Lisett ♔ Maybe next month

Elle pousse un soupir à peine quelques instants après avoir refermé la porte des toilettes derrière elle, rattrapée par la réalité. Si elle avait eu pendant quelques heures, depuis la veille, le mince espoir de voir ses désirs comblés, force était désormais de constater que son envie de maternité devrait attendre un peu, encore, pour être satisfaite. Dame nature était finalement passée par là, un brin en retard certes - encore que - mais belle et bien présente, remettant à plus tard une potentielle grossesse. Ce ne serait pas pour tout de suite. Peut-être le mois prochain. Sortant de la cabine, la jeune femme passe ses mains sous le filet d’eau avant d’aggriper le rebord du lavabo quelques instants, le serrant fortement en même temps qu’elle fixe son reflet dans le miroir silencieusement, de longues minutes, jusqu’à ce que la porte des sanitaires, en s’ouvrant, la fasse sursauter. Saluant la magistrate qui entre alors dans la pièce, Lisa sort rapidement de la salle, s’enfonçant dans les couloirs du tribunal où elle travaillait cet après-midi.

Rejoignant l’étage où siège le bureau de Garrett, la jeune femme salue Betty en passant devant elle, entrant dans le bureau vide indiquant que le juge n’avait certainement pas encore terminé son audience en cours. Il passerait sûrement ici avant de partir, histoire d’emporter quelques dossiers pour le week-end, mais Lisa préfère s’en assurer en lui envoyant un petit message. Je suis venu en transports après le déjeuner, j'ai posé la voiture en allant sortir Lady. Je suis dans ton bureau, je t'attends. Je t’aime .

Elle repose son téléphone sur le bureau, se lovant dans le siège en perdant son regard par la fenêtre, l'esprit un brin préoccupé. Une grimace se dessine sur son visage en même temps comme une légère douleur la traverse. Histoire de lui rappeler un peu qu'elle ne porte toujours pas la vie. Pas ce mois-ci. Elle pousse un soupir de nouveau, son regard s'attardant sur le soir qui tombe.

Garrett s'ennuyait un peu. Pas qu'il n'aimait pas son travail, mais voir défiler des personnes pendant plusieurs heures, pour être jugés pour des "petits délits" n'étaient plus de ses compétences. Là n'était pas le mot, mais il avait largement dépasser ce genre de choses. Non ? Après tout : il avait passé des heures et des heures dans des audiences, plus passionnantes les unes que les autres. Elles étaient si importantes pour lui. Elles...lui donnaient de l'énergie, de l'adrénaline. Il était tellement mieux dans ce travail que dans un pauvre travail de serveur qu'il avait pu faire pendant ses études. Parce que oui, il avait travaillé en tant que serveur. Il ne voulait pas trop le dire, le crier, mais il voulait voir ce qu'était la vie active, sans l'aide de papa et maman. Bien que, à cette époque, il y avait son service militaire, qui lui avait montré quelques petites choses.

Peu importe, il s'ennuyait. Lorsqu'il entendit une vibration dans son sac, il se racla la gorge. Il avait complètement oublié de mettre son téléphone sur "silencieux". Du coup : l'avocat demanda si quelque chose n'allait pas. Bien sûr, tout allait bien. En soit. Alors il fit un geste de la main pour qu'il continue. Lui qui était si strict, si autodiscipliné d'habitude...Aujourd'hui c'était différent. Il avait un peu peur, ayant l'impression, que quelque chose n'allait pas du côté de Lisa, sa femme. Sa femme.

Quand finalement l'audience se termina, il n'oublia pas de regarder son téléphone, dans les couloirs. Il envoya un simple : Je t'aime aussi et j'arrive rapidement chaton. Parce qu'il n'aimait pas la faire attendre. C'était même peu dire : il détestait ça. Il ne voulait pas qu'elle s'ennuie ou qu'elle pense trop à quelque chose de désagréable. Et quelle chose, d'ailleurs. Garrett ne se doutait pas qu'elle pensait à...ça. A leur essai bébé. Qui a encore échoué. Il voulait la voir comblé et il voulait qu'ils aient un lien encore plus fort avec un enfant. Bien que leur lien soit déjà très fort et très important pour lui.

