I'm just late... || CORNELIA&&MAMAN

Parfois tu avais l’impression que le temps allait beaucoup trop vite et d’autre fois qu’il ne voulait pas avancer… Allongée dans ton lit, tu fus plus qu’étonnée d’y voir l’heure affichée. Tu retins une injure alors que tu voulus te précipiter hors du lit. Un mouvement qui te provoqua des vertiges qui t’empêchèrent de quitter ton lit. Assise sur le rebord, tu eus besoin de prendre quelques secondes pour comprendre ce qui se passait. Ta vue trouble se posa de nouveau sur l’heure alors que tu réalisais que tu ne te sentais pas bien. Tu te sentais nauséeuse et extrêmement faible. Une simple main contre front t’aurait fait réaliser que tu étais fiévreuse. Il était vrai que tu avais l’impression de couvrir quelques choses depuis quelques jours, mais comme toujours, tu avais balayé tous les symptômes du revers de la main. Aujourd’hui, ton corps te renvoyait tes dernières années de combat. Il était fatigué autant que tu pouvais être fatiguée psychologiquement et il avait laissé la maladie prendre le dessus. Une simple grippe. Rien de grave généralement, mais tu avais l’impression qu’elle te rentrait dedans avec force.

Ton sang pulsait dans ta tête. Tu aurais dû te rallonger, te rendormir et récupérer, mais… Non. Ce n’était pas toi. Tu quittas ton lit, attrapant ta robe de chambre au passage. Ton corps était chaud, mais tu avais l’impression d’être complètement gelée. Tu l’entouras autour de toi avant de te diriger vers l’étage. Au même moment la porte d’entrée s’ouvrit et tu ne pus retenir un soupir. Déjà ? Tu serras les dents un court instant te maudissant de ne pas t’être réveillée plus tôt. À cette heure, ta fille rentrée de son sport matinal et le petit-déjeuner l’attendait sur la table. Chaque matin. C’était une habitude. Et en plein milieu des escaliers, tu sentis une profonde peine prendre possession de toi et gagner ton regard, le tout couplé à un horrible sentiment d’échec. « Je… Je suis désolée, j’arrive… » Soufflas-tu au bout d’un instant. Ta main contre la rampe de l’escalier, tu le descendais non sans mal, la fièvre était bel et bien installée. « Qu’est-ce que tu as envie de manger ? » Refermant davantage ton vêtement chaud contre toi, tu fus prise d’un nouveau frisson tandis que tu continuais ton avancée vers la cuisine. Avec cet objectif en tête de préparer le petit-déjeuner pour ta princesse.

@Cornelia Hardt

Casque sur les oreilles, son chien avec elle, la jeune femme s'élance aux aurores, comme chaque matin, dans cette routine bien rodée, alors que le commun des mortels dort encore, pour la plupart. En fait, cela fait déjà plusieurs longues minutes qu'elle est levée. Mais comme tous les matins, elle a pris le temps de faire son lit, de notifier ses objectifs, de lire un peu, de faire du yoga... Maintenant, c'est l'heure de sortir, de faire un peu d'exercice physique. L’heure de son running matinal, qui marque le début d’une journée pour le moins sportive. Car, bien sûr, tout à l'heure, au centre, elle fera de nouveau du sport, comme c’est le cas six jours par semaine, pas moins. Gymnastique, danse, patinage, natation, fitness… sont autant de pratiques qui rythment presque toutes ses journées. Parce que la formation d’une patineuse ne se limite pas au simple fait de patiner, loin de là.

Le patinage, c’est une question d’endurance, de puissance, de grâce. Il faut pouvoir aller au bout du programme, rentrer des quadruples, sauter assez fort, assez haut et le tout de manière gracieuse. Alors, chaque jour, elle travaille son cardio, son renforcement musculaire, son rythme… Un travail de longue haleine, qui demande persévérance et régularité. Un mode de vie relativement strict, dont elle ne se plaint pas.

