(JOAH) let's get wild

Il avait besoin d'un moment juste pour lui, avec son frère jumeau. Depuis que tout ça s'était passé, il avait l'impression de ne plus jamais vraiment voir Jay, qu'il passait tout son temps avec son père tandis que Joah était concentré sur le fait de ne pas laisser leur mère toute seule. Faire tampon entre leurs parents, c'était fatigant. C'était usant.
Alors ce moment, cette semaine tous les deux, coupés du monde, ils ne pouvaient rêver mieux, ni l'un ni l'autre. Ils passaient juste un bon moment, sans pour autant penser au lendemain. La preuve, le budget alloué à ces "vacances" était déjà passé, et Joah venait d'appeler Alina pour lui demander si elle pouvait faire une avance d'argent de poche pour les cinq prochaines semaines, afin de pouvoir continuer leur sur consommation en tout genre : boisson, manger, sorties...

En parlant de sorties et de boissons, celles de la veille leur avait donné un sacré air de gars au fond du trou. Il suffisait de voir Jay pour savoir à quoi Joah ressemblait. C'était tellement violent, le mal de tête de bon matin, qu'il avait mis le son au minimum pour parler à sa mère, mais qu'il avait encore l'impression qu'elle criait à l'autre bout de la ligne, bien qu'il eut pris sur lui de ne pas lui demander de baisser le volume, force d'ensuite se bourrer de médicament pour essayer de faire une ablation de la douleur.

Finalement, quelques dizaines de minutes plus tard, il se sentait mieux, et il allait parler à son frère, maintenant qu'il n'avait plus ni la nausée ni ce mal de tête fulgurant. «Je viens de parler à maman. Elle a dit qu'elle faisait une avance sur anniversaire plutôt que cinq semaines d'argent de poche. A tous les deux.» dit-il avant de se laisser tomber sur le lit, aux pieds de son frère qui ralait déjà du volume employé par Joah. «Allez, lève tes fesses, il fait beau, on a la journée devant nous. Gogogo !» dit-il sans pour autant diminuer le volume d'aucun de ses mots.

La veille avait été une pure soirée. Ils s'étaient bien amusés, avec Jeremy. Bien évidemment, depuis quelques temps, c'était les lendemains matins qui étaient compliqués. Ils buvaient, et faisaient la fête, dansant au rythme de mélodies folles. Joah draguait comme d'habitude et tentait d'aider Jeremy à se sortir Sophie de la tête. Il fallait qu'il voit autre choses que les yeux bleus de la jeune femme qui semblait avoir hypnotisé son frère, de la même manière que pourraient le faire les yeux de Sarah avec lui. Décidément, les jumeaux Dinckel avaient un problème avec les jumelles aussi de leur côté.

Peut-être que c'était la raison pour laquelle ils n'avaient pas hésité pendant une semaine à se mettre des mines monstrueuses. Ils s'amusaient bien, et ça faisait bien longtemps qu'ils ne s'étaient pas éclatés de la sorte, tous les deux ensemble. Heureusement, Alina avait accepté de limiter leurs dégats en terme d'argent de poche. Car l'un comme l'autre, ils étaient deux paniers percés, et dès qu'ils avaient un peu de sous dans les mains, ils les dépensaient, sans penser à "comment on va faire le reste du temps?" ou même "comment on va faire pour rentrer".

Joah sourit à son jumeau avec un brin de fierté. «Pas du tout. Tu vois qu'elle peut avoir du bon aussi. Elle a juste dit qu'elle voulait qu'on s'amuse un peu, et qu'on profite. Elle a juste demandé si on pouvait éviter de faire des dettes monstrueuses, donc de ne pas accélérer le rythme, mais sinon, elle a dit texto "je suis heureuse que vous vous amusiez bien tous les deux. Faites attention à vous"» dit-il en imitant Alina, non sans une once de fierté. Et il avait promis à sa mère qu'ils allaient bien profiter. De toute manière, il ne fallait pas trop qu'elle s'inquiète à leur sujet de ce côté là.

