Start of Something New || AXELINA

« Une bière s’il vous plait. » Une commande simple. Comme à chaque fois qu’Axel sortait. Par crainte de se ridiculiser encore plus, il commandait toujours les choses les plus simples. Pourtant ça serait la meilleure façon de pratiquer son allemand, mais il ne se sentait pas prêt. Il se sentait déjà constamment ridicule à longer les murs et à tout faire pour éviter les regards des gens.

Sa bière en main, il se dirigea vers la table la plus à l’écart du bar encore vide. Il était tôt. Très tôt. L’idée aussi d’arriver à l’ouverture d’un bar, mais peu importe. Il aimait bien venir ici, spécialement les vendredis pour le spécial karaoké. Oh bien sûr, il n’était jamais monté sur cette scène, mais il avait toujours passé des supers moments. À admirer le courage des gens et à se moquer aussi un petit peu parfois.

Avant que la soirée ne commence, le brun sortit son ordinateur portable pour faire ce qu’il faisait le mieux. Bosser. Il y avait toujours des mails à répondre. Ça n’arrêtait jamais. Il y avait des offres de tous les côtés et à toutes les heures selon les décalages horaires. Axel voulait être un maximum à jour, c’était pour cette raison qu’il s’accordait rarement une journée entière de congé. Cependant lorsque la première chanson se fit entendre, Axel rangea tout. Il n’était pas ici pour bosser toute la soirée et la nuit, il était ici pour écouter les gens chanter avec quelques bières dans le nez.

Le brun avait un sourire sur les lèvres alors qu’il regardait les gens. Lorsqu’il connaissait les chansons, il chantonnait à voix basse et il bougeait la tête au rythme de la musique. La soirée était tranquille et il prenait visiblement du plaisir. En milieu de soirée, l’homme se releva pour retourner au bar et sur le chemin, son regard s’attarda sur une femme qui semblait seule également. Ce n’était pas rare qu’Axel observe les gens comme cela. Parfois, il s’amusait à inventer une vie aux personnes qu’il observait. Ça l’amusait toujours. Tout en attendant sa bière, il continuait de regarder la femme qu’il trouvait… oh comment magnifique. Il dut se mettre une gifle mentale pour retourner à sa place et d’arrêter de la fixer comme un psychopathe.

À chaque chanson, son regard déviait vers la femme qui était toujours seule. Était-ce vraiment possible ? Non, Axel ne le croyait pas. Si ce n’était pas un compagnon de vie, elle devait avoir des amis dans le coin, non ? Et pourtant, plus le temps avançait et personne ne semblait vouloir la rejoindre. L’espace d’un instant, Axel se sentit pousser des ailes et il se leva dans l’optique d’aller la rejoindre, mais il arrêta à mi-chemin. Qu’est-ce qui lui prenait ? Lui de nature si solitaire, à rester dans son coin, il ne pouvait pas se permettre d’aborder les gens comme cela. Un « fuck » lui échappa alors qu’il arrêta et qu’il tourna les talons pour retourner à sa place. Quel idiot. Et malheureusement pour lui, son attention ne cessait de dévier vers cette femme qui l'avait accaparé totalement. À deux reprises, il se leva, mais il ne réussit pas à atteindre sa destination revenant à sa table et se maudissant à chaque fois. Il avait même auto-mordu sa main sous la frustration et sous la lâcheté dont il faisait preuve.

Vendredi soir. La solitude de l'appartement. La solitude de son existence toute entière. Rentrée du travail, elle a plongé dans cette atmosphère si calme, trop calme. Posant ses affaires, elle s'est installée dans le canapé pour allumer Netflix, regarder paresseusement les films proposés par la plateforme, sans rien trouver à regarder. L'enfer des soirées solitaires. L'enfer de la vie qu'elle a décidé de mener pour protéger son coeur amoché. La plupart de ses amis sont en couples et, un vendredi soir, certainement en famille. Poussant un soupir elle a fixé le plafond quelques minutes, perdue dans ses pensées, avant de fermer les paupières. Elle devrait peut-être prendre sa voiture et faire la route pour rejoindre sa mère ou sa soeur pour le weekend, débarquer pour une visite surprise. Après tout, sa mère est aussi seule qu'elle peut l'être et probablement en tête à tête avec ses chats...

Ce n'est pas la direction de la maison de sa mère que prend pourtant la quadragénaire lorsque, toute apprêtée, elle ressort de chez elle et s'installe au volant de son véhicule. Prenant la direction de St. Pauli, elle se gare à quelques pas d'un bar karaoké qu'elle fréquente quelques fois et dans lequel elle a quelques habitudes. Comme il est encore relativement tôt dans la soirée, il y a encore un peu de place dans la salle et elle s'installe donc à une table, seule au milieu des groupes d'amis et des amoureux venus s'amuser ensemble. Elle installe ses affaires pour réserver la place puis se dirige vers le bar, y commande un verre et retourne à sa place. Quelques courageux se lancent déjà sur scène. Il n'y a aucune chance qu'elle leur emboîté le pas. Elle se contente de les regarder, les observer, fredonner les musiques dans sa tête et les juger, parfois, sur quelques fausses notes ou déhanchés douteux. C'est mal. C'est d'autant plus mal qu'elle n'est pas sûre que son propre déhanché serait meilleur, pas avec ce qui lui est arrivé. Mais c'est plus fort qu'elle. Et ce n'est pas comme si elle allait se moquer ouvertement devant eux.

Son regard parcourt la salle entre deux musiques et elle remarque un jeune homme qui avance , semblant la regarder, sans toutefois venir jusqu'à elle comme il fait demi tour. Elle lève un sourcil et se détourne après quelques secondes pour regarder de nouveau la scène. La deuxième fois, elle ne se rend pas compte qu'il avance de nouveau vers elle. À la troisième, il fait demi-tour au moment même où leurs regards se croisent et elle fronce les sourcils en le regardant fuir. Bizarre. Elle fait si peur que ça ? La brune reporte son regard sur la scène, encore perplexe et observe le duo qui y prend place avant de regarder de nouveau dans la direction du type, seul, comme elle.

Qu’est-ce qu’il devait faire Axel, lorsqu’il croisait une femme seule qui lui plaisait ? Exactement, rien du tout et la fixer sans arrêt. C’était vraiment le meilleur plan de match pour finir épingler sur les réseaux sociaux comme harceleur. Vraiment, il était doué le petit brun. Et pour en ajouter à la honte de son échec, elle l’avait remarqué. Leurs regards s’étaient croisés. Ça aurait dû être sa chance à Axel, mais non. Il avait pris peur encore plus et il était retourné à sa table, la tête basse et la queue entre les jambes. Vraiment, incroyable. Peut-être qu’il devrait penser à acheter sa propre boite de nuit et la laisser constamment fermer s’il désirait être seul. Au moins, il ne risquait pas de se coller la honte. Peut-être qu’il devrait rester chez lui aussi. Il y arrivait beaucoup mieux devant un écran. C’était presque triste à dire… 35 ans et la plupart de ses amis se trouvait en ligne. Il avait beaucoup de difficultés à faire des rencontres hors virtuel.

Est-ce qu’il allait vraiment laisser passer ça ? Est-ce qu’il allait passer le reste de la soirée à observer cette table, sans rien faire ? Peut-être. Il serait capable de le faire Axel. Si ces sœurs étaient dans le coin, elles se moqueraient tellement de lui. Qu’est-ce que ça lui coûtait d’aller dire bonjour ? Dans le pire des cas, elle allait le jeter et il ne remettrait plus jamais les pieds ici pour aller s’enfoncer dans le lit de la honte. Ce n’était pas si dramatique si ? … Il rendait toujours tout dramatique Axel. Il devrait vraiment commencer à écrire des scénarios de film dramatique. Il serait excellent.

L’homme prit une profonde inspiration à la recherche d’un courage qu’il n’avait pas. Il prit sa bière qu’il but cul-sec ce qui lui arracha une grimace. Il n’était pas fan de la bière. Ça restait seulement la chose la plus simple à commander. Axel fit taper ton verre trop fortement contre la table ce qui le fit presque sursauter lui-même. C’était ça le surplus de confiance ? Peut-être ! Alors il en profita. Il reprit la route vers la table de la plus jolie femme de la place jusqu’à l’atteindre cette fois. Il se planta près d’elle et il lui fit un sourire partagé entre l’angoisse et la fierté d’avoir franchi les 17 pas entre eux. « Bonsoir ! » Bravo Axel! Une étape de réussi. « Je… » Non, non pas maintenant. Il ne devait pas bégayer maintenant. Il avait eu le temps de se préparer plein de phrases d’approche. C’était le temps de les dires non ? « Vous avez une très jolie table. » … … … Quel con. Une gifle mentale plus tard, il se retourna pour mordre à nouveau son poing sous une nouvelle frustration. Il était nul.

