- Nan, mais ça va être fun !

Tu clignes des yens, les mains dans les poches, essayant de comprendre leur vision du mot. Ok, tu n’allais pas être seul, tu accompagnais trois couillons qui voulaient tester l’ambiance du lieu. Tu connaissais l’endroit, ne demandons pas comment, même si tu n’étais pas du genre à jeter ton argent par les fenêtres pour toi tout seul, MAIS QUAND MÊME !! Tu soupires doucement en te pinçant le nez et fait signe que, ok, tu les accompagnerais, ferais l’effort de leur apprendre le bordel et après, tu les laisserais se démerder. Arrivée en trombe au volant de la Jaguar, tu les déposes, donne tes clés au portier et laisses entrer tes camarades le temps qu’ils se calment.

Parce que oui, là, pour le moment, à les entendre s’exciter, on dirait des gosses qui entrent dans un château gonflable pour la première fois. Tu réajustes ta veste et leurs donnes deux trois consignes de sécurité et pries intérieurement qu’ils ne fassent pas de vague. Parce que bon… Tu n’as pas envie de voir à la une des journaux un intitulé du genre "Un joueur des crocodiles ruiné au casino" ou "L’attaquant vedette d’Hambourg en prise de bec avec un sexagénaire"… Bref, la bonne mauvaise pub pour le club quoi. Et tu n’as pas vraiment envie d’appeler ta meilleure amie et son mari à l’aide pour sortir un des membres de ton équipe d’un merdier sans nom.

Tu les laisses alors faire mumuse aux tables après avoir échangé les jetons et te poses à une machine à sous. C’était assez éloigné de la masse humaine et tu mets un écouteur dans ton oreille pour atténuer le bruit ambiant qui risquerait de te rendre fou avant de voir ton voisin qui s’en va. Déjà ? Tu lèves les yeux vers lui avant d’entendre sonner sa machine qui laisse apparaître l’alignement divin. Attends quoi ? Tu fronces les sourcils, le reconnaissant, lui lançant un sourire alors qu’il te fait un clin d’œil, montrant sa machine et partant de son côté.

Il a recommencé hein ? Tu secoues la tête et te tournes pour voir son chef-d’œuvre. Une machine qui se vide de ses jetons, qui sonne l’alarme du jackpot. Et mec de ton âge à côté qui ne sait pas quoi faire de tout ça. Tu pouffes et hausses les épaules à sa remarque.

- S’il est parti, c’est qu’il en veut pas. Prenez l’pactole et allez récupérer votre fric.

Autour, ça commence à applaudir, comme pour féliciter le jeune homme d’avoir réussi un exploit. Toi, tu souris simplement.

- Mais... il est parti !
- Oh bah oui. Il a eu c’qu’y voulait. Pourquoi y rest’rait ?

Que tu réponds en pouffant à la réaction alors que l’ambiance autour de vous se calme enfin dans le casino. Tu t’apprêtes à te tourner de nouveau devant ta machine à sous, pensant que l’homme à tes côtés aurait prit le pactole sans demander son reste, aurait tourner la page, mais… Tu fronces les sourcils en l’entendant insinuer que peut-être, éventuellement dans l’éventualité de la probabilité soudaine… C’était à toi que l’homme s’adressait. Tu te mets à dévisager le brun en face de toi avant d’éclater de rire, t’en tenant les côtés avant de te calmer, te redresser et secoues la tête.

- Ah non non. Il était bien tourné vers vous.

Que tu dis avant de froncer les sourcils devant la demande peu… Conventionnelle qu’il fait. Tu bug un peu avant de cligner des yeux.

- Pardon ?

Tu crois ne pas avoir bien entendu, mais le gars demande sérieusement de partager ? Alors qu’il a sûrement touché le gros lot, peut-être plus qu’il n’aura jamais ? Tu ne comprends pas bien la démarche, à moins que, comme toi, il a trop de zéro après les premiers chiffres sur sa ligne de compte, qui sait. Tu regardes un instant l’écran pour voir le montant et te facepalm en soupirant. Déjà, non. Tu ne veux pas, et tu sais que si ça arrive, ton nom sera consigné quelque part et tu ne veux pas ça… Tu. Ne. Veux. Pas. Ça.

