C'est le dernier jour de l'hiver. Un soleil éclatant bien qu'encore froid donne aux bâtiments une discrète teinte dorée. Les manteaux disparaissent, on accepte de frissonner pour le plaisir de sentir l'air printanier sur sa peau. Une forme de légèreté flotte dans l'air, étirant les sourires sur les visages des êtres qui, plus nombreux qu'à l'accoutumée, occupent les terrasses et les pelouses. Peut-être que j'aurais dû passer ce dimanche dehors à flâner au lieu de m'enfermer dans un cinéma mais cette conférence qui avait pour thème la transition écologique et la justice sociale, je l'attendais depuis des mois. J'avais acheté mes places dès que j'avais pris connaissance de la liste des intervenant·es. Le soleil reviendra bien un autre jour.
Sous quelques salves d'applaudissements, l'animatrice de la conférence clôt deux heures de présentations et de débats puis nous propose de rejoindre une salle adjacente pour profiter de quelques mets et boissons. L'appel de l'air frais et du beau temps manque de me faire décliner l'invitation mais l'envie de partager quelques mots avec l'un des conférenciers qui est une de mes vieilles connaissances l'emporte. Je range mon carnet noirci de nombreuses notes dans mon sac, je me lève laborieusement du siège en velours rouge dans lequel j'étais semble-t-il bien trop confortablement installée puis je suis le petit flux de spectateur·ices qui se dirige jusqu'au lieu des festivités. Mon ancien camarade ne tarde pas à me remarquer et nous partageons une coupe de champagne en échangeant quelques banalités.
Alors que je m'apprête à partir, un plateau de samosas particulièrement appétissants passe devant moi. Cette fois, c'est ma gourmandise qui me retient et comme ma culture mondaine m'a habituée à accompagner les amuse-bouches de champagne, je tends le bras pour en attraper une seconde coupe. L'après-midi touche à sa fin, le soleil s'est sans doute affaibli. Il doit faire bien trop froid pour me promener en ville dans ma fine veste en jean. Je décide de rester encore un peu.
Mon samosa avalé et ma coupe de champagne à la main, je me dirige vers l'exposition de photographies installée au fond de la pièce mettant en scène des paysages de plages indonésiennes recouvertes de plastique. Pensive, je les contemple en fronçant légèrement les sourcils, me demandant si l'art qui enrobe ce désastre environnemental d'un superbe voile esthétique tout en contrastes et clairs-obscurs sert véritablement la cause. Plus j'avance dans mon parcours, plus il me coûte d'édulcorer la réalité, de lui donner une forme agréable à l'œil ou à l'oreille pour qu'elle ne soit pas trop dérangeante et qu'on daigne l'entrevoir. Je prends une profonde inspiration. Elles sont tout de même magnifiques, ces photographies.