Joah leva les yeux au ciel en entendant les paroles de Jay. Alina faisait un pas vers eux, et il trouvait rien de mieux que de lancer une phrase pour l'agresser. Leurs parents n'étaient pas parfaits, ni l'un ni l'autre, c'était une certitude qu'il avait acquise depuis des mois et des mois. Au début, il les idéalisait, enfin, surtout Garrett, avant de finalement se rendre compte qu'il n'était qu'un homme. Et il avait fini par remarquer les petites différences de traitement entre Joshua et lui, et Jeremy, bien qu'il ignorait pourquoi. Cependant, elle faisait un vrai pas vers eux. Alors pourquoi continuer..

«Jeremy...» Soupira-t-il. Pourquoi ? «T'es obligé d'être désagréable ? Elle n'est pas là..» Il savait très bien que c'était compliqué, seulement pourquoi forcément devoir en arriver là ? Et de dire qu'au final, elle n'en avait rien à foutre. De plus belle, Joah soupira, avant de rouler des yeux, et de prendre un coussin pour l'envoyer sans le lâcher sur la tête de son frère. «T'es pas possible, vraiment. Si elle pose pas plus de question c'est pas méchant, c'est simplement pour qu'on perde pas de temps à répondre, et qu'on puisse s'amuser. On lui racontera tout ce qu'on a fait... Ou en fait, peut-être pas tout, je pense que ça vaudra mieux...!» dit-il en riant, à la fois pour ce qu'il disait et pour la tête de son frère. «Mais on lui racontera tout ça quand on rentrera, elle sera ravie de nous entendre parler de tout ça ensuite, ce sera cool. On pourrait même faire un restau avec elle... Tu sais..Pour la remercier.» dit-il en appuyant pour le mot. Quoi, c'était juste une question de bienséance. C'était leur mère, quand même !

C'était difficile d'en vouloir à Jay pour ses relations conflictuelles avec sa mère. Mais malgré tout, c'était difficile pour Joah de voir ça. Il savait qu'Alina avait toujours été plus dure avec son jumeau qu'avec lui, car elle essayait de le pousser au meilleur de lui-même. Elle avait plus vite abandonné avec Joah, qui était une tête de mule ambulante, et avec qui elle ne réussissait pas grand chose, mais avait persévéré avec Jeremy, qui avait très mal vécu cette relation qui se montrait abusive sous bien des aspects. Pourtant, il ne s'agissait pas de mauvaises intentions dans l'esprit de leur mère. Elle avait juste mal fait les choses, à l'instar de Garrett avec eux.

Joah réussissait, pas à pas, à pardonner à son père. Alors pourquoi était-ce si difficile pour son frère d'en faire de même avec Alina, qui faisait pieds et mains pour être à leur hauteur, et subvenir au mieux à leurs besoins. Elle n'était pas la mère parfaite, mais elle donnait le meilleur d'elle-même pour ses trois fils. Pourquoi était-il si fermé à cela, alors qu'ils ne connaissaient tout deux aucun parent parfait même dans leur entourage ?

 «Evidemment, que tu te le dis, bon sang !» dit-il en riant, en posant le coussin à côté de lui après avoir frappé son frère avec. Les parents n'étaient pas parfaits, et les leurs n'échappaient pas à la règle, il suffisait seulement de s'en rendre compte et de l'accepter. «Personne te force aux embrassades et aux papouilles si tu veux pas. Mais faire un pas vers elle, c'est déjà le début d'une vraie relation avec maman, non, tu penses pas ?»

Il tapa ses mains ensemble, offrant un bruit désagréable à son frère qui avait encore la migraine, tout en sautant sur ses pieds pour se mettre debout. «Allez, on va au restaurant de l'hôtel, je nous avais réservé un brunch avec mes dernières économies... Mais maintenant on va pouvoir s'amuser et manger un peu plus !»

