, Amalia finisse par se le représenter ainsi, ce type. Une ridicule petite merde et pas le géant qui semble plonger l'âme de l'ancienne militaire dans l'ombre de son envergure.
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