Non, elle ne rêve pas. C'est bien elle que l'homme approche, elle qu'il regarde et elle qu'il fuit, aussi, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Alors qu'il se lève encore une fois elle lui jette un regard, convaincue qu'il n'arrivera pas jusqu'à elle. Pourquoi a-t-il fait demi-tour les fois précédentes ? Elle ne comprend pas. Est-ce qu'elle est si intimidante que ça ? Ou est-ce qu'il comptait l'aborder, dire une bêtise et s'était finalement rétracté ? Est-ce qu'il avait peur qu'elle l'envoie bouler ? Il est vrai qu'elle a un peu de mal avec les relations sociales, non pas qu'elle ne soit pas amicale, mais elle a souffert par le passé. Alors c'est vrai qu'elle se montre plutôt prudente aujourd'hui dans ses relations, consciente que les "mis" peuvent briser la confiance même après plusieurs années de relation. Mais ça ne l'empêche pas d'être plutôt agréable et de nouer des amitiés. Bien sûr, c'est beaucoup moins simple qu'auparavant pour elle, mais pas impossible. Quoi qu'il en soit, elle n'est pas méchante au point de l'envoyer bouler ouvertement et violemment. Ce que bien sûr, il ne peut pas savoir.

Cette fois, l'homme ne se rétracte pas, il ne fait pas demi-tour et s'arrête seulement lorsqu'il arrive devant la table de la monitrice, la saluant d'un bonsoir jovial auquel elle répond sur le même ton avant que l'homme ne semble perdre ses moyens d'un coup, cherchant ses mots. Il ? Elle se sent affreusement gênée pour lui. Elle n'aimerait pas être dans sa situation. D'ailleurs, elle va pour parler en espérant l'aider, quand il retrouve l'usage de la parole pour complimenter... Sa table. La quadragénère le regarde, interloquée. Ça, elle ne s'y attendait définitivement pas. C'est certainement la phrase d'accroche la plus lunaire qu'elle ait entendu de sa vie, sans nul doute. Et, de fait, elle ne tarde pas à rire tandis qu'il se retourne lui-même.

"- Oui c'est... C'est une jolie table." concède-t-elle en riant encore un peu, bien qu'elle essaie de se calmer. "Ça a le mérite d'être une approche... Disons originale." poursuit la brunette en espérant le rassurer.

Idiot, idiot, idiot. Par chance qu’il n’y avait aucun témoin chez ses proches sinon il en aurait entendu parler longtemps. C’était littéralement la première fois qu’il se risquait à approcher une personne comme cela et il s’était planté à la première phrase. Axel allait s’en vouloir longtemps et il n’allait jamais oser recommencer. Maintenant, il faisait dos à la jolie brune et il se maudissait intérieurement. Il allait pour faire un pas vers l’avant dans l’optique de fuir, mais elle se mit à rire. Oh ! Il l’avait fait rire. Il tourna lentement la tête vers elle, une grimace de culpabilité sur le visage. Il rit à son tour alors qu’elle confirma qu’elle avait une jolie table. Avec vivacité, il hocha la tête pour approuver. Elle rit un petit moment et ça eut ce don de le détendre d’un coup. La nervosité glissa sur ses épaules. Peut-être qu’il était un boulet, mais elle ne lui avait pas fait signe de dégager. Car oui, à son niveau, elle n’aurait même pas eu besoin de parler pour lui faire comprendre de partir.

« J’ai eu un oscar dans cette catégorie. C’est tout nouveau de l’an dernier d’obtenir un trophée pour l’originalité des approches. J’ai gagné. » Un sourire fier. Pas seulement car il avait dit une phrase complète sans hésiter, mais parce que la langue ne l’avait pas bloqué. Ce n’était pas parfait, mais il avait l’impression que ce qu’il disait, ça faisait du sens. Il y avait de quoi être fier Axel. Il ne pouvait pas tout faire mal, n’est-ce pas ? « J’ai vu que… vous étiez seule. Et je suis seul aussi. Je me suis dit qu’on pourrait être seuls à deux ? Ça vous dit ? » Encore quelque chose qu’il allait devoir travailler, mais il avait l’impression d’avoir brisé une glace qu’il avait créé lui-même en stressant dans son coin. Il lui sourit. Il essayait de se montrer confiant, de ne pas montrer trop rapidement qu’il était mort de peur et qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il faisait. Elle avait suffisamment le temps de le remarquer par elle-même.

Elle a une jolie table. C'est définitivement la manière la plus originale par laquelle elle ait été abordé de... sûrement son existence toute entière. C'est définitivement une chose à laquelle elle ne s'est pas attendue et elle n'est pas sûre que lui l'ait vraiment prémédité non plus. Pas sûre que ce soit vraiment ce qu'il voulait dire. Mais ça fonctionne et ça a surtout le mérite de la faire rire, ce à quoi il ne s'est sûrement pas attendu au vu de l'expression de son visage quand il se retourne de nouveau pour lui faire face, cette fois, la regarder un instant. Pourtant, il semble retrouver tout ou parti de ses moyens lorsqu'il affirme qu'il a reçu un oscar pour ce genre de prestations. Un trophée pour l'originalité des approches. Elle rit de plus belle en imaginant une telle cérémonie. L'accent est étranger, elle n'en devine toutefois pas exactement la provenance. Touriste à Hambourg ou fraîchement installé en ville, il est probable qu'il vienne de région plus à l'ouest comme peut-être la Belgique, voire la France. A moins que la Suisse ne coule dans ses veines.

"- Beau rattrapage." finit-elle par dire en l'observant encore.

Elle continue de le regarder, de l'observer, un léger sourire aux lèvres en attendant qu'il évoque les raisons qui l'ont poussé à la rejoindre. Elle imagine bien qu'il ne s'est pas levé par trois fois déjà pour simplement complimenter sa table et retourner à sa place. Ou il serait sans aucun doute la personne la plus étrange qu'elle aurait rencontré de toute son existence. Quoique cela serait une explication plus que plausible au fait qu'il se soit rétracté plus d'une fois, faisant demi-tour avant de se décider à revenir. Ce qui resterait malgré tout un comportement on ne peux plus curieux.

Comme il dit avoir remarqué qu'elle était seule, la jeune femme s'abstient de faire le moindre commentaire. Pour avoir remarqué qu'il l'avait remarqué, elle avait remarqué, en effet. Mais elle décide de ne pas ajouter à son embarras et choisit la carte de l'humour, observant la table avant de lui jeter un regard.

"- Ah bon, j'ai l'air seule ?" elle lui sourit. "C'est vrai que ma table est plus jolie que la vôtre, je comprend que vous la vouliez !" poursuit-elle. "Asseyez-vous." l'invite la brune avant de le regarder fixement. "Alors... Corrigez moi si je me trompe mais... vous n'êtes pas vraiment d'ici, n'est-ce pas ?"

Beau rattrapage, vraiment ? Super, il pourrait au moins se dire qu’il avait réussi quelque chose après une entrée plus que loupée. Ce n’était pas grave, il pourrait se dire aussi qu’il avait su se faire remarquer. La brune ne risquait pas de l’oublier d’aussi tôt, n’est-ce pas ? Alors Axel continua avec son regain de confiance. Certes, il restait maladroit, mais ça faisait partie de lui. On finissait par s’habituer et à apprendre à vivre avec ses défauts. Il avait quelques qualités autour, heureusement.

Sur le moment, Thomas crut avoir dit une bêtise. Est-ce qu’elle avait l’air seule ? Merde. Est-ce qu’il avait loupé quelque chose Axel ? L’homme alla pour observer autour de lui, s’attendant presque à se prendre un coup de poing pour avoir approché la femme, mais elle continua en parlant de sa table. Axel eut un léger rire avant d’hocher la tête de haut en bas. « Ouais totalement. La mienne est dans un coin sombre et elle n’est pas rassurante. » Aussi bien jouer la blague jusqu’au bout, non ?

Elle lui dit de s’asseoir et Axel n’hésita pas une seule seconde. Il tira la chaise en face de la femme et il y prit place. Il posa ses coudes contre le bois et sa tête contre ses poings fermés. Son regard croisa celui de la femme et Axel y resta complètement aimanté. Il n’arrivait pas à s’en détacher. Elle avait des yeux incroyables, presque déstabilisants. Au point où il oublia qu’il avait une discussion à continuer. Heureusement, elle le ramena à la réalité. « Un jour, je vais réussir à camoufler mon horrible accent plus de deux minutes. » Il sourit. Ça ne le vexait plus à force. Tant qu’il arrivait à se faire comprendre. « Je suis ici depuis trois ans pourtant. Je viens de Strasbourg, en France. Je suis arrivé ici sur un coup de tête et… j’y suis encore à écouter des gens bourrés chanter. Une passion. » Il rit de nouveau. « Êtes-vous native d’Hambourg ? » Il retourna la question. Il était incapable de reconnaître le moindre accent allemand. Déjà qu’il arrivait à distinguer l’allemand de l’anglais, c’était une bonne chose.

Comme il demande à pouvoir s'installer avec elle, la quadragénaire jette un regard en direction de la table qu'il occupait précédemment avant de plaisanter au sujet de celle-ci, tout en rebondissant sur le commentaire qu'il avait fait quand à la table qu'elle occupe elle-même. Et il confirme, probablement plus pour rire qu'autre chose, confiant qu'elle est dans un coin sombre alors que la brune occupe un espace plus rassurant. Elle acquiesce d'un mouvement de tête et fait mine de caresser la surface de la table.

"- C'est vrai. Puis c'est une jolie table." reprend elle avec un sourire.