Il est vrai qu'Alina avait toujours été plus sévère envers Jeremy. Et avec le recul, c'était plus facile à comprendre : elle voyait que Jeremy était capable de faire plus de choses que Joah, qui lui était clairement un peigne cul. C'était une tête de mule, qu'on ne pouvait faire avancer. Et surtout, c'était un fainéant notoire. Jay, lui, était quelqu'un qu'il suffisait de pousser un peu pour le faire arriver à décrocher les lunes et satellites de tous les systèmes solaires. Alors, forcément, Alina avait toujours essayé de pousser le seul fils pouvait réussir à faire des merveilles. Mais en faisant ça, Joah avait toujours remarqué que ça les éloigner. Et que lorsque leur mère essayait de faire un pas envers eux, Jay y restait insensible. Car contrairement à tout ce que son jumeau pensait, elle avait essayé. Mais elle arrivait toujours trop tard, quand Jay était désespéré de la situation et décidait de se renfermer. Entre eux, il ne s'agissait que d'une série malheureuse d'actes manqués. C'était le plus difficile, dans tout ça.

 «ça va, ça va, j'ai rien dit, ok?! » Il avait du mal à se faire à l'idée que, bien qu'il soit plus rancunier que Jeremy, il avait plus de facilités à passer au delà, et d'oublier une fois que les premiers efforts arrivaient que son jumeau. C'était quand même étrange, mais soit, il comprenait. «Je sais que c'est difficile. Qu'elle a toujours été plus exigeante envers toi qu'envers moi, parfois en étant même rude avec toi. Mais tu sais, elle essaie vraiment de faire des efforts... Je crois que la séparation avec papa a eu du bon sur les deux, pas que sur lui. Elle a vraiment envie d'être une vraie mère, tu sais...Après, ça viendra si et quand tu en auras envie.» Après tout, il ne le forcerait pas. Il restera à ses côtés, et le soutiendrait toujours quand il en aurait besoin. C'était ça, être jumeaux. Etre frère. Etre là l'un pour l'autre.

Joah eut un sourire un peu crispé en réalisant ce qu'il venait de faire. «Désolé pour le bruit mon frère.» Il lui tendit la main pour qu'il l'attrape et se lève à sa suite. Il avait faim !

Il sortit en trombe de la chambre, et se rendit dans la cage d'escalier, pour les dévaler à toute vitesse, et pour se dépêcher d'aller dans la cafétéria de l'hôtel, pour prendre le petit déjeuner de sa vie.

Ce n'était pas difficile de se rendre compte que Jeremy était agacé par la discussion. C'était un peu blessant pour Joah qui n'avait qu'une seule envie : que sa famille finisse par faire la paix. Ils ne redeviendraient jamais la famille qu'ils formaient d'antan et il s'y était fait, il était plus ok avec ça qu'avec l'inverse, d'ailleurs. Mais il voyait Alina faire amendement de ses erreurs, auprès de Josh, et de Joah, ayant obtenu leur pardon, mais aussi auprès d'un Jeremy totalement fermé dès qu'on prononçait le mot commençant par "M". Et il ne pouvait s'empêcher d'avoir de la peine pour elle, mais aussi pour Jay, espérant qu'il ne finirait pas par regretter, un jour.

Il entendait très bien Jeremy, et ne comptait pas le forcer. Alors devant son laïus, il leva les mains, innocemment. «D'aaaccord ! On a dit que j'avais rien dit, on oublie. Je ne veux pas te mettre la pression ni rien, c'était une simple discussion entre frère, t'inquiète pas.» dit-il avant de l'affubler d'un sourire et d'un clin d'oeil raté, comme il faisait toujours quand quelque chose semblait mener à une dispute mais qu'il ne voulait pas en arriver là parce que ce n'était pas son idée initialement. Il lui donna un léger coup sur l'épaule, amical. «De toute manière, tu es incapable de m'en vouloir trop longtemps.» s'avança-t-il en riant. En tout cas, de son côté, il ne pouvait en vouloir à Jeremy plus de quelques heures dans une même journée. Après tout, ça finissait toujours par lui passer très vite.

