Car breakdown • Hannah & Philipp

En quittant ses locaux aujourd’hui, Hannah pensait rentrer rapidement chez elle après une éprouvante semaine, retrouver le confort de son foyer, le réconfort de son intimité. Elle pensait pouvoir se ressourcer rapidement avant d’avoir à affronter une nouvelle semaine. Retrouver Jonas un peu plus tard dans la soirée, quand il aurait lui-même fini de travailler, pour s’exiler ensemble loin du monde, loin de leurs problèmes et surtout loin, très loin, du jugement de la trentenaire, qui pourrait totalement les détruire.

Dans sa tête, les plans pour sa soirée étaient absolument parfait, bien qu’ils laissaient une large place à l’imprévu. Un imprévu qu’elle devait combler avec Jonas, selon leurs envies du moment. Mais aussi parfaits soient ses plans, ils étaient sans compter les aléas de la vie ou, plus précisément, les pannes de voiture alors que celle d’Hannah, au beau milieu d’une route peu emprunté, présente quelques signes inquiétants avant de s’arrêter, au beau milieu de la voie, laissant l’automobiliste pester derrière son volant. Comme si ça allait faire repartir le véhicule. Bien sûr que non.

Le véhicule arrêté au milieu de la route, la nuit qui commence déjà à tomber, voilà qui n’est pas pour améliorer l’humeur de l’agent immobilier qui se détache, sortant du véhicule pour aller ouvrir le capot, comme si elle allait pouvoir y comprendre quelque chose avec le moteur. Bien sûr que non. Alors instinctivement, elle appelle Jonas, laisse écouler les tonalités, jusqu’à tomber sur le répondeur de l’homme, sûrement toujours en audience, la laissant alors seule au milieu de cette route, sans solution. Si Guillaume n’avait pas été en déplacement professionnel, si Harry n’avait pas été en vacances, elle les aurait naturellement appelé… Mais tous les hommes de sa vie semblent, ce soit, aux abonnés absents et la rouquine contemple, impuissante, son moteur récalcitrant, essayant d’y comprendre quelque chose, en même temps qu’elle cherche le numéro du service assistance de son assurance.

Pourquoi fallait-il que ça lui arrive et pourquoi fallait-il que cela soit de ces heures ? Pourquoi fallait-il que ce soit alors que Jonas travaillait encore et que, visiblement, les bureaux de son assurance étaient pour leur part fermés ? Pourquoi fallait-il que cela arrive précisément un jour où ni Guillaume, ni Harry, ne pouvait faire quoi que ce soit pour elle, épuisant alors les maigres ressources qu’elle avait ? Certains diraient sans nul doute que c’était un mauvais karma, à croire qu’elle n’en avait pas déjà un suffisamment merdique avec le procès. A croire qu’elle avait besoin de ce genre de contrariétés en plus pour commencer son week-end et la priver d’un apaisement qu’elle avait pourtant mérité. Dont elle avait, même, besoin.

Devant son capot de voiture ouvert, elle se sent dépassée Hannah, sans savoir quoi faire alors que la mécanique ce n’est pas son fort, pour ne pas dire qu’elle n’y comprend strictement rien. Elle a grandi dans un univers où elle avait toujours quelqu’un pour s’en occuper pour elle, quelqu’un qui pouvait lui venir en aide, qui pouvait s’assurer pour elle que son véhicule était en bon état et qui pouvait, le cas échéant, s’occuper des réparations. mais ça… ça, elle n’y comprenait rien. Elle ne savait pas quoi faire. Et elle se sentai tcomme une incapable devant ce moteur, à ne pas savoir ce qu’elle pouvait faire, ne pas savoir commennt faire redémarer la voiture.

Une voix la fait sursauter en venant rompre le silence de la ruelle et Hannah se tourne alors vers l’homme qui s’avance, couvert de peinture, d’une chemise déchirée, l’allure indiquant clairement qu’il avait fait quelques travaux manuels. Peut-être était-ce son métier ou était-il féru de bricolage seulement. Tout ça ne la regardait pas toutefois et elle avait d’autres chats à fouetter. Enfin, une voiture à fouetter.

”- Je ne sais pas trop, la voiture s’est arrêtée et ne veut plus démarrer. L’assurance ne répond pas, mes frères ne sont pas disponibles et je… ne sais pas ce que je dois faire, s’il suffit de remettre un peu de quelque chose quelque part ou s’il faut plus...” s’explique Hannah.

