Nina & Lukas ❦ Wicked games

Lukas fit une dernière fois le tour de la pièce pour vérifier que tout était en place. Les verres attendaient sagement sur la table basse, accompagnés de quelques amuse-gueules. L'espace salon allait être le théâtre d'une soirée un peu spéciale, rythmé par un meurtre fictif et des mystères à résoudre. Trois de ses collègues de travail, devenus des amis, étaient de la partie, ainsi que Nina, qu'il avait invité un peu plus tôt dans la semaine par messages interposés. Il ne l'avait pas vue depuis environ trois semaines, depuis la fameuse soirée du speed-dating dont ils s'étaient éclipsés prématurément. Elle l'avait royalement ignoré, mais il ne pouvait lui en vouloir, ils avaient terminé la soirée sur une note plutôt fâcheuse. Ainsi qu'il se l'était promis, Luka ne comptait pas en rester là. Il découvrirait tôt ou tard la vérité à propos de son départ vingt ans auparavant, mais pour le moment, son retour soudain dans sa vie ne faisait que chambouler ses émotions. Il avait du mal à dormir, pensait constamment à elle, à tel point qu'il avait plusieurs fois été distrait dans son travail. L'ingénieur enchaînait les réunions importantes, ce n'était pas tous les jours qu'on avait la chance de participer à un projet spatial.

Les dix-neuf heures approchaient, les premiers invités n'allaient pas tarder à arriver. Lukas se posta devant la baie vitrée du salon, donnant sur l'arrière verdoyant de la maison et la piscine. Plusieurs autres pièces avaient également été arrangées afin de répondre à l'organisation de la soirée, comme son bureau, la cuisine ou encore l'une des chambres d'amis. Cette partie avait été orchestrée par Rebecca avec l'aide des enfants un peu plus tôt dans la semaine, puisqu'en tant que participant, Lukas ne pouvait pas avoir toutes les clefs par avance. On sonna à la porte d'entrée, le coupant dans ses pensées.

"Rebecca, tamise la lumière. Je crois que les premiers sont arrivés.
- Bien, Lukas."

Rebecca était son I.A. personnalisée, son assistante maison. Il l'avait entièrement créé lui-même, et perfectionnait encore régulièrement son codage. La dernière petite nouveauté avait été de lui apprendre à devenir maître du jeu, et de lui faire créer un scénario pour cette soirée. Lukas se dirigea vers la porte à grands pas, impatient de découvrir de qui il s'agissait. Il ne disait pas non à une courte entrevue avec Nina avant que les autres n'arrivent... Le visage de son ami Rudy ne causa aucune déception cela dit, et il l'enlaça avant de le laisser entrer. Il fut rapidement suivi par Ted et Karoline, qui arrivèrent ensemble. Le petit groupe s'installa au salon en échangeant quelques paroles sur le travail, avant de s'enthousiasmer pour la soirée à venir. Tous avaient revêtus le costume pour coller au mieux à son rôle. Rudy serait le journaliste, il avait déjà la paire de lunettes et n'avait eu qu'à dégoter un costume et une cravate un peu ringarde pour l'effet déguisement. Ted s'amusait à être le chasseur, même s'il avait plus l'air d'un Indiana Jones avec trente kilos de trop, et enfin Karoline avait enfilé une blouse blanche et une toque pour rappeler la boulangère. Quant à Lukas, il avait enfilé un T-shirt blanc et une salopette kaki qui ne tenait qu'à une bretelle, laissant le reste du vêtement un peu débraillé pour un peu plus de style.

"Tu comptes nous dire qui est la cinquième personne ? Je suppose que c'est une femme puisqu'elle joue la maire. Petit cachotier, t'as une nouvelle copine ?
- Pas vraiment, non. C'est Nina.
- Quoi ?! La Nina ?!" s'étonna Ted, sous le choc.

La conversation fut interrompue par une nouvelle sonnerie de la porte d'entrée, et Lukas fronça les sourcils à son ami pour lui intimer de se tenir tranquille. Il ne pouvait s'agir que de la dernière participante, à savoir l'intéressée dans cette discussion. Lukas ouvrit la porte à la dernière venue, esquissant un sourire à la vue de Nina qui avait visiblement suivi ses conseils en enfilant sa plus belle robe. "Bonsoir. Bienvenue... Entre." Il referma la porte derrière elle, et attrapa une écharpe aux couleurs du drapeau allemand qu'il avait laissé sur la commode de l'entrée. "Tiens, je t'ai pris un petit accessoire pour agrémenter ta tenue." Il lui passa au dessus la tête, l'un des côtés se posant sur son épaule, tandis que l'autre descendit sur sa hanche. Lukas écarta les bras pour lui faire remarquer sa propre tenue. "Je t'avais dit que ce serait pire... Je ne suis pas seulement ton larbin ce soir, mais en plus ton mari." Un sourire en coin amusé et quelque peu provocateur s'afficha sur ses lèvres. "Viens, je vais te présenter." Il l'entraîna à sa suite vers l'espace salon à seulement quelques mètres, les autres n'avaient visiblement rien raté du spectacle bien que la pièce soit assez grande pour qu'ils ne les aient pas entendus. "Tout le monde, voici Nina. Nina, voici Rudy, Ted et Karoline. On travaille tous ensemble." Il avait pris soin de les désigner un par un à la mention de leur prénom. "Pas besoin de te faire de dessin pour savoir qui joue qui ce soir, j'imagine..." Lukas se frotta les mains, invitant Nina à s'asseoir sur l'un des canapés encore libre. Il y prit place à côté d'elle, avant de lancer les hostilités. "Bien... Je vous conseille de faire le plein de liquide et d'amuses-bouches pendant quelques minutes, avant que Rebecca ne nous détaille le programme." Il prit l'une des coupes sur la table basse que Rudy avait pris soin de remplir avec le champagne, fraîchement débouché, et la tendit à Nina avant de se servir la sienne. Levant son verre, il trinqua à la soirée à venir, suivis par les autres.

Indications pour Nina:

Alors qu'il entrouvrait la porte d'entrée, Lukas laissa son regard remonter doucement de ses mollets nus vers le visage de Nina. Elle avait visiblement suivi son conseil, puisque sa robe noire lui allait à merveille. Il tenta de ne rien laisser paraître, mais la vue était sans aucun doute à couper le souffle. Le décolleté assez prononcé donnait un côté suggestif et séducteur à sa tenue, sans enlever une once de classe à sa propriétaire. Le rouge dont elle maquillait habilement ses lèvres mettait ses traits en valeur, sans oublier de lui rappeler à quel point il était agréable de l'embrasser. Chose qu'il n'avait pas manqué de faire la dernière fois qu'ils s'étaient vus, sans avoir pu y résister plus longtemps, envoyant au diable leur fraîche promesse d'amitié platonique. Le rapprochement qui eut lieu alors qu'il lui passait l'écharpe autour de son buste le déstabilisa un instant, il aurait aimé faire tellement plus. Mais il sentait le regard observateur de ses amis dans son dos, et puis Nina détournait son visage pour contempler le mur. Elle non plus, n'avait pas encore digéré leur dernière incartade. Il l'invita au salon sans plus tarder après qu'elle ait souligné qu'il ne manquait pas d'humour quant à l'attribution des rôles de chacun. "Même pas, ça a été tiré au sort, mais je crois que Rebecca a son propre sens de l'humour..." Après tout, cette intelligence artificielle vivait avec lui au quotidien, bien qu'elle était silencieuse la plupart du temps, elle enregistrait un certain nombre de données en continu. Quelque chose lui disait qu'elle avait mis son petit grain de sel dans ses affaires...

Alors qu'ils s'installèrent côte à côte sur le canapé de libre suite aux présentations, Lukas prit soin de laisser suffisamment d'espace à Nina. Elle faisait déjà la rencontre de ses amis, nul doute qu'elle était un peu stressée. Loin de lui l'idée de rajouter à son malaise un contact inopportun. Ils auraient bien d'autres occasions de se taquiner comme à leur habitude au cours de la soirée... Lukas trempa ses lèvres dans sa coupe alors que Nina demandait qui était cette fameuse Rebecca. En effet, il avait peut-être omis de lui expliquer plus tôt dans la semaine lorsqu'il en avait fait la mention. Il eut un petit rire amusé, avant de lui répondre. "Non Rebecca est mon I.A., c'est elle qui a créé le scénario et qui fera office de maître du jeu. C'est la première fois qu'on teste ce concept, mais on se voit régulièrement en dehors du travail pour des soirées." Les autres protagonistes acquiescèrent gaiement. "Personnellement, c'est plutôt le Pictionary mon domaine, même si faire équipe avec Ted est source de grande frustration..." plaisanta Rudy. "Ca, c'est parce que tu sais pas mimer, on dirait que t'essayes d'apprendre à voler à gigoter dans tous les sens." répliqua l'intéressé. Karoline soupira et leva les yeux au ciel devant leurs chamailleries. "Ouais enfin, on vient surtout aussi vider les bouteilles de Lukas !" s'exclama-t-elle en prenant à partie Nina avec un sourire de connivence. "Ne t'en fais pas, on découvre tous ce soir. Ca va bien se passer." Lukas tenta de rassurer Nina, alors qu'il retint de justesse sa main pour l'empêcher de se poser sur son genou. Elle finit par se poser entre eux sur le bord du canapé. "Rebecca ?" appela-t-il avant de se racler la gorge, espérant que personne d'autre ne remarque son malaise. "A toi."

