Lisia * Pregnancy takes you to the peak of joy and the depth of fear and changes you forever.

@Liwia Ludwig - 19 Avril 2024

La jeune femme ajuste sa veste sur ses épaules, non sans un frisson d'excitation, alors qu'elle s'apprête à rejoindre sa cousine au Starbucks tout proche du centre Zimmermann, où Liwia s’entraîne. Si elles se voyaient régulièrement, Lisa essayant de changer les idées de sa cousine du mieux qu’elle pouvait, consciente que perdre un père n’était jamais simple -même si elles ne l’avaient pas perdu dans les mêmes circonstances- ce rendez-vous, en revanche, était plutôt spontané, la jeune femme ayant envoyé un sms à sa cousine seulement un peu plus tôt dans la journée, pour s’assurer de sa disponibilité.

Traversant la ville au volant de sa voiture pour rejoindre le starbucks depuis le tribunal qu’elle vient de quitter, la jeune femme se surprend à sourire sans raison apparente, observant les passants et les bâtiments, son esprit embrumé, ces derniers jours, par la nouvelle. Elle est sur son petit nuage, parfaitement incapable de redescendre de celui-ci, surexcitée à l’idée d’être enceinte, alors même qu’il faut attendre encore huit mois pour la naissance, que bébé ne devrait pas pointer le bout de son nez avant le mois de décembre. Il y a au moins mille ans jusque là. C’est l’impression qu’elle a, en tout cas.

Arrivée devant le café, Lisa pousse rapidement la porte de ce dernier, cherchant sa cousine du regard sans la trouver, lui laissant supposer que celle-ci n’a tout simplement pas encore terminé son entraînement. A moins que Cornelia Hardt ne la retienne pour lui faire refaire son trixel. Aux dernières nouvelles, l’ex de Den aide sa cousine dans son entraînement, pour retrouver certains des sauts qu’elle a perdu avec son manque de pratique des derniers mois.

Commandant un refresha au comptoir, elle rejoint donc une table libre à l’étage - s’assurant au préalable que sa cousine n’y soit pas installée - et envoie un SMS à la Ludwig pour lui signaler sa position avant de patienter.

@Liwia Ludwig - 19 Avril 2024

Elle attend patiemment, surfant sur son téléphone en attendant que sa cousine la rejoigne, supposant que cette dernière aura eu un contretemps. Un entraînement est toujours susceptible de s’éterniser, elle le sait, pour avoir elle-même pratiqué le patinage artistique, pour le pratiquer encore à ses heures, de temps en temps, quoique moins régulièrement qu’autrefois. Avec les études puis le cabinet, elle avait eu de moins en moins de temps pour s’entraîner comme elle le faisait plus jeune. Et maintenant qu’elle est enceinte, c’est bien le genre de sport qu’elle ne pourra pas pratiquer pendant quelques longs mois. Le jeu cependant en vaut la chandelle. C’est un sacrifice qu’elle est prête à faire. D’ailleurs, il faudra qu’elle prévienne Alex à ce sujet. Qu’il ne l’attend pas pour leur prochain entraînement, qu’il puisse caler quelqu’un d’autre sur ce créneau, aussi.

Enfin, sa cousine apparaît dans son champ de vision, un peu essoufflée et les joues rouges, ayant sûrement couru depuis le centre Zimmermann où elle s’entraîne. Et, immédiatement, elle s’excuse pour son retard, précisant que l’entraînement avait bel et bien fini plus tard que prévu, comme l'avocate avait pu s’en douter.

"- C’est rien, t’en fais pas." souffle la blonde. "Alex ne serait pas Alex s’il n’était pas aussi exigeant qu’il l’est toujours !" remarque la jeune femme avec un léger sourire. "Comment ça se passe l’entraînement, d’ailleurs ? Tu vas bientôt reprendre les compétitions, ou ce n’est pas encore à l’ordre du jour ?" questionne-t-elle en se rasseyant après avoir étreint sa cousine.

Avec la disparition de son père, évidemment, Liwia avait eu un passage à vide et du mal à se remettre en scelle, délaissant ses lames pendant un certain temps, si bien que sa cousine n’était pas certaine de ce qu’elle envisageait de faire pour la suite, notamment à l’international. D’autant plus qu’il y en avait une là-bas, dans ce centre, qui affirmait de plus en plus ses ambitions olympiques, à ce qui se disait. Ce n'était pas nouveau. Elle s'y préparait déjà avant de rencontrer Aayden, il y a cinq ans, maintenant. C'est dire.

