Charlotte * Et les hommes firent de la victime le criminel. TW violences conjugales // fausse couche

La journée est rude, longue, comme trop souvent. Hannah essaie de composer avec son nouvel emploie du temps, mais la vie a radicalement changé pour elle, depuis qu'elle a tué son mari, depuis que l'Allemagne l'a apprit, a suivit l'affaire. Et ce n'est pas la fin du procès qui a changé la donne, loin de là. Après son acquittement, on a continué, souvent, à la montrer du doigt malgré tout. Et maintenant que le procès est amené en appel... La situation est devenue de nouveau rude pour elle. La rouquine entre, lassée, dans un starbuck à deux pas de l'appartement qu'elle aurait dut faire visiter en cette après-midi. Mais ses clients se sont désistés, au dernier moment. Ils ont prétendu avoir besoin de réfléchir. Mais Hannah sait qu'elle ne les reverra pas. Ils avaient l'air un peu gênés la dernière fois, en l’apercevant, en entrant dans son bureau. Gênés que ce soit elle.

La tête haute, l'élégante rousse s'installe à une table, son gobelet fumant, affublé de son prénom, à deux centimètres. Ils se sont encore trompés sur son prénom. Comme toujours. La voilà amputée de ses h, pour devenir Anna. Elle l'a pourtant épelé. Mais le type n'a pas fait attention. C'est qu'il y a pas mal de monde dans la boutique à ce moment là. Du monde qui la dévisage, qui murmure, en l'observant. Elle fait comme si de rien n'était, fait semblant de ne pas voir ces regards posés sur elle, d'oublier le monde. Mais ce n'est pas le cas. Elle se doute de ce que l'on dit. Elle entend des bribes de discussion qui ne sont pas pour la ravir, loir de là.

Et il y a cette voix sur sa gauche, qui l’interpelle. Poliment, elle tourne la tête dans sa direction, demandant comment elle peut se rendre utile, et son regard accroche le visage moqueur d'un adolescent. Un de ceux qui n'a pas encore la conscience de la difficulté de la vie et qui se moque, qui rit, qui l'insulte presque, cette femme qu'il qualifie de mante religieuse. Y'a encore des cons pour croire qu'elle en avait après l'argent de son époux, de toute évidence. Hannah essaie de faire comme si de rien n'était. Mais elle a baissé la tête, courbé l'échine. Touché. Elle s'en veut, de ne pas réussir à rester totalement maîtresse de ses émotions. Et il y a cette voix qui intervient, soudain.

L'inspiration n'avait pas vraiment été de la partie aujourd'hui. Charlotte était restée inerte devant son ordinateur, les mots refusant de sortir de sa tête. Elle avait tenté, alors, de passer à son carnet de dessins, mais rien ne l'avait satisfaite. Lassée de tout raturer, elle avait décidé de sortir prendre l'air. Ca ne faisait que quelques mois qu'elle s'était installée à Hambourg, mais elle connaissait déjà la ville, pour y avoir fréquenté une jeune femme pendant deux ans et demie. Une jolie histoire d'amour, qui n'avait pas duré, parce que Charlotte n'était pas prête à réellement s'engager. Elles étaient restées amies proches et c'était grâce à elle qu'elle avait pu s'installer ici. Car elle s'était attachée à Hambourg, au fil du temps. Et elle avait besoin de recommencer sa vie. De repartir à zéro.

Ca avait été l'occasion. Charlotte avait passé deux bonnes heures à promener. C'était une sportive depuis toujours et la marche faisait partie de ses activités préférées. C'était donc sans mal qu'elle parcourait des kilomètres. Il lui arrivait de passer ses journées entières à parcourir les rues. Finalement, sa curiosité rassasiée et les idées remises en place, elle s'arrêta devant un Starbucks: tiens, pourquoi pas? Elle poussa la porte et regarda un instant les différents cafés proposés. Au fil du temps, elle s'était habituée à la langue du pays. Charlotte apprenait vite et, si elle peinait encore sur certaines formulations de phrases et qu'elle découvrait toujours des mots, elle se débrouillait désormais très bien. Elle avait prit le réflexe de tout écrire en Allemand: c'était ainsi qu'elle mémorisait les choses. Aussi, même si son accent Français restait très prononcé, elle n'eut aucun mal à se faire comprendre quant à sa commande. Cette dernière récupérée, elle chercha des yeux un endroit où s'asseoir. Alors qu'elle allait se décider pour un coin relativement tranquille, la rouquine aimant être seule, quelque chose attira son regard.