L'invitant à s'asseoir, ce dernier ne se fait pas prier pour s'exécuter, posant sa bière sur la table avant de tirer la chaise et prendre place en face d'elle, les coudes sur la table et la main entre les poings, restant quelques secondes comme ça. Paulina l'observe quelques secondes, sans avoir conscience de la légère rougeur qui empourpre ses joues à être fixée de la sorte, d'aussi prêt. Puis, elle prend la conversation en main et le questionne quand au fait qu'il ne vienne pas d'ici. Son accent l'a trahit et l'homme s'en plaint, espérant un jour pouvoir le cacher.

"- Pourquoi vouloir le cacher ? Je ne crois pas qu'un accent soit une tare, ce n'est pas bien grave. Au contraire c'est... une partie de notre identité... Et puis... Il n'est pas horrible. Du coup, vous venez d'où ?"

Comme il explique venir de France, elle retient que lui aussi a débarqué à Hambourg sur un coup de tête, tout comme elle, bien qu'elle vienne de beaucoup moins loin. Elle espère pour lui que l'élément déclencheur n'aura, toutefois, pas été le même que celui qu'elle a vécut. Elle est loin de s'imaginer que c'est encore bien pire, bien au-delà de ce par quoi elle est passée.

"- C'est un passe temps comme un autre, je ne le jugerais pas." elle souffle, quoique suffisamment fort pour lui permettre de l'entendre malgré le bruit du bar. "Dois-je comprendre que vous ne vous mouillez pas trop à chanter vous même ?" questionne-t-elle encore avant de répondre à la question de l'homme. "Je viens de Lübeck, c'est à environ une heure d'ici en voiture."

« La plus belle, des plus belles. » Il sourit de nouveau avant de secouer légèrement la tête et de continuer : « Ça va me suivre toute la soirée, n’est-ce pas ? » Une douce façon de lui demander s’il était foutu. Il fallait s’y attendre après tout avec l’entrée à la matière qu’il avait faite. Toute la soirée et plus encore peut-être ?

Axel ne savait pas pourquoi il cherchait à cacher son accent. Pourquoi ça le dérangeait d’être un étranger et qu’on le devine directement ? La brune avait raison. La France faisait partie de son identité, elle faisait partie de lui. Et si ce n’était pas de problèmes personnels, il y serait sûrement encore aujourd’hui. « Si vous ne le trouvez pas horrible, ça va dans ce cas. Je peux vivre avec. » C’était le plus important, non ? Que les gens avec qui il communiquait arrivent à bien le comprendre et qu’ils ne soient pas gênés par son phrasé. Le reste, c’était des insécurités d’un adolescent qu’il n’avait jamais réussi à surmonter, car on ne lui avait jamais laissé l’occasion de le faire.

« J’ai cette impression que vous partagez également ce passe-temps, n’est-ce pas ? » Il avait parlé un petit peu plus fort qu’elle avant de jeter un petit coup d’œil vers la scène où les participants continuaient de défiler. Après tout, elle était ici, seule. N’était-ce pas pour profiter du spectacle ? « Oh non, jamais de la vie je ne monte sur scène. » À cette simple pensée, une légère crainte traversa son regard. Lui chanter en public ? Ouf, non. Il angoissait seulement d’y penser. « Mais si vous désirez vous prêter au jeu, je serai votre premier public. » L’applaudir et l’encourager, c’était plus dans ses cordes à lui. Il y prendrait plus de plaisir. « Je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre à Lübeck. Est-ce que ça vaut le détour ? » Pourquoi pas pendant une petite fin de semaine avec ses sœurs. Changer d’air, ça faisait du bien n’est-ce pas ? Changer d’air tout en restant près de la maison. Pourquoi pas!

"- Toute la soirée." confirme-t-elle comme l'homme suppose que cette histoire de jolie table va le suivre pour les heures à venir. Il faut dire que comme technique pour aborder quelqu'un, ça remporte sûrement la palme de l'originalité. Elle ne s'y attendait certainement pas, quand elle l'avait vu s'approcher d'elle.

Il a l'air gêné qu'elle découvre si rapidement qu'il est étranger, affirmant qu'il ne parvient jamais à cacher son horrible accent et elle fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi il tient tant à le cacher. Pourquoi cela le gène autant d'être un étranger. Il n'y a aucun mal et, du reste, cela fait parti de son identité. Cet accent n'est pas si horrible qu'il le dit, qui plus est. Au contraire, même. L'accent français a même plutôt tendance à plaire, au contraire, à ceux qui n'en sont pas. C'est ce qu'elle a toujours entendu dire à ce sujet en tout cas et, de l'entendre parler, elle doit bien donner raison à ces dires.

"- Oh, donc vous acceptez ou tolérez votre accent, seulement parce que je n'ai rien contre lui ? Voilà qui n'est guère patriote !" elle a un léger rire.

L'homme lui révélant aimer passer du temps à écouter des amateurs bourrés chanter, elle jette un regard en direction de la scène, ou plutôt l'estrade, sur laquelle les chanteurs se succèdent depuis qu'elle est arrivée. Elle ne peut rien dire sur ce passe-temps puisqu'elle est elle-même seule ici, un soir de karaoké, face à son verre en écoutant des inconnus chanter. Et elle glisse son doigt sur le pourtour de son verre, comme il demande si elle n'aurait pas le même passe temps.

"- Disons que parfois, ça occupe, oui."

Et surtout, ça lui permet de tromper la solitude de son existence, de sa demeure, mais elle ne le lui dit pas, ne le connaissant pas encore assez pour s'épancher sur ce genre de choses. Dans un coin de son esprit, elle n'oublie jamais que les gens peuvent être capable des pires bassesses et de briser la confiance d'autrui.

"- J'ai bien peur que vous n'ayez pas beaucoup à m'applaudir. Je ne suis pas une grande chanteuse, je le crains. Aussi j'évite de faire du tord aux oreilles des autres clients."

Elle sourit, hausse les épaules, et porte son verre à ses lèvres comme ils continuent de discuter, l'homme l'interrogeant bientôt sur la ville qui l'a vu naître et qu'elle a quitté sans un regard en arrière, résolue à avancer après l'échec de sa dernière relation amoureuse.

"- C'est une jolie ville, bien plus petite que Hambourg. J'aurais tendance à dire que c'est à voir au moins une fois."

Au moins, Axel pouvait dire qu’elle était honnête. Il était prêt à accepter de se faire moquer pour sa connerie toute la soirée. Il aurait dû mieux se préparer à cet échange. Sauf qu’il était nerveux le trentenaire, il avait perdu le contrôle de ses moyens. On ne pouvait pas réellement lui en vouloir n’est-ce pas ? Ça se voyait à son regard qu’il n’avait aucune intention malsaine. Il cherchait à s’ouvrir davantage au monde.

« C’est exactement ça. Vous êtes devenue le Maitre de mon accent. Je vois ça comme un très, très grand honneur. » Aussi bien tout tourner à la dérision. Il était doué pour ça. Il pouvait s’accorder ce point. Il travaillait fort le brun pour se faire comprendre, pour apprendre la langue. Malheureusement, il s’était parfois pris des remarques qui avaient brisé sa confiance en lui. Et dès qu’on brisait sa confiance, Axel commençait à douter de tout. Au fond, le fait que cette femme accepte son accent et semble même l’apprécier avait quelque chose de rassurant pour lui. C’était sans doute idiot à dire, mais c’était comme cela qu’il le vivait.

« Il y a autres choses qui vous occupe ? » Pourquoi ne pas en profiter pour en apprendre davantage sur elle et ses passe-temps. C’était le but n’est-ce pas ? Discuter avec elle tout en profitant du spectacle musical qui s’offrait à eux. « J’apprécie tout autant les petites chanteuses. Elles sont sous-estimées. Par contre, vous me semblez être la seule dans ce bar qui se soucie réellement des oreilles des autres. » Il rit doucement alors qu’il tourna la tête pour observer le trio féminin sur scène qui se prenaient pour les nouvelles Spice Girls de leur génération. Il manquait seulement le talent et un petit peu moins d’alcool.

« J’en prends bonne note dans ce cas. J’irai. Au moins une fois. » Et qui sait où ça allait réellement le mener. Axel aimait beaucoup Hambourg, mais il ne s’était pas réellement attaché. Avoir eu le choix, il serait sûrement resté en France le brun. Peut-être qu’il aurait rejoint Montpellier pour se rapprocher de ses amis streameurs. Son patron lui avait proposé plusieurs fois, mais Axel n’avait pu se résoudre à retourner dans ce pays qui avait causé sa perte. « Vous voulez jouer à essayer de deviner le prénom de l’autre ? » Axel… Il fallait vraiment qu’il arrête de dire tout ce qui lui passait par la tête et qu’il commence à réfléchir comme un homme de 35 ans et non comme un gamin. Sauf qu’il restait joueur Axel, c’était plus fort que lui.

Il affirme qu'elle est devenue le maître de son accent, rien que ça. Elle esquisse un sourire. Il est dommage qu'il ait besoin qu'elle valide son accent pour pouvoir l'accepter, l'assumer. Il n'a pas à rougir de celui-ci. Il a beau être étranger, cela n'a aucune importance. Et si cela dérange quelqu'un, il n'a qu'à ne pas écouter le jeune homme. Un accent, c'est précieux. C'est un bout d'identité. C'est un bout de soi. Il n'a pas besoin de le cacher. Il est dommage qu'il ait essayé de le faire jusque-là, même si ses tentatives ont été comme il le dit infructueuses.