"Bonsoir tout le monde." résonna une voix robotique féminine dans les haut-parleurs de la maison. "Voici quelques rappels avant de commencer. Afin de résoudre le mystère du meurtre de l'ancien maire, vous devrez retrouver un certain nombre d'indices qui vous mettront sur la voie de la vérité. Dans un premier temps, il s'agira d'indices physiques qui sont cachés dans trois pièces de la maison. L'une d'elle est l'arme du crime, quant aux autres, elles vous mettront sur la voie du coupable. L'assassin est l'un de vous. Il fera en sorte de vous inciter à suivre de mauvaises pistes afin de ne pas être démasqué. Lors de la seconde phase de jeu, vous pourrez poser des questions aux autres joueurs, et notamment leur demander leur alibi. Pour rappel, le corps du maire a été découvert aux alentours des 8h30." Rebecca marqua une courte pause. "La première phase est chronométrée, vous avez 15 minutes afin de trouver un objet dans chaque pièce. Il y a quatre pièces : la cuisine sera la boulangerie, la chambre, le repère du chasseur, le bureau constituera la mairie, et enfin la pool house correspondra au bureau du journaliste. Je vous conseille de vous répartir les lieux en équipe. Lukas, le chronomètre démarrera à ton signal." Lukas se tourna vers Nina avec un petit sourire en coin. "Qu'est-ce que tu dis de faire équipe, ma chère épouse? Même si bien sûr, il n'y aura plus d'équipe qui tienne à la deuxième phase je présume... Après tout, ça peut très bien être toi la coupable..." "Hors de question de m'allier à l'un de vous, vous allez me ralentir, je suis certaine de pouvoir faire aux moins 3 des 4 pièces avant la fin du chrono." lança Karoline, joueuse. "Bon ben les jeux sont faits, on dirait !" s'exclama Ted, fataliste.

Lukas se pencha au dessus de la table basse afin de se saisir de la bouteille de bulles et remplir à nouveau les coupes de ses invités. "Tu préfères autre chose ? Un Pinot noir ou un Chardonnay ?" demanda-t-il en s'arrêtant à Nina, croisant son regard par la même occasion. La sensation était étrange, ils faisaient comme si de rien n'était, comme si la soirée était habituelle après ne s'être pas vus depuis presque dix années. La dernière fois, ils partageaient la soirée en compagnie de leur conjoint respectif, à s'éviter pour ne pas se faire remarquer, à se frôler lorsque personne ne les regardait pour s'enivrer d'un contact qu'ils n'avaient qu'à l'abri de leur chambre d'hôtel à ce moment là. L'eau avait coulé sous les ponts, ils étaient tous deux libres comme l'air, même si une ombre constante semblait planer au dessus de leurs têtes pour leur rappeler à quel point ils avaient fautés. L'engouement qu'ils avaient pour jouer se cantonnerait-il à percer le mystère du meurtre fictif du maire, ou prendrait-il une toute autre dimension ce soir ?

Maître du Jeu:

Nina semblait se dérider, n'hésitant pas à partager les souvenirs de leur équipe légendaire de Pictionary avec ses nouvelles connaissances. Ses amis n'avaient pas eu de consignes de sa part, et seul Ted était plus ou moins au courant de la relation compliquée qui l'étreignait à Nina, mais tous l'intégraient à merveille. Les plaisanteries sur les uns et les autres allant bon train et les coupes se vidant au rythme des paroles de chacun, il était temps de lancer les hostilités. Alors que Rebecca prit la parole, les participants furent attentifs et tentèrent de mémoriser le maximum d'informations. Au final, ce type d'exercices ressemblait pas mal à un escape game version murder party. Seul le coupable connaissait son identité, et les suspicions entre les uns et les autres allaient agréablement pimenter la partie. Lukas savait que ce ne pouvait être lui le coupable, Rebecca ne l'avait pas prévu ainsi. Décider de faire équipe avec Nina pouvait très bien lui faire perdre un bon nombre d'indices si elle l'envoyait sur la mauvaise piste, mais bien heureusement pour lui, il savait la déchiffrer par coeur. Il se rendrait vite compte si elle s'amusait à le mener en bâteau, en tout cas pour ce qui a trait au jeu. Alors qu'il lui proposa de la resservir, elle le soupçonna de vouloir altérer son jugement avec la boisson sans pour autant refuser. "Coupable ! En tout cas pour ce qui est de vouloir te saouler." rétorqua-t-il avec un sourire en coin, une lueur de malice dans le regard. Même s'il ne souhaitait qu'être un hôte admirable, l'idée de lui délier la langue par l'alcool n'était pas une si mauvaise idée compte tenu de l'échec de sa dernière tentative. Mais ce n'était pas tout à fait son genre, il préférait avoir ses réponses en bonne et due forme et attendre qu'elle préfère lui partager ses secrets de son bon vouloir. Il y avait cela dit une autre issue à la consommation... qu'ils avaient déjà éprouvés dans leurs années folles.

Alors qu'il sirotait son deuxième verre de bulle et que l'alcool commençait à faire son effet et calmer ses nerfs rendus à vif par la promiscuité de Nina sur le canapé, sa coéquipière décida d'énoncer sa stratégie. Ils commenceraient par la poolhouse, à savoir le bureau du journaliste. Il ne s'attendit cependant pas au petit surnom qu'elle prononça à la fin pour lui demander son accord, et manqua d'avaler de travers. C'était bien la première fois que le terme "chéri" franchissait la barrière des lèvres de Nina pour le désigner, et cela avait quelque chose de... satisfaisant. Allaient-ils théâtralisé leur petit couple marié toute la soirée ? Cela risquait d'être fort intéressant à l'issue. Se reprenant, il prit un malin plaisir à entrer dans son jeu, et cette fois-ci sa main ne s'égara pas par inadvertance sur son genou. "Bien sûr, "mon amour", c'est toi la plus brillante des deux ici, madame la maire, alors va pour ta stratégie." Il tapota deux fois sur le tissu de sa robe pour marquer son geste, prolongeant son regard dans le sien quelques secondes pour lui faire comprendre qu'elle venait d'ouvrir une porte qu'elle risquait de regretter. Il se détourna par la suite pour croiser les yeux rieurs de Ted qui n'avait rien manqué à la scène sans pour autant dire quoique ce soit, comme le stipulait le 'bro code'. "Allez, terminez vos coupes. On lance le chrono dans deux minutes. Rebecca ?" La voix artificielle répondit instantanément. "Le chrono démarre dans 120 secondes, Lukas." Tout le monde termina sa tournée de petits fours, ses amis se lançant quelques piques entre eux pour faire monter la tension. Enfin, Rebecca leur signala le top départ, et Lukas se releva pour se diriger vers la baie vitrée. Ted et Rudy partirent en direction de la cuisine pour inspecter la boulangerie fictive, tandis que Karoline s'empressa de se diriger vers la chambre qui correspondait au repère du chasseur.

Lançant un regard par dessus son épaule pour vérifier que Nina le suivait, il s'engagea sur les bords de la piscine pour rejoindre la poolhouse à quelques pas. Il faisait déjà nuit, mais les néons extérieurs et les spots de la piscine rendant l'eau bleu turquoise servaient à éclairer le passage. "Attention où tu marches. On fera le bain de minuit plus tard." la taquina-t-il avant de pousser la porte de la dépendance. Il alluma la lumière et effectua un consciencieux tour des lieux sans rien noté d'anormal. Après tout, c'était sa maison, même si cette pièce était plutôt utilisé par des invités ou son fils adolescent pour avoir sa tranquillité. Nina était entrée à son tour, et un petit écran de contrôle servant surtout d'alarme s'alluma près de la porte d'entrée. "Nina, Lukas, voici votre indice : le journaliste connaît beaucoup de secrets, il se ballade toujours avec son appareil photo." Lukas fit quelques pas dans la pièce, inspectant les différents meubles. Il y avait un petit coin cuisine sommaire, où visiblement seul le frigo servait, plus loin un canapé et une console de jeux, et enfin un lit double et un petit placard. Il finit par se retourner vers Nina, levant les deux bras en l'air. "Ok donc... Je suppose qu'on cherche des photos, la pièce n'est pas bien fournie, on devrait pas avoir de mal à trouver ça. Même si connaissant les enfants, ils ont dû trouver un truc alambiqué comme cachette. C'est eux qui ont préparé ça, je pouvais pas participer et connaître les indices à l'avance... Ils avaient l'air plutôt emballés, peut-être qu'on refera ça avec eux un de ces quatre."