Son incapacité, cependant, ne devait guère étonner l’homme au vu de l’allure qu’il pouvait lui voir, elégante, raffinée. A des lieux, donc, de la mécanique.

Tout n’arrivait pas toujours au bon moment mais il était tout simplement hors de question de laisser qui que ce soit au bord de la route. Je n’étais pas ainsi et même si j’avais d’autres choses à faire je partais du principe où, si j’appréciais qu’on me vienne en aide lorsqu’il le fallait, je devais faire de même aux autres, même à des inconnus. C’était quelque chose de naturel après tout, non ? Ne jugeant absolument pas aux apparences, malgré le fait que cette jeune femme ne travaillait très clairement pas dans la terre, à voir sa tenue parfaite, peut-être aimait-elle se mouiller les mains dès qu’elle retirait ses jolies chaussures, même si j’en doutais assez, il fallait le dire. J’attendis donc qu’elle m’expose ses problèmes avant de me pencher un peu au-dessus du capot pour mieux voir. Avec le soleil en pleine descente, cela allait être de moins en moins simple de voir.

« Je peux regarder ce que je peux faire, si vous voulez, sinon je pense qu’il faudra appeler une dépanneuse… Est-ce que vous avez vu un voyant s’allumer avant que le moteur s’arrête ? Est-ce que vous avez bien pensé à éteindre le moteur avec la clé, même s’il s’est arrêté ? » demandais-je en relevant le regard vers les alentours. Au milieu de la route comme ça, c’était tout de même assez dangereux… « Il faudrait que mettre la voiture sur le bas-côté. Je peux vous proposer de monter dedans, mettre la première, retirer le frein à main et tourner le volant pendant que je pousse ? » demandais-je doucement. J’avais un pick-up mais pas de treuil donc c’était la seule solution que je pouvais proposer pour que l’on puisse regarder, au moins en tout sécurité. Le pire serait bien de créer un accident à cause de cette panne, il ne fallait absolument pas que cela arrive.

C’était bien sa veine, décidément. Mais dans son malheur, l’agent immobilier a peut-être un peu de chance tout de même alors qu’un véhicule s’arrête, qu’un homme approche, inquiet de savoir ce qui lui arrive, de savoir s’il peut faire quelque chose pour lui venir en aide. A vrai dire, elle n’en savait trop rien. Mais peut-être était-il plus doué qu’elle ne l’était avec les voitures ? Elle avait eu une foutue habitude d’avoir toujours quelqu’un pour s’occuper de ces choses-là, si bien qu’elle ne se préoccupait de rien. Aujourd’hui, ce confort se retournait contre elle. Si elle n’avait pas mené l’existence oisive, bourgeoise, qui avait été la sienne, peut-être n’aurait-elle pas eu ce genre de problème. Peut-être qu’elle aurait sû quoi faire, où regarder, comment s’y prendre pour relancer la voiture.

”- Euh… Je n’en ai pas le souvenir. Mais peut-être. Je n’ai peut-être pas fait attention au voyant.” admet Hannah. ”Mais il me semble que la voiture sonne quand il y a un problème préoccupant et elle n’a pas sonné.”

Voilà, la technologie l’avait lâché, c’était aussi simple que ça. La faute de la voiture, qui avait décidé de s’arrêter tout à coup, sans crier gare, alors que la trentenaire ne s’y était pas attendu. Tout simplement. En attendant, que la faute soit la sienne ou celle du véhicule, le problème restait le même. Et il fallait le régler.

”- Euh non, je n’ai pas coupé le moteur !”

La voiture s’étant arrêtée toute seule, elle n’y avait pas du tout pensé, c’était idiot de sa part sûrement si bien que la trentenaire remonte dans son véhicule pour s’en occuper, y restant cependant comme son interlocuteur évoque l’hypothèse de pousser le véhicule pour l’enlever du passage. Si une voiture arrivait, ils ennuieraient effectivement le conducteur. Hannah acquiesce alors, écoutant les directives de l’homme en tournant le volant, comme ce dernier, lui, prend place derrière la voiture pour la pousser.