"- Hé bien dans ce cas je vous ordonne d'accepter et de valoriser celui-ci !" affirme la brune. "Bien qu'il serait préférable de l'accepter sans mon opinion, naturellement." poursuit-elle. "Mais j'ai conscience de l'honneur qui m'est fait, alors je ne me plaindrai pas de celui-ci !"

Elle lui adresse un nouveau sourire avant de porter son verre à ses lèvres. Un honneur, rien que ça. Elle espère bien qu'il n'attend pas réellement après elle pour accepter son accent, mais qu'il laissera ces mots mûrir dans son esprit par la suite afin d'accepter totalement cette partie de lui à l'avenir. Elle se demande bien pourquoi il a du mal avec celui-ci, mais n'ose pas le demander. Comme un pressentiment que ça ne serait pas une bonne chose, pas une bonne idée.

L'homme la questionne comme elle a pu le faire, demandant s'il y a autre chose qui occupe ses journées, autre chose qu'il la passionne. Evidemment. Elle ne passe pas son existence dans les bars à écouter des gens chanter, principalement des gens bourrés d'ailleurs. Non, le réel plaisir de sa vie, c'est la nature. C'est surtout l'équitation. Son métier qui la passionne, le travail des chevaux. Les balades avec les petits cavaliers...

"- J'imagine que ce ne serait pas désagréable si s'installer dans un bar et écouter de la musique était un métier mais, malheureusement, ça ne remplit pas le frigo. Alors, je suis monitrice d'équitation et je dois dire que j'adore ce que je fais. J'aime vraiment ça. Faire découvrir l'équitation à des enfants, mais également à des adultes, c'est quelque chose de très gratifiant... Et puis le travail avec les bêtes et quelque chose que j'aime particulièrement. Débourrer un animal, le voir évoluer aussi. Assister à la naissance d'un poulain c'est quelque chose de parfaitement incroyable. C'est la beauté de la vie quelque part...." explique-t-elle non sans se perdre dans ses pensées et quelques souvenirs dont il la tire en évoquant l'idée qu'elle puisse chanter, ce qui ne risque pas d'arriver, pour le bien des gens tout autour -et pour son honneur-. "Vous pouvez en conclure que je chante vraiment très faux. Pire que ce que nous avons entendu jusqu'ici !" elle rit.

Est-ce que Lübeck est un endroit à voir, à visiter ? C'est une jolie ville c'est certain. Plus petit que Hambourg bien sûr mais, quelque part, elle y reste attachée. C'est la ville dans laquelle elle a grandie, celle dans laquelle elle est née et, si son ex ne l'avait pas trompé, si elle n'avait pas eu besoin, tout à coup, de s'éloigner de cette vie, de se passé, elle habiterait sans doute toujours là-bas. Elle y retourne régulièrement pour voir sa sœur, sa mère et c'est un endroit qu'elle aime toujours autant. Mais pour un touriste, est-ce que ça vaut vraiment le coup ? C'est un bel endroit et elle aime à croire qu'il faut le voir au moins une fois dans sa vie. Il y a quelques petites choses sympathiques à faire c'est certain. L'église Sainte-Marie est très jolie et le Holstentor est impressionnant. La place du marché et le Rathaus sont agréables. La trave et les promenades en bordure de celle-ci restent sympathiques. Au-delà de ça, il n'y a pas grand chose d'autre à voir mais ça reste un coin tranquille et appréciable.

"- J'espère que vous aimerez dans ce cas !"

Il propose de jouer à deviner le prénom de l'autre et elle lève un sourcil. Il existe tellement de prénoms qu'elle n'est pas certaine qu'ils puissent arriver au bon résultat, ni l'un ni l'autre. Mais pourquoi pas ?  Cela pourrait être vraiment très drôle. Elle est curieuse de savoir quel nom il pourrait essayer de lui attribuer. Quel nom il pourrait croire être le sien. Cela pourrait être très amusant. De fait, elle étire ses lèvres en un nouveau sourire et joue avec son verre.

"- Pourquoi pas... je peux déjà vous dire que je ne m'appelle pas table. Ni chaise d'ailleurs..."

Cette fois, son sourire est taquin, presque impertinent.

Elle lui ordonna d’accepter et de valoriser son accent. Axel eut un léger rire avant d’hocher légèrement la tête. L’accepter, il pouvait éventuellement le faire, mais le valoriser ? Ouf, ça s’était totalement autre chose pour Axel qui ne savait pas faire ça. C’était plus facile pour lui de se descendre que de se monter. « Je vous promets de faire tous les efforts demandés, ô cher Maître des accents. » Du moins pour ce soir. Ça serait déjà un début. Il allait pouvoir arrêter de se casser la tête et de stresser avec son phrasé.

Axel adorait découvrir les passions et les passe-temps des gens. Il y en avait tellement aujourd’hui. Tout comme un prénom, ça lui semblait difficile à deviner. Le trentenaire posa directement la question, curieux de savoir ce qui pouvait faire vibrer la vie de cette femme. Son regard planté dans le sien, il l’écouta attentivement tâchant de ne rater aucun mot. Un mot loupé et ça pouvait changer le sens complet d’une phrase dans l'esprit du brun. Il comprend Axel. Elle est monitrice dans un centre, elle s’occupe des chevaux et d’enseigner aux élèves. Un doux sourire se dessine sur les lèvres du brun. « Votre métier vous passionne. Je le vois dans vos yeux. » précisa-t-il. Et c’était en partie pour cela qu’il appréciait autant cette question. À chaque fois, les yeux de la personne devant lui s’illuminaient et c’était magnifique. « Je n’ai jamais fait de cheval de ma vie. C’est comment ? Ça doit être intimidant, non ? » Pour lui, c’était intimidant. Un cheval c’était tellement grand… Magnifique, mais tellement grand. « Il y a beaucoup d’adultes qui découvrent ? » C’était peut-être seulement lui aussi qui était un adulte qui avait peur de tout et qui n’osait pas toujours se lancer dans des nouvelles activités. Pourtant, il avait l’impression que beaucoup de choses pourrait lui plaire à l’extérieur de son monde virtuel.

« Après quelques bières de plus, je ne vais même pas le remarquer. » Il leva son verre en direction de la femme avant de prendre une gorgée. C’était bien l’avantage de l’alcool, non ? Tout devenait plus beau. Même les fausses notes. Surtout les fausses notes. Mais peu importe au fond, Axel n’était pas du genre à pousser qui que ce soit à faire quelque chose. Surtout que dans ce cas-ci, il sentait qu’il se ferait avoir et qu’il allait se retrouver également sur scène. Pour ça, Axel aurait besoin de beaucoup de bières supplémentaires avant de s’exposer au grand public bourré de cet endroit.

Deviner le prénom de l’autre… Ça faisait partie de ses petits jeux passe-temps. Surtout dans les transports. Il aimait particulièrement mettre un nom et une vie sur des inconnus qui faisaient tranquillement leur vie dans un avion ou dans un train. Il ne le faisait jamais avec malveillance ou autre… Et il ne le faisait jamais à voix-haute non plus. Ça serait une première. « Merci pour ces précieux indices. Je les garde dans un coin de ma tête. » Il rit légèrement avant de reprendre une gorgée de sa boisson, sans lâcher la brune des yeux. « Alors… Vous venez d’Allemagne. Est-ce possible que vous portiez un prénom populaire ici ? Hmm. Sofia ? » tenta-t-il en haussant les épaules. Il ne pourrait même pas dire les origines de ce prénom, mais il l’avait souvent entendu ici. « À vous ! » Chacun son tour n’est-ce pas ? Il était curieux de savoir il avait une tête de « qui ».

Cher maître des accents. Elle secoue la tête, sourire aux lèvres. N'importe quoi. Il ne doit surtout pas accepter son accent seulement parce que quelqu'un d'autre l'accepte et lui dit qu'il n'est pas horrible. Non, il devrait être fier de lui et le revendiquer. Mais elle sait que ce n'est pas si simple. Elle sait que pour sa part, par exemple, elle a eu besoin de temps avant d'accepter son handicap et le fait que sa jambe gauche n'était plus. Elle a eu besoin de temps pour se faire à l'idée qu'elle avait besoin d'une prothèse et accepter celle-ci. Aujourd'hui, elle oublierai presque qu'elle en porte une. Mais ce ne fut pas toujours le cas et elle se souvient que l'accepter n'a pas toujours été une évidence. Loin de là.

"- Mais attention, il ne faut pas que ça soit uniquement pour ce soir ! Ce doit être pour tous les jours !" affirme la brune.

Il devrait revendiquer fièrement ses origines, ne pas en rougir. Et elle ne sait pas ce qui le dérange autant dans le fait de venir d'ailleurs, à vrai dire, pour pouvoir s'épancher d'avantage sur le sujet. Si elle le faisait, elle risquerait d'appuyer sur une corde sensible, qu'elle ne veut pas risquer de toucher, sait-on jamais. Elle sait que l'on peut avoir des raisons particulièrement douloureuses de quitter un endroit. Elle en a fait les frais elle-même en quittant Lübeck.