Ou plutôt, quelqu'un. Un adolescent. Entendant ses moqueries, elle fronça les sourcils en le regardant. Ses paroles étaient dirigées vers quelqu'un qu'elle reconnut: il était difficile de ne pas connaître cette femme aux cheveux aussi roux que ceux de Charlotte. Son histoire faisait sensation. Charlie ne la connaissait pas, mais une petite voix au fond d'elle lui disait qu'elle ne méritait pas toute la haine que lui déversaient tous ces gens. La violence, elle savait ce que c'était. Personne ne devrait avoir à la subir, jamais. Pourtant, des milliers de femmes mourraient sous les coups de leurs conjoints. Alors lorsque certaines d'entre elles finissaient par donner la mort pour ne pas mourir elle-même, Charlotte ne pouvait s'empêcher d'être de leur côté. Qui sait comment elle aurait réagi, si les violences de Vincent avaient continué? Elle avait eu le cran de s'élever face à lui. Elle avait rendu les coups, parfois. Elle avait eu plus de chances que certaines. Alors, quand elle vit la rouquine baisser la tête, elle s'approcha, ignorant complètement l'adolescent qui tenta de la provoquer elle aussi.

- Je sais que c'est difficile, mais essayez de ne pas trop y porter attention... Les gens ne cherchent souvent pas à aller plus loin que ce que disent les journaux. C'est plus facile de croire n'importe quoi que de chercher à comprendre. Je peux...? demanda-t-elle en désignant la chaise à côté d'Hannah, dont le prénom lui revint enfin en mémoire.

Hannah a baissé la tête, même si elle ne devrait pas, même si ce n'est pas de sa faute, que les tords appartiennent à son mari. Que s'il n'avait pas levé la main sur son épouse, ils n'en seraient pas là tout les deux aujourd'hui. Lui trente-six pieds sous terre. Et elle.. face aux tribunaux. Elle a été relaxée, la jolie rousse. Reconnue non coupable du meurtre de son mari. La légitime défense lui a été accordé. C'était sans compter sur la famille, qui fait appel du procès. Qui décide de la traîner une nouvelle fois devant les juges, les jurés, les avocats. Ils l'auront à l'usure, Hannah. Elle se montre digne et forte autant que possible, elle essaie de ne pas baisser les bras, pour Guillaume, pour Harry, pour les Weissmann, en fin de compte. Mais c'est de plus en plus difficile. Et aujourd'hui, elle courbe l'échine devant cet individu, elle baisse le regard. Comme si elle était fautive quand ça n'est pas le cas. Quand tout ça n'est pas de sa faute.

Une voix de femme la sort de ses pensées et la rouquine croise le regard d'une autre rousse, dont le visage lui est, pour sa part, totalement inconnue. L'accent n'est pas allemand, Hannah l'entend bien. La France. La Belgique. Elle ne sait pas bien, mais ça lui semble venir de l'ouest, où elle est déjà allée en vacances, il y a si longtemps à présent. Peu importe. Ce qui compte c'est que cette voix là n'est pas moqueuse, n'est pas agressive non plus. Cette femme qui lui fait face est pleine de douceur au contraire, en demandant si elle peut s'installer. Il y a plein de places libres. Mais la femme d'affaire comprend la manœuvre. Si cette femme s'installe là, elle n'est plus seule. Elle est moins une cible pour les moqueries de la populace incompréhensive. Alors elle acquiesce d'un mouvement de tête gracieux.

«- Merci»

Elle est toute en retenue Hannah, elle l'a toujours été ce n'est pas nouveau. Elle n'exprime pas sa reconnaissance à travers une déclaration enflammée. Elle reste tout en élégance, mais le cœur y est, vraiment. Et elle fait un peu de place pour cette inconnue, alors que les jeunes retournent à leurs conversations, les laissant en paix. Alors enfin, Hannah s'autorise à répondre.

«- Et il est plus facile pour les hommes de se dédouaner de toute responsabilité, en agissant de la sorte. Il leur est plus agréable d'imaginer une femme faible et folle à lier à leur merci, que de supposer qu'un homme puisse être réellement coupable de... enfin de.... vous voyez ?»