Il éclata de rire alors qu'il dévalait les escaliers. «Des années d'entrainement, frangin, des années. Et une très grosse faim..»

Il aurait fait n'importe quoi pour que sa mère et son frère prennent
le temps de discuter, tous les deux, et d'aplatir les problèmes qui se dressaient entre eux. Mais rien n'y faisait. Trop têtus pour accepter la vérité, pas assez ouverts ni patients pour se poser. Il se sentait responsable de leur lien, comme s'il y avait quelque chose que Joah avait fait, alors que tout ce qu'il tentait, c'était sans cesse de les rabibocher. Sauf que cette fois ci, il jetait l'éponge. Il ne dépendait que d'eux deux de faire les efforts nécessaires pour que ça marche, ou pas. Il n'avait pas envie d'en faire plus, il avait suffisamment bataillé, pédalé dans la semoule, le tout pour rien, strictement rien. Tout ce qu'il voulait, désormais, c'était s'amuser avec son frère.

«Quoi ? Je te demande pardon ? Mais Monsieur Poupi, c'était MON nounours. Pas le tien.» s'insurgea-t-il, avant de réfléchir, quelques instants. est-ce que c'était vraiment son nounours, ou celui de Jeremy ? Non, parce que le doute l'habitait, tout à coup. Et il n'était pas certain de ce qu'il venait d'annoncer. «Je suis certain que tu viens d'inventer ça juste pour dire que tu m'en voulais de quelque chose depuis longtemps..» Joah et la mauvaise foi, c'était pas rien, en tout cas.

Quoi qu'il en soit, il était désolé d'avoir fait du bruit et fait mal à la gueule de bois de son frère. Quand, innocemment, Jeremy lui demanda s'il avait déjà été dans cet état, Joah éclata de rire. «Oui, une fois ou deux, peut-être. Après on prend l'habitude, et on accepte les bons vieux remèdes de grand mère pour aller mieux. Comme de prendre un bon petit dej et de prendre un peu de soleil. Alleezz, viens!» dit-il en lui tirant un peu la manche.

Voilà que Jay ressortait les dossiers. SON Nounours, Monsieur Poupi ? Joah ne se souvenait pas des évènements de la sorte... Et pourtant, ce que compléta son jumeau lui semblait tout à coup la vérité dont il ne se souvenait pas totalement. Il avait raison, mais... Ce n'était pas comme si Joah avouerait sa culpabilité.

«Il se serait violemment ennuyé, avec toi. Faire des maths, du basket, lire des histoires de le soir... C'était mieux un One Man Show, je suis entièrement d'accord avec moi-même.» riait-il aux éclats. Il ne se serait jamais douté que Jay ramènerait ce genre d'évènement sur la table. Pourtant, il avait fait ses meilleurs show avec Monsieur Poupi, et surtout, il lui était venu l'amour du théâtre avec cette petite peluche, ce doudou à l'odeur douteuse, qu'il avait apparemment arraché des mains de son frère.
Mais Joah continuait de rire. Cette discussion n'avait aucun sens, c'était une certitude. Mais c'était drôle, au moins. «T'as même pas essayé, ou en tout cas, j'en ai aucun souvenir. Je suis sûr qu'avec l'aide des parents, t'aurais fait un carnage et récupéré le nounours. Il faut pas s'écraser devant moi, hein... Surtout si je te vole tes affaires.» Il avait même failli lui voler Sophie sans le faire exprès, quand elle avait cru être allée en Date avec Joah, alors que, à l'instar de Dolly, tout ce qu'il avait fait, c'était envoyer son jumeau parce qu'il ne se sentait pas. Heureusement, la supercherie avait été de courte durée.