Au bout de presque une heure de course, son tour terminé, elle s’arrête devant la porte de la maison, éteint le chrono de son application et jette un coup d'œil rapide aux statistiques indiquées sur l’application avant de glisser la clé dans la porte et rentrer, libérant Salchow de son harnais. Elle se débarrasse de ses affaires, les rangeant soigneusement, quand la voix de sa mère lui parvient, affirmant qu’elle arrive. Mais cette voix, patraque et qui s’excuse, lui fait lever un sourcil.

Elle jette un regard dans la cuisine, sans y trouver sa mère, et prend la direction du salon où elle la découvre alors emmitouflée dans sa robe de chambre, visiblement mal en point. D’ordinaire quand elle arrive, sa mère a déjà eu le temps de préparer le petit déjeuner, semble en forme. Mais ce matin ? Ce matin sa mère est livide, cernée, visiblement mal. Aussi Corny la rejoint rapidement, la soutenant de ses bras en l’aidant à avancer pour aller s’asseoir, soucieuse.

"- Qu’est-ce qui t’arrives ? Tu es malade ?!"

Tu étais une femme de routine Romane. Ta vie était réglée comme une horloge et tu détestais te détourner de ta routine. Il y avait un moment pour tout et tu gérais très mal les imprévus. Ton corps aussi était réglé comme une horloge. Il y a bien longtemps que tu n’avais plus besoin de réveille-matin pour être à l’heure dans ta cuisine. Au plus grand bonheur de ton mari qui pouvait continuer de dormir paisiblement sans être réveillé par l’horaire très matinal que ta fille et toi aviez en commun.

Un simple imprévu dans ta routine pouvait te bouleverser totalement. Tu détestais ça. Et tu sentais que cette journée débutait du mauvais pied. Ça ne t’arrivait jamais d’avoir du mal à sortir du lit, encore plus d’être en retard sur ton propre planning. Bien sûr qu’en entendant la porte d’entrée s’ouvrir alors que tu n’avais toujours pas atteint la cuisine te prit de court. Tu aurais pu en pleurer, la fatigue n’aidait pas ta gestion des émotions. Lorsque Cornelia te rejoint, ce ne fut pas pour te guider vers la cuisine, mais plutôt pour te pousser à t’asseoir sur le canapé. Un soupir t’échappa en même temps qu’un frisson. Tu passais une main contre ton visage avant de secouer la tête. « Non, je ne suis pas malade. Tout va bien, je me suis seulement réveillée en retard. » L’idée d’être malade ne te traversait même pas l’esprit. Tu ne pouvais pas l’être. Tu étais Romane Hardt. La maladie ne faisait pas partie de ta routine. Au contraire. Un retard, c’était plus facile à assumer qu’une grippe, non ? « J’ai peut-être un début de migraine, mais ça va aller. » Ça, ça faisait partie de ta vie. Tu avais souvent mal à la tête tellement tes pensées et tes souvenirs se bousculaient sans arrêt dans ta boite crânienne, mais généralement, tu arrivais à gérer. Ça n’avait rien à voir avec ton état actuel. « Je vais nous presser des verres de jus d’orange et après, ça ira mieux. » Bien sûr, non ? Il lui manquait seulement quelques vitamines avant de pouvoir débuter sa journée du bon pied.

@Cornelia Hardt

La jeune femme fait la moue alors que sa maman affirme qu'elle s’est seulement réveillée en retard, mais qu'elle n'est pas malade. Se réveiller en retard ? Non, ça ne ressemble définitivement pas à sa mère. Romane n'est jamais en retard, elle est réglée comme du papier à musique. Se réveiller en retard, ça ne lui arrive jamais. Si ça arrive, c'est forcément qu'elle est très fatiguée. Et pour qu'elle soit fatiguée, c'est qu'elle est malade. Sa fille la connaît bien, à force. Et elle sait aussi que sa mère ne l’admettra pas avant d'être au pied du mur, parce que Romane est comme ça, tout simplement. Depuis le temps, Cornelia sait la pression que sa mère peut se mettre dès qu’un tout petit détail ne se passe pas comme prévu.

