I'm free • Karsten

Le couperet est enfin tombé. Non coupable. Libre. Et pour de bon, cette fois. Le préjudice est reconnu. Elle n'est coupable de rien. Seulement de s'être défendu. Seulement d'avoir eut peur pour sa vie. Pour elle, c'est un nouveau départ qui s'annonce. C'est la possibilité de faire des projets, de pouvoir vraiment se pencher sur l'avenir. Pouvoir respirer, de nouveau. Plus jamais elle n'aura à voir son linge salle étalé en public. Plus jamais elle n'aura à raconter ce qui lui est arrivé, ou à assumer les traumatismes qui sont les siens. Elle est libre. Libre de pouvoir avancer, libre de pouvoir se reconstruire. Parfaitement libre. Et elle doit fêter ça avec ceux qui l'ont toujours soutenus. Ses frères, bien sûr. Son compagnon, aussi. Le juge l'ayant innocenté la première fois et... Quelques autres encore. Comme Karsten Ackermann qui après avoir enquêté sur cette affaire a été pour elle un réel soutien. Un soutien plus que ravis, désormais, de savoir que la rouquine est libre comme l'air, qu'elle ne croupira pas dans quelques prisons que ce soit. Et avec qui elle doit fêter ça comme il se doit.

Rendez-vous pris au Wein&Co, du côté d'Hamburg-Nord, Hannah se gare à proximité du bar à vin, arrangeant ses affaires dans son sac à main qu'elle passe sur son épaule avant de sortir de la voiture. Elle a encore du mal à réaliser. Beaucoup trop de mal. Elle est libre. Tout ça est terminé. Tout ça est derrière elle. Et ça lui fait un drôle d'effet, une drôle d'impression. Comme celle d'être dans du coton. L'impression de flotter, de ne pas vraiment réaliser. Elle pousse la porte de l'enseigne alors que ses jambes flagellent et cherche Karsten du regard, sentant qu'elle a besoin de s'asseoir rapidement, si elle ne veut pas s'écrouler dans cette entrée, devant tout le monde, sous la pression, le stress et toutes ces émotions qui retombent, qui s'entremêlent.

Elle est libre, enfin libre, définitivement libre et ça lui fait un drôle d’effet. Celui d’être dans du coton. Celui que ses jambes ne peuvent plus la porter. Celui d’être incroyablement faible. Ce sont des années de lutte qui retombent, des années de lutte qui viennent tout juste de trouver leur point final et si elle devrait se sentir bien, si elle devrait se sentir libérée, elle doit bien admettre qu'elle se sent aussi terriblement écrasée par le poids de toutes ces émotions qui retombent tout à coup. Cela fait des années que tout ça traîne, des années qu'elle vit sans vraiment vivre à cent pourcent. Réaliser maintenant qu'elle est libre, qu'elle ne pourra plus jamais être poursuivie en justice pour ses faits, qu'elle ne pourra plus jamais être traîné devant un tribunal pour le meurtre de son mari, plus ajamsi être inquiétée pour toute cette histoire, ça lui fait quelque chose. Parce qu'elle ne l'avait pas mérité. Parce que la victime était devenue un criminel aux yeux de trop de monde avant d’être enfin restituée à sa place. D’obtenir enfin la reconnaissance de l’enfer qui avait été le sien.

Désormais, elle n'aurait plus jamais à laver son linge sale en public, plus jamais à voir son histoire exposée aux yeux et aux oreilles de vautours. Enfin, elle va pouvoir se reconstruire complètement. Elle n'aura plus jamais à témoigner, plus jamais à subir les soupçons et les interrogatoires trop longs des avocats devant des jurés assoiffé de vérité. Plus jamais, surtout, sinon dans ses cauchemars, elle n’aura à revivre, d’aucune manière que ce soit, les sévices que son mari lui a fait subir tout au long de ces années. Et ce soulagement sans nom, elle a besoin de le fêter avec une des personnes qui a cru en elle, qui ne l’a pas laissé tomber. Qui a été là quand elle était au plus bas. Un membre des forces de l’ordre qui a géré son affaire. Aussi curieux que cela puisse paraître, elle a envie de le voir pour célébrer ça, pour le remercier aussi. D’avoir toujours cru en elle. De n’avoir jamais rien lâché. D’avoir été de son côté.

Quand elle arrive au bar à vin, l'homme est déjà là, lui faisant un signe de la main pour attirer son attention, et elle s’empresse de le rejoindre alors, s'asseyant rapidement devant lui avec un sourire alors que l’homme la salue. Elle lui rend la politesse, utilisant pour sa part encore le nom de famille de l’homme. Avant la fin du procès, elle ne pouvait se permettre la familiarité d’utiliser son prénom.

"- Bonjour, monsieur Ackermann." souffle-t-elle. "J’espère que je ne vous ai pas fait trop attendre."

L’homme étant déjà là, Hannah espère ne pas l’avoir fait trop attendre, non pas qu’elle soit particulièrement en retard. Mais elle le sait être un homme occupé, tant par ses affaires que par sa vie de famille, sa femme et lui ayant eu pas mal d’enfants. Qu’il prenne du temps pour elle, qu’il trouve du temps dans son emploi du temps, était donc appréciable et elle s’en voudrait, de par son éducation, de manquer de respect à cet égard. Heureusement, l’homme n’avait pas eu à attendre, la rassurant immédiatement après qu’un serveur soit venu apporter la carte. Elle lui adresse un sourire alors puis se plonge dans la carte, commande, et ils sont finalement assez rapidement servit, avant même d’avoir pu vraiment commencer à discuter.

Bien sûr, l’homme ne tarde pas à poser des questions vis-à-vis de l’affaire, à demander des détails du procès. Parce qu’après l’appel de la famille du défunt, il n’a pas vraiment eu les informations. Elle en a peu dit, bouleversé par la reprise de tout ce merdier, bouleversée par les événements comme pas son besoin de ne rien laisser savoir, rien laisser transparaître, quant à sa nouvelle vie de couple un peu particulière, avec l’avocat de la défense. Ne pas parler de l’affaire était un bon moyen de ne pas se trahir, de ne pas trop en dire.

"- Oh ! Hé bien, le Juge Dinckel ne pouvait pas juger le procès en appel, c’est le Juge Osterhagen qui a jugé l’appel. Heureusement, j’ai pu compter sur monsieur Rosenthal, encore, qui est resté mon avocat…"

Dire qu’elle avait été défendue par le grand frère de sa meilleure amie d’enfance… Par le grand frère d’Oliver Rosenthal, aussi, avec qui elle avait eu une brève histoire adolescente. Avant son mariage. Avant sa déchéance. Leur déchéance. La drogue pour lui. La violence, pour elle. Un sacré merdier. Une dynastie d’avocats. Elle ne s’était jamais attendue à en avoir besoin. L’affaire avait été étonnante à bien des égards. D’autant plus que Lizzie Rosenthal ne lui parlait plus depuis des années, quand son frère avait accepté de la défendre. Histoire assez incroyable. Particulière.

"- La famille de mon ex-mari était toujours défendue par Heidegger, aussi." remarque-t-elle. "Deux avocats très compétents…" elle grimace. "J’ai eu de la chance que Rosenthal l’ait été davantage."

Enfin, l’avocat Heidegger avait moins à coeur de la mettre en prison, aussi, qu’au premier procès.