Maître du Jeu:

La proposition du bain de minuit n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde, pourtant il n'eut pas le temps de l'apprécier, puisque la suivante était clairement une attaque frontale quant à leur conversation de la dernière fois. Nina n'avait pas perdu de temps, à peine avaient ils été seuls quelques secondes, que les reproches pleuvaient. Elle avait vraiment un caractère de cochon... Lukas leva les yeux au ciel, avant de se retourner tout en continuant de marcher vers la poolhouse. "Non, cette proposition venait de moi, pas de ton mari fictif... Et si t'es encore fâchée pour ce que j'ai dis la dernière fois, mets-toi deux secondes à ma place. Tu me mens en pleine face après que je t'ai embrassé, y a de quoi être vexé de mon côté aussi. C'est marrant comme tu sembles oublier certains détails pour que ça t'arrange, hein Nina ?" Il appuya son regard, faisant clairement référence au baiser. Certes, quelques paroles lui avaient échappé quand elle s'était braquée à ne pas vouloir lui révéler la vérité sur ce qui s'était passé vingt ans plus tôt. Mais elle paraissait oublier bien vite qu'elle avait répondu à son baiser aussi, avant de se confondre en explications floues lorsqu'il avait posé la mauvaise question. "Tu devrais éviter de m'attaquer quand on marche près de la piscine, je peux très bien choisir de te jeter à l'eau plutôt que de te répondre." Un éclair malicieux traversa son regard, lui lançant l'ultime défi de le provoquer à nouveau. Ils risquaient de perdre un énorme avantage pour la partie de jeu s'ils finissaient trempés maintenant, mais lorsqu'il s'agissait de Nina, Lukas avait tendance à réagir de manière plus impulsive.

Ils continuèrent finalement leur route et entrèrent dans la dépendance. Rebecca leur donna leur indice, et Nina acquiesça quant à l'identification de ce qu'ils devaient chercher. Des photographies. Intéressant. Il se demandait bien ce que les enfants avaient pu concocter pour que cela colle au scénario. Sa coéquipière releva le fait que les enfants aient participé à l'élaboration de la première phase du jeu, et elle sembla hésitante lorsqu'il proposa de refaire une partie avec eux prochainement, se demandant s'ils pouvaient se souvenir d'elle après dix ans d'absence. Elle devait peut-être aussi s'inquiéter de ce que Anastasia avait bien pu dire quant à leur séparation. Même s'il n'avait pas quitté sa femme pour Nina, il y avait eu adultère, qui avait à terme mener au divorce. "Bien sûr qu'ils se souviennent de toi, ils t'adoraient." répondit Lukas en haussant les épaules, comme si c'était une évidence. "On leur a rien dit de nos petites affaires, avec Anastasia, si c'est ce qui t'inquiète. Tout ce qu'ils savent c'est qu'on ne s'entendait plus, et qu'on s'est séparés. Elle ne voulait pas qu'ils me voient comme le méchant de l'histoire, ce qui s'est passé, c'était entre nous. Tu vois... réagir comme des adultes quoi." Il ponctua ses explications par cette dernière pique, faisant directement référence lui aussi à leur conversation d'il y a trois semaines. Nina finit par secouer la tête et répartir les tâches pour fouiller les lieux. Lukas s'approcha du lit, soulevant les oreillers. Il se pencha pour vérifier en dessous, mais toujours aucune trace des dites photographies. Alors qu'il se dirigeait vers la commode servant de dressing, Nina l'interpella en pensant avoir découvert quelque chose. Il s'approcha lentement, constatant son visage littéralement se décomposer à mesure qu'elle étudiait les différents clichés. Lukas haussa un sourcil d'incompréhension, arrivant à sa hauteur alors que le visage assombri, elle lui lança sur un ton froid que lui et Karoline étaient bien plus proches qu'elle ne le pensait. Il se saisit des photographies qu'elle tapota sur son torse, et s'empressa de les observer avec attention. "Ah le petit con, il peut oublier sa console pendant au moins deux mois avec ça. La vache, ils ont sacrément poussés le truc !" s'exclama-t-il à son tour, complètement horrifié en retournant les photos dans tous les sens devant son visage. Nul doute qu'il s'agissait des talents de photoshoppeur de son adolescent de fils. Il reconnaissait quelques poses de photos qui étaient visibles sur les réseaux sociaux, il n'avait eu qu'à les adapter pour faire croire que Karoline et lui avaient passé du bon temps ensemble...

Nina en conclut que cet indice pouvait très bien constituer un mobile pour le meurtre fictif du maire, et sans plus attendre tourna les talons pour quitter les lieux. Il devait leur rester moins de dix minutes pour fouiller une autre pièce, elle avait raison de se dépêcher vers une autre. Pourtant, elle venait de se refermer avec lui comme une coquille d'huître, imperméable. Son attitude froide et vexée ne pouvait signifier qu'une chose, elle avait vraiment cru à cette mascarade. "Hé, Nina ? Attends moi !" Lukas balança les photos sur le comptoir de la cuisine et se précipita à sa suite. Il lui coupa la route alors qu'ils étaient de retour au bord de la piscine, ses deux mains sur ses bras pour la forcer à s'arrêter et à lui faire face. "T'es quand même pas en train de croire qu'il y a quelque chose entre moi et Karoline dans la vraie vie ?" La phrase resta en suspens, et au vue de la réaction non verbale de la brune, Lukas poussa un soupir amusé en la relâchant. Il la laissa passer, et ils continuèrent leur route vers l'intérieur de la maison. "C'est mon employée, Nina ! Y a rien entre nous. C'est du montage photo." Avant qu'elle ne franchisse la baie vitrée, il tenta une énième approche. "Et de toutes façons, pourquoi tu serais jalouse ?" Elle n'aimait pas les mots, ou en tout cas y être confrontée... Voyons voir comment elle s'en sortirait avec cela.

Une fois à l'intérieur, il prit le pas de la devancer et se dirigea vers le bureau qui constituait la mairie. "Je suis peut-être suspect, mais toi aussi ma chère épouse... En politique, il n'y a que des requins, et ils n'ont pas pour habitude de se faire de cadeaux entre eux. Peut-être qu'il voulait se représenter pour le prochain mandat ? Il te faisait chanter ? Peut-être que tu as une liaison aussi ou autre chose ?" Lukas fronça les sourcils en l'observant suspicieusement. Rebecca lui avait fourni une information dans son mail personnel pour préparer son rôle, il savait que l'ancien maire faisait chanter certains habitants du village. Et ce n'était pas lui, alors qui d'autres ? Karoline avec cette liaison était elle aussi sur la liste principale des suspects. Ce triangle amoureux fictif s'annonçait dangereux, aussi bien en jeu qu'en réalité...
Alors qu'ils arrivèrent dans la pièce, il semblait que Karoline soit en plein en train de fouiller les lieux. Rebecca reprit la parole alors qu'elle constata la présence des deux nouveaux joueurs et leur fournit le prochain indice : "Les statistiques sur les crimes montrent que 63% d'entre eux sont liés à une histoire d'argent... Les comptes de la mairie seront peut-être intéressants à étudier." Lukas pointa un doigt vers Nina. "Ah-a ! Tu vois, j'en étais sûr." Karoline soupira, semblant découragée à trouver la solution. "Il y a un tiroir fermé ici, mais impossible de mettre la main sur la clef."

Maître du Jeu:

Nina doutait sérieusement du fait que les enfants n'aient pas pu faire le lien. Mais Rob avait sept ans à l'époque, et Cassie fêtait ses trois ans. "Nina, c'était des gosses, comment veux-tu qu'ils fassent le lien ? T'es partie, t'as déménagé avec ton mari, point. Et puis on ne s'est pas séparés immédiatement, ça a trainé quelques temps..." Oh bien sûr, ils avaient demandé innocemment où était tata Nina et oncle Mark de leur petite voix d'enfants, mais à cet âge là ils auraient avalé n'importe quoi. S'il devait bien une chose à Anastasia, c'était d'avoir eu l'élégance de lui épargner le regard des enfants. Ils avaient assez soufferts de la séparation en tant que telle, subis les gardes alternés pendant de longues années, c'était bien assez pénible sans avoir à haïr leur père d'avoir brisé leur famille. Lukas s'en sentait assez coupable tout seul, même s'il ne regrettait pas ce qu'il s'était passé avec Nina, il aurait préféré que ce soit dans d'autres circonstances. Anastasia n'avait pas mérité ça, mais il était loin de se douter que celle qu'il avait aimé depuis toujours se repointerait dans sa vie à ce moment là. Il n'avait jamais su lui dire non, alors quand elle l'avait séduit, il n'avait pas su résister. Même pas pour préserver son mariage et sa famille, qui pourtant représentait tout à ses yeux. Il ne manqua pas de lui lancer une petite pique en référence à leur conversation épineuse récente, et Nina réagit en partant sur ses grands chevaux. Il n'apprécia pas forcément qu'elle dénigre Anastasia, mais au fond il savait qu'il avait cherché lui-même la petite bête. Il ne surenchérit pas alors qu'elle sembla se restreindre d'elle-même en abandonnant la conversation, préférant se concentrer sur le mystère à résoudre.