Les problèmes de voiture, ce n’était certainement pas le fort d’Hannah. Elle avait toujours eu quelqu’un pour s’en occuper, pour y penser pour elle. D’un certain point de vue, elle était certainement un peu dépendante des hommes, c’est vrai. Au moins sur ces questions là. Et c’était certainement un tort, c’est certain. Mais c’était ainsi qu’elle avait grandi, c’était alors plus fort qu’elle. Elle était dépendante, parce qu’elle n’avait tout simplement jamais eu le besoin ni la nécessité de s’en soucier. Jusqu’à présent. Et elle avait eu probablement de la chance ces derniers mois, que la voiture ne se décide pas à faire des siennes. Il fallait bien que la tendance s’inverse, alors. Il fallait bien qu’elle finisse par être ennuyée. Preuve qu’elle aurait dû la refourguer quelque temps auparavant, pour en prendre une neuve. Elle avait loupé le coche. Elle avait eu bien d’autres problèmes en tête, pour ne pas s’en rajouter avec la voiture. C’était certes une regrettable erreur. Elle s’en rendait compte à présent.

”- Euh… Hé bien, ça a été presque immédiat. Je crois. Enfin, elle a peut-être montré des signes, mais pas longtemps. Elle roulait parfaitement bien ce matin...”

De mémoire, en tout cas, l’agent immobilier n’avait pas eu de problèmes le matin même. Mais peut-être que ce n’était que des idées que se faisait la trentenaire et qu’elle était restée aveugle à des indices avant-coureurs qu’elle aurait dû percevoir, pour ne pas être autant embêtée à présent. Elle avait certainement eu autre chose en tête que de scruter son véhicule. Grossière erreur, là-encore.

”- Un contrôle ?” demande Hannah. ”A vrai dire, je ne garde jamais suffisamment une voiture pour faire le moindre contrôle.”

Société de consommation, probablement, mais qui lui évitait bien des ennuis en temps normal. C’était peut-être un peu pédant, aux yeux d’autres. C’était néanmoins d’une criante sincérité : jamais elle n’avait à s’ennuyer avec le moindre contrôle technique. Elle ne gardait jamais si longtemps une voiture. Celle-ci ne devait, d’ailleurs, pas encore répondre à ces exigences en termes de temps. Mais Hannah était bien incapable de l’assurer, de se souvenir de la date à laquelle elle avait fait l’acquisition de la voiture.

Si, là tout de suite, Hannah donnait une parfaite illustration du patriarcat, de la femme désoeuvrée face à des problèmes de mécaniques, aidée par un homme, elle n’y pouvait pas grand-chose. Le monde dans lequel elle avait grandi était, plus qu’aucun autre sûrement, totalement régit, effectivement, par le patriarcat et aucune femme de son rang ne s’en serait mieux sortie en matière de voiture, à moins d’avoir rejeté totalement tous les apprentissages, les endoctrinements, qui avaient été les siens. En d’autre terme, à sa place, aucune femme de la haute n’aurait vraiment donné une bonne image et, si elle aspire à se détacher, un peu, de toutes ces croyances qui lui ont été inculquées, de sorte à se protéger, la mécanique n’avait pas fait partie de ses priorités, loin de là. C’était l’un des rares point sur lesquels ce n’était pas si grave, dans le fond. Beaucoup de femmes, sans être bourgeoises, étaient totalement dépassées, malgré tout, par ces questions-là. Elle avait beaucoup plus urgent à faire, de son côté.

Aurait-elle dû se séparer de la voiture depuis quelque temps déjà ? Avait-elle oublié de s’en séparer suffisamment tôt après l’achat ? Avec son mari, ils avaient toujours changé rapidement leurs voitures, histoire de n’avoir jamais de problème ou presque. Mais avait-elle manqué le coche cette fois, perdue cette bonne habitude, en étant perdue dans les problèmes judiciaires qui avaient suivi le décès de son époux ? C’était possible. Probable. Elle ne se souvenait même pas, à vrai dire, de la date d’acquisition du véhicule, qu’elle avait totalement oublié de surveiller, c’est vrai. Et, le nez penché au-dessus de son moteur, elle se promet d’y jeter un oeil lorsqu’elle rentrera chez elle. Si elle y parvient, ce qui n’est encore pas gagné. Si elle continuait de jouer de malchance, il lui faudrait appeler une dépanneuse pour ramener la voiture dans un garage et prendre elle-même un taxi pour gagner, enfin, le repos tant mérité. Il ne restait plus qu’à espérer que ce genre de choses n’arrive pas, alors. Que les événements tournent un peu plus à son avantage, dans les minutes à venir.

”- Oui, bien sûr.”

