Mayline * Ces hommes, je vous jure !

Elle soupire, en cet après-midi du 24 juin, enceinte jusqu'au fond des yeux, alors que ses six mois de grossesse ne lui permettent plus, depuis un moment déjà, d'espérer être discrète quand à sa situation. Dans le voisinage, tout le monde sait parfaitement que la demoiselle est une future mère, une future mère célibataire de surcroît et si la plupart des gens s'en fichent royalement, ce n'est pas le cas de tout les voisins, elle s'en est encore rendu compte ce matin en portant le courrier à la vieille dame du troisième, qui regardait son ventre, pour ne pas dire qu'elle le toisait, non sans dissimuler sa désapprobation. La brune essaie de s'en moquer, ce n'est pas toujours facile et parfois, elle doit se retenir pour ne pas se montrer désagréable en retour. Si elle avait été veuve, si son mari était mort quelque part en Irak, si elle avait été abandonnée par un homme infidèle, tout le monde l'aurait prise en pitié. Au lieu de cela, on la jugeait, évidemment. L'homme est un loup pour l'homme, qui se repaît des critiques qu'il peut faire sur les autres. Pour tromper l'ennuie, pour masquer le vide de sa vie, fermer les yeux sur ses échecs, l'homme est toujours prêt à croire, à penser, à faire penser, qu'il y a plus misérable que lui-même.

Sarah jette un coup d’œil à l'heure dans le salon et rejoint alors rapidement sa cuisine où elle ouvre le four pour sortir des muffins qu'elle laisse à refroidir, avant de les décorer. Ils ne sont peut-être pas aussi beau que ce que pourrait faire Bree van de Kamp, mais elle n'a rien d'une Bree van de Kamp en soit, elle n'est pas aussi parfaite, pas aussi bien apprêtée, par aussi douée, si bien que, tant qu'ils sont plus bons que beaux, ça fera bien l'affaire. Et elle les place tous dans un carton de pâtissier, qu'elle range au frais avant de monter prendre une douche et se préparer, comme elle envisage d'aller faire un coucou à Mayline par la suite. C'est à cette voisine que ces gâteaux sont destinés, pour une après-midi entre fille à refaire le monde en médisant sur les hommes. Là où Sarah a à se plaindre des yeux fermés de Gaspar et de son manque de protection à son égard quand ils étaient ensemble, Mayline a à se plaindre d'un mari infidèle et Sarah ne l'envie guère. D'autant plus que la maîtresse était une de ses amies. Connasse.

Elle met un bon quart d'heure à trouver de quoi s'habiller, comme elle doit refaire sa garde robe sans avoir les moyens d'acheter grand-chose, tout partant dans les objets de première nécessité pour le bébé à venir, comme elle a décidé finalement de ne pas demander, ni compter, sur l'aide de Gaspar avec cet enfant, de peur qu'on ne l'accuse encore de vouloir soutirer de l'argent. Fin prête, soupirant devant son haut usé, vieillit, récupéré des affaires de grossesse de sa mère, elle récupère ses muffins et quitte son appartement, traversant littéralement la route pour aller sonner au 15 Altona, attendant patiemment que Mayline nui ouvre.

Se retrouver entre amies était une chose importante, Sarah ne le savait que trop bien et elle avait conscience que son amie avait besoin qu'elle soit là. Et dans un même temps la jeune femme elle-même avait besoin de se changer les idées, de penser à autre chose, de profiter de la vie. Elle avait besoin de se changer les idées elle aussi et de passer à autre chose. Avec la grossesse qui approche la jeune femme est un peu dépassée d'autant que les problèmes ne manquent pas de la toucher et d'allonger la liste de ses préoccupations. Alors voir une amie lui fera le plus grand bien. Elle attend impatiemment de pouvoir prendre quelques semaines de repos, d'avoir son congés maternité. Mais ce n'est pas encore à l'ordre du jour. Elle ne pourra partir du zoo qu'en Aout et cela semble encore loin, d'autant plus qu'elle se sent vraiment épuisée en rentrant de ses journées.

Elle arrive chez Mayline, adresse un grand sourire à son amie comme cette dernière l'invite à entrer. La jeune femme ne se fait pas prier pour quitter le pas de porte de l'asiatique et entrer alors dans la demeure de cette dernière en lui donnant le cartons de muffins qu'elle avait préparé pour leur après-midi.

«- Je peux t'aider à quelque chose ?» demande la jeune femme en se tournant vers son amie pour ne pas la laisser seule s'occuper de sortir les tasses ou le café.

Sarah est une femme serviable alors naturellement, elle n'entend pas venir chez son amie et garder les bras croisés en se faisant dorloter même si son ventre lui donne envie de se poser dans un canapé à longueur de journées pour ne plus en bouger. Si seulement.

«- Alors toi ça va ? Les papiers du divorce sont toujours là... J'imagine qu'il n'a pas signé encore ? Que dis ton avocat ?» questionne la jeune femme alors qu'elle sait que son amie loue les services d'une étudiante pour l'aider dans ses démarches.