Louise * «La danse est le langage caché de l’âme.»*

Les championnats seront bientôt là, Lisa ne les perds pas de vue, pas plus qu'elle ne perd de vu ses études et tout les impératifs qui jonchent sa vie, en réalité. De fait, après les cours ce soir et non sans avoir envoyé un message à son cher et tendre avocat, la demoiselle s'empresse de gagner la patinoire pour son entraînement privé avec Alexander. Rapidement, elle salut Ludwig installé derrière son office à l'accueil et récupère une clé pour un casier. Elle se change rapidement, fourre ses affaires dans le casier qu'elle referme soigneusement avant de sortir, patins aux pieds, prenant appuie sur ses protèges lames. La jeune femme rejoint rapidement son entraîneur pour un check-up des exercices du jour et acquiesce comme l'homme lui demande de s'échauffer un peu, pendant qu'il termine de dispenser le cours collectif des poussins. Elle acquiesce et s'installe dans un coin, commence ses étirements divers, avant de commencer à réellement travailler sur la glace, répétant sa chorégraphie pour le championnat. Alors qu'elle réussit son quadruple axel, la jeune fille sourit, d'entendre derrière elle les fillettes s'extasier, piailler, émerveillées par la technique et la maîtrise du mouvement. Réception. Piqué. Salchow. Saut en carré. Lisa répète, sans se déconcentrer, avant de rejoindre Alexander fin prête, quand ce dernier laisse les plus jeunes retrouver le chemin des vestiaires en compagnie des parents venus comme toujours, à la fin de l'heure, s'amasser autour de la glace pour voir évoluer leurs princes et princesses.

L'homme donne ses consignes, la belle s'exécute. Le programme est fin prêt, il n'y a plus qu'à le travailler encore et encore, sans relâche, jusqu'à ce que le championnat soit là. Elle pourra souffler ensuite mais pour le moment la jolie demoiselle doit seulement tout donner. Alors elle s'installe au centre de la glace et attend la musique. Celle-ci démarre. Le bras de la rouquine se lève, gracieux, accompagnant les notes. La jambe lui emboîte le pas, glisse sur la surface lisse de la patinoire et les mouvements commencent à s'enchaîner, les uns après les autres malgré la fatigue de Lisa, entre les cours et les entraînement, les procès à suivre, et tout ce que sa vie exige d'elle.

«- Va jusqu'au bout du mouvement Lisa, l'ouverture du bras était faible !» reprend Alexander.

Le patinage, ce n'est pas toute sa vie mais en grande partie. Vingt ans qu'elle abîme la glace avec ses lames. Vingt ans qu'elle y dessine des arabesques, du bout des jambes. Lisa aime ce sport, depuis des années. Elle l'aime sûrement autant qu'elle aime le droit et la justice. Sur la glace, la jeune femme se sent bien, se sent libre. Plus rien ne compte alors et elle est dans sa bulle. S'il est un endroit où sa confiance en ses capacités s'est toujours exprimé, ça a toujours été sur la glace. Parce que Lisa la maîtrise. Que la glace est son amie. Elles ne font plus qu'un, alors, unies par la lame des patins et si Lisa la quitte parfois, ce n'est jamais que pour effectuer un saut ou un autre et glisser de nouveau rapidement sur la surface lisse, en rythme sur la musique. Cet enchaînement, elle le travaille depuis des mois et s'y applique particulièrement, parce qu'il a une signification particulière pour elle. La jeune femme a souvent dansé pour sa mère, dédiée à cette femme ses prestations. Mais celle-ci, cette musique, ces pas, c'est pour Benett. Parce que cette année a été décisive pour eux, c'est l'impression qu'elle a, entre leurs aveux, leur installation ensemble et tout ces moments passés. Alors elle y met plus de cœur encore. Et pourtant, pourtant ce n'est pas parfait.

Elle écoute, la jeune femme, alors que son entraîneur lui donne quelques recommandations. Parce que pour atteindre la perfection, il faut travailler encore et encore. Et ce n'est jamais assez. On peut toujours faire mieux. On peut toujours faire plus. Dépasser ce qui semble être sa limite. Alors elle se donne, Lisa, à fond et ce même si c'est peut-être bien sa dernière compétition, parce qu'elle ne peut pas mener de front deux carrières à la fois et que son choix, évidemment, c'est le droit, comme depuis toujours. Elle se donne à fond, parce que ce sera peut-être sa dernière occasion d'atteindre la plus haute marche du podium. Se retirer sur un titre et faire ses adieux à la foule... Parce que la vie avance, et que certaines choses ne peuvent être immuable, elle n'aura bientôt plus assez de temps pour l'entraînement. Avec les études c'est déjà bien difficile. Mais quand elle travaillera. Quand elle sera mère... La vie implique de faire des choix. Alors elle se concentre. Parce que cette compétition, ce sera peut-être ses adieux à la foule, à son public.

Elle sursaute un peu, perd sa concentration deux minutes en entendant la voix de Louise et rapidement, la patineuse retourne dans sa bulle pour finir son entraînement. Mais les questions affluent dans son esprit alors qu'elle se demande ce qui explique la présence de son ancienne professeur de danse. Parce qu'à une époque, pour s'améliorer en grâce, en patin, elle avait demandé des cours de danse à sa mère. Ruth avait dit oui. Évidemment. Pour le bonheur de Lisa, sa mère faisait n'importe quoi, désireuse sûrement de compenser auprès de sa princesse l'absence de son père.

La pause, enfin. Lisa rejoint le bord de la patinoire et elle attrape la bouteille d'eau qu'Alexander lui tend, pour en prendre quelques gorgées alors qu'il lui recommande de faire doucement. Elle sait, depuis le temps et elle repose la bouteille pour rejoindre la blonde au bord de la glace.

«- Bonjour madame Bodmann ! Qu'est-ce qui vous amène ici ?» demande la jeune femme d'un air on ne peut plus curieux. «Le ''spectacle'' vous a plu ?»