Comme l’homme lui demande d’essayer de démarrer le moteur, Hannah acquiesce, accompagnant ses mots d’un élégant mouvement de tête avant de rejoindre le siège conducteur sur lequel elle prend place, gardant la portière ouverte en même temps qu’elle donne un coup de clé, essayant de démarrer. Que voulait-il voir, alors ? Qu’espérait-il apercevoir ? Que devait-il se passer ? Hannah ne fut guère surprise de réaliser que ça aussi, elle l’ignorait totalement.

”- Que voyez-vous ?” demande-t-elle, comme si elle pourrait saisir totalement la réponse qu’il lui donnerait.

Combien de voitures auraient été capables de passer sans s’arrêter ? Bien des personnes étaient ingrates dans ce pays, surtout lorsqu’il s’agissait de rentrer chez soi après une grosse journée. Et s’arrêter en pleine campagne pour aider quelqu’un, jeune femme ou pas, cela ne passerait pas dans la tête de bien des personnes, ce qui en soit, était particulièrement triste. Aider son prochain, ce n’était pas là l’un des grands principes de la religion la plus répandue dans le pays ? Je n’étais pas spécialement croyant, pas plus qu’un autre en tout cas mais je trouvais que cela devrait être un mantra international, quelque chose que chacun devait faire sans se poser la moindre question. Penché sur le moteur de cette voiture que tous les véhicules que j’avais pu avoir jusqu’ici. Bon, ce n’était pas vraiment vrai mais généralement mes voitures ne restaient pas si propres bien longtemps. Même celle que j’utilisais surtout pour aller en ville, il devait y avoir un peu de terre quelque part sur la carrosserie. Cette jeune femme paraissait très distinguée alors je pouvais bien l’aider comme je le pouvais, passer le début de la nuit seule ici, ce n’était très certainement pas l’idéal.

Le moteur rugissant en essayant de démarrer bien qu’en vain, je hochais doucement la tête. Nous allions commencer par la base, alors. Je n’avais pas tant de connaissances en mécanique si ce n’était les pannes que j’avais déjà pu réparer sur les véhicules du centre équestre. La question me tira un petit sourire alors que je relevais les yeux vers la demoiselle. « Eh bien justement, pas grand-chose… Il commence à faire froid, on va voir si donner un petit coup de peps à votre batterie ferait tout repartir ! » dis-je doucement en faisant quelques pas vers l’arrière. « Je vais aller chercher des câbles et un chargeur à mon travail, ça ne va pas prendre très longtemps, vous pouvez rester ici ou venir avec moi, si vous préférez. »

Lorsque l’homme indique ne pas voir grand chose du fait de la nuit bien tombée au-dessus de leurs têtes, Hannah dessine sur ses lèvres une petite moue contrariée. Elle aurait nettement préféré une réponse positive, que l’homme dise avoir vu quelque chose qui puisse lui faire comprendre la nature du problème. Mais non. Elle allait peut-être devoir réellement appeler un garage, donc, et demander une location pour pouvoir rentrer chez elle. Autant dire, dans ce cas, qu’elle n’était pas prête de pouvoir se reposer après cette journée, un constat qui lui tire un soupir. C’était bien sa veine. Quand elle pourrait enfin rentrer elle serait au mieux affamée, au pire épuisée - encore plus que maintenant - et tomberait alors comme une masse sans avoir eu le temps de se détendre.

Sortant de la voiture, Hannah tente de jeter un coup d'œil inutile au moteur de sa voiture. D’une part, bien sûr, elle ne peut rien y voir de plus que Philipp lui-même a pu voir. Mais même si elle avait eu une meilleure vue, ses connaissances limitées - inexistantes - en matière de mécanique ne lui auraient pas permis de poser le moindre diagnostic, si bien qu’ils n’auraient pas été plus avancés. Pour ces questions là, il valait bien mieux qu’elle s’en remette à des spécialistes, elle n’aurait pas eu la prétention de faire mieux.

Comme l’homme parle d’aller chercher une batterie sur son lieu de travail, s’inquiétant de savoir si elle préférait rester ici à l’attendre ou venir avec lui, Hannah se fige, pâlissant un peu. Elle ne le connaissait pas, ce type. Et elle en avait déjà tant vu, dans son existence. Son propre mari, dont elle n’avait jamais pensé au départ qu’il puisse être un monstre, cachait sous la surface une personnalité pourrie. Il en était peut-être de même pour cet homme-là. Mais la perspective de rester seule la nuit, au beau milieu d’une rue déserte, avec une voiture en panne, n’était guère plus réjouissante. C’était même probablement bien plus dangereux pour elle, tout bien réfléchi. Qui sait quels monstres peuvent rester tapis dans l’ombre.