En arrivant dans le bureau, il sourie grandement. Il était bien heureux de la voir. " Hey. " fit-il, avant de voir qu'elle était pensive. " Hey ?... " Il s'approcha, lui prit les mains pour la faire se lever et la prit dans ses bras. Lorsqu'il le voulait, il pouvait être très doux. Il en oubliait presque les dossiers qu'il voulait prendre, dossiers importants qui seraient très intéressants à étudier. Ou réétudier.

Son regard se perdant sur la ville qui se découpe par la grande fenêtre du bureau alloué à son cher et tendre, Lisa n'entend pas même la tonalité discrète de son téléphone qui l'informe de l'arrivée d'un sms, restant perdue dans ses pensées, dans cette absence de maternité qui persiste dans ses entrailles. Elle ne comprend pas pourquoi ils n'y arrivent pas. Elle ne comprend pas pourquoi la vie lui refuse cet enfant. Pourquoi, mois après mois, elle doit être désabusée de son désir de devenir mère, chaque fois que dame nature se rappelle à elle. Le problème ne vient pas de Garrett, puisqu'il est père de trois enfants. Et d'après son gynécologue, le problème ne vient pas d'elle non plus. Alors pourquoi ? Pourquoi malgré leurs tentatives répétées depuis leur mariage, elle ne parvient pas à porter la vie ? Bien sûr, cela prend parfois du temps pour avoir un enfant, Lisa le sait. Elle sait que cela peut prendre plusieurs mois dans la plupart des couples. Mais elle sait aussi que du temps, elle n'en a pas beaucoup. A l'âge qu'a Garrett, elle sait qu'il ne voudra peut-être pas devenir père à nouveau quand il aura passé quarante-cinq ou quarante-six ans. Elle peut le comprendre. Elle peut comprendre aussi qu'au fur et à mesure que le temps passe, que les années s'égrainent, ce soit biologiquement de moins en moins évident. Alors, forcément, même si elle sait que ça peut prendre du temps, elle a tout de même du mal à l'accepter. Du mal à ne pas s'inquiéter. Du mal à ne pas être impactée par tout ça.

Elle sursaute comme la voix de Garrett lui parvient alors qu'elle ne l'a pas entendu entrer dans le bureau. Le laissant approcher, elle se redresse comme il attrape ses mains et se blottit entre ses bras quand il la rapproche de lui. Elle n'a pas besoin de lui faire part de ses problèmes, de ses pensées. Pas besoin de lui dire que ça ne va pas fort, ce soir. Elle sait qu'il a comprit, sans qu'elle ne le dise, que quelque chose ne va pas. Toujours la même chose, en fait, depuis des semaines. Elle sait qu'il le sait. L'homme fait tout son possible depuis pour la réconforter, la soutenir, chaque fois qu'elle flanche. Chaque fois que la tristesse inonde son visage.

"- Bonsoir mon amour..." souffle-t-elle en restant contre lui quelques instants encore, profitant de sentir son cœur battre contre sa main qu'elle a posé sur son buste. "Comment était ton après-midi ?" s'informe-t-elle au bout d'un moment.

Lisa n’avait vraiment pas l’air d’aller bien et cela fendit le coeur de son mari. Elle semblait si préoccupée. Encore cette histoire d’essai bébé. Elle devait avoir fait un test. Ou alors elle avait eu ses règles. Parce que sinon elle ne serait pas dans cet état. Alors il la prit dans ses bras et la garda là, bien au chaud, avant de répondre à sa question. « Un peu ennuyeuse, mais ça va. La semaine prochaine sera meilleure. ». Tout en parlant il lui caressait les cheveux. Chose qui n’était pas forcément bien puisqu’il pouvait la faire pleurer, comme ça. Mais il le faisait quand même. Un peu machinalement.