"- Paraît que Cornelia maîtrise quatre ou cinq quads, maintenant ?" questionne encore la blonde.

Évidemment, il manquait l’axel, que les hommes réussissaient tout juste depuis quelques mois. Alors les femmes… Il faudrait attendre un petit moment pour ça, la morphologie comme la biologie jouant contre elles. Maîtriser autant de quad était déjà, en soit, quelque chose d'exceptionnel. Dans le monde, peu de femmes y parvenaient. Très peu.

@Liwia Ludwig - 19 Avril 2024

"- Mais c’est une excellente nouvelle !" assure la blonde, sa cousine l’informant qu’elle avait réussi les essais pour rejoindre l’équipe professionnelle d’Hambourg. "Il serait très fier de toi…"

Cette équipe, que Lisa n’a jamais rejoint, choisissant de consacrer sa vie au droit et non pas au patin, Liwia aurait pu l’intégrer il y a un moment déjà. Malheureusement, à l’époque, elle avait perdu son père et remonter la pente, depuis, avait été difficile. Depuis… Hé bien il semblait qu’elle allait mieux, si elle avait pu intégrer les rangs. La composition changeait pour chaque saison en fonction des résultats aux compétitions ou des réussites aux tests, mais c’était une bonne chose de pouvoir l’intégrer cette année. La preuve que les choses se remettaient doucement en place.

"- Les jeux olympiques !? Déjà !? Wow ! Alors ça c’est la grande classe ! Go to Milan alors ?" remarque la blonde.

C’était une incroyable nouvelle. Il n’était pas encore assuré que Liwia pourrait patiner à ce moment-là et ça dépendait toujours des classements aux compétitions précédentes, du nombre de places obtenues par les pays, mais faire partie de la sélection était déjà un événement en soit, qui n’arrivait parfois qu’une seule fois dans une vie. Quand ça arrivait, bien entendu. Evidemment, ce n’était pas sans conséquences et elle devrait travailler dur. D’autant plus que de par le monde, certaines préparaient ça depuis des années, parfois même depuis toujours. A l’image de Cornelia, pour laquelle sa cousine ne tarie pas d’éloges. Il faut dire qu’elle a tout raflé cette saison, devenant championne d’Allemagne pour la deuxième année consécutive, championne d’Europe, puis championne du monde. Entre autres.

"- Elle prépare ces jeux depuis des années, si nous sommes honnêtes. Ce ne serait pas si étonnant qu’elle les remporte. J’ai vu quelques-unes de ses performances de la saison et c’est vrai qu’aussi bien son court que son libre sont magnifiques tant bien sûr de par le travail du chorégraphe, que son interprétation…" acquiesce la blonde. "Je me doute bien ! Et ça va, ça va, je vais bien. Plus que bien, en fait…" souffle-t-elle, arborant un sourire énigmatique.

@Liwia Ludwig - 19 Avril 2024

Bien sûr les mots ont un impact et ceux de Lisa sont lourds de sens. Oui, le père de Liwia serait très fier d’elle. très fier de la voir intégrer l’équipe nationale, de la voir sur les listes pour partir aux jeux olympiques, ne serait-ce qu’en soutien. Daniel serait très fier de la voir enfin remonter un peu la pente, après les mois compliqués qu’elle avait traversé. Il serait fier, oui. Mais ces mots qui transpirent d’honnêteté, elle le sait, peuvent faire mal et une ombre passe dans le regard de sa cousine. Une ombre que la blonde ne relève pas vraiment, se contentant de presser la main de Liwia dans la sienne en signe de soutien, de réconfort, avant de la lâcher, comme elles continuent de discuter.

"- Tu sais…" souffle Lisa. "Je comprends ce que ça fait. L’impression de trahir un souvenir, de ne pas pouvoir avancer… J’ai écrit des lettres à mon père jusqu’à mes dix-sept ans et il n’a répondu à aucune. Jamais. On se sent coupable d’aller de l’avant parce qu’on a peur d’oublier mais… On oublie pas. Jamais. J’ai pensé à Andrew et mon père à chacun de mes anniversaires. J’y ai pensé pour mon abitur. J’y ai pensé quand j’ai été diplômée avocate, d’autant plus que c’est la première fois que j’ai été appelée Dinckel, avant même d’être mariée. On oublie jamais. Jamais, jamais. C’est toujours en nous. C’est juste là, quelque part. Avec le temps, ça cicatrise. Mais c’est toujours là. On le porte en nous pour toujours. On avance, mais ça veut pas dire qu’on oublie…"

Elle se coupe, prend une grande inspiration.