Nina avait visiblement perdu son sang froid alors que Lukas la retint au bord de la piscine, tentant vainement de la convaincre que les photos de lui et Karoline n'était que du flan. Elle en était devenue agressive à lui retourner sa menace de finir dans la piscine, mais sans avoir l'air de plaisanter. Il finit par la libérer et la laisser passer, non sans mettre les mots sur son sentiment colérique. Lorsqu'elle se retourna vers lui, il ne savait plus très bien s'il avait en face de lui l'ange ou le démon qu'il lui connaissait. Son sourire charmeur à tomber contrastait froidement à ses paroles glaciales et trompeuses. Etaient-ils vraiment encore en train de jouer ? Lukas resta hébété quelques secondes, avant de secouer la tête et d'entrer à son tour dans le salon. Il reprit son rôle de mari fictif et de détective en herbe, annonçant les raisons pour lesquelles cela pouvait très bien être elle la coupable dans  l'histoire. Il avait tenté un ton plus léger, railleur, mais sa réponse fut cinglante, moqueuse, hautaine. Elle n'avait pas encore digéré, et même si elle se cachait derrière son rôle d'épouse bafouée, il sentait son venin petit à petit se répandre dans ses veines. Alors que la main de Nina était sur la clenche de la porte du bureau, il bondit en avant pour la retenir, collant par la même occasion son torse à son dos, sa main sur la sienne qui retenait la porte vers eux. Son autre main glissa sur sa hanche, à peine assez pour la retenir. Contrairement au sien, son ton était chaud, sans excès, mais pas moins efficace. "La nuit est encore longue, t'auras tout le temps de t'adonner à ton crime passionnel plus tard. Maintenant, si on allait gagner cette partie ?" Parviendraient-ils à avoir une conversation sans effusions de sang ? Peut-être quand ils arrêteraient enfin de tourner autour du pot, ce que Lukas essayait désespérément de faire depuis la dernière fois. Son regard glissa sans pudeur sur sa clavicule légèrement découverte à portée de bouche, qu'il aurait probablement mordu de frustration s'il écoutait ses instincts, puis la naissance de son décolleté, qui de ce point de vue ne laissait que peu d'imagination quant à ce qui se cachait au dessous. Il la bouscula légèrement pour passer devant elle, et actionna la poignée de la porte pour entrer dans la pièce, non sans lui signifier du regard que leur partie privée n'était pas terminée.

Karoline se trouvait dans le bureau, occupé à rechercher l'indice, ou plus exactement la clef qui donnerait accès à l'indice. Nina ne manqua pas de faire une remarque quant à la liaison fictive qu'il entretenait avec Karoline, et celle-ci releva un sourcil interrogateur vers elle avant d'exploser de rire. "Alors c'était ça l'indice de la poolhouse ? Mince, mon chat, ta femme nous a découvert, on est foutus ! Il risque d'y avoir un autre meurtre ou ça va aller ?" Le ton était quelque peu moqueur, certainement en guise de défense. Pour qui ne connaissait pas Nina, elle pouvait paraître très mesquine dans ses propos, et Karoline n'avait absolument aucune idée de la double partie qui se jouait ce soir, mais elle n'avait pas non plus pour habitude de se laisser faire. Lukas soupira dans son coin tout en évitant soigneusement de répondre à l'une ou l'autre, il n'y avait pas pire que de se retrouver entre deux femmes. Plus pour fuir cette situation presque embarrassante, ses yeux se posèrent sur la carafe de bourbon posée sur la petite commode au fond de la pièce et il s'y rendit presque machinalement. Ses mains se saisirent du contenant, mais un tintement inconnu finit par attirer son attention. Il souleva la carafe au dessus de sa tête, et constata qu'une petite clef reposait au fond du récipient. "Ah non, pas mon bourbon ! Bon ben y a plus qu'à le boire pour récupérer la clef. Ca dit à quelqu'un ?" proposa-t-il en remplissant trois verres. Heureusement qu'elle n'était pas pleine, ou il aurait probablement maudit son fils encore plus. Lukas trempa les lèvres dans le liquide ambrée, laissant le loisir aux filles de récupérer leur verre si elle le souhaitait. Il renversa la carafe et récupéra la clef, avant de la lancer à Karoline qui se trouvait devant le bureau. Celle-ci ouvrit le tiroir et en sortit un calepin où des chiffres étaient griffonnés anarchiquement. "On dirait un livre de comptes... Le meurtre a donc un lien avec l'argent de la ville... Un commentaire, malade la maire ? On détourne des fonds ? Notre cher ancien maire aurait-il découvert quelque chose de dérangeant pour votre mandat ?" Intéressant. L'information de maître chanteur qu'il avait eu au préalable pouvait donc tout à fait concerner Nina. Karoline n'était pas en reste, puisqu'il y avait ces photographies de leur liaison, mais qu'aurait bien pu vouloir le maire en échange ? Il y avait un lien avec l'argent, mais Lukas ignorait encore comment ficeler tout cela dans le bon sens. Sa réflexion fut interrompue par Rebecca qui sonna la fin de la première phase de jeu et sommait les participants de se retrouver au salon. Lukas termina cul sec son verre avant de le reposer sur la commode et d'enclencher le pas. Son regard s'attarda sur Nina au passage, alors qu'il semblait encore profondément pensif. Peut-être là aussi devait-il changer de stratégie, mais il devrait attendre qu'ils soient enfin seuls. Les autres n'avaient pas besoin d'assister à une scène de ménage...

De retour dans le salon, Ted et Rudy revinrent dépités de la chambre d'amis avant de s'affaler sur les fauteuils. Lukas reprit sa place initiale, espérant que Nina en ferait de même et ne l'éviterait pas effrontément. Mais elle était tenace dans sa rancune, et pour l'instant, tout avait contribué à la renforcer ce soir, même si elle se fondait sur des éléments complètement erronés. "Y a rien du tout dans cette pièce ! Karo, t'as trouvé toi ?" s'exclama Ted. "A ton avis ? Je vais pas te donner la réponse, je suis pas idiote. Chacun son enquête, Sherlock !" répondit-elle en faisant claquer sa langue avant de s'asseoir en travers dans le dernier fauteuil et de relever les jambes sur l'accoudoir. "Bravo. Vous avez trouvé tous les indices. Certains auront une longueur d'avance en fonction des éléments qu'ils ont découverts. Il est temps de passer à la seconde phase du jeu, mais avant, veuillez présenter l'arme du crime. Rudy ayant découvert cet indice en premier marque un point. Les deux autres points sont accessibles en trouvant le coupable et le mobile. Le joueur qui aura marqué le plus de points remportera la partie." intervint Rebecca. "Woow, génial !" bondit Rudy, heureux d'avoir un point d'avance désormais. "T'as pas encore gagné mon vieux, calme-toi, et partage nous ta trouvaille." Rudy exposa le couteau de chasseur qu'il avait trouvé dans le pot de fleur près de la cuisine, à savoir la boulangerie fictive. "Hin-hin..." s'enquit Lukas en relevant les yeux vers Ted, qui haussa les épaules et les mains l'air innocent.

Ted et Rudy se lancèrent un regard entendu à l'annonce de Nina qui promettait que les choses risquaient de devenir intéressantes avec ce qu'elle avait découvert. Ce n'était qu'un tout petit adultère, bien que cela faisait de lui et de Karoline des suspects potentiels très crédibles. Elle n'était pas en reste avec des comptes de la mairie où visiblement une histoire d'argent entachait son propre pédigré. Quant à l'arme du crime, l'objet appartenait sans équivoque au chasseur. Le seul qui semblait bien s'en tirer dans l'affaire pour l'instant était Rudy, en sa qualité de journaliste... Alors que tous se resservaient en boisson puisque la suite des événements se dérouleraient ici, au salon, il était temps de passer à la phase des interrogatoires. Rebecca leur demanda de choisir une personne, et tout naturellement le groupe se mit d'accord sur l'interrogatoire de Ted, propriétaire par son personnage du couteau ensanglanté qui avait tué l'ancien maire fictif. Rebecca les mit en garde qu'ils n'avaient que cinq minutes par suspect interrogé, et qu'il était préférable de bien choisir leurs questions. Evidemment, dans tout bon thriller, les policiers commençaient par demander l'alibi, ce que Lukas opta pour première question. 

"Ok, Ted. Qu'est-ce que tu faisais ce matin aux alentours des 8h ?
- Je cherchais mon couteau en ville, il a disparu depuis la veille.
- Comme par hasard... Il est utilisé pour commettre un crime, mais il avait malencontreusement disparu, hein ?" intervint Karoline.
"Hééé, j'étais bourré hier soir. J'ai dû le faire tomber. Au passage, il a été retrouvé à la boulangerie, peut-être que sa propriétaire en a profité pour le mettre à profit..." Ted posa une main conquérante sur son genou et pivota vers Karoline avec un haussement de sourcils significatif. 
"Ca ne veut strictement rien dire, tu l'as retrouvé où exactement, Rudy ?
- Dans le pot de fleurs. L'indice de Rebecca mentionnait que la cachette avait un rapport avec le jardinier..." répondit le journaliste.

