D'aucun aurait pour habitude de penser que les footballeurs ne savent pas lire. Qu'ils sont revenus sportifs pour pallier leurs lacunes à l'école. Certains d'entre eux auront prouvé raison, au fil des années, à cette idéologie. D'ailleurs, il a entendu des enseignants de sa sœur pendant bien longtemps que les jeunes espoirs à qui des cours d'anglais, français, allemands ou n'importe quelle autre matière, qu'il n'y avait pas grand chose à sauver dans l'esprit d'un homme ou d'une femme donnant des coups de pieds derrière un ballon. Que c'est à peine s'ils savent lire.

Pourtant, Alejandro en a connu un grand nombre qui lisaient, et se passionnaient autant pour des aspects culturels -ou intellectuels- que pour le sport. Ce ne sont que des préjugés que l'on peut avoir. Pour Alejandro, le football, c'était une passion. Il n'était pas nul à l'école. Il n'était guère très doué non plus. Mais il n'a jamais été l'ombre du stéréotype tout fait qu'on pouvait sortir à Rafaella. Il aimait lire, plus que tout au monde. Il trouvait de la magie dans les œuvres des autres, et il appréciait le temps passé assis dans un fauteuil de la bibliothèque Wandsbek, à tourner les pages au fil de sa lecture d'un ouvrage, le bruissement de la feuille brisant légèrement le silence qui régnait dans les lieux.

Il a découvert l'endroit en accompagnant Rafaella à son entrainement. Il est entré afin de vérifier s'il s'agissait d'une librairie ou d'une bibliothèque, et pour attendre, sagement, la fin de la session patinage de Rafaella. C'était il y a quelques mois, déjà. Et depuis, c'est devenu un petit rituel, de s'installer et d'ouvrir le livre qu'il n'empruntait jamais, de le lire en essayant d'avancer le plus possible, puis une fois terminé d'en sélectionner un nouveau. Il devait en être au huitième, ce jour là, à quelques pages de l'avoir terminé.

Et quand finalement, il l'a terminé, il l'a ramené, rangé, et est allé en chercher un autre, sachant EXACTEMENT lequel il voulait, pour avoir entendu deux amis en discuter entre eux, sans se rendre compte que toute la bibliothèque a pu les entendre. Mais leur discours passionné a décidé Alejandro, qui se dirige désormais dans l'allée correspondante. Et alors qu'il met la main sur le livre, il sent, de l'autre côté du rayon, quelqu'un qui en fait de même.
«Excusez moi, je crois qu'on essaie de prendre le même livre...» énonce-t-il, en espérant ne pas abimer le livre s'ils tirent tous deux en même temps. Il espère surtout que la personne acceptera d'enlever ses pattes de l'ouvrage, pour qu'il puisse le lire.