"- Je vais encore au cimetière tous les 2 Mai, pour porter des fleurs à mon frère pour notre anniversaire et parfois… Parfois je me sens simplement coupable d’avoir vécu et pas lui parce que, s’ils m’avaient pas sauvés moi, peut-être que… Ils auraient eu le temps de le sauver lui." avoue la blonde. "Mais c’est pas parce qu’on avance qu’on les trahit. Ils auraient voulu qu’on avance. Vivre, c’est les honorer. En quelque sorte."

Même si ce n’est pas toujours évident de s’en convaincre. Même si ça ne dissout pas toujours le mal. Et Lisa imagine bien que Liwia aurait voulu que son père la voie aller à Milan, alors même qu’elle peut se rendre aux jeux olympiques. C’est un événement dans une vie de sportive, alors c’est le genre de choses que l’on veut partager avec les proches, en général.

"- Oui, ils ne font pas les sélections définitives avant la saison pré-olympique, de toute façon. Tout va surtout dépendre des classements aux compétitions alors pouvoir retourner concourir c’est déjà un sacré premier pas !" affirme la blonde. "Si je peux, je viendrai…"

Si elle peut. Mais dans deux ans, Andréa aura à peine plus d’une année. Elle n’est pas encore certaine de sa capacité à laisser sa fille une quinzaine de jours pour l’évènement. Liwia ne peut pas le savoir, cependant. Pas encore. Alors la blonde choisit de ne simplement rien promettre, sans exclure la possibilité de s’y rendre néanmoins.

"- Carrément de notre temps ?" souffle la blonde. "T’es sûre que t’en fais pas un peu trop ?"

Elle esquisse un sourire mais c’est sûrement vrai, en fait. Elle n’est simplement pas objective avec Cornelia, pour une raison qui n’a rien à voir avec le patinage, mais tout à voir avec sa rupture avec Aayden. Elle avait choisi de laisser le hockeyeur, pour une raison que la blonde ignorait. Elle avait réparé son coeur après Karine et puis… Leur histoire s’était terminée un beau jour. La blonde n’avait pas compris. Elle n’était pas sûre de le comprendre un jour. Elle n’était pas même sûre qu’Aayden le sache vraiment. L’âge avait été mis sur la table mais… Au vu de l’écart qu’elle partage avec Garrett, elle ne comprend pas. Et puis l’âge n’avait pas été un souci pendant un an de leur relation, comment l’était-il soudainement devenu ? Elle n’imaginait pas que Cornelia avait pu se sentir comme un boulet pour celui qu’elle aimait, le freinant dans son existence. Alors elle avait sacrifié sa relation pour ne pas sacrifier son rêve d’un titre olympique.

"- C’est un chemin pavé de sacrifices, je suppose." souffle la blonde sans se douter de l’ampleur des sacrifices, en effet. "Même à mon niveau c’était tellement exigeant…" poursuit-elle. "J’ai fini par avoir du mal à suivre avec les cours et tout le reste… Alors quand tu prétends à un titre olympique…"

Est-ce qu’on se permet seulement de vivre, en dehors de l’objectif ? Pendant une année de sa relation avec Aayden, Lisa l’avait vu contrôler son activité sportive, contrôler tout ce qu’elle mangeait, et elle savait que la brune sortait courir aux aurores tous les matins avant d’aller s’épuiser à la patinoire jusqu’au soir, travaillant sa souplesse, son rythme, sa chorégraphie… Et puis, avec ça, les cours de danse, de gymnastique, qu’elle prenait en parallèle, pour gagner en grâce. Prima Ballerina sur la glace, disaient certains.

Son sourire s’élargit alors que sa cousine comprend effectivement que la blonde a quelque chose à lui annoncer, qu’elle cache quelque chose et que c’est pour cette raison qu’elle a voulu la voir aujourd’hui. Tout à fait. La blonde fait pourtant durer le suspense autant que possible.

"- Alors… Il se pourrait qu’éventuellement… peut-être…" souffle la blonde. "La nouvelle génération de petits roux approche…" avoue-t-elle, sourire aux lèvres. "Garrett et moi on attend un bébé !"