”- Je ferme la voiture et je vous suis !” affirme-t-elle alors avant de s'exécuter, verrouillant la voiture derrière elle, lui laissant le soin de fermer le capot.

Se retrouver dans une situation si fâcheuse pouvait arriver à tout le monde. Certaines personnes étaient capables de se débrouiller pour faire redémarrer une voiture mais Philipp n’était certainement pas prêt à mettre les mains dans une voiture qui ne lui appartenait pas pour la bidouiller comme il savait parfaitement faire parfois sur ses propres véhicules. L’objectif était bien que la jeune rousse rentre chez elle sans encombre de plus alors il devait faire du mieux qu’il pouvait pour le moment. Et là, il ne savait pas trop. Tout comme Hannah, l’intérieur d’un capot n’était pas du tout son domaine d’expertise, n’en déplaise aux vêtements qu’il pouvait parfois porter, loin d’être à la dernière des modes.

Laissant le choix à Hannah de l’accompagner ou non, il ferma tranquillement le capot puis l’invita à le suivre jusqu’à sa voiture, dans un état bien moins propre que la sienne d’ailleurs. Il monta derrière le volant et frotta légèrement le siège passager pour en retirer le sable qui se trouvaient parfois sur les fesses des cavaliers qu’il lui arrivait de ramener chez eux. Il offrit un petit sourire à la jeune femme. « Excusez-moi, ce n’est pas très propre… » dit-il doucement en la laissant prendre place, démarrant tranquillement le moteur pou faire demi-tour et reprendre le chemin qu’il avait fait quelques minutes plus tôt, en sens inverse. Il baissa bien évidemment le volume de la radio afin de ne pas déranger Hannah, il avait tendance à écouter un peu fort. Phares allumés, il roulait tranquillement vers le centre équestre qui n’était absolument pas loin. « Pardonnez-moi si c’est déplacé mais, est-ce que vous vivez à Hambourg ? Une m’en voudrais de redémarrer votre voiture pour que cela recommence un peu plus loin et que je ne puisse pas vous aider car je ne serais plus là… »

L’homme proposant qu’elle l'accompagne jusqu’à son travail pour prendre des câbles et autres accessoires susceptibles de l’aider à faire redémarrer le véhicule, la trentenaire s’empresse d’accepter, préférant aller avec lui que rester seule dans une rue sombre et déserte, vulnérable, à la merci de tout et de n’importe quoi. Monter en voiture avec un inconnu n’avait peut-être rien de très prudent en soit, mais c’était possiblement la solution la moins risquée pour elle, en l’état actuel des choses. Et l’homme n’avait pas l’air d’être un fou furieux, du reste. Elle devait donc pouvoir le suivre à peu près sans risque. S’il avait dû lui faire du mal, ne l’aurait-il pas déjà fait ? Il en aurait eu l’occasion, en tout cas, depuis qu’il s’était arrêté pour lui venir en aide. Et plus d’une fois, par ailleurs. Elle pouvait donc sûrement l’accompagner. De toute façon, elle n’avait pas guère d’autre solution, si elle ne voulait pas rester ici toute seule.

Le laissant épousseter le siège, la rouquine prend finalement place sur le siège à ses côtés. Certes, la voiture n’était pas reluisante de propreté, rien à voir avec la sienne, loin de là. La trentenaire, cependant, se garderait bien de faire la moindre réflexion à ce sujet. Il était déjà bien généreux, bien gentil, de lui venir en aide. Elle n’allait pas cracher sur sa main tendue ou critiquer l’état de la voiture supposée lui sauver la mise. Lui-même n’était du reste pas très propre sur lui, trahissant un travail manuel, probablement en lien avec des animaux. C’est la conclusion que la rouquine en tire, même si elle ne demandera pas confirmation. Elle l’aura bien assez vite, puisqu’ils vont au travail de l’homme, de toute façon.

”- Ce n’est rien !” assure Hannah.

Le moteur démarre et l’homme prend alors la route dans un silence religieux pendant quelques minutes, baissant en même temps le son de la radio. Hannah, pour sa part, perd son regard par la fenêtre quelque temps, jusqu’à ce que l’homme reprenne la parole, brisant le silence, s’inquiétant de savoir si elle aurait beaucoup de route à faire par la suite.