Lukas pivota vers Nina avec un sourire en coin, certain qu'elle allait se régaler de cette nouvelle information. Si elle pensait que c'était lui le coupable, peut-être devait-il la laisser le croire et même en jouer. Après tout, il savait que ce n'était pas lui. Si elle se trompait dans sa déduction, elle ne marquerait pas les points et ne gagnerait pas. Et il pourrait la taquiner longtemps à ce propos, elle était plutôt mauvaise perdante dans son souvenir. Reportant son attention sur l'interrogé, Lukas lança la deuxième question la plus évidente. Le chrono tournait, il ne devait rester qu'une dizaines de secondes à présent.

"Est-ce que tu avais quelque chose contre le maire ? 
- Absolument pas, c'était plutôt un bon bougre. Il a servi la ville dignement. Par contre... J'étais ivre, mais j'ai vu deux personnes se disputer dans la boulangerie hier soir. Les volets étaient fermés, je n'ai pas pu les identifier. Malgré tout, je trouve ça quand même très étrange qu'on retrouve l'arme du crime, et en même temps que notre chère boulangère ait un coup de sang avec quelqu'un en l'espace de 24h... peut-être notre victime ?
- Ou son amant..." ajouta Rudy comme un cheveu sur la soupe, sourcils froncés et concentrés derrière ses lunettes de reporter. 

Les regards passèrent de l'un à l'autre avec suspicion. Seul Ted n'était pas encore au courant de la liaison à présent, mais l'interrogatoire de Lukas révèlerait très certainement cet indice. Et puis, il n'était pas dénué de toute logique. Rudy ne s'incriminerait pas lui-même et il savait que ce n'était pas lui, alors il ne restait plus que Lukas... Afin de ne pas être mis en cause pour le moment, Lukas interpella Rudy pour le prochain interrogatoire.

"Tu sembles savoir plein de choses sur nos petites affaires privées, Rudy ? Etrangement, tu es le seul vers qui aucun indice n'a pointé jusque là, je me demande pourquoi... C'est très suspect ça, non ? Peut-être que tu es le coupable et que tu nous as détourné des vraies preuves ? Alors, quel est ton alibi ?
- Je suis arrivé à mon bureau à 7h, et je suis allé chercher des croissants à la boulangerie à 8h30. Je rédigeai mon article à paraître pour le journal de demain. J'ai aucune raison d'en vouloir à l'ancien maire, c'est ridicule. Peut-être qu'il n'y a pas d'indices, parce que tout simplement il n'y a rien à trouver...
- Ok Clark Kent, alors comme tu sembles tout savoir, qui pourrait bien en vouloir à l'ancien maire selon toi ?" demanda Ted. Rudy prit une profonde inspiration en redressant ses binocles sur son nez avant de poursuivre.
"Je pense que le fait que l'arme du crime t'appartienne est bien trop évident... Et puis, il y a eu quelque chose d'étrange ce matin, je ne saurais l'expliquer, mais c'est une silhouette de femme que j'ai vu passer devant la vitre de mon bureau ce matin... Elle avait l'air plutôt remontée et elle se dirigeait vers la mairie... Qui je vous le rappelle est le lieu du crime. Seulement quelques minutes plus tard, le corps a été retrouvé. Alors ?"

Lukas hocha la tête, même si tout commençait à pointer vers Karoline, n'était-ce pas trop évident ? Il y avait cette histoire de chantage de l'ancien maire, dont lui seul détenait l'information pour le moment. La victime avait pu faire chanter Karoline à propos de leur liaison, ou alors son épouse pour une histoire d'argent... Tout du moins, il avait réduit sa liste de suspects personnelle à deux noms. Rudy avait raison, cela restait un jeu, et aucun indice ne pointait dans sa direction. Il y aurait eu au moins un élément en sa défaveur depuis le temps. Et pour le chasseur, cela semblait aussi trop simple. Le chrono tournait, et il était temps de passer à l'interrogatoire suivant. Lukas se tourna vers Nina, l'air malicieux.

"Tu entends ça, chérie ? Une femme, et on en revient à la mairie...Tu devrais peut-être nous parler de ce livre de comptes qu'on a retrouvé dans ton bureau ? Il semble y avoir quelques anomalies...
- Bien lancé, et au passage ton alibi pour ce matin..." surenchérit Karoline.

Maître du Jeu:

Karoline se défendait tant mieux que mal face à la question de Nina, mais tout commençait à sérieusement pointer vers elle. Elle tentait de rejeter la faute sur la nouvelle maire, dévoilant aux participants que les rumeurs allaient bon train concernant son état d'esprit face à l'ingérence de l'ancien maire dans ses affaires. Pourtant, l'arme du crime retrouvée dans ses locaux, le fait que Lukas savait de source sûre que le maire faisait chanter certains villageois... Les indices s'entrecoupaient maintenant aisément pour la pointer du doigt. Restait à trouver le mobile, mais il n'avait pas besoin de chercher bien loin. Le seul élément sur lequel le maire pouvait faire chanter Karoline était sa liaison avec lui, et les entrées d'argent suspectes dans les comptes de la mairie relevées par Nina venait corroborer cette version. D'autant plus qu'il n'avait pas eu d'informations concernant une éventuelle dispute entre les tourtereaux qu'ils étaient sensés être, cela ne pouvait donc être que la boulangère et la victime.

Enfin, c'était à son tour de clôturer les interrogatoires, et Ted ne manqua pas de le relever, lui retournant les questions qu'ils avaient commencé par lui poser. "Comme ma femme vous l'a dit, nous déjeunions ensemble ce matin. La seule chose que j'aurais à ajouter, c'est que je sais de source sûre que l'ancien maire faisait effectivement chanter quelqu'un au village... Et je n'étais pas présent pour cette dispute à la boulangerie, ce n'était pas une querelle de couple..." Le silence se fit un instant dans la pièce, chacun regroupant ses pensées pour donner son mot final. Rebecca prit le relai à cet instant. "Je vous attends à tour de rôle dans la cuisine afin de me communiquer vos hypothèses. J'annoncerai ensuite le ou les vainqueurs." Karoline joua le jeu jusqu'au bout, malgré le fait qu'elle ne puisse pas vraiment marquer de point étant donné qu'elle était la complice du maître du jeu depuis le début si l'hypothèse de Lukas était bonne. Les participants défilèrent à tour de rôle dans la cuisine, remettant à Rebecca leur coupable et le mobile.

L'annonce des résultats ne tarda pas, et Rebecca annonça trois vainqueurs. Rudy pour l'arme du crime et la coupable, en la personne de Karoline, bien qu'il n'ait pas fait le lien pour le mobile. Ted avait dénoncé Nina, râlant sur le fait qu'elle avait les deux mobiles universels pour prétendre à un meurtre, le sexe et l'argent et que le jeu devait être truqué. Il avait toujours été mauvais perdant... Enfin, Nina et Lukas qui avaient tous deux trouver la coupable et le mobile. "Bravo tout le monde. C'était une belle séance ! Je corserai un peu l'algorithme pour la prochaine fois..." Ils trinquèrent une dernière fois, échangeant leurs impressions sur la partie qu'ils avaient gardées secrètes jusqu'à maintenant. Rudy fut le premier à s'éclipser, rapidement suivi par Ted et Karoline qui prétextèrent avoir bien assez bu pour la soirée. Lukas les raccompagna à la porte d'entrée, échangeant quelques mots avec Rudy sur le travail pour lundi matin.

De retour dans le salon où seule Nina restait, il se décala vers l'un des fauteuils de libre pour lui faire presque face. Se saisissant d'une bouteille, il la termina dans sa coupe. "Bon... J'espère que tu as passé une bonne soirée malgré les nombreux rebondissements. Si tu veux en parler... Sinon on peut directement passer à ce bain de minuit." Son sourire en coin malicieux revint à la charge, espérant que la petite provocation fasse son effet.

Nina accepta le verre de vin, à vrai dire il ne lui avait pas vraiment laissé le choix. L'atmosphère était étrange, Lukas ne se rappelait pas avoir été seul avec elle chez lui depuis qu'ils avaient dix-sept ans. C'était tout autre chose que de faire des soirées avec leurs conjoints respectifs, ou de se voir en catimini dans une chambre d'hôtel. Tellement d'eau avait coulé sous les ponts depuis cette époque, et celle d'avant. Le silence régnait dans la maison tout autour d'eux, la plupart des lumières avait été éteintes, venant donner une ambiance feutrée à leur environnement proche. Nina s'inquiéta de devoir rentrer en conduisant et opta plutôt pour la solution la moins risquée à savoir rentrer en taxi. Cela lui donnerait au moins l'opportunité de la recroiser demain quand elle viendrait récupérer son véhicule. Pourtant, il n'avait aucune envie qu'elle parte. "Ne sois pas ridicule, il y a bien assez de chambres ici..." La sienne ? Il garderait cette idée pour plus tard. Après tout, ne lui avait-elle pas fait comprendre toute la soirée qu'elle était en colère contre lui pour leur dernière conversation ? Où était passée son attitude agacée, ses remarques acerbes ? Elle semblait s'être adoucie tout à coup.