Alors, lorsque cette dernière affirme qu'elle a peut-être un début de migraine mais que ça va aller, Cornelia pose sa main sur le front de sa maman, juste pour jauger sa fièvre. Parce qu’on ne se rend jamais compte de celle-ci par soi-même, mais aussi parce qu’elle ne fait pas vraiment confiance à sa maman pour être honnête là-dessus. Romane est sans aucun doute le genre de femme à s’occuper de sa famille en s’oubliant, jusqu’à l’épuisement. Mais sa famille a besoin de tout sauf la voir s’effondrer, surtout.

Alors quand sa maman insiste en affirmant qu'elle va presser des verres de jus d'orange et que ça ira mieux ensuite, Cornelia presse ses lèvres l'une contre l'autre. Salchow, lui, vient gratter la cheville de Romane en recherche de caresses, comme s’il voulait la détourner de ses pensées, laissant à sa maîtresse l’occasion de gérer. Non, sa mère ne va pas aller préparer des jus d’orange, il est évident qu’elle ne va pas bien.

"- Je vais m’en occuper, d’accord ? Reste ici et repose toi. Tu as besoin d’une couverture ?"

Bien que la patineuse pose une question, elle s'éloigne déjà pour aller en chercher une, sans vraiment laisser d’autre choix à la quinquagénaire, et revient rapidement avec une couette, un plaid, un oreiller et un thermomètre frontal, commençant à installer le tout pour que sa mère soit bien, avant de pointer l’engin sur son front, attendant le bip. Quand elle regarde le cadran, elle fait alors les gros yeux.

"- J’en étais sûre, 39.2 !" annonce-t-elle. "Alors je vais aller te chercher des médicaments, puis préparer le petit déjeuner et tu vas rester tranquillement ici." reprend la brune avant de s’éloigner de nouveau.

Elle revient rapidement avec un verre d'eau et un cachet de paracétamol pour contrer le mal de tête, donne le tout à sa mère puis s'éclipse en cuisine rapidement. Passant un tablier autour de sa taille, elle jette un coup d'œil à sa montre et se lance immédiatement dans la préparation du jus d’orange pour sa maman, prenant un kiwi pour elle-même, avant de mettre de l’eau à chauffer pour le thé puis s’attaquer aux œufs brouillés. Puis elle fait griller des tranches de pain nordique, dose sa portion d’oléagineux et sort deux fromages blanc du réfrigérateur, disposant le tout sur un plateau avant de revenir dans le salon.

"- Et voilà !" annonce-t-elle en posant le plateau sur la table basse. "Comment tu te sens ?"

Ton attention dévia systématiquement vers l’animal qui réclamait ses câlins matinaux. Par réflexe, ta main alla le gratouiller derrière les oreilles et au niveau de la nuque. Ce simple geste suffit à t’arrêter dans ta réflexion donnant l’occasion à Cornelia d’affirmer qu’elle allait s’en occuper. Tu haussas un sourcil et tu voulus désapprouver, mais trop tard. Ta fille s’était déjà éloignée pour aller te chercher une couverture. Tu aurais pu profiter de son absence pour rejoindre ta cuisine, mais tu ne trouvas pas l’énergie pour le faire. Tu étais beaucoup plus mal en point que tu ne voudrais jamais l’admettre. « Corny… Ça va aller… » Pourtant ton ton n’était pas aussi ferme qu’à l’habitude tandis que tu t’installas en position allongée sur le canapé, ta tête rejoint l’oreiller que ta fille t’avait apporté. C’est un soupir de soulagement qui s’échappa de tes lèvres.

39.2..? Non c’était impossible. Tu n’avais pas eu de fièvre depuis le 18 juillet 1994. « Il te fonctionne pas bien ce thermomètre. » Toi ? Garder un objet qui ne fonctionnait mal dans la demeure familiale ? Non impossible. Tu t’assurais que tout soit opérationnel et conforme. « Non, non, non… Ce n’est pas ton rôle. Tu dois… » Elle était déjà partie. D’un sens, ça te contrariait de ne pas te sentir écoutée, mais de l’autre, Cornelia avait besoin de le faire. Tu étais impossible à convaincre de quoi que ce soit.