En s'adressant à la rouquine, Charlotte espère que ce ne sera pas mal prit. Elle comprendrait qu'elle soit sur la défensive. Si cet adolescent parlait ainsi d'elle, elle se doutait que ce n'était pas le seul et qu'Hannah subissait probablement ce genre de moqueries régulièrement. Ce serait-on autant acharné sur elle, si elle avait été un homme? C'était triste à dire, mais sans doute pas. Les mots de Charlie était banals, mais apparemment, ils eurent l'effet escompté: la jeune femme lui fit un signe de tête, léger mais bien présent et la remercia. Puis elle l'invita à s'asseoir. Avec douceur, Charlotte s'exécuta, déposant son café devant elle. Les gens autour d'elles retournèrent à leurs petites affaires, ce qui eut pour effet de détendre un peu son interlocutrice, que Charlotte regarda, souriant avec tendresse. Elle était comme ça, la rouquine: elle aimait prendre soin des gens. Sa gentillesse se lisait sur son visage. Durant sa vie, elle avait été beaucoup jugée par les autres. Alors, elle tentait de ne juger personne. Bien sûr, elle n'était pas parfaite, mais elle faisait de son mieux. Et quand Hannah prononça quelques mots, Charlotte hocha la tête.


" Oh oui, je vois. " S'il y avait bien quelqu'un capable de comprendre cette situation, c'était elle. La violence domestique, elle la connaissait trop bien. " La folie, c'est qu'en tant que femme, on nous apprenne à nous taire et que l'on préfère prendre sur nous, sans arrêt... jusqu'à la fin, parfois. Ce qui est dingue, c'est qu'on ne plaigne les femmes une fois qu'elles sont dans la tombe et qu'il est trop tard pour agir et qu'en plus, on ose dire si seulement elle avait parlé... tout en sachant pertinemment que si on parle, personne ne sera là pour nous écouter. " Charlotte n'avait jamais eu la langue dans sa poche. L'injustice, elle détestait ça. Réalisant que son interlocutrice parlait peut-être déjà suffisamment de ce sujet-là, elle ouvrit la porte à un autre sujet de conversation, au cas où. " Vous avez eu moins de chance que moi, avec votre prénom. Je ne sais pas par quel miracle ils ont écrit le mien correctement. " Elle tourna son gobelet face à la jeune femme, se présentant ainsi de manière silencieuse. Elle avait l'habitude, comme tout le monde, que son prénom soit écorché. Ca n'avait pas été le cas pour elle, cette fois-ci. Charlotte se demanda si c'était un prénom connu en Allemagne ou bien si ça donnait un signe de plus sur ses origines. Jusqu'à présent, elle ne s'était jamais posé la question. " J'espère que je suis compréhensible? Je ne suis pas d'ici. " demanda-t-elle alors à Hannah. Elle parlait bien la langue de ce pays auquel elle s'était attachée, mais elle s'inquiétait toujours un peu de faire des erreurs, malgré tout. " En tous cas, si vous avez besoin de... enfin... d'être écoutée... " Elle lui fit un nouveau sourire, laissant sa phrase en suspens. Il n'y avait pas vraiment besoin d'en dire plus. Elle ne voulait pas passer pour quelqu'un de particulièrement curieux, mais elle ne voulait pas non plus que son interlocutrice pense qu'elle était intervenue uniquement pour se donner bonne conscience.

Hannah voudrait dire que sa vie a été jonchée de fleurs et de facilités. Mais ce n'est pas le cas. Et jamais la maxime qui dit que l'argent ne fait pas le bonheur n'a semblé plus vrai qu'en regardant Hannah. Certes socialement et professionnellement au sommet, il n'en reste pas moins que sa vie est un champ de ruines, entre l'absence d'un époux qui ne soit pas mort et déjà six pieds sous la terre et celle d'un enfant. Un enfant qu'elle aurait put avoir. Mais qui a finit avec les déchets médicaux. A cause de son mari. A cause du propre père de ce bébé. Comment continuer sa route après ça ? Comment ne pas avoir envie de mettre un terme à sa vie ? Cette idée bien sûr, Hannah l'a eut, l'a exécuté. Mais en cela aussi, la belle rousse a échouée. Elle a raté sa vie. Il eut été utopique de croire, après tout, qu'elle pouvait réussir sa mort, n'est-ce pas ? Probablement.

Elle tourne la tête vers Charlotte. Et elle se reconnaît dans les propos de celle-ci. Non Hannah n'a rien dit à personne pendant des années. Elle a simplement subit. Parce qu'une femme n'a pas à parler, parce qu'une femme n'a pas à se dresser contre son époux. Pas dans le monde où Hannah a grandit. Alors elle a supporté ce qui lui arrivait, elle n'a rien dit. Elle a appliqué les codes de sa société, Hannah, a tout fait comme il fallait, comme on lui a apprit. Et finalement, cette douleur contenu a explosé, de la pire des façons. Pour se protéger. Parce que si ça n'avait pas été elle, c'est lui qui l'aurait fait. Mais il aurait peut-être mieux valu que ce soit elle qui finisse par perdre la vie sous les coups de son époux.