Lukas osa reparler du bain de minuit qu'il lui avait proposé alors qu'ils se dirigeaient vers la poolhouse et l'effet escompté fut satisfaisant alors qu'elle manqua de s'étouffer en prenant une gorgée de son verre.  Aussitôt sur la défensive, elle reprit une position plus assurée, en apparence. Elle se réfugia derrière leurs rôles de ce soir, l'époux infidèle, la femme de pouvoir bafouée. Il sourit amusé en baissant la tête quelques secondes, avoir une conversation constructive allait visiblement être plus difficile que prévu face à la reine de l'esquive. Son regard se planta dans le sien, alors qu'il hésita un instant sur la marche à suivre. Depuis trois semaines, il n'en dormait plus. Lorsqu'il fermait les yeux, c'était elle qu'il voyait. Le contact de ses lèvres sur les siennes le hantait, la douceur de sa peau sous ses doigts, son corps contre le sien... Depuis vingt ans, elle l'habitait comme un fantôme lointain qu'il ne pouvait avoir, et pourtant depuis qu'elle était revenue à Hambourg, elle était bien là devant lui. Libre comme l'air, tout autant que lui. Elle lui en voulait, mais il n'était pas en reste quant aux reproches qu'il pouvait lui faire. Il était frustré, déçu et en colère tout autant qu'il avait besoin d'être avec elle. Lukas se redressa avant de venir s'asseoir lentement à sa gauche sur le canapé, un coude sur le dossier, son corps tourné vers elle. "Nina..." commença-t-il avant de s'abstenir à nouveau. Il n'avait pas vraiment les mots, tout ce que son instinct lui soufflait, c'était de l'embrasser là maintenant. Ses yeux avaient dû le trahir d'ailleurs, alors qu'il expira lentement pour garder son self contrôle. Elle ne l'avait pas repoussé la dernière fois, elle l'avait à peine bousculé toute à l'heure lorsqu'il avait épousé son dos et laisser sa main se poser sur sa hanche. "Je joue plus, Nina..."

Il posa son verre, puis attrapa le sien qu'il déposa lui aussi délicatement sur la table basse. Sa main désormais libre, il la prit dans la sienne, caressant le dos de sa main de son pouce. "Je sais que tu m'en veux encore pour la dernière fois... Parfois, je m'obstine à vouloir te faire payer ton absence. C'est idiot, je sais." Son regard se replanta dans le sien, sérieux, sans aucune once de provocation. "Mais je veux que tu saches qu'il y avait deux choses de vraies à ce moment là... La première, c'est que je n'ai vraiment jamais su être seulement ton ami... Et la deuxième... C'est ce que j'ai ressenti quand je t'ai embrassé. Et j'ai vraiment envie de recommencer, là tout de suite..." Il la laissa encaisser les mots, s'imprégner de sa sincérité, décider si elle en avait envie elle aussi. Son cœur manqua quelques battements alors qu'il était suspendu à sa réponse. Peu importe sa réaction, il avait eu besoin de lui dire quelque part à quel point elle comptait pour lui, à quel point il la désirait. Peut-être que l'alcool avait aidé sa langue à se délier un petit peu, peut-être qu'il en ferait de même pour elle...

L'imaginer porter un de ces T-shirts... Cette image dans sa tête lui plaisait beaucoup trop. Une lueur de défi s'alluma dans ses prunelles, un air appréciateur sur le visage alors que son regard passa sur elle de haut en bas. Il ne releva cependant pas, ne souhaitant pas en rajouter pour l'instant, son corps parlait pour lui. Elle enchaîna avec le petit-déjeuner et ses talents en cuisine. Non pas qu'il soit un chef invétéré, mais il appréciait la bonne nourriture et savait manier les arômes pour parvenir à un résultat plutôt appréciable. L'idée de l'avoir toute la nuit et au petit matin était revigorante, et si pleine de promesses. Peut-être que le rapprochement qu'il attendait tant était ce soir... Elle ne lui fit cependant pas de cadeau et lui rappela volontiers qu'elle lui en voulait toujours avec sa dernière réplique plus acidulée que les autres. Il soupira, ne préférant pas surenchérir au risque de la voir se renfrogner à nouveau dans ses retranchements et sa colère.

A la place, il s'assit à côté d'elle et laissa parler son cœur. Il prit sa main dans la sienne et lui fit comprendre à quel point il la désirait. Suspendu à ses lèvres, littéralement, les secondes parurent des heures avant qu'elle ne retire sa main de la sienne. Fourbe... Non, simplement éperdument amoureux d'elle depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne. Mais peut-être préférait-elle simplement continuer à se mentir sur le véritable visage de leur relation, comme d'habitude. Ses prunelles marrons avaient pourtant une lueur résignée, elle avait fait écho à ses mots, quelque chose en elle s'était éclairée. Il sut que ses barrières avaient cédé lorsqu'elle encadra son visage de ses mains. Lukas ne savait pas exactement si son cœur avait tambouriné tellement fort dans sa poitrine qu'il s'était fait la malle ou s'il avait manqué un battement alors qu'elle avait soufflé qu'il aurait simplement dû commencer par là depuis la minute où les autres étaient partis. Il ferma les yeux de contentement alors qu'elle se pencha un peu plus, mêlant son souffle au sien. Le contact de ses lèvres le fit frissonner de plaisir. Ses mains cherchèrent une accroche, il avait besoin de la toucher. Alors qu'elle s'amusait avec sa lèvre inférieure, faisant un peu plus monter la tension entre eux, il réouvrit les paupières pour la fixer d'un regard brûlant de désir. L'une de ses mains glissa dans sa nuque, la rapprochant un peu plus encore de lui, tandis que l'autre se perdit vers ses genoux recroquevillés. Il souleva légèrement le tissu de sa robe noire et remonta lentement sur l'intérieur de sa cuisse d'une caresse experte. Il se souvenait du moindre détail de sa peau, son grain, ses courbes, les endroits qui la faisaient tiquer... Tout lui revenait comme si c'était hier, comme si leurs corps s'étaient mémorisés sans même qu'ils n'en soient conscients. Le baiser devint plus pressé, il en voulait plus. L'excitation lui faisait tourner la tête, ou peut-être était-ce l'alcool...

Lukas encercla son poignet, la guidant pour qu'elle se redresse. Il attrapa ses hanches alors qu'il s'enfonça lui-même contre le dossier du canapé et l'attira à lui. Il n'avait quitté ses lèvres qu'une seconde, mais c'était une de trop. Assise à califourchon sur lui désormais, il laissa ses mains caresser son corps par dessus le tissu de sa robe. Ses flancs, la courbe de ses seins, ce décolleté qui l'avait cloué sur place lorsqu'il avait ouvert la porte ce soir... Sa bouche laissa une traînée de baisers le long de sa mâchoire avant de fondre vers son cou. Son goût était incomparable, aussi délicieusement sucré qu'il s'en rappelait. Le bout de sa langue revenait régulièrement à la charge, reprenant un peu plus d'elle alors que la position le rendait littéralement fou. Ses paumes glissèrent sur ses hanches sans s'y attarder, passant brièvement sur ses fesses avant de repartir à la conquête de ses cuisses. Il avait besoin de sentir sa peau contre lui, le tissu devenait gênant. Il tâtonna dans son dos pour trouver une tirette, et la fit doucement glisser vers le bas jusqu'à la naissance de ses fesses. Lukas recula légèrement, délaissant son nouveau terrain de jeu qu'était son cou. Ses yeux se perdirent dans les siens, avec tendresse et un désir ardent, repoussant une mèche de cheveux au passage. Alors qu'il repartit à l'assaut de ses lèvres, il fit doucement tomber la robe de ses épaules dévoilant sa peau nue sous ses doigts.  Chaque caresse paraissait lui lancer un éclair, comme si sa seule volonté de la posséder était capable de faire vibrer les molécules entre eux. Il n'était plus certain à cette seconde de pouvoir s'arrêter, alors même qu'il sentait ses mains à elle sur son corps tout aussi bien. Son T-shirt ne fit pas long feu et passa rapidement au dessus de sa tête pour se retrouver sur le sol froid du carrelage quelque part dans la pièce. Il dévoila encore un peu plus le corps de Nina, continuant à tirer doucement sur sa robe jusqu'à ce qu'elle soit à sa taille. Prenant le temps de l'admirer une seconde, alors qu'elle ne portait aucun soutien-gorge, il releva légèrement la tête vers elle, embrassant furtivement ses lèvres plusieurs fois en soutenant ses hanches de ses mains. "On devrait peut-être aller prendre ce bain... ralentir un peu." souffla-t-il la voix devenue rauque par l'excitation.