Si son métier la passionne ? Cela ne fait absolument aucun doute, il a raison de le souligner. Cela se voit dans ses yeux mais cela s'entend aussi probablement dans sa voix. Dans tout ce qu'elle dégage. Son métier lui plaît, même si ça n'est pas le métier qu'elle aurait rêvé faire. Elle aurait voulu être une grande cavalière, faire des compétitions, mais le peu de moyens de sa famille l'avait freinée pour cela et, désormais, avec une jambes en moins, ce n'était plus vraiment envisageable. Elle s'estime déjà reconnaissante de pouvoir de nouveau monter à cheval et exercer son métier, alors que son patron ne l'a tout simplement jamais laissé tomber, ni ne l'a jamais laissée baisser les bras.

"- J'aurais, je crois, bien trop de mal à le cacher. Et à vrai dire, je ne le veux pas."

Il lui indique n'être jamais monté à cheval, cherchant à savoir si ça n'est pas trop impressionnant, et le sourire de la jeune femme s'illumine d'autant plus. Ses yeux également. Peut-être que pour des non-initié c'est très intimidant, surtout que certaines bêtes sont très grandes mais, pour elle... Elle n'est pas sûre qu'elle pourrait définir ce que c'est vraiment.

"- J'ai commencé étant petite. Très petite. Alors je ne me souviens pas vraiment de ma réaction face à mon premier poney. Mais... C'est proprement incroyable, indescriptible. Je ne connais pas de meilleure sensation que celle d'être à cheval. De ne faire plus qu'un avec l'animal, avec la nature, d'être en communion avec l'un et l'autre..." elle s'arrête, acquiesce d'un mouvement de tête. "Oh, oui, quand-même. C'est presque la moitié de ceux qui fréquentent le centre, en fait. Des novices qui veulent découvrir ce sport ou faire des balades encadrées..."

L'équitation c'est nettement plus son champ d'action, son truc, que la chanson, c'est sûr et certain. Non pas qu'elle n'aime pas la musique, au contraire, sinon elle ne serait probablement pas ici ce soir. Mais... Elle ne peut pas prétendre être une très bonne chanteuse, loin de là. Elle n'a pas non plus vraiment essayé de l'être, ceci dit.

"- Je pense que même la bière ne pourrait pas suffisamment anesthésier vos oreilles pour leur épargner ça !" elle rit.

Sera-t-elle en mesure de deviner le prénom de son interlocuteur, comme il propose un tel jeu ? Elle ne doute. Elle suppose qu'il porte un prénom français, comme lui s'accorde à croire qu'elle porte un prénom allemand et plutôt commun. Elle esquisse un sourire, ne lui donnant aucun indice sur la question, réfléchissant elle-même aux possibilités qui s'offrent à elle.

"- Raté, ça n'est pas Sofia." elle lui accorde un petit sourire faussement dépité avant de reprendre. "Je vais parier sur un prénom français aussi. Mais je n'en connais pas beaucoup." elle rit. "Mh... Arthur ? C'est français, Arthur ?"

Elle n'en est même pas sûre.

Tous les jours ? Sans le savoir, elle lui en demandait énormément. Axel préféra hausser les épaules et il pinça ses lèvres ensemble. Il ne pouvait pas promettre une telle chose. Ce n’était pas simple pour lui de s’accepter. Il avait été dénigré trop longtemps et sur tous les sujets. Parfois quand il parlait, il avait l’impression d’entendre la voix de sa femme en fond qui le rabaissait et qui se moquait de lui. L’influence qu’une seule personne pouvait avoir dans une vie…

Pour Axel, c’était plus simple de dévier complètement de sujet. Son attention était plus utile lorsqu’elle se portait sur Paulina qui lui parlait de son métier qui était également sa passion. Vivre de sa passion… C’était quelque chose de merveilleux. Axel pouvait en dire quelque chose aussi. Même s’il n’était pas la personne devant la caméra, il touchait à sa passion des jeux vidéo tous les jours. Adrian le faisait participer à des trucs incroyables.

« Ne le cachez pas. Ce n’est dans l’intérêt de personne. » C’était beaucoup trop agréable d’écouter quelqu’un qui s’émerveillait sur les choses qu’elle appréciait. Il pourrait le faire pendant des heures. Il se permit de poser de questions. Écouter une personne passionnée lui donnait l’envie, l’espace d’un instant, de toucher également cette passion. Elle lui confia avoir commencé très petite. Les sensations ne devaient pas être les mêmes qu’un adulte qui débutait sur le tard. Elle lui confirma que beaucoup de sa clientèle était des adultes. « Et ça se passe bien généralement ? » Est-ce que les novices y arrivaient ou c’était souvent peine perdue ? « Je suppose que le choix du cheval compte beaucoup, non ? En fonction de leur caractère ? » Question presque rhétorique, mais c’était quelque chose qui pouvait lui faire peur à Axel. D’avoir un cheval trop tête de mule pour arriver à quelque chose. « Je n’ai jamais osé me lancer. Pourtant j’adore les animaux, cet animal… Mais… Il faut laisser ça aux professionnels. Vous faites de la compétition ? » Voilà. Chaque chose était mieux entre les mains d’un professionnel, non ? De tout façon, ce n’était pas pour lui. Il ne serait pas en mesure de tenir une bride correctement. Il n’avait pas suffisamment de force dans sa main droite.

Deviner le prénom de l’autre… Une première pour Axel à voix haute. Un premier échec. Rien de surprenant. Le contraire aurait même été surprenant. « Oh. C’est la première fois que je ne devine pas du premier coup. Vous devez être quelqu’un d’exceptionnel. » Il ne put s’empêcher de rire doucement sous sa connerie-compliment. « Portez-vous un prénom allemand ? » Il était tout simplement impossible de le deviner sans un minimum d’indices, non ? Il n’allait pas non plus lister tous les prénoms qu’il connaissait. « Je crois bien qu’Arthur est un prénom français, mais ce n’est pas le mien. Je peux vous dire que vous avez une lettre qui correspond. » Ça n’allait pas l’aider sans qu’il ne précise cette fameuse lettre, mais c’était un peu le but du jeu, non ?

Elle ne pourrait pas cacher à quel point elle aime l'équitation ou son métier et, de toute façon, elle ne le veut pas le moins du monde. Comme il le souligne, ça n'a d'intérêt pour personne. Ce n'est pas comme si elle l'avait besoin d'avoir honte d'aimer ce qu'elle fait de sa vie et ce n'est pas non plus comme si ce plaisir allait faire du tort à qui que ce soit. Il n'y a donc aucune conséquence fâcheuse à assumer tout cela, à l'affirmer haut et fort, tout au contraire. Donc, elle ne compte pas changer sur cette question là. Sûrement pas. Et cela semble ne pas déranger son interlocuteur puisque ce dernier continue de lui parler de son travail, de son métier, posant des questions, semblant s'intéresser à ce qu'elle peut faire de ses journées, notamment au profil des cavaliers qu'elle peut croiser. Comme il n'est jamais monté à cheval, ayant toujours été très impressionné par la pratique, il veut savoir s'il y a comme lui beaucoup d'adultes qui ne savent pas faire d'équitation et qui décident un beau jour de prendre des cours. Il y en a effectivement et, quoi qu'on pourrait penser que l'équitation est un sport où les débutants sont majoritairement des enfants, ce n'est pas forcément le cas. Il y a énormément d'adultes qui ne savent pas monter à cheval et qui décident, un beau jour, de prendre quelques leçons.

"- En général oui, ça se passe bien. Alors évidemment, il y a toujours des gens qui ont davantage peur que les autres. Ça arrive et il faut faire avec, je comprends que cela ne soit pas forcément évident de ne pas avoir les pieds sur la terre ferme et de sentir tous ces kilos de muscles sous ses cuisses. Mais, en général, oui, quand même, on arrive à faire de bonnes choses. On arrive à calmer les gens. Bien sûr, le choix du cheval compte aussi mais c'est vrai que, dans un centre équestre, nous avons forcément beaucoup de chevaux adaptés pour les débutants et, si nous connaissons bien nos bêtes, nous pouvons proposer aux nouveaux cavaliers les chevaux les plus adaptés pour eux. Et, bien sûr, si l'on constate un problème, on peut toujours changer de cheval pour le cavalier."

Il semble plutôt mal à l'aise à l'idée de monter à cheval et prétend qu'il faudrait laisser ça aux professionnels. Elle fronce ses sourcils. Elle ne voit pas bien pourquoi. Tout le monde peut monter à cheval. Tout le monde peut découvrir le plaisir de l'équitation. On attend de personne d'être un futur champion alors n'importe qui peut monter à cheval. Pas besoin de faire des prouesses, seulement de kiffer le moment.

"- Non je ne fais pas de compétitions. Ça coûte relativement cher donc, lorsque j'étais jeune, je n'ai pas pu me lancer et... Maintenant c'est trop tard." elle hausse les épaules, sans mentionner son accident, sa prothèse.

Comme il essaie de deviner son prénom, elle ne manque pas cette occasion de plaisanter un peu, le taquinant sur sa technique d'approche. Une fois que table et chaise sont donc éliminés, il propose un prénom allemand, Sofia. Elle rit comme il affirme que c'est la première fois qu'il ne trouve pas du premier coup.