Pour ce qui était de la facilité de Joah à passer à autre chose que sa gueule de bois... «Hum.. c'est une expression. Mais plus de deux fois si tu veux tout savoir. On prend pas l'habitude après seulement deux fois. En revanche, boire de l'eau, t'as raison, ça te fera pas de mal. Du coup, allez, zou, on va grailler, je mangerais bien un troupeau d'éléphants en terme de quantités !»

Monsieur Poupi avait été le meilleur allié de Joah, dépassant Jay sur bien des plans. Parce que faire un One Man Show avec Jay... Hé bien, ça aurait déjà été un Two Men Show, pour commencer, mais ça n'aurait pas eu grand chose de drôle. Souvent, Jeremy était drôle à ses dépens, mais s'il s'essayait à faire de l'humour, on perdait bien vite la réalité des choses. Jeremy préférait faire ses devoirs, peu important la matière. Il n'avait vraiment pas grand chose de drôle, du moins du point de vue de son jumeau à cet âge là. Et même aujourd'hui, il pensait que Jeremy était devenu drôle avec le temps. Pas avant.

Joah fit tout de même une mine choquée devant son frère. «Mais je suis drôle ! Je te signale que Monsieur Poupi et moi, on a fait rire les parents aux larmes, à l'époque !» Bon, ils devaient surtout rire parce que Joah était ridicule, mais en soit, ils riaient tout de même. Qu'est-ce qu'en pourrait dire Jeremy, de tout ça, hein ? Il n'avait même pas essayé de se battre pour récupérer l'ourson. Mais son frère avait raison : il n'avait jamais été une balance. «Pourtant, t'aurais pu. T'en avais tous les droits. Et ça aurait pas fait de toi une balance, mais quelqu'un qui prenait en compte tous les moyens pour récupérer ce qui lui appartenait. Je t'en aurais sûrement voulu à l'époque. Mais ça aurait duré moins longtemps que pour toi la rancoeur d'avoir vu ton jumeau te voler ton nounours.» dit-il en rigolant un peu sarcastiquement. Pourtant, il le pensait vraiment, ce qu'il venait de dire. «Aujourd'hui, tu t'écrases plus. Mais avant, oui, tu te laissais souvent faire par moi. Je suis désolé d'avoir été un frère un peu compliqué à vivre. J'ai pas souvent pensé à toi dans mes actions, plus à ce que ça pouvait m'apporter, sans compter à quels dépens...» De plus belle, Joah poussa un soupir à s'en fendre l'âme.

Jeremy n'avait pas l'habitude de faire la fête, ça se voyait. Joah eut un éclat lumineux dans le regard, un petit quelque chose qui laissait apparaître de la complicité et de la duplicité à la fois. «Pourtant, c'est l'un des meilleurs moyens pour combattre le mal de tête, frangin..» dit-il, avant d'acquiescer. «Il me semble que c'est ce qui était indiqué dans la formule qu'on a pris hier. Mais j'étais tellement saoul que je peux pas trop te confirmer..» avouait Joah, sans la moindre honte, avant d'ouvrir les portes de la réception petit-déjeuner. Un rapide regard lui permis de jeter la tête en arrière avec un sourire presque charmeur. «C'est bien à volonté. Prêt pour le carnage gustatif? En tout cas, ça a l'air super bon, ça sent bon !»

Jay disait être passé à autre chose par rapport à Monsieur Poupi. Ah bon ? Car Joah n'était pas sûr que son frère en ait vraiment l'air. Mais soit, il avait appris à faire avec, et à accepter la critique par rapport à ses crimes d'enfant. Malgré tout, il essayait de se justifier. Joah était drôle, c'était une évidence ! Et on ne pouvait pas en dire autant de Jeremy. Enfin, la plupart du temps, quoi. Mais son frère ne semblait pas d'accord, et le raillait déjà à nouveau, offusquant légèrement Joah, qui prit un air boudeur. Non mais ! Bien sûr qu'il était drôle ! Il avait fondé toute sa technique de drague sur cette vérité dont il était certain. «N'importe quoi, d'abord. Tout le monde le dit que je suis drôle. Tout le monde sauf toi, et je crois que c'est ton devoir de jumeau de me rabaisser mon meilleur talent.» dit-il avant de tirer la langue, les yeux grossis par son boudage.