”- Non non, je n’ai plus beaucoup de route à faire une fois que la voiture aura redémarré." affirme Hannah. ”J’étais presque à la maison, à quelques minutes près.” dit-elle, sans toutefois trop en révéler sur son adresse.

Venir en aide aux autres était toujours une chose à faire pour Philipp. Il lui était totalement inconcevable de rester près de quelqu’un et de ne pas au moins aller lui proposer de l’aide si cette personne semblait en difficulté quelconque. Même si parfois il ne pouvait pas faire grand-chose, il se disait que le fait de demander pouvait déjà être un premier pas, être agréable. Qui n’aimait pas pouvoir attraper une main tendue lorsqu’il était en difficulté pour se relever parfois bien plus facilement ?

Ce soir, il n’avait pas envie d’embêter la demoiselle plus que nécessaire. Elle était en difficulté et il voulait très sincèrement l’aider mais rien que le fait qu’ils se soient rencontrés dans une forêt pouvait peut-être effrayer, d’un côté, la jolie rouquine. Il n’était alors pas forcément nécessaire d’aggraver les choses. Alors il resta silencieux presque tout le trajet, à l’exception de quelques mots, pour demander à la demoiselle si elle était encore loin de chez elle. Il ne réagit même pas au fait que cette question pouvait être totalement déplacée, que Hannah pouvait la trouver étrange. D’ailleurs, en entendant sa réponse, il opina légèrement du chef. « Bon alors, tant mieux, je suis rassuré… » dit-il avant de retourner dans son silence.

Bien vite après cela, ils arrivèrent devant le grand portail du centre équestre. Le propriétaire des lieux descendit de voiture pour aller l’ouvrir avant de revenir pour que la voiture remonte la grande allée jusqu’aux bâtiments pour garer la voiture juste à côté et éteindre le moteur. Il descendit rapidement de voiture au passage, accueillit par son chien qui avait décidé de rester sur place pour la nuit. Il le caressa doucement avant que le chien ne fasse le tour de la voiture pour voir qui était avec lui et réclamer une ou deux caresses dans son pelage où se promenaient quelques petits bouts de paille. Plutôt normal, quand il se faisait rouler sur le dos dans les écuries.

« Si vous voulez rester près de la voiture, vous pouvez, je ne vais pas en avoir pour longtemps. » dit-il en allant allumer les lumières du parking pour que l’endroit ne se retrouve pas totalement plongé dans la pénombre. Certaines personnes ne se sentaient pas vraiment en sécurité dans ce genre d’endroits alors il comprenait si la demoiselle préférait rester dans la voiture. Pour sa part, il partit en direction d’un hangar juste à côté de la carrière, l’endroit non couvert où se trouvaient une partie des entraînements. Il ouvrit la porte et entra rapidement dedans. C’était ‘endroit où il rangeait habituellement le 4x4 qu’il avait ce soir, sa berline étant plutôt garée à l’intérieur ce soir. Il y avait du matériel en tout genre pour tous les dégâts et problèmes matériels à régler sur les bâtiments ou les véhicules du centre. Il récupéra donc une batterie portable avec des câbles et, vaut mieux prévenir que guérir, prit un bidon d’essence pour aller charger le tout dans le coffre de son véhicule.

S’il s’excuse pour l’état de sa voiture, Hannah pour sa part n’y accorde aucune attention. Loin d’elle l’idée de critiquer la voiture comme le conducteur qui lui sauvent la mise ce soir, alors qu’elle s’est retrouvée seule dans une ruelle sombre quand la nuit tombe, en étant une femme. N’était-ce pas, d’ailleurs, une chose qui lui était plus ou moins arrivée il y a un certain temps maintenant, avec un homme beaucoup plus inquiétant, à l’époque, qui voulait qu’elle fuit sur sa moto ? Comme si elle allait monter avec un parfait inconnu, quand bien-même celui-ci lui avait sauvé la mise ? Ce soir était bien différent cependant. Là où Bardamu avait été violent et intriguant, inquiétant, Philipp était pour sa part doux, délicat. Et contrairement à il y a deux ans, l’agent immobilier n’était pas à seulement quelques dizaines de mètres de son appartement. Ce soir, elle ne pouvait pas rentrer se mettre à l’abri en seulement quelques pas. Peu importe, puisque Philipp ne dégage pas du tout la même aura que la brute épaisse qu’elle avait rencontré ce soir-là et qui, même si elle l’avait tiré d’un mauvais pas, n’inspirait pas du tout confiance. Un type qui avait déjà fait de la prison, il l’avait dit lui-même, en plus. Cette prison où elle-même aurait dû aller, d’ailleurs, et qu’elle évitait à tout prix. Même si cet homme était peut-être aussi innocent qu’elle, la brutalité de ses gestes aurait dissuadé n’importe qui de monter avec lui, assurément.

