Raffael travaillait. Rien de bien inhabituel, si ce n'est la chaleur ambiante et le bruit de la clim qui lui collait un mal de crâne assez important. Franchement, il aurait donné beaucoup pour poser des vacances et s'enfuir dans des latitudes polaires pour les prochaines semaines, mais il en avait déjà posé le mois précédent pour s'occuper de Sybille, et entre la visite à sa mère et à son frère, ils n'avaient pas vraiment eu le temps de s'éloigner de l'Europe centrale. Il retira sa veste et remonta les manches de sa chemise blanche, pas très professionnel mais son prochain rendez-vous ne devez arriver qu'une heure plus tard. Il avait le temps de boucler un dossier pour un gros client qui s'était montré très insistant le matin même. Il avait d'ailleurs posé des billets pour un match de foot sur la table du restaurant où se passait l'entretien. Raffael avait poliment décliné sous le sourire crispé de la direction. Il ne fallait pas se mentir, Raffael acceptait certains "cadeaux", les actes d'"hospitalité", lobbying, pot-de-vin, remerciement, peu importe comment les gens appellent cela. Il avait une montre au poignet qui le prouvait, et quelques babioles à la maison -enfin, babioles, parfois de valeur- mais il ne prenait pas tout. Surtout que c'était trop gros, trop direct, et quand le message "regardez ce que je peux apporter à votre entreprise, alors dépêchez vous d’accéder à toutes mes demandes" était inscrit de manière bien trop visible sur l'emballage. Il avait quand même envie de garder son indépendance et sa dignité. Enfin, un minimum.
Quand on sonna à son répondeur pour lui annoncer que son rendez-vous était arrivé, il n'était pas prêt. Du tout. Raffael était quelqu'un de travailleur, mais pas vraiment quelqu'un de soigneux. Il avait plutôt tendance à ranger après que l'orage soit passé, et il regardait d'un oeil suspicieux ceux qui, même en plein rush, gardaient leur zone de travail claire et lisible. Il eut le temps d'entasser les papiers et de les mettre dans un tiroir, qui se referma qu'à moitié tellement il était bondé. Des stylos et une tablette trainaient encore sur le bureau, avec des photos de sa fille. Au mur, il n'y avait pas d'oeuvres d'art, seulement son diplôme encadré et un ticket dédicacé d'un joueur de hockey Suisse. Raffael baissa ses manches sans prendre la peine de remettre les boutons de manchette ni d'enfiler sa veste et se leva pour ouvrir la porte. Heureusement qu'il avait consulté le dossier plus tôt, il savait au moins à quoi s'attendre.
- Madame la Juge, je vous en pris entrez.
Il avait haussé un sourcil surpris en apprenant qu'Elisabeth Rosenthal venait le consulter. En réalité, elle était affilié à une de ses collègues, mais celle-ci était en vacances et c'est Raffael qui assurait l'intendance pendant cette période. Il se maudit, il aurait dû être plus qu'irréprochable pour cette entrevue. En même temps, c'est digne de ceux qui naissent avec une cuillère d'argent dans la bouche que de refuser d'attendre deux semaines le retour de leur conseiller. Bien sûr qu'elle avait un emploi du temps chargé, mais le monde entier n'était pas obligé de se soumettre à son calendrier. Sois professionnel Raffael. Il allait l'être, évidemment. Il fit chercher des rafraichissements au stagiaire qui travaillait là et s'installa derrière son bureau.
- Je vous prie de m'excuser, mais je crains que ma collègue ne m'est pas fait part de la raison de votre visite aujourd'hui. Je sais simplement que vous êtes en procédure de divorce et cherchez à négocier certains de vos biens.
gare à la crise de la quarantaine
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Re: Séance à la banque [Lizzie & Raffael]
Ven 10 Aoû 2018 - 21:10
SEANCE A LA BANQUE RAFFAEL + LIZZIE
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Elisabeth avait quitté son lieu de travail à la hâte pour s’engouffrer dans la chaleur de l’été. Elle avait eu toutes les difficultés du monde à s’échapper du tribunal où elle était incessamment sollicitée par ses collègues et son téléphone qui semblait ne jamais vouloir s’arrêter de sonner. Il lui avait pourtant fallu partir, elle avait en effet un rendez-vous important à la banque qui se situait à quelques minutes de marche. C’était donc à pieds qu’elle s’était décidée à affronter la torpeur de ce mois de juillet. Si l’atmosphère était lourde et oppressante, ce n’était pas exclusivement du fait de la météo. Son ancien conjoint tramait un mauvais coup, elle en était persuadée. Il la harcelait de messages depuis quelques jours, la sommant de lui revendre les parts qu’elle possédait au sein de l’entreprise de son frère dans laquelle ils avaient tous deux largement investi quelques années auparavant. Il lui avait même fait parvenir par coursier deux jours auparavant tous les documents administratifs nécessaires, soigneusement ordonnés et pré-remplis dans une enveloppe cachetée. Julian jouait sur la corde sensible pour la faire plier mais Liz ne pouvait s’empêcher d’y voir une stratégie. Bien que l’idée de rompre définitivement l’un des liens qui l’unissait encore à cet homme ne soit pas sans lui déplaire, elle craignait en perdant sa place au conseil d’administration et donc toute visibilité sur les prises de décisions de laisser toute liberté à Julian d’utiliser cette entreprise pour dissimuler des fonds avant que la procédure de divorce ne soit officiellement lancée. Elisabeth en était persuadée, son ex en avait après son argent et elle ne supportait pas l’idée de se faire flouer, de se laisser abuser. A nouveau.