Et encore une fois, Jeremy en envoyait plein la tête à son frère, gentiment, en lui faisant remarquer que lui n'était pas cruel, à lui retirer Monsieur Poupi des mains. Donc Joah, quelque part, avait fait preuve de cruauté envers son frère. Oui, en fait, c'était même une certitude, cela. Il rit légèrement. «Ou alors tu avais peur, tout simplement.» Après tout, Joah avait longtemps exercé une attitude de Tyran envers son frère. Alors, un peu plus ou un peu moins... C'était peu choquant.
Si Joah faisait l'offusqué, Jay l'apaisa très vite en lui faisant remarquer que ce n'était que du passé. Pour Joah aussi, et il était d'ailleurs certain que M. Poupi était encore dans le garage de la maison occupée par leur mère. Peut-être avait-il DEJA trouvé le cadeau de NOel de son frère ? Ou le meilleur moyen d'en faire le moins possible.

Les voilà dans la salle de restaurant, et Jeremy râle de sa gueule de bois. Joah venait de lui donner son remède, qui n'était pas même une arnaque. «Ha mais je te promets, c'est ce que je fais ! Avec un chewing-gum quand derrière, je vois les parents, mais comme ça, ça n'est pas écrit sur mon visage comme actuellement sur le tien que je me suis pris une cuite la veille.» Au moins... C'était dit.

Jay et Alina, une grande histoire de désamour. Joah soupira.«J'en serais pas aussi certain, si j'étais toi. Tu sais, Papa a peut-être changé en bien depuis le divorce, mais Maman aussi, elle fait beaucoup d'efforts. Tu devrais demander à Josh. Après, ouais, elle est pas la mère la plus parfaite au monde. Mais elle essaie de devenir meilleure, je te le promets.»
Elle en faisait déjà avec Joah et Josh, pourquoi pas avec Jeremy qu'elle pleurait si souvent, en disant qu'il lui manquait. Alors, oui, Joah lui reprochait de ne toujours pas avoir contacté son fils pour avoir des nouvelles, mais la fierté, c'était encore une autre histoire.

Ils s'assirent ensuite à table, et les yeux de Joah n'étaient pas suffisant pour regarder toute la nourriture de loin, installée au buffet, ni ses narines suffisamment ouvertes pour pouvoir tout humer. «Je vais décéder de bonheur, ça a l'air tellement bon, j'ai trop trop trop faim !» dit-il en se levant, abandonnant son frère pour aller chercher à manger.

Joah lança un regard faussement réprobateur à son frère. Non mais. Il se prenait pour qui le mini Jay, là ? Normalement, la cuite de la vieille suffisait pour bon début comme châtiment. «Hého, je te permets pas, hein. Fais gaffe, de nous deux, on sait tous que c'est moi le frère costaud.» Lol. Jeremy pratiquait bien plus de sport que Joah, et on savait tous qu'entre les deux, il n'y avait guère de chances que Joah l'emporte. Mais ça, c'était le maître mot de Joah, l'intimidation. Car il ne faisait que du sport pour se défouler, pas pour besoin de sculpter il ne savait quel corps, contrairement à ce que les gens souhaitaient croire, bien qu'il n'aurait jamais frimé sur un début de muscle, rare moment où il aura choisi de se taire... Et à raison.


«C'est étrange, non ?» demanda-t-il, légèrement amusé. «j'ai toujours eu un peu peur de toi, dans nos disputes, en étant enfant. C'était pour ça que j'étais si insupportable et directif envers toi. Je voulais prendre le dessus pour que toi, tu ne le prennes pas. Parce qu'on sait tous les deux que j'aurais jamais gagné, si t'avais opposé résistance.» C'était bizarre, comment on pouvait penser, quand on est un enfant, non ?