"- Ah bon ? Peut-être parce que c'est la première fois que vous jouez ?" elle rit. "Mon prénom est plutôt latin. à vous la brune comme il demande plus d'indice, avant d'en réclamer elle-même. "Voilà qui ne m'aide pas beaucoup, une seule lettre, c'est bien peu ! Alors..., est-ce que votre prénom est bien français ?

Est-ce qu’il pensait sérieusement monter un cheval Axel ? Pourquoi pas après tout. Une activité en extérieur ne pouvait pas lui faire du mal. Il avait l’impression de passer son temps à l’intérieur, son métier n’aidant pas. De plus, la brune lui confirmait que généralement ça se passait bien. Il n’y avait pas de raison pour que ça se passe mal pour lui n’est-ce pas ? … Si on retirait son handicap et pouvait-on vraiment le retirer pour ce style d’activité ? Axel ne savait pas et il n’osait pas demander. Il parlait très peu de cette faiblesse qu’il avait. Ça le ramenait trop loin, dans des mauvais souvenirs. Sa nouvelle connaissance semblait optimiste. Il y avait des chevaux adaptés aux débutants et la possibilité de changer de cheval si jamais ça ne se passait pas bien.

« Ça serait bien un poney. Ce n’est pas trop haut. » Il rit doucement. Est-ce qu’il venait de se découvrir une sorte de vertige ? Il ne savait pas trop. Il ne savait pas vraiment l’expliquer. « Ok. Ok. Disons… Un mec comme moi qui se présente au centre avec aucune expérience et une certaine appréhension, vous lui proposez quel cheval de votre écurie ? » Drôle de question, mais Axel aimait bien les mises en situation de façon générale. Il aimait s’imaginer des trucs, s’imaginer des choses sur les gens et leur inventer des vies. Il ne connaissait rien aux chevaux et il posait la question comme cela. Peut-être qu’il allait s’attacher à cet animal inconnu ? Il avait bien envie d’en savoir plus sur le cheval que sa nouvelle connaissance pourrait lui proposer.

Une partie de lui était fermé à l’idée de monter à cheval tandis que l’autre partie se montrait très curieuse. Une seconde il se voyait bien les cheveux dans le vent à faire du galop et l’instant d’après, il se convainquait que ce sport était réservé aux professionnels et aux vrais amateurs. Pas à une personne comme lui qui n’arriverait pas à tenir correctement sa bride. La brune lui affirme qu’il est trop tard pour elle pour faire de la compétition. Axel hocha doucement la tête. « Ça vous aurait plu ? » Axel était souvent dans l’esprit de compétition ayant été dans une équipe Esport plus jeune.

« C’est littéralement la première fois que je joue. Je vous accorde le point. Habituellement, je le fais dans ma tête, je ne peux pas avoir tort dans ma tête. » Il sourit avant d’hausser les épaules. C’était plus facile d’avoir raison lorsqu’on s’amusait tout seul. « Latin hen… Donc un prénom qui termine en « a » ? C’est plutôt pour les prénoms féminins latins. Cornelia ? » Du moins, c’est ce qu’il pensait. Peut-être qu’il disait n’importe quoi. Il irait valider sur Google plus tard dans la soirée. « Mon prénom a des origines scandinaves. Il a même son niveau de popularité en Allemagne maintenant. » Ça il en était certain. Il avait déjà lu sur son prénom. Prénom associée à une connotation de force et de courage. Quelle définition loin de lui.

Quand il évoque l’idée de monter sur un poney, parce que ce n’est pas trop haut, la jeune femme sent ses lèvres s’étirer en un sourire de nouveau. Grand comme il est, elle imagine la scène. Ce serait… Non, ce ne serait pas possible. La taille de l’animal n’irait pas avec celle de l’homme et cela pourrait avoir des répercussions négatives sur l’expérience. Il pourrait gêner la bête. Non pas qu’il serait trop lourd, mais ses jambes seraient assurément trop encombrantes. L’animal le gênerait et il gênerait l’animal. La monte à poney est très encadrée, très codifiée. De même que celle à cheval, à vrai dire. On ne peut pas faire n’importe quoi, même si beaucoup de monde ose s’en plaindre de plus en plus sur les réseaux sociaux, criant à des discriminations qui n’existent pas.

”- En fait, ça dépend.” elle explique. ”Les chevaux ne travaillent pas en continu toute la journée. Après un certain temps d’effort, on les rentre au près et ils ne reprennent pas avant le lendemain donc ça dépend d’à quel moment vous vous présentez au centre. Après, comme vous êtes assez grand, on partirait sur une monture qui l’est aussi. Mais qui soit douce et calme, qui soit docile et… Peut-être Topaze pourrait convenir, ou Cobalt. Éventuellement aussi Ginger. Mais c’est mon boss qui gère les plannings des chevaux alors.. ça ne dépend pas vraiment de moi, je fais ce que je peux avec le roulement des bêtes, en essayant de faire au mieux.”

Emeric est le boss pour ça et puis, c’est son centre équestre. C’est à lui de gérer toutes ces questions-là. à lui qu’il incombe de gérer le temps de travail de ses animaux. Nous, on ne fait que suivre le planning. Et, en fonction, on voit comment répartir les chevaux au mieux. Dans le cadre des cours collectifs, je regarde les chevaux à la disposition et je vois quel animal confier à quel enfant, en essayant de les faire tourner sur un maximum de bêtes au cours de l’année, de sorte qu’ils puissent s’habituer à toute sorte de comportements et de réactions.

”- Oui, j’aurais aimé.”

La compétition l’a toujours attiré mais ça ne restera jamais qu’un doux rêve. Aujourd’hui elle ne peut plus y prétendre. On ne commence pas les compétitions à plus de quarante ans et sa jambe ne lui permet de toute façon pas d’y songer. C’est aussi simple que ça donc elle préfère ne tout simplement plus y penser. Il lui donne un prétexte, d’ailleurs, pour se changer les idées, comme il évoque un jeu qu’ils pourraient faire pour trouver le nom de l’autre. Un jeu plutôt compliqué. Elle pince les lèvres comme il fait une seconde tentative.

”- Non, pas Cornelia non plus. Mais mon prénom finit bien par un a, en effet.”

Un petit indice, sans quoi il ne trouvera jamais. Elle a l’impression que ce sera son cas, alors qu’il ne l’aide pas beaucoup. Le prénom serait répandu en allemagne mais… Elle n’a pas vraiment d’idée. Il y en a plein. Mais qui soient scandinaves ? Elle tente, sans la moindre certitude.

”- Tobias ?”

Mh non, en y pensant, c’est probablement Allemand, Tobias.

L’idée d’un petit poney plaisait bien à Axel même s’il se doutait très bien que ce n’était pas envisageable. Il devait être beaucoup trop lourd pour ce pauvre animal. Il devait être trop lourd pour n’importe quel cheval, non ? À la longue avec tout l’équipement, ça ne devait pas être agréable pour le cheval ? La brune lui expliqua que les chevaux ne travaillaient pas en continu. Même si le trentenaire s’en doutait, il ne put s’empêcher d’être légèrement rassuré. Il ne pouvait pas imaginer un animal travailler toute la journée. « Hmm… Un grand cheval hen ?... » L’homme déglutit avec exagération pour que sa nouvelle connaissance de la soirée ne puisse pas y échapper avant de rire légèrement. « Cobalt m’inspire. Je ne pourrai pas expliquer pourquoi, mais je sens qu’on pourrait s’entendre lui et moi. » Il lançait ça comme cela. Il n’en avait aucune idée, mais ça lui plaisait bien de l’imaginer. « Et ça fonctionne comment dans votre entreprise ? Je veux dire… Vous êtes beaucoup d’employés ? C’est votre boss et vous ? » Hm. Est-ce que c’était une petite entreprise dite familiale ? Son mari et elle ? C’est le premier cas de figure qui lui vint en tête à Axel. « Je sais que ma question est étrange. Je travaille moi-même dans une entreprise moins… conventionnelle. J’aime bien m’informer sur celle des autres. » C’était aussi bête. Depuis qu’Axel avait tout quitté pour rejoindre la boite d’Adrian, c’était très différent de ce qu’il avait pu connaître. Ce n’était pas pour lui déplaire.

« J’ai fait de la compétition ! » S’exclama-t-il presque trop joyeusement. Il avait ressenti une vague de tristesse soudaine et il avait ressenti le besoin d’exprimer une émotion contraire. Elle aurait aimé faire de la compétition, ça la rendait triste de ne pas en avoir fait… et lui, il lançait comme cela qu’il en avait fait. Il allait vraiment devoir revoir ses façons de faire. « Enfin… Pas d’équitation, bien sûr. De… jeux vidéo. » Non, mais… Il n’aurait pas pu se taire. Il allait passer pour quoi maintenant ? Un gamin. Comme d’habitude. Il passait et il était un gamin Axel.

Un jeu compliqué. Celui de deviner le prénom de l’autre. Pour l’instant, c’était un échec. Il allait garder ce petit jeu pour ses moments de solitude dans le train. Elle ne s’appelait pas Cornelia. Il ne s’appelait pas Tobias. « Je ne suis pas Tobias. » Il rit. « Il nous reste quelques milliers de possibilités. On devrait s’en sortir. » Il prit une longue gorgé de sa bière avant de s’adosser sur sa chaise. « Ok. Ok. Je vous laisse une dernière chance. Mon prénom contient quatre lettres et une chanteuse belge rousse porte le même. » Ça allait l’aider, non ? Il espérait.