”- Ne vous en faites pas.” remarque Hannah, cherchant à meubler le silence.

Alors qu’ils roulent, toutefois, le calme les envahit, seulement perturbé par le ronronnement du moteur du 4x4 avalant les kilomètres qui les séparent de ce qui, quand ils s’arrêtent devant, ressemble à un centre équestre. Preuve qu’elle avait eu raison de songer qu’il travaillait avec les animaux, ce qui expliquait l’état du véhicule domme l’odeur qu’il dégageait. Et de laquelle Hannah n’avait pas le moins du monde à se plaindre. Elle lui devait une si fière chandelle, que cela aurait été bien malvenu de sa part de se le permettre.

”- Prenez votre temps, je vous attend ici.” confirme Hannah comme il lui propose de rester aux abords de la voiture.

Le laissant entrer dans un grand hangar dans lequel l’homme disparaît, la trentenaire perd son regard par la fenêtre sur l’obscurité de l’endroit. C’était un peu glauque, un centre équestre, la nuit. Quand il n’y a pas âme qui vive. Elle ne s’en doutait pas, autrefois. Elle n’était jamais restée jusqu’à la fermeture. Quand elle était enfant, elle avait bien eu quelques cours d’équitation, mais tout de suite après ceux-ci, elle devait à l’époque filer au conservatoire pour exercer sa pratique du piano - pour laquelle elle n’avait jamais été très doué à vrai dire - si bien qu’elle n’avait jamais vu à quoi pouvait ressembler une carrière, à la nuit tombée.

Venir en aide à Hannah et tenter de le faire avant la tombée de la nuit semblait être la meilleure solution. En tout cas, Philipp espérait très sincèrement le faire pour rendre service à la demoiselle, l’aider à rentrer chez elle en sécurité et ne certainement pas l’abandonner sur le bord de la route, à moitié dans la forêt alors que l’obscurité totale s’approchait à grand pas. Alors bien évidemment, il mit dans sa voiture tout ce qui pouvait être utile, faisant plusieurs aller-retours. De toute façon, il serait le premier à arriver demain matin, pour ne pas changer alors si jamais il manquait quelque chose, ce ne serait très certainement pas pour longtemps.

Hannah toujours à bord du véhicule, il partit récupérer deux triangles à poser sur la route si jamais cela prenait un peu plus de temps. Il passa aussi dans son bureau pour récupérer un petit plaid qu’il laissait toujours posé sur son canapé. Il remonta dans le 4x4 et le tendit doucement à la jeune femme. Elle avait de la chambre, le bureau de Philipp, s’il était assez en bazar à cause des papiers qui trainaient un peu partout, il était parfaitement propre et le plaid avait une douce odeur de linge propre.

Sans remettre sa ceinture pour le moment, il démarra de nouveau le moteur de la voiture pour la remettre en route vers la sortie du centre équestre. « Je m’excuse si j’ai été un peu long… » dit-il pour s’excuser, comme souvent quand on le connaissait un peu. Il sourit néanmoins à la jeune femme avant de sortir du véhicule pour fermer le portail derrière eux et finalement en empêcher tout accès par la route. Puis ils reprirent la route vers la voiture abandonnée sur le bord de la route.





(Désolée, c'est pas très long  )

Dans son malheur, Hannah avait eu de la chance de tomber sur lui, alors qu’elle aurait pu tomber sur n’importe qui d’autre de bien moins rassurant, ou de beaucoup plus mal intentionné. Elle aurait pu croiser des gens qui seraient restés indifférents à sa situation et l’auraient simplement laissés se débrouiller toute seule avec ses problèmes tandis qu’ils auraient emprunté une autre voie pour rejoindre leur destination. Mais non. Elle avait eu la chance de tomber sur cet inconnu qui lui avait porté une main secourable, jusqu’à retourner sur son lieu de travail malgré la nuit tombée pour la sortir de ce mauvais pas et récupérer de quoi faire repartir la voiture. Il ne s’en était pas foutu, lui, de la trouver en pareille situation seule au volant, dans la nuit qui tombait. Il n’avait pas détourné le regard en apercevant la scène et avait tout au contraire volé au secours de l’agent immobilier. Oui, indéniablement, elle avait eu de la chance alors que l’homme, par ailleurs, se montre doux et prévenant avec elle, ressortant de son bureau au bout de quelques minutes en ayant prit soin d’attraper un plaid au passage de sorte qu’elle puisse se couvrir le temps du dépannage. Prévenant, disions-nous donc.