«- Effectivement.»

Quand elles parlent, ces femmes qui vivent le pire, qui écoute leur douleur ? Qui se soucis de leurs pertes, de leurs tourments, de leurs craintes ? Qui en a vraiment quelque chose à faire de tout ça ? Qui est là pour leur tendre une main rassurante et les aider à se relever ? Personne. Si seulement elles avaient parlés. Si seulement on avait entendu leurs plaintes, surtout.

«- Oh ce n'est pas la première fois, je crains que ce ne soit une habitude, même quand j'ai encore la délicatesse de l'épeler. Alors je n'y fais plus vraiment attention. Vous avez eut de la chance j'imagine.»

Pas d'ici. Cela Hannah l'a remarqué oui. Le prénom, l'accent... Le fait que quelques mots ne soient pas tout à fait maîtrisés. Elle a remarqué que cette personne n'est pas une allemande. Mais pour ce qui est de la comprendre, elle n'a aucun soucis.

«- Vous êtes parfaitement compréhensible ne vous en faites pas. Plus que certains allemands.» la rassure Hannah avant d'ajouter. «Merci.»

Parce que Charlotte propose son oreille attentive. Mais Hannah garde pudiquement le silence. Son histoire s'étale déjà si bien toute seule, après tout.

Hannah acquiesçait: on écoutait peu les femmes dans les cas de violences domestiques. Charlotte songea qu'on les écoutait peu au fond quelle que soit la situation. La faute leur était souvent mise sur le dos, même si elles étaient innocentes. En tous cas, c'était le cas en France. Elle ne savait pas si c'était différent ici, mais ça n'en avait pas vraiment l'air. La rouquine sourit à la réflexion de son interlocutrice: en effet, elle avait eu de la chance, pour son prénom. Pour une fois, elle ne s'était pas retrouvée avec son prénom rogné, voire transformé au masculin. Combien de fois avait-elle pu lire Charlote, ou carrément Charlot? Et c'était commun à tous les Starbucks, à se demander s'ils ne prenaient pas des cours pour parvenir à écrire les prénoms le plus n'importe comment possible! Son prénom ne faisait certes pas partie des plus communs, mais il n'était pas rare non plus. Enfin... ça faisait aussi le charme de Starbucks, il fallait bien l'admettre.

Charlie but une gorgée de son café, tandis qu'Hannah la remerciait. La jeune femme n'était pas très bavarde, mais Charlie ne pouvait pas lui en vouloir: non seulement, elles ne se connaissaient pas, mais en plus, son histoire personnelle faisait assez les premières pages comme ça. Elle devait avoir envie de souffler, de penser à autre chose. Et puis la rouquine ne s'était pas immiscée à sa table pour la déstabiliser d'avantage, au contraire. Elle avait voulu lui signaler qu'elle n'était pas seule et le signaler à son jeune harceleur, également. Peut-être aurait-elle le droit à de futurs quolibets, de ceux présents dans la salle et qui leurs jetaient de temps à autre un coup d'oeil peu convaincu. Mais la jeune femme n'avait que faire de ce genre de choses. Le regard des autres ne la perturbait pas. Elle savait qui elle était, ce qu'elle valait, malgré les années difficiles qu'elle avait vécu. Elle l'avait toujours su et c'était sans doute une de ses plus grandes qualités: elle était humble, simple et souriante, mais elle savait parfaitement s'imposer lorsque c'était nécessaire, conscience de ses faiblesses comme de ses forces.

Hannah complimenta Charlotte sur sa manière de parler. Cette dernière lui fit un sourire. " Tant mieux! Ca n'a pas été évident d'apprendre l'Allemand. J'ai encore du mal à l'écrire, parfois, ce qui est un comble pour mon travail. " Prenant une nouvelle gorgée de sa boisson chaude, elle enchaîna. " Je ne vous ennuie pas, au moins, en restant ici? Je ne suis pas du genre timide et je ne me rends pas toujours compte quand ça gêne les gens. " C'était vrai. Elle avait beau être attentive aux autres, elle se laissait entraîner parfois par son caractère vif et curieux. Et elle ne voulait surtout pas déranger Hannah, se doutant qu'être importunée était la dernière des choses dont cette dernière avait envie.