Lorsqu’il se recula, il prit le visage de Lisa entre ses mains et lui déposa un baiser sur le front. « Ne t’inquiète pas, on va l’avoir ce bébé. ». Quoi qu’il arrive ils allaient essayer encore et encore. Sauf si elle n’en voulait plus. Mais ça semblait assez peu probable pour le mari de la jolie blonde, qui voulait absolument ce bébé. « On va réessayer quand tu seras dans la bonne période ou je ne sais quoi. ». Bah oui, parce que même s’il était père de trois enfants il ne comprenait toujours pas le cycle de la femme. Il savait seulement qu’elle avait quelques jours seulement pour tomber enceinte dans un mois. Donc, naturellement, il ne pensait pas tout de suite aux « ragnagnas » comme diraient ses fils, sûrement. Quoi que…quelle était la génération la plus gênée à ce propos ? Celle de ses fils ou la sienne ?

Peu importe, là n’était pas la question, il avait du mal à comprendre le cycle d’une femme. Point. D’ailleurs il espérait faire rire sa belle en en parlant. Elle pourra lui expliquer autant qu’elle le voudra, il ne comprendra jamais. Du coup en général il répond « oui » à tout ce qu’elle dit et ils passent à autre chose. Quelque part c’est horrible, parce que ça le concerne directement, pour le coup. Mais il n’y arrive pas. C’est un peu comme les personnes qui sont incapables de retenir les dates en histoire, par exemple. Ou ceux qui sont incapables de se souvenir du cycle de la vie appris à l’école.

« On va y arriver. Ne désespère pas. Garde la volonté. Même si moi je l’ai, si tu ne l’as pas, ça ne va peut-être pas marcher. ». En revanche il avait compris une chose : le stress peut retarder ce moment du mois. De quelques jours seulement. Ou parfois plus, si ça se trouve. Pour le coup, l’homme n’en était pas certain. Tu as plus de quarante ans, Garrett. Réveille-toi et renseignes toi, non ? Tu n’es pas irresponsable à ce point, quand même ? En tout cas, il avait l’impression de l’être. Alors qu’il était loin de se trouver irresponsable.

La journée n'a pas été des meilleures pour lui, apparemment, comme il s'est ennuyé mais fidèle à lui-même, l'homme reste positif en affirmant que la semaine prochaine sera meilleure. Lisa le lui souhaite. D'ici là, ils vont pouvoir profiter de passer le week-end l'un avec l'autre. Lisa a bien envie de le passer chez eux, de ne rien faire de spécial, seulement rester ensemble à profiter du moment présent. De quoi oublier la journée qu'ils viennent de passer et le poids qui peut peser sur leurs épaules respectives tant au niveau de leur travail que pour leur essai bébé infructueux. Elle imagine déjà qu'ils pourraient s'arrêter faire deux ou trois courses ce soir en prévision du week-end puis rentrer chez eux. Cuisiner ensemble un bon repas, écouter de la musique, danser, lire un peu blottit l'un contre l'autre, profiter du jacuzzi...

Il comprend ce qui ne va pas, ce qui la tracasse, évidemment et, fidèle à lui même, l'homme tente de la réconforter, de la rassurer, la maintenant contre lui en lui caressant les cheveux, embrassant son front, affirmant finalement qu'ils l'auront, cet enfant. Peut-être pas tout de suite, puisque Dame Nature ne semble pas vouloir le leur accorder, mais tôt ou tard. Ils feront ce qu'il faut pour y arriver. Lisa ferme les yeux et ses lèvres s'étirent en un sourire comme Garrett évoque son cycle et "il ne sait quoi". Décidément, l'homme a un peu de mal avec le cycle féminin. Peut-être un vestige de l'éducation qu'il a reçut. Quand il était en âge d'aller au collège, ce n'était pas des choses qui s'apprenaient vraiment et les règles étaient très tabous. Et si les choses commencent à bouger aujourd'hui, il reste du chemin à faire cependant pour sensibiliser les hommes à ces questions là. Elle ne lui en veut pas. Il est normal de refléter son époque.

