Jayden | Jouer avec l'eau plutôt qu'avec autre chose

Les journées qui devaient être normales ne l’étaient jamais vraiment, non ? Toi qui, en ce jour tout simple, tu rêvais de rentrer et de t’allonger quelques heures pour rattraper ta nuit de sommeil manquante. Rien de plus. Tu ne demandais pas grand-chose à la vie. Sauf que cette dernière aimait te mettre des bâtons dans les roues. Tu aurais dû quitter le boulot, prendre ta voiture, aller te chercher à manger et rentrer. C’était ça ton plan de match. La simplicité incarnée. Sauf qu’en montant dans ton véhicule, tu avais vu une alerte d’air faible dans l'un de tes pneus. Techniquement, ce n’était rien... Un petit tour dans une station-service et le tour serait joué. C’est ce que tu fis. Tu quittas ton boulot pour atteindre la station-service la plus proche. Machine en panne. Bon… Qu’est-ce que tu pouvais y faire ? De retour dans ton véhicule, tu fis un peu de route pour en trouver une seconde où il y avait au moins 7 véhicules avant toi. C’était commun une baisse d’air dans tous les pneus de la ville en même temps ? Tu allais prendre ton mal en patience. Ça, tu savais faire, non ? Tu attendis sagement ton tour, pianotant sur ton volant au rythme de la musique qui jouait à ta radio.

Une chose de faite. Tu allais examiner ton pneu plus tard à la recherche d’une crevaison ou autre. Là, direction le McDonald du coin pour ton petit-déjeuner. Et bien sûr… Tu avais pris du retard ce qui te fis arriver à l’heure des travailleurs du matin et une file incroyablement longue de gens qui attendaient leur café. Tu ne retins pas ton soupir, mais encore une fois, ce n’était la faute de personne n’est-ce pas ? Alors tu attendis. « Bonjour, je vais vous prendre deux caf… » « On n’a plus de café. » La surprise gagna ton visage. Comment ça ? Comment c’était possible ? « Je vais vous prendre deux chocolat ch… » « On n’en a plus. » Quoi ? On avait décidé de tester ta patience au maximum ce matin. « Très bien… Jus d’orange ? » « Il nous reste de l’eau. » … Mais bien sûr. Tu fis un signe de la main. « Ce n’est pas grave. On ne va rien boire. Je… Deux muffins anglais… » « On n’a plus d’œufs. » « Mais quoi ?? C’est quoi cet endroit ? Qu’est-ce que vous avez ? » « Monsieur, s’il vous plait. Restez calme. Nous faisons notre possible. » Un rire presque nerveux t’échappa et tu soupiras fortement. « Tu sais quoi ? J'vais te prendre un sac vide avec deux pailles. » La surprise gagna finalement le visage du commis. Il ne chercha plus loin avant de te donner ton sac en papier et d’appeler le prochain client.

Ce n’était rien. Ce n’était rien. Tu avais seulement besoin de souffler un bon coup. Tu allais te faire à manger chez Anneliese et tu allais dormir un peu plus tard que prévu. Ce n’était pas grave. Tu tâchais de t’en convaincre tout le trajet et c’est en ouvrant la porte de la demeure de ton amie que tu compris que… Tu n’allais pas dormir tout de suite. « Qu’est-ce que tu fais ? » Ton regard parcourait la pièce. « Fermer l’eau avant de jouer avec ton robinet, ce n’était pas une option ? » Tu semblais un peu exaspéré, mais ce n’était pas contre ton amie. Bien au contraire. « C’était mon quart de nuit du mois. Et ne t’inquiète pas, cette journée débute parfaitement bien. Je n’ai jamais eu un meilleur début de journée. » Toi qui avais prévu lui faire plaisir en ramenant le petit-déj’, c’était foutu. À sa question, tu te contentas de tendre le sac vide dans sa direction. « Bon appétit. Sache que j’ai tout donné pour te ramener ça. » Elle allait clairement se foutre de ta gueule et tu ne savais pas encore si ça allait te faire rire ou te vexer davantage.

Le goutte à goutte, vraiment ? À cette heure ? Tu la fixas un instant, ton expression était partagée entre la surprise et la méfiance. Est-ce que ça lui arrivait souvent ? Tu finis néanmoins par sourire avant de secouer lentement la tête de gauche à droite. « J’espère que tu auras des regrets de ne pas avoir attendu le plombier Crawford. Tu aurais eu un travail vite fait, bien fait et surtout sans frais. » Tu disais ça, mais tu n’en savais rien. Tu étais manuel, mais tu ne savais pas tout faire. Sauf qu’avec toi, il n’y aurait pas eu de l’eau partout, ça tu pouvais le garantir.

Tu aurais tellement voulu pouvoir lui tendre un vrai petit-déjeuner. Tu ne savais pas combien de temps elle avait passé sous son lavabo et elle méritait un certain réconfort que tu ne pouvais pas lui offrir. Tu serras les dents tandis qu’elle se moqua du contenu de ton sachet. Habituellement, tu aurais eu davantage d’autodérision, mais là, tu étais énervé. En plus d’être fatigué. « Je suis allé au Mcdo du coin. Ils n’avaient plus rien Annie. J’ai cru que j’allais tout casser. » Bon sur ce point, tu exagérais… à moitié. Tu avais toujours des excès de colère, mais tu te gérais de mieux en mieux. « Ils n’avaient pas de café. Pas de café à 9h le matin, c’est quoi cet endroit ? Pas de chocolat chaud, pas de jus d’orange, pas d’œuf. Ils m’ont proposé de l’eau et ces foutues serviettes. » Tu étais énervé et franchement, du point de vue de ton amie, ça devait être drôle à voir. Ce n’était pas la fin du monde et pourtant ça te mettait dans tous tes états. « Franchement, il faut que tu déménages. Tu ne peux pas vivre à côté d’un restaurant qui n’a rien. » Là, tu étais à moitié sérieux. Aussi bien ajouter un petit côté dramatique à cette situation complètement surréaliste, non ?

Tu fermas à demi les yeux lorsque les doigts de ton amie rejoignirent ta joue dans un geste se voulant réconfortant. Ça faisait du bien de rentrer chez soi au fond – même si techniquement, tu n’étais pas chez toi -. « Ça me fait chier que ça soit à toi de t’occuper du petit-dej, mais je ne vais pas refuser, je suis… je sais même pas définir comment je me sens. » Tu eues finalement un léger rire. Tu te sentais un peu idiot. Tu étais en colère sans véritable raison. « Ne mets pas le feu pendant que je suis sous la douche, s’il te plait. » Étais-tu en train de se moquer de son état et du fait qu’elle venait de jouer avec l’eau ? Oui totalement. Sans tarder davantage, tu te dirigeas vers la chambre que tu occupais avant de te saisir de vêtements de propre et de sauter sous la douche. Comme souvent, tu ne t’attardas pas. Tu n’aimais pas avoir cette sensation de perdre ton temps. Tu revins finalement une petite dizaine de minutes plus tard, dans un meilleur état. « J’en avais bien besoin de cette douche, mais… Avant j’aurais dû te demander. Est-ce que tu as réussi à faire ce que tu voulais avec ton lavabo ? » Tu jetas un œil par-dessus son épaule pour voir si le robinet fuitait encore. Est-ce que tu allais devoir jouer les plombiers ? Après tout, tu avais venté tes propres mérites, même si tu n’avais pas vraiment l’expérience nécessaire.