(HJ: pardon, j'ai un peu tardé!)

Hannah n'est pas une grande bavarde. Pas souvent, en tout cas. Dans sa vie, dans son enfance surtout, on lui a toujours apprit à garder une certaine pudeur, une certaine réserve, à ne pas parler quand ce n'est pas vraiment utile. Parce que dans le monde bourgeois où elle a grandit, plein de codes, on pense encore que les femmes dépendent du père ou du mari, qu'elles ne doivent pas se faire remarquer et qu'il est important qu'elles tiennent leur rang, alors. De fait elle ne dit pas grand chose, c'est dans sa nature, dans ses gênes, c'est ancré en elle. Parce qu'elle a comprit les erreurs de ceux qui l'ont élevés, de ce monde dans lequel elle a grandit, oui. Mais qu'il est difficile de revenir totalement sur l'éducation que l'on a reçu. Voire impossible. Elle observe plus qu'elle ne parle, Hannah. A moins de se trouver en présence de personnes qu'elle connaît bien. De ses plus proches. De ses frères, ses amis...

Cette femme n'est pas d'ici, s'inquiétant alors d'être compréhensible aux oreilles de l'Allemande. Mais elle n'a pas à s'en faire alors qu'Hannah comprend parfaitement ce que cette personne cherche à lui dire. Son allemand n'est pas si mauvais que semble le redouter son interlocutrice et du moment qu'Hannah la comprend, c'est probablement là le principal. Mais la trentenaire veut bien croire qu'apprendre l'Allemand n'a pas été évident pour Charlotte qui confesse, de plus, avoir encore quelques soucis pour l'écrire. Hannah acquiesce, ce n'est jamais évident d'avoir à apprendre une nouvelle langue et si la veuve s'exprime très bien en Allemand, naturellement, et en Anglais, pour son travail, elle ne se verrait pas, aujourd'hui, se lancer dans l'apprentissage d'une nouvelle langue.

«- C'est toujours un peu compliqué, notamment entre les langues d'origines nordiques, comme l'allemand et celles d'origine latines, qui font que nous n'avons pas toujours les mêmes bases, d'ailleurs. J'ai appris l'anglais, mais je ne me serais pas vu apprendre, par exemple, l'italien qui me semble quelque peu difficile. De même que le français quoique j'en ai, ici, quelques notions de mon enfance.»

En des temps plus anciens, plus heureux aussi, où elle voyageait avec sa famille, il était plus simple de retenir quelques mots, quelques expressions, des pays visités. Mais jamais rien de plus sérieux que ces quelques phrases entendus, marquantes, au détour de conversations en pays étranger. Rien qui ne puisse constituer un bagage vraiment solide en Français. Mais assez, tout de même, pour comprendre les mots de base alors qu'elle y était allé quelques fois.

«- Non non, vous ne m'ennuyez pas du tout.» assure Hannah.

Et même si cela avait été le cas, elle aurait eut la courtoisie de ne pas le dire, de ne pas le faire ressentir à son interlocutrice, parce que l'on ne se refait pas. Jamais.


HJ : T'inquiète ^^

Apprendre une langue étrangère n'était pas simple et Charlotte n'allait pas affirmer le contraire. Elle avait eu la chance de partager sa vie avec quelqu'un de natif d'Hambourg, ce qui avait grandement facilité les choses: avant de s'installer dans cette ville, elle l'aimait déjà beaucoup, pour l'avoir fréquenté à de nombreuses reprises lors de ses visites. Elle avait passé bien plus de temps à l'extérieur, à tout visiter, à apprendre cette culture qui pour elle était nouvelle, à dessiner... qu'à rester avec celle qui était sa compagne à l'époque. Rien d'étonnant à ce que leur histoire n'aie pas fonctionné, même si aucune des deux n'en tenait rancune. Parfois, Charlotte se disait qu'elle n'avait pas été très honnête mais au fond, elle n'en avait pas réellement eu conscience. Elle avait tellement eu besoin de liberté que c'était ainsi qu'elle l'avait récupérée. Finalement, ça avait été un mal pour un bien: elle en gardait une très bonne amie et elle pouvait construire une nouvelle vie grâce à cette formidable expérience. Aujourd'hui lui prouvait un peu plus que ce choix-là avait été le bon, si tant est qu'elle ait eu besoin d'en avoir une nouvelle preuve. Charlie sourit lorsqu'Hannah lui indiqua qu'elle possédait quelques notions de Français. Peut-être était-ce l'occasion de se trouver un autre point commun?