Quand elle explique qu’il lui faudrait un cheval qui soit un peu plus grand qu’un poney, au vu de sa taille, pour que l’animal et lui-même soient bien, soient à l’aise l’un avec l’autre, elle remarque bien que l’homme n’est pas vraiment serein, que cette idée semble lui faire peur. Bien sûr, quand on a peur on pense qu’un poney ce serait plus simple. Mais comme un cheval ne peut pas porter plus d’un certain pourcentage de son poids, selle comprise, les poneys ne sont rapidement pas adaptés pour les adultes, à moins que ces derniers soient particulièrement fins, menus et petits. Ce qui n’est certainement pas le cas de l’homme qui lui fait face, bien au contraire. Il est tout sauf ce qu’il faut pour un poney.

”- Ils sont tous très gentils, de toute façon. Sinon on ne les ferait pas travailler avec des débutants.” remarque-t-elle avec un léger sourire à son attention.

Il pose des questions sur le centre et elle s’étonne un peu qu’il semble s‘y intéresser à ce point. Ce n’est pas habituel. Pas sur ces sujets, en tout cas. Alors elle boit une gorgée de son verre en se questionnant un peu, surprise par les intérêts de cet homme et se demandant ce que ces questions peuvent bien cacher. Comme s’il s’en rendait parfaitement compte, il explique donc son intérêt pour de telles questions par sa propre expérience professionnelle, alors qu’il aime bien s’informer sur celle des autres. Elle hoche la tête.

”- C’est un peu curieux comme centre d'intérêt en effet. mais après tout.. Pourquoi pas ?” admet-elle. ”On est quelques uns. Il y a le patron, évidemment, les moniteurs, mais aussi le palefrenier. Et puis il y a une secrétaire et les soigneurs. Mais ce sont plus des partenaires du centre équestre que des employés de celui-ci, on les appelle quand un animal est souffrant c’est surtout ça. Mais on a un partenariat avec un vétérinaire des environs. C’est plus pratique pour toutes les gestations, les maladies…”

Évoquant son métier et ses compétitions manquées, n’ayant pas eu les moyens financiers de se lancer là-dedans étant plus jeune et n’ayant plus les moyens physiques de le faire aujourd’hui, avec son handicap, l’homme lui apprend avoir pu en faire, lui, mais dans un domaine on ne peut plus différent. Les jeux vidéo. Effectivement, c’est loin d’être la même chose.

”- C’est vrai qu’ils font des compétitions de ça maintenant. Et c’était à quel jeu, du coup ?” demande-t-elle avant de prendre une gorgée de sa boisson puis reprendre. ”Et vous avez gagné ? Qu’est-ce que vous avez remporté ?” demande-t-elle, curieuse.

Ce qui est sûr c’est que si découvrir le nom de l’autre était une compétition, elle ne serait pas très douée. Il ne s’appelle donc pas Tobias. Ni Arthur, donc. Alors il l’aide un peu, affirmant que son nom comprend quatre lettres et le nom d’une chanteuse Belge, ce qui ne l’aide pas beaucoup plus. Un nom répandu en Allemagne, quatre lettres… Elle a beau réfléchir, elle ne voit pas. Mais elle tente quand-même.

”- Paul ?”

Est-ce qu’une chanteuse belge s'appelait Paule ou Paula ? Elle n’en savait rien. Mais en l’état… c’était ce à quoi son cerveau pouvait penser.

C’était un fait. Si les chevaux n’étaient pas adorables, les moniteurs du centre ne pourraient pas les faire travailler avec des inconnus. Et pourtant, cette pensée ne vint pas le rassurer. Il se trouvait un petit peu idiot Axel. Lui qui chevauchait une moto, pourquoi l’idée de monter un cheval lui provoquait cette forme de nervosité dans le ventre ? C’était sans doute une peur de l’inconnue. De tout façon, il pouvait mettre ça de côté pour le moment, ce n’était pas ce soir qu’il allait devenir un cavalier. Cependant le brun n’avait pas totalement terminé sur le sujet et il vint s’intéresser à l’entreprise de la brune. Immédiatement, l’homme ressentit le besoin de se justifier. Il avait l’habitude depuis le temps, il ne posait pas des questions conventionnelles.

« Je vois. Je trouve ça super intéressant. Vous êtes un petit groupe finalement. Et je suppose que vous vous en sortez bien ? Votre planning est bouclé des semaines à l’avance ? » L’homme se demandait vraiment à quel point le centre pouvait être surchargé ou si ça restait relativement tranquille. Peut-être que ça venait par vague, comme le boulot d’Axel qui dépendait beaucoup des grosses sorties et des événements à venir.

L’homme s’en voulut d’avoir insisté sur la compétition et pourtant, il ne sut pas s’arrêter. Continuant avec le fait qu’il avait fait de la compétition, mais dans un tout autre domaine. Pas de jalousie comme cela. Le rêve de personne n’avait été volé. « Oui. C’est de plus en plus populaire maintenant. Je suis content, j’ai l’air un tout petit peu moins étrange quand je le dis. » Avec ses doigts, il fait le signe « un petit peu », il avait conscience qu’il restait étrange. Surtout si la femme était une animatrice de la nature et de l’extérieur, Axel passait pour l’inverse complet. Un geek. « Sauf que je redeviens tout de suite plus étrange quand je spécifie que je faisais de la compétition sur Mario Kart. Vous connaissez ? » Aux yeux du monde, ce n’était pas le jeu le plus difficile du monde et pourtant, il était très technique. Négativement, il secoua la tête. « Je n’ai jamais gagné la première place en solo. Je ne suis pas assez fort, mais j’ai déjà gagné en équipe. Souvent les prix sont en argent. Parfois en reconnaissance. Nintendo ne paye pas lors de ses compétitions officielles. » Il haussa les épaules. Nintendo était assez particulier comme éditeur. Il l’avait découvert à ses dépens et pourtant, ça restait un vrai honneur de travailler avec eux.

Il y avait beaucoup trop de noms et le duo risquait vraiment de passer sa soirée sur ce jeu idiot ? « Je ne suis pas Paul, mais si ça vous fait plaisir, je peux le devenir pour une soirée. » Il rit doucement. Pourquoi pas ? Ça pourrait être marrant de choisir le prénom de l’autre l’espace d’une soirée. « Et peut-être que vous pourriez être… Aurelia le temps d’un soir ? » Comme pour sceller cet accord étrange, Axel vint lever son verre pour trinquer à son nouveau prénom avec la brune.

”- Des semaines à l’avance je ne dirais pas ça mais… On sait en avance quels sont nos jours travaillés et quels sont nos jours off oui. Le reste, c’est un peu du dernier moment. Le patron sait mais nous on a pas besoin de savoir qu’on a court avec untel deux semaines en avance. En général, quelques jours avant pour préparer des choses au besoin, ça suffit. Et puis il y a toujours du dernière minute. Des créneaux libres qui sont prit au dernier moment et aussi des créneaux qui sont alloués aux visiteurs du centre qui n’auraient pas penser à réserver, qui viennent un peu à l’envie quand ils se disent tiens il fait beau, j’irais bien faire du cheval aujourd’hui.” explique la brune. ”Mais oui on est quand-même un bon petit groupe de collègues.”

Un centre équestre, il faut le dire, c’est beaucoup de travail et pour mener tout ça à bien, il faut évidemment un certain nombre de personnes, de compétences et de métiers différents. Elle ne pourrait pas être la seule employée d’Emeric, ça ne serait tout bonnement pas possible et c’est sans compter tous les métiers annexes auxquels ils ont affaire mais qui ne travaille pas directement au centre, comme le vétérinaire ou le maréchal ferrant. Eux aussi ont leur importance pour faire tourner le centre, sans travailler directement au sein de l’équipe. Un centre équestre, quelque part, c’est une fourmilière.

Il annonce avoir fait de la compétition, lui aussi, mais dans un domaine bien différent de celui dont rêvait la quadragénaire, puisqu’il s’agit de compétitions… de jeux vidéos, qui se démocratisent de plus en plus et gagnent les faveurs du public. Elle ne doute pas qu’un jour ce sera peut-être même une discipline pratiquée dans de gros concours. Elle, elle n’y connait pas grand chose à tout ça, préférant de loin la nature au fait de rester enfermée devant un écran. Mais elle respecte le fait que cela puisse plaire à d'autres.

”- Disons que je connais de nom mais je n’y ai pas vraiment joué.” avoue-t-elle. ”Je ne suis pas vraiment comme qui dirait le genre de personne qui reste en place. Je préfère être dehors, en général. Je ne juge pas. Mais le canapé, ce n’est pas vraiment mon truc, disons.”

En tout cas, en équipe, il semble être plutôt chanceux. Ou doué ? Elle ne saurait dire si cela tient plus à l’un qu’à l’autre. Il avoue ne rien gagner en solo mais, en revanche, être bon dans le reste de la discipline. Elle l’observe quelques secondes, comme il dit que les récompenses sont souvent en argent, puis finit par poser ses mains sur la table, lui adressant un sourire.