"- Ou je vais finir par te faire l'amour tous les jours pour y arriver !" murmure-t-elle avec humour, avant d'ajouter. "C'est un sacrifice que je suis prête à faire pour... le bien commun !"

Comme si ça pouvait réellement s'apparenter à un sacrifice... L'idée même suffit à la faire rire. C'est stupide. Revenant tout contre lui, elle hoche la tête comme il murmure qu'ils vont y arriver, qu'elle doit garder la foie, continuer d'y croire. Elle ne compte pas abandonner, de toute façon, même si la nature lui fait défaut.

"- Si on rentrait chez nous, mh ?" souffle-t-elle en relevant son visage vers lui. "Tout ce dont j'ai envie là, tout de suite, c'est de pouvoir me blottir entre les bras de mon mari et ne plus en sortir de... tout le week-end !"

Lisa souriait. Riait même. Cela réconfortait, d’une certaine manière, l’homme qui était devenu son mari. Elle était belle, quand elle riait. Quand elle ne souriait pas non plus d’ailleurs. Oh, lala, Garrett avait l’impression d’être amoureux comme au premier jour. Mais…ne l’était-il pas, finalement ? Si ce n’était plus ? Depuis qu’il avait vu cette femme dans sa robe de mariée il n’avait d’yeux que pour leur avenir. Si avant cela, il pensait beaucoup à son passé, sa femme lui avait permis de regarder un peu plus loin et de ne pas se focaliser sur le mauvais. Alors oui, comme dit, il voyait leur avenir, mais il voyait aussi l’avenir de ses garçons. De ses premiers garçons, il l’espérait. Il aimerait beaucoup que ce ne soit pas les derniers. Même si une fille lui conviendrait très bien. Une mini Lisa…une tête blonde courant dans la maison, riant, ne voulant pas aller au bain, faisant tourner en bourrique la jeune maman. Rien qu’à cette idée, il sourit.

« Un sacrifice, hein ? ». L’homme fit une moue un peu bizarre. Il voulait être mignon, mais c’était plus bizarre que mignon. Comme pour dire qu’il voulait des excuses, que ce n’était pas juste de dire cela, mais c’était raté. Complètement raté. Bon, peu importe, cela semblait faire rire la belle jeune femme en face de lui. « Aller ! On y va ! » Il la prit par la taille après avoir pris son sac et alla jusqu’à leur voiture. Montant dedans, après lui avoir ouvert la portière tel un parfait gentleman qu’il n’était pas, il roula jusqu’à chez eux. Enfin…il prit la direction de chez eux. Mais, à un stop, il demanda : « Tu veux commander ce soir ? Sushis ? ». Après tout cela pourrait lui remonter le moral. En plus il fallait en profiter temps qu’elle n’était pas enceinte parce que, normalement, elle n’aurait plus le droit d’en manger à ce moment-là. Il tapotait sur le volant, avec les deux mains, avant de poser sa main sur la cuisse de sa belle, sans arrière-pensée. Juste parce qu’il aimait ça.

"- Parfaitement, un sacrifice des plus plaisants et que je ferais de bon cœur..." affirme la jeune femme comme l'homme répète ses mots, les accompagnants d'une petite moue faussement contrariée. "Le plus agréable sacrifice que l'on puisse imaginer." souffle-t-elle de nouveau, contre ses lèvres.

Oh oui, pour avoir un enfant de lui, elle pouvait bien passer entre ses bras chaque jour et, à vrai dire, elle l'envisagerait volontiers même sans ce désir de maternité. Si ce n'était pas qu'il fallait travailler, sortir Lady et avoir une vie sociale, elle passerait volontiers toutes ses journées au lit avec lui, à refaire le monde, à discuter de tout et de rien, à ressentir sa peau ni contre la sienne ou perdre son regard dans le sien. Même ne rien faire, avec lui, semblait être une chose agréable. Et de fait, ça l'était. Ça l'était vraiment.