Étrangement, tu restas sur le canapé. On aurait pu croire que tu l'aurais suivi sans te poser de question. Normalement, tu l’aurais fait, mais pas aujourd’hui. Pas depuis ce jour, tu te sentais plus fragile depuis cette fameuse journée et ton corps t’envoyait des messages que tu devais écouter. Le seul mouvement que tu avais fait fut de récupérer Salchow et Olive qui se dandinaient au pied du canapé. Olive, ta chihuahua vint nicher sa tête au niveau de ton cou. C’était sa manière à elle de te rassurer, de te réconforter.

Cornelia revint quelques minutes plus tard et tu lui lanças un nouveau regard désolé. Tu avais toujours ce sentiment d’échec pour ne pas avoir fait ce petit-déjeuner. Tu n’aimais pas particulièrement qu’il te soit servi sur un plateau d’argent alors que ça aurait été à toi de le servir. « Honnêtement ? Je me sens étrange. » Aussi bien être franche à ce niveau. Plus personne n’allait croire que tu allais bien. « J’ai froid. » Alors que tu étais bien couverte. Preuve que la fièvre prenait le dessus sur toi. « J’ai l’impression que tout va au ralenti. » Et au fond, ça ne pouvait pas te faire de tort. Tout allait trop vite habituellement.

@Cornelia Hardt

Ça va aller, dit-elle. C’est ça, bien sûr. Avec une telle fièvre, elle va surtout rester dans son canapé, tranquillement et ne plus en bouger. Ce qui ne lui arrive jamais, c’est vrai, mais vu les circonstances, il le faut bien. Aussi la patineuse ne prend-elle pas le temps de répondre, s’éclipsant seulement pour aller récupérer ce dont sa mère aura besoin pour être bien installée, ainsi qu’un thermomètre. Si sa mère affirme que tout va bien, la demoiselle pour sa part est convaincue qu’elle fait de la fièvre. Que ça ne va pas si bien que ça, au contraire. Et la température qu’affiche l’engin lui donne rapidement raison, même si sa mère trouve à redire sur le résultat, poussant la brunette à hausser un sourcil.

"- Bien sûr que si, il fonctionne maman… Tu as juste de la fièvre."

Il n’y a aucune chance pour qu’un thermomètre dysfonctionnel soit dans la maison. En fait, cela vaut pour tout. Si une chose ne marchait pas ici, Romane l’aurait déjà remplacé. A croire qu’elle vérifie quotidiennement tous les appareils et ampoules divers et variés pour en assurer la maintenance. Bien sûr ça n’est pas le cas, mais on pourrait facilement le croire.

Si sa maman a de la fièvre, elle doit se reposer. Aussi la demoiselle donne-t-elle ses directives, lui demandant de rester couché, pendant qu’elle se dirige en cuisine pour préparer elle-même le petit déjeuner, de quoi prendre des forces pour tout le monde. Enfin, pour sa mère et elle-même. Visiblement, elles sont seules ce matin bien qu’il soit encore tôt. Caleb dormait dehors et Patrick doit être déjà parti pour une de ces grosses journées à l’université.

"- Ah, tu vois !"

Que Romane confesse se sentir bizarre est déjà une grande victoire en soi. Elle ne l’admet pas facilement, preuve en est que sa fille a été obligée d’insister pour qu’elle daigne rester un peu couchée, au lieu de prétendre qu’elle allait bien, qu’elle avait seulement un peu de retard. Du haut de ses vingt-trois ans, la brunette sait bien comment sa maman résonne, comment elle fonctionne, s’astreignant à une exemplarité stricte mais… La vérité c’est qu’elle est humaine. Et comme tous les humains, parfois… Parfois ça ne va pas. Comme aujourd’hui. Même si c’est difficile pour elle d’admettre ses limites.

"- Tu veux une autre couverture ?" en se levant déjà pour aller lui en chercher une, sa mère se plaignant d’avoir froid.

Tu as juste de la fièvre. Non, on ne pouvait pas te dire ça comme si c’était normal. Ce n’était pas normal pour toi d’être malade. Ou d’être malade au point de te retrouver allongée, car tu n’arrivais pas à rester debout. C’était tellement peu commun pour toi que tu ne savais même pas comment réagir. Tu devrais tout simplement prendre une pause, accepter ton sort et te reposer, mais c’était plus facile à dire qu’à faire.