" Je suis Française et je ne peux qu'approuver pour la difficulté de la langue. Rien que pour l'orthographe, c'est loin d'être évident, souvent même pour les natifs! Une de mes meilleures amies est Allemande, ça m'a grandement aidé pour apprendre. Et j'ai un père Américain, du coup je parle Anglais, aussi. Ca aide toujours. "

Charlotte s'apprêtait à lui demander ce qu'elle connaissait de la France: qui sait, peut-être qu'elles avaient des connaissances en commun? Ou un endroit similaire où elles auraient vécu toutes les deux? La jeune femme n'avait encore aucun ami ici et parler avec les gens lui manquait. Même si elle était sociable et qu'elle n'hésitait pas à sortir lorsqu'elle en trouvait l'énergie - car, en bonne introvertie malgré tout, elle passait également beaucoup de temps chez elle - elle restait assez seule. Parfois, ça lui donnait le mal du pays. Alors, elle appelait ses parents et elle retrouvait le plaisir de parler sa langue natale, ainsi que l'accent du pays. D'autant qu'à Marseille, l'accent y était particulier. Impossible d'en confondre les natifs avec d'autres! Mais, alors qu'elle allait se lancer sur le sujet, son téléphone sonna. Surprise, Charlotte sursauta et bouscula ce dernier, qui tourna sur lui-même. Avant qu'elle n'ait eu le temps de faire un geste pour le rattraper, il s'écrasa sur le sol... côté écran, bien évidemment. Il s'arrêta instantanément de sonner. Charlotte fit la grimace et se baissa pour le ramasser. Lorsqu'elle le retourna, une nouvelle grimace s'afficha sur son visage.

" Bon, ben ça... C'est fait. "

Elle posa le smartphone sur la table et on peut voir clairement que l'écran avait littéralement explosé. Quant à l'image, elle avait totalement disparu. Bref, cette fragile petite chose avait rendu l'âme. Il n'y avait plus qu'à espérer que l'appel ne soit pas important. Elle n'avait même pas eu le temps de voir qui avait tenté de la joindre.

La difficulté d'apprentissage d'une langue et le fait que les racines ne soient pas les mêmes... Charlotte, qui est française, est d'accord avec Hannah lorsque cette dernière fait le comparatif entre les langues dites latines et les langues scandinaves. Parce que mine de rien, cela fait encore bien plus de différences entre les langues. Ce n'est pas comme le français et l'italien qui vont avoir des similitudes par exemple. L'allemand et le français n'ont strictement rien à voir et apprendre l'un, quand on est natif de l'autre pays n'est pas toujours évident, à moins d'être frontalier. Hambourg est loin d'être à la frontière française, bien qu'il soit à l'ouest de l'Allemagne en effet. Toutefois Hannah a quelques souvenirs de la France et des mots qu'elle a put y apprendre. Si elle ne saurait pas forcément l'écrire, elle sait parler quelques mots et se faire comprendre dans la langue de Molière. Naturellement ce n'est pas avec la plus grande aisance du monde mais le principal réside dans le fait d'être comprise, pas dans celui de pouvoir tenir tout un long discours philosophique et bien construit.

«- Oh oui, je suppose qu'avoir des amis, des appuies, pour nous aider à apprendre, nous expliquer les choses, ce doit être un plus en effet !»

Elle tourne sa petite spatule de bois dans son salted caramel hot chocolate et reporte son attention sur son interlocutrice, prête à reprendre la parole quand le téléphone de celle-ci sonne et les coupe. Alors la main de Charlotte se dirige vers celui-ci, prête à s'en saisir comme c'est peut-être important, de sorte à voir au moins qui peut bien être son correspondant. Mais voilà qu'elle fait tomber le téléphone à même le sol et à la grimace qui se dessine alors sur le visage de la française, l'agent immobilier comprend rapidement que le mobile ne fonctionne plus, d'autant plus que la sonnerie s'est subitement interrompue. L'écran fissuré de l'appareil confirme bientôt les doutes qu'elle avait. L'engin n'est pas en très bon état, déclarant ainsi forfait.

«- Il est totalement cassé ?» questionne la rouquine. «Essayer de le rallumer, il n'y a peut-être que l'écran à changer ? Cela m'est déjà arrivé, la chute avait éteint l'appareil mais il s'est rallumé quand j'ai pressé le bouton.... Au pire, ça ne coûte rien de faire l'essaie...» suggère gentiment Hannah.