Qui veut la paix prépare la guerre * Faust

La demoiselle souffle en fermant son dernier dossier de la mâtiné et elle laisse son regard glisser quelques secondes sur la reliure de ce dernier, avant de le placer soigneusement dans ses affaires. En ce moment, la rouquine travaille plus que d'habitude. C'est une manière pour elle de garder la tête hors de l'eau et ne pas penser à ses problèmes, à son procès en appel, à cette ancienne belle-famille qui ne croit rien des tourments qu'elle aurait vécut et qui s'acharne à vouloir lui faire payer le meurtre de cet être cher qu'ils ont perdu. Hannah dirait bien que l'homme n'a eut que ce qu'il mérite mais ce genre de propos ne jouerait clairement pas en sa faveur, alors elle s'abstient. Travailler lui permet de ne pas penser à tout ça, d'avoir l'impression de se maintenir à flots, d'avoir encore un semblant de contrôle sur sa vie. C'est difficile.

Ce midi elle part un peu plus tôt du bureau alors qu'elle a rendez-vous avec Faust. Son nouvel avocat. Parler n'avait pas été facile et pourtant on l'avait prévenue, on lui avait dit qu'avec le procès, elle devrait étaler sa vie. Qu'elle devrait parler, s'ouvrir à son avocat, ne rien lui cacher. Cela avait été compliqué de s'ouvrir, comme elle l'avait pressenti, parce qu'on ne lui avait pas apprit à parler, à se confier, à manquer de pudeur. Mais elle avait finalement parlé. Elle avait au bout du compte fait confiance à son avocate. Suffisamment pour lui confier ses travers, ses émois, ses regrets. Et maintenant, il fallait recommencer. Faire confiance de nouveau. A un nouvel avocat. Saurait-il la défendre correctement ? Elle l’espérait. Au vu de ses tarifs, il le laissait à penser.

Elle grimace en regardant la reliure de son dossier et pense une seconde à son compagnon. Cette affaire avait trop d'ampleur, était trop médiatique, trop intrusive, trop létale. Elle allait y laisser des plumes. Ils allaient finir par comprendre qu'elle flirte avec l'avocat adverse, depuis que le premier procès est terminé. Elle aurait souhaité que tout soit plus facile, que tout soit plus rapide. Au lieu de cela, l'affaire traîne en longueur. Son cher et tendre cherche à gagner du temps, pour ne pas avoir à se battre contre Hannah, pour essayer de trouver une solution pour elle, contre son propre camp. La lenteur de tout ceci ne fait qu'accroître le mal-être et le malaise de la jeune femme. Parfois elle avait simplement l'envie de tout laisser tomber, d'arrêter de se battre. Mais la seconde d'après elle s'imaginait perdre sa liberté pour une faute, pour un crime, qu'elle n'avait pas commis. Le criminel, c'était lui. Généralement cette pensée suffisait à la rebooster. Rangeant son dossier, Hannah attrape ses affaires pour rejoindre le restaurant où elle doit retrouver l’avocat.

Arrivant sur place, elle se gare et ne tarde pas à entrer dans la bâtisse, demandant une table pour deux avant de suivre le serveur qui la dirige vers une place libre et elle attend, patiemment, l'arrivée de Faust, lui pardonnant volontiers ce retard, consciente des embouteillages qui touchent chaque jours la ville sur le coup des midis. Ce retard est un peu de répit. Elle sait qu'ils vont parler de l'affaire, qu'ils vont étudier la défense à venir et à tenir lors des prochaines audiences. Hannah sait que ce déjeuner risque d'être éprouvant, malheureusement.

Alors qu'elle attend son avocat, il devient rapidement assez clair que ce dernier est en retard. Il devrait être là depuis plus de cinq minutes et Hannah a beau porter son regard sur la porte de l'enseigne, elle ne voit jamais paraître le visage de son avocat. La circulation, parfois, peut être capricieuse et difficile à Hambourg, la jeune femme en a parfaitement conscience pour en avoir fait les frais quelques fois, contre son grès. Si la ponctualité est une affaire sérieuse en Allemagne, il arrive malheureusement quelques fois que le destin nous joue des tours.

Hannah patiente encore, installée à cette table du Parlament, ignorant les regards que certains portent sur elle. La trentenaire malheureusement ne sait que trop bien ce que tous ces gens qui la regardent disent. Elle sait comme son nom, aussi bien que son visage, sont connus parmi les habitués du lieu. Beaucoup de ceux qui déjeunent dans ce restaurant sont issus de la même classe sociale que la sienne. Beaucoup la connaissent depuis des années, pour les affaires, par sa famille, par son mari... Et ceux qui ne la connaissaient pas il y a encore six ou sept ans ont désormais bien malheureusement découvert son visage ainsi que son nom avec le procès qui lui colle à la peau. Ce procès pour lequel elle est ici aujourd'hui.

Enfin, l'élégant avocat dont elle paie les services entre dans le restaurant, se dirigeant vers elle avant de la saluer en s'excusant pour le retard, indiquant avoir eut quelques soucis avec la circulation. Hannah l'aurait parié. Pour peu qu'il ait finit un plaidoyer un peu tard et soit monté à bord de son véhicule, ce retard est normal. Il est même peu important. Elle a conscience que cela aurait put être bien pire.

"- Ce n'est rien." affirme-t-elle.

Même si cela l'avait contrarié, elle n'en aurait peut-être rien dit. Après tout, elle a besoin que l'homme reste de bonne disposition pour sauver ses fesses. Son premier avocat y étant parvenu, elle a tout intérêt à ce que celui-ci fasse de même. Autant ne pas lui donner de raison de prendre ombrage, de se vexer. Quoique, sa réputation dans le milieu et ses statistique devrait primer, la prémunissant d'un quelconque sabotage.

Un serveur approchant, demandant après leurs consommations, le choix d'Hannah est simple, rapide. Elle a eut le temps de se perdre dans la carte - deux fois - pour finalement demander ce qu'elle prend toujours. La rouquine est sans surprise.

"- Un kir royal, merci."

La commande prise pour tous deux, le serveur s'éclipse rapidement et Maître Löwe ne tarde pas à s'intéresser à sa cliente, s'inquiétant de son esprit. Il est vrai que pour gagner un procès - le juge Dinckel le lui avait dit - il fallait être forte, garder le mental. Son état d'esprit pouvait être décisif dans les mois à venir. Elle se devait ainsi d'être honnête avec son avocat. Cela impliquait de faire confiance à ce nouveau visage, une fois de plus.

"- Pas très bien." avoue Hannah honnêtement. "J'ai hâte que tout ceci soit vraiment terminé. Je veux dire... totalement terminé. On m'a laissé croire que ça l'était, avant de se rétracter et depuis... tout ne fait que traîner. J'ai l'impression que c'est... sans fin."

Le serveur arrive, posant leurs verres sur la table, demandant poliment s'ils ont fait leur choix pour le reste de la commande. Si Hannah sait quoi prendre, elle laisse toutefois à Faust le soin de rpondre alors qu'arrivé à l'instant, il n'a peut-être pas encore choisit.