”- Oh non, non, ne vous excusez pas.” s’empresse de répondre Hannah comme l’homme craint d’avoir été un peu trop long à revenir.

Il serait bien malvenu de la part de la rouquine d’oser se plaindre de quoi que ce soit alors que l’homme était en train de lui venir en aide au lieu de rentrer tranquillement se reposer chez lui après une journée de travail. Travail qui avait tout l’air d’être physique, au vu de l’endroit qu’ils quittent pour retourner à la voiture qu’ils ont laissés sur le bord de la route. Il avait sûrement, à l’origine, bien d’autres projets pour sa soirée que celui de jouer au mécano sur la voiture d’une parfaite inconnue. Et même si, elle aussi, avait bien d’autres projets pour sa soirée à la base, c’était bel et bien sa voiture qui était à l’origine de tout ça. Sa voiture, son problème. Il était donc déjà bien gentil de lui venir en aide.

"- Merci. Pour tout ce que vous faites ce soir." souffle-t-elle, brisant le silence s'étant invité dans l'habitacle. "Vous ne me connaissez même pas et vous aviez sûrement envie de rentrer rapidement chez vous alors... C'est vraiment... très aimable de votre part."

Heureusement il y a encore des personnes sur qui on peut compter dans ce monde, des personnes qui ne pensent pas qu'à elles et qui sont prêtes à aider les autres, à se montrer généreux. Il aurait largement pu faire comme s’il ne l’avait pas vu, il aurait largement pu continuer sa route et rentrer chez lui. De ces heures il devait en avoir largement envie. Qu’il se soit arrêté était déjà, donc, vraiment réconfortant. Mais qu’il prenne autant de temps, en prime, pour lui venir en aide, pour aller à son travail chercher du matériel et revienne pour essayer de la dépanner… D’autres auraient sûrement tout simplement appelé une dépanneuse, ou l’auraient laissés se débrouiller seule en voyant la difficulté du problème. Certains auraient fait semblant de s’y intéresser quelques minutes, avant de prendre la poudre d’escampette pour retourner chez eux. Un vendredi soir, surtout, ils auraient été nombreux à faire ce coup-là, à préférer être n’importe où ailleurs qu’ici. Mais il était resté et non content de cela il assurait que ce n’était rien, que ce n’était pas grave. C’est quelque chose à quoi elle n’était pas habituée. Dans le monde de fou dans lequel elle avait grandi, la générosité n’était pas le fort de tous. On avait pas été capable de l’aider dans son mariage et, au contraire, on l’avait condamné en lui apprenant à ne surtout pas faire de vagues.

Le soutien est une chose étrange. Elle n’en a pas connu après avoir tué son mari, quand on l’a au contraire accusé d’avoir prémédité le meurtre. Elle n’avait plus l’habitude de la générosité, de la bonté, parce qu’elle avait trop connu la haine dans les semaines qui avaient suivi le début du premier procès, surtout. Cette haine avait presque occulté de son esprit les soutiens qu’elle avait pu recevoir. A ses yeux, le monde était devenu bien moche ces dernières années.

”- C ‘est très gentil à vous…” souffle tout de même Hannah.

Bien sûr on espère toujours que si nos proches ont un problème, ils trouveront quelqu’un pour leur venir en aide. Pour autant tout le monde n’est pas toujours prêt à aider son prochain. Même s’ils espèrent que leurs proches seraient aidés, tous ne sont pas prêts à faire l’effort en sens inverse. Ainsi tourne le monde, dans l'égoïsme le plus total. C’est une chose qu’Hannah sait depuis fort longtemps.

Comme l’homme lui demande si elle peut ouvrir son réservoir, la trentenaire s’empresse de s’exécuter, ouvrant donc son réservoir pour permettre à l’homme d’y introduire la jerricane d’essence. Avait-elle oublié de s’approvisionner en carburant ? La voiture n’avait pas tiré la sonnette d’alarme pourtant. Ou l’avait-elle oublié ? Ce n’était pas impossible.