Joah n'était pas choqué une seule seconde que son frère n'entende pas réitérer l'expérience de la boisson. Vu la tête qu'il avait, il pouvait comprendre. Même s'ils étaient jeunes, il allait falloir quelques jours, au moins un ou deux, pour que Jeremy recouve de sa gueule de bois. Pourtant, il n'avait aucun doute que son jumeau se relèverait sans souci. «Chelou, chelou... de suite les grands mots. Tu crois quoi ? Ils ne se sont jamais aperçus de la supercherie, les parents.»

Il ricana en entendant les mots de Jay. «Peut-être, à ce qu'il parait, c'est réel. Mais je ne connais pas ce mélange, je suis navré.» Son sourire était angélique, mais terriblement moqueur. Oh, pauvre Jeremy, si tu savais combien Joah riait de ta situation. C'est ton frère, et il t'aimera toujours, mais que tu es risible...! En tout cas, il était bien amusé de la situation, il n'avait jamais vu son frère comme ça. En attrapant un croissant sur le chemin, et en le fourrant quasiment à moitié dans sa bouche, il demanda, avant même d'avoir vidé ce qu'elle contenait. «tu veux faire quoi auchourd'hui ?»

Evidemment, aucune menace qu'il ne saurait proférer à l'encontre de son frère ne saurait l'effrayer vraiment. Evidemment, il sait qu'il n'a aucune chance. Pourtant, il tente tout de même, avant de regarder le visage de son frère. On dirait un reflet du sien, à la différence que celui qui a l'air à l'aise, si ce n'était amusé, par la situation, c'était Jeremy, et non lui.

Il aurait eu raison de faire jouer ses muscles, et sa force plus ample que celle de Joah, quand ils étaient plus jeunes, pour faire taire Joah. Pour que la tête de mule qu'il était, et le petit bonhomme caprice, comme l'appelait Garrett, ne reprenne sa juste place. Joah l'avait craint longtemps, cette situation, pourtant, Jay avait toujours laissé couler. «T'as grandi plus vite que moi, c'est évident.» surement la raison pour laquelle Jeremy avait toujours eu cette allure plus calme, plus mature, et surtout, pour laquelle il arrêtait de se battre contre Joah.

Joah en avait fait voir de toutes les couleurs à leurs parents, c'était sûr. Mais malgré tout, il restait intimement persuadé qu'ils n'étaient pas au courant de la moitié de ses actions et de ses conneries. Sinon, ils n'auraient pas laissé passer autant qu'ils avaient pu le faire, surtout quand on voyait les engueulades qu'il se prenait lorsqu'ils étaient au courant. Comme quand, à seize ans, Alina l'avait pris avec un joint dans la bouche. Ou quand il avait défait les roues du vélo du fils du voisin pour se venger et que Garrett l'avait repris de volée. Il se souvenait encore des cris de son père de ce jour là, comme si ça venait à peine d'arriver. «Honnêtement, je ne pense pas qu'ils aient su. Les choses se seraient passées bien différemment, je crois sinon.» dit-il en haussant les épaules avec une pointe de désinvolture.

«Ha non ! c'est toi qui cherche ton mélange aux légumes, tu le bois seul. Moi ça va très bien, merci !» dit-il avec une mine dégoûtée. Mais il savait qu'il finirait par ne plus avoir le choix. Ok, d'accord, hé bien, très bien. Il ne lui restait plus qu'à croiser les doigts, depuis ses poches, et à prier silencieusement tous les dieux possibles et inimaginables, pour qu'ils n'aient rien contre les gueules de bois. Pas de mélange dégueu de légumes, s'il vous plait !

En tout cas, si tel était le but de son frère, il avait au moins réussi à lui faire enlever la majeure partie non mâchée de son croissant de sa bouche. Le temps d'arriver jusqu'au présentoire, Joah n'avait plus faim, pas même d'une pâtisserie. «Pardon.» fit-il en baissant le ton, mais aussi son bras, au bout duquel se tenait le cadavre d'un croissant.