Le suivant pour descendre au parking souterrain du tribunal, ils retrouvent la place réservée pour le juge, une plaque indiquant d'ailleurs "Juge Dinckel" étant fixée juste au-dessus de celle-ci tandis qu'une autre juste à côté, vide, indisue désormais "Maître Dinckel". Sa propre place, qu'elle a obtenu récemment après des mois à devoir utiliser les parkings de la ville où les quelques places libres du tribunal.

L'homme lui ouvrant la voiture, Lisa se glisse à l'intérieur et ils prennent la route dans un silence qui n'a rien de pesant, qui manifeste seulement une fin de journée plutôt fatiguante. Un besoin de repos. Lisa esquisse un sourire, se contentant de le regarder conduire, d'observer amoureusement son regard rivé sur la route, la forme de sa mâchoire, les expressions de son visage... Et son coeur se gonfle d'amour, comme toujours. Il bat vite dans sa poitrine mais, avant qu'elle ait eu le temps de parler, l'homme complète cette impression de perfection en proposant de commander des sushis pour la soirée, avant de tapoter ses doigts sur le volant. Lisa n'y tient plus et déposer un baiser sur sa joue, à défaut d'avoir accès à ses lèvres.

"- Décidément vous savez comment parler à votre femme, Monsieur Dinckel..." souffle Lisa avec un sourire. "Je ne peux qu'accepter votre offre !" poursuit-elle en riant. "Je suis et je relance avec le jacuzzi et une bouteille de vin ?"

Ce fameux sacrifice n’en était pas un, évidemment. Garrett le savait très bien, mais il fallait toujours qu’il fasse rire sa femme ou alors qu’il la fasse sourire, au minimum. Ce qu’il ne fit pas finalement. Mince, tentative ratée. Cela-dit la réponse qu’elle lui donna lui suffit amplement. Un tendre baiser et hop ils étaient partis pour la maison. Leur maison. Leur petit nid. Un nid douillet où ils pourront faire l’amour tous les jours quand dame nature ne sera pas là. Quand Lisa aura envie, bien sûr, et quand il ne fera pas trop chaud, l’été. Quoi que le ventilateur de plafond était pas mal dans le genre : ça rafraîchit pendant l’amour. Encore faudrait-il qu’il fonctionne…

Dans la voiture, Garrett propose à Lisa des sushis. Elle accepte en lui parlant d’une façon qui le fait frissonner. Pourquoi le fait de lui rappeler qu’elle était sa femme lui faisait cet effet-là ? Sûrement parce qu’il l’aimait plus que tout ? Qu’elle était son monde et qu’il n’avait plus vingt-ans mais qu’elle lui faisait avoir cette impression. Une impression si agréable et si…rafraîchissante.

Le jacuzzi…la bouteille de vin…eux ? Vivre dans le luxe ? Le luxe de l’amour, voyons. Rien de plus compliqué. Bon, plus sérieusement, cette proposition donnait bien envie à Garrett d’appuyer sur l’accélérateur. Pourtant, jamais, non jamais, il ne ferait ça alors qu’il avait Lisa dans la voiture avec lui. Il ne voulait pas mettre en danger la femme qu’il aimait plus que tout. Jamais. S’il venait à appuyer sur l’accélérateur plus que de raison, c’était parce qu’elle était en danger. Prions pour que ça n’arrive pas. « Je…oh je ne peux rien proposer de mieux… » il fit alors une mine faussement boudeuse, encore une fois. A croire qu’il était le professionnel de cet air.

Un peu plus tard, ils arrivèrent chez eux et le quadragénaire couru du côté passager pour ne pas laisser le temps à sa femme d’ouvrir elle-même la portière. Il le fit donc et fit semblant d’être essoufflé. « Tout…ce chemin…pour vous ouvrir…madame…était…épuisant… ». Puis il rit de ses propres bêtises. Bizarrement ça arrivait…tout le temps.