Tu te retrouvais allongée là Romane et tu fixais le plafond presque à la recherche d’une échappatoire. Et même si tu trouvais une raison pour quitter ce canapé, est-ce que tu aurais la force de le faire ? Ton corps te faisait bien comprendre que tu avais atteint ta limite. Tu n’aurais pas dû t’allonger, ça voulait dire que tu n’allais plus pouvoir te relever.

Tu te sentais étrange. Tu ne pourrais pas le décrire exactement, mais la situation n’était pas agréable. Tu avais la sensation que toutes les informations t’arrivaient au ralenti, que tes mouvements aussi étaient ralentis. « Non, pas de couverture. J’ai trop chaud. » Une première contradiction. Toi qui te plaignais d’avoir froid dans les secondes précédentes, là, tu commençais à ressentir complètement l’effet inverse. « C’est ma ménopause ça… » Bien sûr, c’était plus facile à assumer qu’un simple rhume Romane, hen ? … Une légère complainte t’échappa alors que ta main rejoint ton front avant de descendre au niveau de tes yeux. « Je n’aurais pas dû marcher dehors aussi longtemps avec ces chaussures. » Information que tu aurais dû garder pour toi, mais encore une fois, tes actions allaient plus vite que ton esprit. Il était plutôt rare que tu t’adonnes à des longues marches sans avoir les bons souliers pour. Tu faisais attention à ça depuis si longtemps et tu l'avais inculqué à tes enfants aussi. Tu ne voulais pas qu'ils attrapent froid.

@Cornelia Hardt

Elle lève un sourcil soucieux, d’un coup, en observant sa mère. Comment ça, trop chaud ? Il y a à peine un instant, elle disait qu’elle avait trop froid. Elle se stoppe en chemin, se tourne vers sa mère, tout du moins vers le dossier du canapé et revient sur ses pas, lui jetant un regard par-dessus le fauteuil. Comment ça, trop froid ? Puis trop chaud ? Elle pince les lèvres l’une contre l’autre. Mais c’est que ça commence à ressembler aux symptômes d’une grippe tout ça, non ? Elle ne s'en souvient pas vraiment, mais elle l’a eu elle-même il y a une dizaine d’années. Et de mémoire elle était plus ou moins dans le même état que sa mère. Elle avait froid, puis chaud. Mais elle avait plein d’autres symptômes, aussi.

"- Des courbatures ?" demande-t-elle, attrapant déjà son téléphone.

Courbatures ou pas, il va falloir qu’elle appelle le médecin. Romane n’est jamais malade, ça ne peut pas être un petit rhume qui la terrasse à ce point, sa fille ne peut pas le croire. Non, c’est forcément autre chose. Et si c’est autre chose, il vaut mieux appeler un médecin. Elle compose donc le numéro de leur médecin traitant, levant les yeux au ciel quand sa mère affirme que c’est sûrement la ménopause. Bien sûr, elle a l’âge d’y être, effectivement, mais… Non, quelque chose lui dit que ça n’est pas ça. Il est cependant trop tôt, elle tombe sur la boîte vocale du standard.

"- Oui bonjour, Cornelia Hardt à l'appareil, j’appelle pour prendre rendez-vous pour Madame Romane Hardt présentant des symptômes d’une possible grippe. pourriez vous me rappeler ?" enregistre-t-elle avant de laisser son numéro de téléphone et raccrocher.

Elle fronce les sourcils en entendant sa mère parler, remettre la faute sur une promenade qu’elle aurait faite en portant de mauvaises chaussures, elle qui leur a toujours dit de faire attention pour ne justement pas tomber malade. Maintenant qu’elle est plus grande, toutefois, Cornelia sait qu’attraper froid est un abus de langage, que le simple fait de prendre froid ne fait pas tomber malade.

"- Comment ça ? Quelles chaussures ?" demande-t-elle en levant un sourcil à nouveau.

Comme si sa maman pouvait déroger aux règles qu’elle établit elle-même. Sûrement pas. Non, ça ne serait pas Romane autrement.