- Non, non vraiment. Pr'nez vot'part et partager avec des clients au hasard dans l'casino, mais pas moi. Désolé. J'peux pas.

Tu rigoles nerveusement alors que tu relances ta propre machine, au hasard, sans réfléchir à ce que tu fais, comme si tu le faisais exprès.

- J'préfère perdre mon argent qu’en ramasser…

Il demande encore si tu es certain de ton choix. Tu hoches la tête, plus que certain. Tu affirmes même que tu préférais perdre ton argent ici plutôt qu’en gagner. Bien sûr, il y avait mille raisons pour toi de le faire, y compris de ne pas avoir ton nom de famille quelque part. Flemme de devoir expliquer à ton père, ta mère, ton frère ou ta sœur comment tu avais gagné un peu d’argent de poche d’un coup. Ou alors juste flemme d’avoir des réflexions comme quoi tu perdais ton temps dans un casino, aussi. Donc, non, l’homme devant toi ira le faire seul.

Tu rigoles un peu d’ailleurs en entendant l’appui sur le "SEUL" et essayes de revenir à ta machine quand tu entends au fond, malgré le bruit ambiant, la voix d’un attaquant que tu connais bien.

- PUTAIN SACHS !! ON A TOUCHÉ LE JACKPOT !!

Oh merde… Tu redresses la tête, voyant les hockeyeurs qui approchent de toi en te montrant le bon gagné au black jack et les autres à la roulette. Tu plisses les yeux en te levant, essayant de voir le montant dessus, mais c'est trop tard, ils t’embarquent avec eux pour aller échanger tout ça, heureux comme des lapins, sautillant comme des kangourou et tu te retrouves fatalement dans la file d’attente avec l’heureux gagnant de tout à l’heure. Tu grimaces alors que tes camarades chantent l’hymne des crocodiles. Oh merde… Pour passer inaperçu, c’est mort. Tu vois déjà les fans de hockey qui se retournent et hurlent "LES CROCODILES".

Chier.. Chier… Ça commence à approcher et heureusement que dans l’euphorie, la plupart ne s’approchent pas de toi, ne te reconnaissant peut-être pas de suite. Tu recules et approches du coup du sportif que tu connais que depuis une heure, même pas et soupires en murmurant.

- Ok, vous ne m’avez pas vu.

Flemme d’être affiché sur les réseaux par les fans, hein ? Vraiment grosse flemme.

- Je ne vous ai pas vu.
- Putain, merci.

Que tu murmures en essayant de baisser la tête le plus discrètement possible, priant pour qu’on ne se tourne pas vers vous. Tu grimaces à la question du sportif et rigoles nerveusement. Si seulement… Tu ne peux pas croire que tu vas devoir lui rendre la pareille comme ça, alors qu’il n’y a même pas trente minutes, tu avais refusé de partager son pactole. L’ironie de la situation et des entités supérieurs qui doivent bien se marrer à te regarder te dépatouiller avec tes emmerdes.

- Besoin d'aide pour vous échapper ?
- Si vous savez comment sortir de ce casino façon Ocean’s Eleven, je prends.

Tu fais signe en montrant l’attroupement de fans autour de tes camarades et soupires. Il faudrait au moins que tu t’expliques pour lui faire comprendre ce qu’il se passe pour toi, le minimum syndical pour que la solution soit trouvée rapidement. Tu cherches d’ailleurs, en regardant tout autour de toi une sortie pas loin. Mais là, pour le moment… C’est mort. Trop de monde autour en plus.

- C’est ça que je veux éviter. Pas les gars, non, c’est mes potes. Mais les furies autour. Et les appareils photo.

Tu grimaces et te frottes le bras, nerveux. Ouais, les furies. Les groupies. Pareil au même pour toi. Même agressivité parfois. Tu te souviens d’une fois un espèce de paparazzi qui t’avait foutu l’appareil sous le nez alors que tu sortais d’un café avec Andreas. Heureusement que ton ami avait été cool, compréhensif et avait envoyé boulet le photographe manière Ackermann.

- Je déteste être sous les feux des projecteurs… Vraiment. Il n’y a que ceux qui n’y sont jamais été qui disent que c’est super et tout… Non, non, je le dis, non.