Elle esquisse un sourire comme l'homme affirme qu'il ne peut pas surenchérir sur sa proposition, qu'il ne peut pas proposer mieux. Sushis, vin et jaccuzi semble donc être le programme du soir, un programme qui, du reste, fera peut-être oublier à la demoiselle la tempête qu'elle vit en ce moment même tant dans ses hormones que dans son pantalon. Attrapant sa bouteille d'eau, elle farfouille dans son sac à main à la recherche de la petite boîte de nurofen qui s'y trouve, attrapant un petit comprimé pour le glisser entre ses lèvres et l'asperge rapidement d'eau en souhaitant qu'il fasse rapidement effet. Pour l'instant, elle va encore bien. Plus tard... Elle pousse un soupir. Peut-être que dans les jours qui viennent, elle n'aura pas envie de sortir du lit, qu'elle voudra simplement rester sous la couette, dévorer du chocolat, des cochonneries et mater des films, lire de bons bouquin. Peut-être que demain, elle n'aura pas l'envie de se lever, seulement celle de se rouler en boule, se recroqueviller sur elle-même et attendre que la douloureuse période mensuelle soit terminée, blottie entre les bras de son cher et tendre. Ou peut-être qu'elle voudra juste dormir. Dormir pour oublier cette fatigue que cette période génère mais aussi et surtout pour fermer les yeux sur la frustration qui est la sienne.

Quand ils arrivent enfin au pied de leur chez eux, Lisa rit en voyant Garrett se presser pour faire le tour de la voiture et lui ouvrir la porte alors même qu'elle ne bouge pas, lui laissant tout le loisir de jouer le chevalier servant si cela lui fait plaisir. Et elle rit plus encore comme il affirme que cette course pour lui ouvrir a été épuisante. Elle passe ses bras autour de son cou, dérobe ses lèvres fugacement, le fixe quelques secondes sans rien dire et puis, finalement, élargit ses lèvres en un sourire.

"- Merci chaton. D'être là. D'être toi. De savoir quand ça ne va pas, sans que j'ai besoin de dire quoi que ce soit..." souffle-t-elle avant de se décider à s'écarter de lui.

Un jacuzzi et des sushis les attendant, ils n'ont pas de temps à perdre. Rapidement, Lisa atteint la porte de leur nid douillet et est accueillie par les aboiements d'une Lady surexcitée dont elle vient gratter la tête de longue minutes avant de se redresser.

"- Je vais me changer j'arrive !" assure-t-elle avant de partir vers la chambre, l'animal sur ses talons.

Rapidement, elle enfile le maillot de bain menstruel qu'elle a acheté trois mois auparavant puis revient dans le salon, paréo autour des hanches, fin prête. Elle attrape l'ordinateur, passe leur habituelle commande de sushis puis sort, le retrouvant dehors, dans le soleil de cette fin de journée.

Garrett ne veut que le bonheur de sa femme. Il veut qu’elle soit heureuse et il a un peu la sensation de ne pas faire assez, parfois. Surtout en pensant aux jours de la belle où ça ne va pas. Où il y a un petit souci de moral. Les jours, souvent, où c’est un peu le chaos avec ses hormones. Hormones féminines qui sont, visiblement, bien pires que celles masculines. Mais ça il ne le comprendra peut-être jamais pleinement, le beau brun. Il ne comprendra jamais pleinement à quel point la période du mois peut faire mal. Aussi mentalement que physiquement. Pourtant elle semble vouloir être forte. En tout cas Garrett essaie de tout faire pour qu’elle garde cet état d’esprit, mais ce n’est pas simple. Ce n’est certainement pas simple. En même temps c’est ça, une vie à deux. C’est pousser l’autre dans ses retranchements et, souvent, aider l’autre à garder la tête à la surface de l’eau. Ce qui peut être compliqué quand le couple n’est pas forcément comme celui de Lisett. Lisett étant fort, harmonieux et bienveillant.