Nina avait toujours été un peu prude avec son corps. Pourtant elle était magnifique, probablement la plus belle femme qu'il ait eu l'occasion de toucher. Ses sentiments pour elle n'y étaient certainement pas anodins, mais c'était aussi ce qui faisait d'elle son unique à lui. Alors qu'il proposait de faire une pause, bien trop émoustillé par leurs caresses indécentes pressées, elle couvrit sa poitrine nue d'un bras avant d'acquiescer et de se reculer. Elle rattrapa aussi sa robe qui était tombée à sa taille, se recouvrant le buste. Lukas se redressa à son tour, torse nu, et se colla contre son épaule alors qu'elle attendait qu'il ouvre la marche. Il embrassa délicatement sa clavicule, frôlant du revers de sa main son cou sous ses cheveux bruns qui retombaient en cascade. "Ne te cache pas, tu es superbe..." chuchota-t-il de sa voix chaude et rassurante. Sa main agrippa l'une des siennes qui s'évertuait à retenir son vêtement, et il l'entraîna à sa suite vers la baie vitrée, franchissant le seuil pour gagner les bords de la piscine. Les vapeurs d'eau étaient bien visibles à la surface, l'eau étant chauffée et la température de l'air extérieur correspondait parfaitement à celui d'un mois de février. Il relâcha sa main afin de déboutonner le reste de sa tenue, finissant en caleçon, prêt à faire le grand saut. L'émanation physique de son désir pour elle était on ne peut plus visible à cet instant, et le contact de l'eau risquait de ne pas arranger grand chose. Surtout qu'elle lui manquait déjà, et que la pause risquait d'être de courte durée.

Il s'assit au bord, l'invitant d'une main à en faire de même. Puis, la laissa entrer dans l'eau chaude alors que la ligne d'eau la recouvrait à nouveau jusqu'au buste. Il s'y glissa à son tour, et franchit les quelques pas qui la séparaient d'elle tandis qu'elle s'était éloignée un peu du bord. Ses mains retrouvèrent naturellement le chemin de ses hanches, alors que son regard avait du mal à ne pas chercher ses lèvres. L'eau était traitée au sel, et donnait un toucher laiteux encore plus prononcé à sa peau. A cet instant, il se rendit compte qu'il pouvait aisément s'habituer à l'avoir avec lui tout le temps. Maintenant qu'enfin rien ne se mettait en travers de leur route, vingt ans après. Comment avaient-ils pu vivre si longtemps l'un sans l'autre ? Il ne regrettait pas son mariage avec Anastasia, ni les moments qu'ils avaient partagés ensemble, et encore moins les deux beaux enfants qu'elle lui avait donné. Il l'avait aimé, bien sûr. Mais ce n'était rien par rapport à la place qu'occupait Nina depuis toujours. Malgré leurs différences, malgré le fait qu'elle était partie sans explications, elle revenait toujours dans son esprit. "Tu crois que c'est enfin notre moment, Nina ?"

Son front trouva le sien, et il apprécia les yeux fermés ce contact intime quelques secondes, avant de pencher son visage pour retrouver ses lèvres. Le baiser était doux, complice, il voulait la savourer. Ses mains la soulevèrent légèrement, aussi aisément qu'une plume aidé par l'eau, et vinrent la coller contre lui. Ses jambes s'enroulèrent autour de sa taille, ses bras autour de ses épaules, les liant dans une étreinte rapprochée. Lukas l'entraîna à nouveau au bord, jusqu'à ce que son dos entre en contact avec le carrelage décoratif. Il pressa son torse contre son buste, et approfondit le baiser qui ne tarda pas à s'enflammer à nouveau. Les quelques frôlements de leurs bassins qui ne revêtaient à présent que leurs sous-vêtements étaient on ne peut plus enivrants et faisait ressurgir son désir encore plus fort qu'avant. Il pressa son entre-jambe bien éveillé contre le tissu fin de sa culotte trempée, ce qui lui arracha un gémissement. Le souffle court, il délaissa ses lèvres quelques secondes, plongeant son visage dans son cou avant de reprendre par une traînée de baisers brûlants à cet endroit. Ses mains se mirent à explorer son corps, retrouvant les courbes de ses seins qu'il caressa cette fois-ci bien moins timidement. Son pouce s'arrêta sur l'un de ses tétons, déjà durci par l'excitation et probablement la différence de température entre l'eau et l'air. Il s'amusa à le titiller davantage, tandis que son autre main glissa sous ses fesses, ignorant effrontément le tissu de son dernier rempart. Ses doigts s'infiltrèrent jusqu'à ses lèvres intimes, qu'il caressa délicatement du bout des doigts.

Ses réactions à elle faisaient écho à son désir. Son corps qui se cabrait légèrement de plaisir, son souffle tout aussi court, le derme de sa peau qui s'hérissait au moindre toucher. Lukas avait l'impression qu'elle lui ferait toujours le même effet, comme si à chaque fois c'était la première. Pourtant, ils en avaient fait du chemin depuis leur toute première nuit. Les gestes qui étaient autrefois timides et mal assurés, étaient aujourd'hui connaisseurs et sûrs. Son corps, il l'avait écumé des dizaines de fois dans cette chambre d'hôtel, et il ne s'en lassait jamais. La retrouver dans ses bras ce soir, était aussi inespéré que salvateur depuis ces dernières années sans elle. Il la voulait, éperdument. Son regard accrocha le sien un instant, brûlant, fiévreux, avant que sa bouche ne flirte à nouveau avec la sienne dans un baiser langoureux. Le monde pouvait bien brûler tout autour d'eux, il n'y avait plus qu'elle à cet instant précis, elle et leurs corps qui se réclamaient insatiablement.

Juste avant de sortir, un éclair d'inquiétude sembla frapper Nina. Les enfants avaient-ils une chance de débarquer ce soir ? Voire demain matin tôt. Il lui rétorqua un rire amusé, sa main tenant toujours fermement la sienne alors que l'autre poussait la baie vitrée pour leur libérer le passage. "Ne t'en fais pas, c'est pas mon tour. Le week-end prochain seulement. J'aurais pas passé le samedi soir à boire sinon, on a plus vingt ans, les lendemains sont plus compliqués..." Il l'attira au bord de la piscine, alors qu'il la vit se recroqueviller un peu plus sur elle-même fouettée par la fraîcheur hivernale d'une nuit de février. L'eau lui ferait le plus grand bien, à n'en pas douter. Se délestant de leurs vêtements, ils se trempèrent jusqu'aux bustes, appréciant chacun le contact revigorant de l'eau chaude. Alors qu'il lui demanda si, enfin, elle pensait que ce serait leur moment, il fut troublé par sa réponse se dessinant comme une supplique. Une promesse, elle voulait qu'il lui promette de l'accepter telle qu'elle était. Pourquoi s'inquiétait-elle de cela ? Quel sens caché pouvait-il y avoir à ses paroles ? Il inspira profondément pour se retenir de creuser le sujet, sachant pertinemment qu'elle se renfrognerait à ne pas vouloir se dévoiler de trop. Quelque part, sa fragilité soudaine le bouleversait. Jamais, il ne souhaitait qu'elle ait peur avec lui, au contraire. "Nina... Ce n'est que moi... Est-ce que tu te rends seulement compte d'à quel point tu comptes pour moi ? Même si on aime se faire un peu la guerre, tu pourras pas te débarrasser de moi comme ça." Il avait failli. Failli lui dire qu'il l'aime. Mais une petite boule d'inquiétude dans son estomac l'avait empêché de prononcer les trois petits mots. Lukas savait pertinemment qu'elle ne lui avait pas tout dit, et qu'il y avait encore trop de parts d'ombre dans leur relation. En aucune façon, il ne souhaitait que cela les sépare à jamais, mais son manque de sincérité avec lui le blessait. Après tout, quand on aimait on pouvait bien tout entendre... et tout pardonner. Non ?

Son front contre le sien, il marqua sa promesse avec tendresse avant de reprendre possession de ses lèvres. C'était doux, c'était amoureux. S'il ne lui avait pas dit les mots, il voulait surtout lui faire comprendre par son toucher et ses baisers. L'emprisonnant entre son corps et le bord de la piscine, le désir charnel reprit cependant le dessus. Alors que son corps n'était plus qu'un terrain de jeu, qu'elle paraissait littéralement fondre sous ses caresses enflammées, l'excitant par le simple fait d'onduler contre lui, elle finit par abdiquer et le menacer de se servir elle-même. Un sourire en coin flatté et joueur s'insinua sur ses lèvres, alors qu'il laissa à peine assez d'espace entre leurs bouches pour répondre. "Pourquoi sortir ? On est très biens ici..." Il délaissa sa prise sur son sein, et libéra de son caleçon toute sa virilité avant de s'occuper de son tanga. Il repoussa le tissu sur le côté, insinuant un doigt en elle au passage, avant de se résoudre à ne faire plus qu'un. Il ferma les yeux en soutenant sa nuque, alors qu'elle l'avala tout entier. Leurs bassins n'auraient pu être plus soudés, même si sa tête semblait être tellement envahie de sensations d'ivresse qu'il n'aurait su se repérer dans l'espace à cet instant. Sa bouche chercha la sienne, ne trouvant que la ligne fine de sa mâchoire à embrasser, alors qu'elle avait relevé le menton en encaissant le plaisir. Ses ongles avaient trouvé un nouvel ennemi dans la peau de ses épaules, alors qu'il démarrait quelques vas-et-vients lents. Il accéléra le rythme, se perdant dans sa propre danse, alors qu'elle semblait elle-même perdre pied complètement. Leur parade nuptiale avait duré bien trop longtemps pour faire des records en matière de durée, ou peut-être était-ce simplement ce désir bien trop longtemps refoulé pour ne pas se consumer spontanément. Il accompagna sa montée, se fiant à son souffle et ses gémissements, se perdant dans les méandres de son propre plaisir. Elle relâcha tout, enfin, et il s'abandonna à son tour. Ses muscles tendus par l'effort se décontractèrent d'un coup, et alors qu'il la sentait encore vibrer contre lui, il l'encercla de ses bras avec la plus grande tendresse. Son menton se posa sur son épaule, qu'il embrassa délicatement à plusieurs reprises, avant que son visage ne vienne s'enfouir dans son cou pour reprendre son souffle. Son coeur tambourinait si fort dans sa poitrine qu'il était persuadé qu'elle puisse l'entendre, ou au moins le sentir.