Lizzie s’était tellement précipitée qu’elle arriva en avance à la banque. Elle franchit la porte, et parcourut les quelques pas qui la séparaient du guichet avec son élégance habituelle. On l’y accueillit comme à l’accoutumée, avec les égards que l’on réserve aux clients dont le solde du compte bancaire frôle l’indécence. On l’accompagna ensuite jusqu’au bureau du banquier qui allait la recevoir en l’absence de sa conseillère habituelle. Raffael Hartmann. Elle le connaissait de réputation et l’avait croisé à quelques reprises lors d’événements mondains. Il représentait l’archétype parfait du nouveau riche qui estime être supérieur à ses nouveaux semblables car il s’est hissé lui-même au sommet de la pyramide sociale et qui demeure totalement inconscient de sa propre ignorance. Soit. Elle avait besoin d’un professionnel de la finance pour la sortir de l’impasse et il était d’après les dires l’un des meilleurs en son domaine. Elisabeth arrangea ses cheveux puis la porte s’ouvrit devant elle, laissant apparaître le fameux Hartmann. Elle ne put s’empêcher de réprimer un léger sourire devant sa présentation quelque peu négligée. Elle lui serra énergiquement la main « Bonjour Monsieur Hartmann. Merci de me recevoir aussi rapidement. » Elle ne pouvait nier avoir usé de sa qualité de cliente privilégiée pour obtenir un rendez-vous sous les plus brefs délais. Elle ne supportait plus que son mari lui vole ses nuits, elle avait besoin de reprendre un semblant de contrôle.
La brune s’installa de l’autre côté du bureau. Tout en écoutant le banquier rentrer dans le vif du sujet, elle ne pouvait empêcher son regard de se promener le long des objets et documents qui jonchaient son bureau. Elle releva rapidement les yeux vers Hartmann lorsqu’il l’invita implicitement à préciser ses attentes. « Mon ancien compagnon et moi sommes encore mariés sous le régime de la séparation des biens avec participation aux acquêts. Il tente autant que faire se peut de retarder le divorce. S’il parvient à ses fins, la procédure risque de n’être enclenchée que dans vingt-six mois. » Selon la législation allemande, lorsque l’un des époux s’oppose au divorce, l’autre doit attendre trois ans de séparation avant de pouvoir enclencher la procédure. Une éternité aux yeux d’Elisa qui tentait depuis plusieurs mois de faire jouer un article de loi permettant d’abréger cette durée dans le cas où le maintien du mariage serait insupportable pour l’époux qui souhaite divorcer, ce qui était tout à fait recevable en cas de violences conjugales. Encore fallait-il qu’elles soient reconnues. Une forme de crispation commençait à se lire sur les traits de la brune. Evoquer le sujet sensible de son divorce devant un inconnu la mettait particulièrement mal à l’aise. Elle reprit sa respiration. « Il s’est bien plus enrichi que moi pendant nos cinq ans de mariage. Je pense qu’il essaie de retarder l’échéance pour avoir le temps de dissimuler ses revenus et son patrimoine afin d’éviter de me régler une compensation. » Lizzie marqua une pause. Elle sortit de son sac une pochette cartonnée qu’elle ouvrit et dont elle sortit les papiers relatifs à la vente de ses parts reçus l’avant-veille qu’elle glissa à son interlocuteur. « Il veut m’évincer de l’entreprise familiale. Je… je le connais par coeur. Je sais quand il a une idée tordue derrière la tête. » La brune fronça les sourcils, son désarroi se lisait sur son visage habituellement si impassible mais que l’anxiété et la fatigue consécutive aux insomnies répétées rendaient plus transparent qu’à l’accoutumée. « Je devrais faire pareil, non ? Protéger mon argent ? » Lizzie savait qu’elle s’adressait à un banquier mais, en s’entendant parler ainsi, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une forme de honte. Elle n’aurait jamais imaginé en être réduite à envisager de flirter avec l’illégalité pour dissimuler sa fortune. Il lui était néanmoins insoutenable de laisser Julian lui ôter quoi que ce soit de plus. Il ne s'agissait pas d'argent mais de symbole, d'honneur, de dignité.
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