Arrivés chez eux, oui, Garrett ne peut pas s’empêcher de rire et de faire n’importe quoi. Il ne peut pas s’empêcher d’embêter la jeune femme qui n’a rien demandé mais qui ne lui en veut pourtant pas. Puis c’est gentil. Ce ne sont pas des insultes ou des mots crus. Des mots blessants. Au contraire. « C’est normal, mon amour. Lisa et Garrett Dinckel savent lire dans les pensées l'un de l’autre. ». Ce qui n’était pas tout à fait faux. Parce que si, quand Lisa n’allait pas bien, Garrett le voyait très bien, c’était pareil quand lui-même n’était pas au top de sa forme.

L’homme marié à la femme la plus belle à ses yeux laissa celle-ci aller se changer. Il se hâta d’aller également se changer, enfilant un bas de bain et attendit patiemment Lisa à côté du jacuzzi. Celle-ci arrivant, il sourit et dit, tout en l’attirant à lui délicatement : « Tu es magnifique, là-dedans. ». Encore plus quand on sait que ce n’est pas forcément un maillot de bain esthétique, mais qu’elle le rend portable voir beau. C’est Lisa, quoi. « Prête ? ». Il avait allumé le jacuzzi et embrassa la jolie blonde avant de l’aider à entrer dans ce qu’il pouvait appeler « le paradis ». Puis il entra à son tour. Il irait chercher les sushis lui-même. Mouillé ou pas, ça n’empêche rien.

Il affirme qu'ils savent lire dans les pensées l'un de l'autre et elle a un petit rire à cette affirmation. Ce n'est pas si faux et cela n'a rien à voir avec une compétence divine, surhumaine, mais simplement avec le fait qu'ils s'aiment, se connaissent et soient, l'un et l'autre, à l'écoute de l'autre. Si Garrett sait de quoi elle a besoin, ce n'est pas parce qu'il vient d'une autre planète, ni parce qu'un quelconque animal l'a mordu. Non, c'est uniquement parce qu'il l'aime, la connait et veut le meilleur pour elle.

"- C'est vrai." souffle Lisa. "C'est vrai que nous sommes le genre de couple capable de ça." murmure-t-elle contre ses lèvres, lui volant un baiser avant que son regard ne se perde dans le sien.

Elle l'aime. Oh bon sang, elle l'aime tellement. Pourquoi un tel amour ne peut-il pas aboutir à la naissance d'un enfant ? Pourquoi elle ne peut pas devenir mère ? Pourquoi la vie ne semble pas vouloir s'installer dans son ventre ? Pourquoi ne peut-elle pas goûter aux joies de la maternité, s'ils s'aiment comme ça, s'ils s'aiment aussi fort, si leur amour est aussi sincère ? Un tas de gens attendent un enfant sans l'avoir voulu et, elle qui en voudrait vraiment un, ne parvient pas à en avoir ? Cela n'a rien de juste. Rien de juste, mais elle sait que la biologie ne l'est pas toujours, pas forcément. Et pour sa gynécologue... il n'y a rien qui cloche. Rien à faire. Seulement attendre.

Revenant après s'être changée, Lisa esquisse un sourire en rejoignant son cher et tendre au bord du jacuzzi. Elle n'est pas sûre d'être aussi magnifique qu'il le dit dans ce maillot de bain. Elle a prit le plus joli qu'elle a trouvé mais il faut bien le dire... Pour le confort et la praticité que l'on cherche pendant cette période particulière, ce maillot est assez basique, en fin de compte.

"- Vil flatteur." souffle-t-elle contre ses lèvres avant d'acquiescer.

Elle est prête et le jacuzzi semblant l'être lui aussi, Garrett l'ayant mit en route, elle ne se fait pas prier pour entrer dans celui-ci et fermer les yeux en profitant de l'effet des jets sur son corps, la détendant, l'allégeant, faisant disparaître les crampes et les courbatures.

"- Alors ? Qu'est-ce que tu as fais de beau aujourd'hui ?" demande-t-elle après une ou deux minutes de silence, rompant celui-ci en se rapprochant de son mari.