Ils restèrent un moment enlacés, avant que Lukas ne se recule légèrement. "Je vais chercher des draps de bain, attends-moi là." Il déposa un baiser sur ses lèvres, avant d'appuyer ses deux paumes sur le rebord de la piscine et se hisser hors de l'eau. Il ne disparut qu'une minute, revenant avec ce qui empêcherait Nina de mourir de froid au sortir de la piscine. Il posa la sienne sur ses épaules, et lui tendit grand ouvert l'autre où elle s'engouffra rapidement une fois hors du bassin. Il enroula le tissu molletonné tout autour d'elle et ils entrèrent au chaud dans la maison après avoir récupéré leurs vêtements au sol. "Je te prête un T-shirt ?" lança-t-il malicieux en lui lançant un regard taquin, référence à leur conversation d'il y a une heure à peine. "Quoique ça ne me dérange pas si tu dors nue dans mes draps..." Si son désir pour elle avait été épanouie ce soir, il aurait voulu que cette nuit dure pour toujours. Le simple fait de pouvoir la tenir dans ses bras, contre lui, toute la nuit, l'emplissait d'une chaleur réconfortante. Il se dirigea vers la chambre, alors qu'elle était sur ses talons. Franchissant le pas de la porte, il alluma la lumière et lui désigna la petite pièce adjacente. "La salle de bain est là, si tu veux."

Ils montent à l'étage, retrouvant l'intimité de la chambre. Nina décide de prolonger l'instant aquatique en optant pour une douche et accepte la proposition de T-shirt de Lukas, non sans lui rappeler qu'il pouvait la redéshabiller à loisir au courant de la nuit. Elle laisse tomber le drap de bain qui s'écroule sur le parquet clair et lui lance un regard en arrière avant de disparaître dans la salle de bain dans sa tenue d'Eve. Il ne s'est pas fait prier pour la détailler de la tête au pied dans toute sa nudité et de répondre par un sourire en coin appréciateur. Lui laissant prendre un peu d'avance, il inspire tout en retirant sa montre qu'il pose par habitude sur la table de chevet. Elle est évidemment étanche mais son poignet libéré du bracelet en acier est bien plus agréable ainsi. Aussi, il cherche dans son tiroir à sous-vêtements un caleçon sec, avant de choisir un T-shirt gris clair pour Nina, qu'il dépose tous deux sur le coin du lit. La sérénité de ce moment entre eux est complètement inédit, ils ont tout le temps devant eux. Une nuit entière, et certainement d'autres à venir. L'après de leurs anciennes étreintes était pressé, il fallait regagner leur domicile respectif, rassurer leurs conjoints sur leur absence d'une heure ou deux. Bien sûr, l'excuse du travail avait été utilisée à de nombreuses reprises. Jusqu'à ce que sa femme ne soit devenue suspicieuse et mène sa propre enquête... Ce soir, ils peuvent profiter de l'instant, vivre leur amour comme bon leur semble, sans contraintes.

L'eau coule depuis quelques minutes quand Lukas décide de rejoindre Nina. Elle est de dos, passant ses longs cheveux bruns en arrière sous le jet. Il se débarrasse de son caleçon et sans un bruit, pose ses mains sur ses hanches en embrassant son épaule. Il glisse ses bras sous les siens, et l'enlace tendrement, embrassant sa tempe cette fois. "C'est agréable d'avoir le temps pour une fois..." partage-t-il avec elle. Ils se retrouvent, pas de cris, pas de crises, pas de reproches. Leur complicité intacte à ce moment n'a pas de prix. Elle se retourne vers lui et il la dévisage avec une douceur infinie, creusant quelque peu les rides aux coins de ses yeux, exacerbées par l'heure devenue tardive. Ses lèvres trouvent les siennes, dans un baiser doux sans précipitations cette fois. L'impression de revivre l'emplit tout entier, son cœur bercé par une chaleur familière. Il se recule légèrement et sa bouche s'étire dans un sourire, il est simplement heureux de l'avoir dans ses bras. "Dis-moi que tu ne vas pas me faire attendre à nouveau trois semaines pour te revoir." la taquine-t-il. Cette soirée est certes un tournant dans leur relation, ils n'ont absolument rien défini à ce que cela signifie pour l'avenir. S'il espère silencieusement que ce rapprochement signe une véritable relation, Lukas sait aussi ce moment de répit risque d'être teinté demain par leurs angoisses respectives concernant leur passé. Peut-être qu'ils parviendront à mettre tout ce lourd bagage de côté pour quelques temps et profiter d'être enfin au bon moment au bon endroit... "Cela dit, je dois m'absenter quelques jours pour le boulot. J'ai une réunion à Hawthorne, en Californie, je décolle mardi..." Une idée semble lui traverser l'esprit et un air malicieux illumine ses prunelles. Elle allait dire non, ayant probablement un planning chargé elle aussi, mais cela valait le coup de tenter. Et peut-être parviendra-t-il à la convaincre à coups de chantage affectif... "Mais tu pourrais venir avec moi... Je ne serais pris que quelques heures par jour, tout le reste du temps on peut visiter Los Angeles, s'amuser un peu... Qu'est-ce que t'en dis ?"

Une vraie sortie, avec elle à son bras, aller au restaurant, se promener sur la plage, l'embrasser devant le coucher de soleil californien... Tout ce qu'ils n'ont jamais pu faire auparavant. Loin de tout, loin d'Hambourg où rôdent encore les démons de leurs querelles et la réalité crue de la situation. Pas d'enfants, pas d'ex, juste eux et le temps qu'ils n'ont jamais pu prendre pour s'aimer. Lukas voulait la voir rire, s'extasier devant des paysages ou devant un cocktail farfelu, simplement penser aux bonnes choses et les partager. Peut-être quelque part, rattraper un peu le temps perdu de ces vingt dernières années...

Le moment de sérénité était vivement partagé, il semblait que Nina se soit laissée perdre dans ces mêmes pensées. L'avoir dans ses bras, alors qu'elle se laissait doucement aller contre lui, le gonflait de bonheur. Si certaines paroles avaient pu paraître dures lors de leurs dernières rencontres, elles n'étaient que le reflet inverse de toute la tendresse qu'il voulait lui montrer dans ces moments d'intimité. Lukas lui demanda s'ils allaient attendre aussi longtemps pour se revoir, mais elle lui confirma qu'elle ne pourrait pas résister non plus à l'envie de remettre le couvert. Ce n'était pas que du sexe, même si leur aventure passée avait reposé sur ce socle, quelque part ils avaient un lien bien plus profond. Aujourd'hui, ils pouvaient enfin le vivre au grand jour et s'abandonner complètement l'un à l'autre.

Il caressa doucement la peau de son bras d'une main, savourant la douceur de son derme, tandis que l'autre l'encerclait sur ses reins pour la garder contre lui. L'eau ruisselant sur leurs deux corps rendait le moment plus érotique que prévu et une pointe de désir émergea à nouveau dans son esprit. Lukas se pencha pour attraper doucement ses lèvres, passant sa langue sur sa lèvre inférieure avec gourmandise. Des moments hors du temps comme cela, il pourrait facilement s'y faire tous les jours. Le retour de Nina l'avait distrait mentalement depuis qu'il avait revu son visage il y a quelques semaines, mais cette nouvelle phase de leur relation allait clairement l'envoyer dans les nuages pour les prochains temps. Pourtant, même si son déplacement en Californie était très important, il ne voulait pas perdre une minute à être sans elle.

Comme il l'avait anticipé suite à sa proposition de l'accompagner, sa première réaction fut la surprise puis de se dérober derrière ses patients et son absence de passeport. Il se renfrogna quelque peu, même s'il pouvait comprendre qu'à si court terme, cela pouvait paraître un peu fou. "Raison de plus... On a perdu tellement de temps Nina, pourquoi se priver de quelques jours tous les deux. Ce sera l'occasion pour toi de voir d'autres contrées en bonne compagnie..." Il esquissa un sourire en coin, il ne comptait pas s'arrêter au premier "non". "Laisse-moi m'occuper du passeport, on te le demandera en express. Et puis, ce n'est que quelques jours, on sera de retour fin de semaine. Allez, dis oui..." Il resserra sa prise autour d'elle, plongeant son regard dans le sien avec une petite moue convaincante. Elle ne pourrait pas résister indéfiniment, surtout qu'il sentait qu'au fond, elle en avait envie autant que lui.