C’est une simple complainte qui t’échappa à la question suivante de ta fille. Tu avais mal partout, en effet. Tu ressentais surtout une faiblesse au niveau de tes mains. Tu aurais de la difficulté à tenir un simple verre à cet instant précis. À moitié présente, tu n’eues pas le temps d’intervenir lorsque ta fille se saisit du téléphone avant de laisser un message à votre clinique familiale. « Corny… » soufflas-tu pour la réprimander avant de secouer vivement la tête de gauche à droite. « Je n’ai pas besoin de voir un médecin pour ça. Ça va passer. » Ça tu y croyais. Tu refusais de déranger ton médecin pour des symptômes aussi minimes, n’est-ce pas ? Un peu de repos et tout irait mieux. Tu n’avais rien de grave. Tu n’avais rien. Tu refusais de l’admettre.

C’était plus facile pour toi de trouver un coupable. Tu ne pouvais pas seulement admettre que tu étais tombée malade. Pour toi, tu l’avais provoqué. Tu n’avais pas été prudente et aujourd’hui, tu en payais le prix. Toi qui avais toujours dit à tes enfants de faire attention en sortant dehors, de porter les bons vêtements, d’avoir les bonnes chaussures. Toi, tu avais fait complètement l’inverse et il n’y avait pas d’autres raisons possibles à ton état. C’était la faute de tes chaussures. « Mes chaussures de boulot. Je n’ai pas pris la peine de les changer cette semaine et… voilà. » Tu soupiras. C’était peut-être une fausse croyance de penser que le froid pouvait faire tomber malade, mais toi, tu étais restée avec cette dernière. Tu avais été élevée comme cela et tu continuais de répéter la même chose. « Ne le répète pas à ton père s’il te plait. Il ne voudra plus que je prenne l’autobus après. » Tu souris légèrement. Le côté protecteur de ton mari n’était plus à prouver. S’il apprenait que tu étais tombée malade entre le trajet du travail jusqu’à la maison, il allait vouloir jouer les taxis avec toi tous les matins et tous les soirs. Ça, tu ne le voulais pas. Tu ne voulais pas qu’il fasse un détour pour toi et surtout, tu ne voulais pas dépendre de quelqu’un.

@Cornelia Hardt

Évidemment, sa mère proteste, affirmant qu'elle n'a pas besoin de voir un médecin pour son problème et que ça va passer. Mais sa fille ne l'entend pas de cette oreille et va jusqu'au bout de son appel, laissant un message sur le répondeur avant de raccrocher, observant sa mère les mains posées sur ses hanches, comme si leurs rôles avaient été échangés. Pour une fois, c'était comme si Romane était l’enfant récalcitrante que Cornelia n'était jamais, tandis que cette dernière se retrouvait dans la position de la mère, de la personne responsable, chargée de veiller sur la sécurité et la santé de la seconde.

"- Si ce n'est vraiment rien, le médecin nous le dira. Tu ne te plains jamais d'être malade, alors si ça ne va pas, je ne peux que m'inquiéter…" remarque la patineuse.

Elle ne se souvenait pas avoir un jour vu sa mère dans cet état là. Il était donc hors de question qu'elle ne fasse rien, hors de question qu'elle ne fasse pas intervenir le médecin, dusse-t-elle y conduire sa mère elle-même. Bien sûr, elle sait que ça n'arrivera pas, puisqu'elle n'a pas le permis, mais elle s'arrangera pour avoir un rendez-vous lorsque son père ou son frère sera disponible. À moins que le docteur puisse venir à la maison directement, mais elle n'y croit pas vraiment. Cela fait longtemps que les médecins ne font plus le déplacement, sauf cas exceptionnel.

"- Je ne lui dirai pas moi-même mais alors tu dois lui dire toi." remarque sa fille. "De toute façon il le devinera tout seul ce soir en rentrant, rien qu'en voyant ton état. Tu es toute pâle…" souffle sa fille avec une petite moue. "Si la fièvre ne descends pas, il n'y a aucune chance pour qu'il ne se rende compte de rien…"

Et puis, elle n'était pas vraiment à l'aise de mentir à l'un ou l'autre de ses parents. Si elle ne devait rien dire à son père, alors elle espérait que sa mère le dirait elle-même. Mais elle savait, connaissant cette dernière et son côté têtu, que ça n'était pas gagné.