”- Première place ? Deuxième ?” questionne-t-elle avant de reprendre. ”Pas assez bon en solo ou pas assez confiant ? Il faut croire en ses chances de victoire, pour pouvoir aller la chercher…”

Toutefois, elle avait beau dire, elle ne pensait pas vraiment l’emporter pour ce qui était de trouver le nom de l’homme et il confirme que non, ce n’est pas Paul. La coïncidence aurait été, il faut le dire, particulièrement incroyable. Mais puisqu’ils ne vont pas passer la soirée à chercher le nom de l’autre, il propose de devenir Paul pour la soirée, tandis qu’elle pourrait être Aurelia. Autant dire qu’il était loin du compte, malgré quelques lettres correctes.

”- Je pourrai. Mais je pense que j’ai besoin d’un petit verre de plus pour intégrer ce nouveau prénom.” elle rit et fait un signe de main en direction du serveur. ”Qu’est-ce que vous buvez ?”

« C’est super. Ça semble vraiment bien fonctionner comme endroit. J’adore les places avec des gens passionnés. » attentivement Axel l’avait écouté et il avait essayé de ne rater aucun moment de cette explication plus longue. Dans l’assemble, il avait l’impression qu’il n’était pas à côté de la plaque. « C’est beau de voir une personne s’exprimer sur sa passion. » Il eut un petit rire. Peu importe qui, il adorait voir les yeux qui pétillaient, la petite voix plus aiguë causée par l’excitation, la gestuelle un petit peu vive etc.

Sa passion à lui, elle était complètement différente et pourtant, il en parlait avec la même intensité. De l’amour tout simplement. Malgré toutes les émotions qu’il avait pu vivre, ça restait son activité principale et même si pour certains, c’était enfantin, pour lui, ça restait toute sa vie. Sa nouvelle rencontre n’avait pas la même vision que lui et ça ne suffit pas à retirer son léger sourire. Il hocha la tête. « Je comprends. Ce n’est pas pour tout le monde ou à petite dose. Ça ne remplacera jamais l’activité en elle-même, mais je suis certain qui existe des jeux d’équitation en réalité augmentée. » Il faudrait qu’il regarde. Axel n’utilisait pas beaucoup son casque VR, ça pourrait être une bonne occasion. La dernière fois, il avait testé des montagnes-russes, il avait cru qu’il allait vomir.

« Première place. » commença-t-il par dire avant de sourire à la remarque suivante de la brune. « Il y a sûrement un manque de confiance, surtout dans des grosses compétitions avec des joueurs de renom. Mais également un manque de pratique. Avant mon travail ne me permettait de m’investir autant que je ne l’aurais voulu. J’ai perdu un petit peu, mais ça ne m’empêche pas de participer chaque année à des compétitions en équipe avec mes amis. On le fait maintenant pour le plaisir plus que pour la victoire. » Avec deux doigts en moins, Axel ne pouvait plus être aussi performant qu’avant. Il arrivait à s’en sortir, mais il n’était plus dans les tops.

Paul pour lui, Aurelia pour elle. Pourquoi pas ? Ça pouvait être marrant. « Je suis d’accord pour le verre de plus, mais pas trop, ça serait dommage d’en oublier nos véritables prénoms. » Cette image le fit sourire. Rarement il ne buvait au point de perdre la carte. « Vous pouvez me rendre un service ? Je commande toujours de la bière, car je n’arrive pas à prononcer les noms des cocktails. » Il grimaça légèrement pour se moquer de lui-même. « Et j’aurais bien envie de quelque chose de sucré. Vous pouvez choisir pour moi ? » Ce n’était pas super galant, il en avait conscience, mais c'était un cas exceptionnel non ? Avant que le serveur n’approche, Axel avait déjà sorti sa carte de sa poche dans l’optique de payer les consommations. « J’invite. » Elle commandait, il payait. C’était un bon plan, non ?

Si ça fonctionne comme endroit ? On peut dire ça, oui. Elle ne croit pas, en tout cas, que son boss ait à se plaindre. Le centre tourne plutôt bien. Ils sont une bonne équipe et, en prime, l’ambiance est bonne entre les différents membres qui composent celle-ci, ce qui est plutôt agréable, de manière générale. Travailler dans ces conditions est loin d’être un mal, loin d’être désagréable, bien au contraire. Et puis, elle adore ce qu’elle fait. Elle adore le travail des chevaux, le travail avec eux et, même si elle aurait préféré les courses hippiques, elle ne peut pas se plaindre de la tournure que son existence à prit quand elle a dû y renoncer, faute de moyens pour se lancer dans ce domaine. Elle peut s’estimer heureuse, qui plus est, de pouvoir finalement continuer de travailler après les épreuves qu’elle a traversées. Après avoir perdu un membre qui aurait pu lui faire renoncer, pour toujours, à sa passion équine.

Il affirme que voir une personne s’exprimer au sujet de sa passion est une chose plaisante et elle lui adresse un fin sourire. Elle veut bien le croire. C’est quand les gens sont passionnés qu’ils sont les plus intéressants. Ce n’est pas nouveau. Une personne passionnée, animée, transmet toujours plus et plus facilement qu’une autre qui ne croit pas en ce qu’elle dit, qui n’y trouve aucun plaisir et n’y exprime rien de particulier. C’est pour cela que l’homme, quoique sa passion pour les jeux vidéos ne soit absolument pas commune avec la brune, l'intéresse malgré tout quand il commence à en parler, qu’il raconte un peu les concours qu’il a pu tenter, seul ou en équipe, pour finalement obtenir quelques récompenses.

”- Oh, oui, j’imagine bien que cela doit exister et, si ce n’est pas encore le cas, je ne doute pas que ça le sera bientôt. Les choses vont si vite aujourd’hui en termes de multimédias, de technologies, de réalité virtuelle, d'intelligence artificielle et… tout ça. Je ne serai pas surprise que, d’ici quelques années, nous assistions à une expansion de ces pratiques.”

En équipe, il peut arriver premier dans ses concours mais, apparemment, quand il est question de concours en solo, alors l’homme n’est plus si bon. Il semble manquer de confiance en lui, d’après ses dires, ce qui joue contre lui, à l’évidence, et l’empêche de prétendre à un podium en solitaire. Elle acquiesce d’un mouvement de la tête, visualisant ce qu’il veut dire. Et puis, il préfère jouer avec ses amis, plus pour le jeu en lui-même que pour la victoire et elle acquiesce d’un mouvement de tête à nouveau, n’ayant pas remarqué, du reste, que deux de ses doigts ne sont plus vraiment fonctionnels, en tout cas pas pour lui permettre de jouer à haut-niveau en ayant les mêmes chances que les autres.

Alors qu’elle propose de prendre un nouveau verre, l’homme accepte, non sans une plaisanterie au sujet de leurs prénoms qu’il ne faudrait pas oublier, appelant à être raisonnables. Puis, il lui demande de l’aider comme en réalité... Il ne peut pas lire la carte et donc ne peut pas savoir ce qu’il ingurgite. De fait, il lui demande de choisir pour lui, quelque chose d’un peu sucré. Elle semble pensive une seconde puis, finalement, arrête son choix sur un sex on the beach pour lui et un white russian pour elle, qu’elle se lève pour aller commander au bar, revenant bientôt avec leurs verres.

”- J’espère que ce sera assez sucré pour vous…”

Axel hocha la tête pour approuver les paroles de la femme. La technologie évoluait de jour en jour et c’était impressionnant. Chaque jeu devenait de plus en plus réaliste, les intelligences artificielles devenaient impressionnantes, elles pouvaient – à la limite – faire peur. « Je trouve que c’est une bonne chose et en même temps, ça fait presque peur toute cette technologie. Il y a des films et des jeux qui ont mal tourné avec des robots. » Un petit rire lui échappa. Maintenant plus que jamais, on pouvait presque mélanger le réel et le virtuel. « Vous avez déjà testé un casque de réalité augmentée ? Personnellement, ça me donne la nausée après vingt minutes. » La sensation était vraiment particulière et ce n’était pas anormal que certaines personnes le supportent moins bien. On s’habituait, mais Axel n’avait pas insisté, il se sentait trop mal.

La bière, Axel aimait bien, mais c’était souvent plus par obligation plus que par choix. Sa prononciation des alcools laissait encore à désirer et au lieu de se pratiquer, il avait opté pour la facilité. Sauf que souvent les bières dans les bars étaient fades voire bon marché. Le brun décida de profiter de la situation et il demanda à sa nouvelle connaissance de choisir quelque chose pour lui. Il avait bien envie de quelque chose de sucré. Peu importe quoi, il n’était pas la personne la plus difficile du monde.

La femme accepta et Axel ne put s’empêcher de sourire largement. Un instant plus tard, elle se leva pour aller commander. Son regard, toujours hypnotisé par la brune, ne la lâcha pas des yeux un seul instant. Il l’observa commander et revenir avec leurs deux verres. « Merci beaucoup, ça va faire changement. » L’homme attrapa le verre et il se permit de trinquer avec sa nouvelle rencontre avant de prendre une première gorgée rapidement suivie d’une seconde. Il laissa le liquide quelques secondes dans sa bouche alors qu’il semblait réfléchir à ce qu’il était en train de boire. « Sex on the beach ? » Il souleva son verre afin de l’observer sous tous les angles. « Comment ça se prononce en Allemand ? » demanda-t-il. Peut-être que ça serait simple à prononcer et qu’il allait réussir à le dire avec un petit cours particulier.