Jane m'avait laissé la garde de Nina. Et nous avions décidé de passer une journée dehors. Pour un mercredi, la petite n'avait pas école, et ça tombait bien, car au même moment, j'avais été annoncé en journée oof. Parfait pour s'occuper de ma nièce préférée, et de pouvoir passer juste un moment à se balader, faire du manège et aller au parc. Au moins Jane avait encore un peu de temps de son côté, et elle pouvait se sentir tranquille. Elle n'avait pas eu l'air d'aller bien ce matin, alors je n'avais pas même rechigné à prendre la responsabilité de Nina pour la journée.

Après une journée à courir la ville, nous nous étions calés au parc. J'avais joué un peu sur mon téléphone, avant et discuté avec quelques parents en riant gentiment sur la teneur de la journée et des jeux pour enfants. Ici, il n'y avait pas grand monde qui babysittait, en tout cas pas un mercredi après-midi. Ce n'était quasiment que les parents des enfants présents qui se trouvaient sur les bancs avec moi. Je regardais avec une grande joie la petite Nina passer le meilleur de son temps avec les copains et copines qu'elle venait tout juste de se faire. C'était quand même pas rien d'être un enfant : cette capacité à se faire tous les copains du monde, ça finissait par disparaître avec le temps, mais c'était tellement facile par rapport à la vie adulte !

J'étais tellement absorbé dans mes pensées, pris par quelques arrêts lorsque Nina venait me montrer ses trouvailles ou me parler de ce que venait de lui dire un nouveau copain, que je n'avais pas même remarqué l'heure qui passait. Voilà plus de huit heures dehors, et il était bientôt temps de rentrer manger. J'appelais ma nièce avec un immense sourire. «Allez, Nina ! On rentre, c'est l'heure !» dans ma voix il n'y avait rien d'anormal, et j'étais très clair. Pourtant, la petite fripouille refusa de se manifester, malgré plusieurs appels à la suite. «Nina... c'est pas drôle tu sais.» râlais-je, en me levant avant d'arriver devant elle et de lui tendre la main, qu'elle ne saisit pas, me forçant à la prendre dans mes bras pour y aller. J'étais surpris en l'entendant réagir, si bien que je restais interdit.

«NOOOON ! AU SECOURS IL VEUT M'ENLEVER A L'AIDE JE VEUX PAS PARTIR !» hurlait-elle en se débattant, si bien que je restais interdit avant même de me dire qu'il fallait la poser au sol et lui ternir le bras. Qu'est-ce qu'il allait se passer... Et si les gens la croyaient vraiment ?

"«NOOOON ! AU SECOURS IL VEUT M'ENLEVER A L'AIDE JE VEUX PAS PARTIR !»"

Tout a commencé comme ça. Et si elle n’avait pas entendu, distinctement, qu’il s’agissait d’un enfant, Delila n’aurait peut-être pas fait plus attention que ça. Elle ne se serait pas attardé, aurait continué sa route, alors qu’elle est attendue. Mais elle ne peut plus. Elle ne peut plus faire comme si elle n’avait pas entendu ce cri, comme si celui-ci ne l’avait pas alerté. Maintenant qu’elle l’a entendu, elle ne peut pas faire marche arrière. Elle ne peut pas faire comme si. Elle ne peut pas laisser un enfant dans une telle détresse, pas après ce qu’elle a elle-même subi, étant plus jeune.

Elle plaque son téléphone contre son oreille, celui-ci sonnant rapidement dans le vide avant qu’une voix robotisée ne rappelle que la conversation est enregistrée. Peu lui importe, tant qu’un agent de police lui répond au plus vite. Et quand une voix se manifeste à l’autre bout du fil, elle n’hésite pas, expliquant qu’elle vient d’entendre une enfant hurler à l’enlèvement, avant d’essayer de décrire, définir, l’endroit où elle se trouve, essayant plus ou moins d’expliquer de quel côté du parc semblent provenir les cris. L’agent écoute, à l’autre bout du fil, envoie une équipe et lui demande de continuer d’avancer, sans se mettre en danger, ce qu’elle fait. Mais, comme elle avance, la communication se coupe. Un regard à son téléphone suffit à en comprendre la raison : plus de batterie.

Dans les allées du parc qu’elle traversait alors, la jeune femme tend l’oreille, cherchant à repérer la provenance du bruit, se repérant aux éclats de voix de l’enfant qui continu de crier au beau milieu du parc. Il semble qu’elle n’en soit pas loin. Pourtant elle ne voit encore rien, perdue dans les allées du parc. Il faut dire que l’endroit est plutôt grand et que de grands buissons ça et là dissimulent certaines allées selon l’endroit d’où on les regarde. Il lui faut donc quelques minutes pour enfin voir la scène de ses propres yeux. Un homme qui porte dans ses bras l’enfant hurlante qu’elle ne veut pas le suivre, qu’il l’enlève. Delila fronce les sourcils et, prise d’un courage dont elle ne se savait pas capable, qu’elle ne se savait pas détenir, elle se plante devant l’homme, le dévisageant.

"- Qu’est-ce que vous faites avec cette enfant ? Où est-ce que vous pensez aller comme ça ?"

Je savais la résistance de ma chère nièce, j'ignorais encore apparemment jusqu'où elle était capable d'aller. Et si j'étais devenu blème. Autrefois, on aurait rigolé de l'avoir portée comme un sac à patate, sur mon épaule d'oncle, pendant que Nina riait aux éclats, avant de demander de la reposer au sol, puis d'insister pour la faire tourner, comme on faisait toujours. Mais pas là. Et même lorsque je continuais d'avancer en lui lançant des «Arrête, c'est pas drôle, Ninouche !» très mal à l'aise, elle s'égosillait de plus belle, en hurlant encore et encore plus fort. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait.

Alors que je me baissais pour la faire descendre, et me mettais à sa hauteur en lui tenant les mains, m'apprêtant à lui faire comprendre que sa mère nous attendait, et qu'on avait suffisamment profité pour toute la journée, j'entendais une voix qui s'exprimait à notre encontre. Enfin, à la mienne, surtout. Qu'est-ce que je faisais avec Nina ? Alors, comment lui dire. Je jetais un regard à ma nièce, qui affichait un sourire satisfait et démoniaque. Il suffisait d'un coup d'oeil sur le téléphone qu'elle avait en main pour comprendre que, si ça n'était pas déjà fait, elle n'allait pas tarder à appeler les secours pour signaler un enlèvement. MAIS CA N'EN ETAIT PAS UN.

«A la maison, auprès de sa mère.» dis-je, tout simplement, en serrant les dents. Ah, voilà qui allait m'apprendre à être le tonton sympa, qui décide d'amener la fille de sa soeur en balade. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle me fasse des plans comme ça ? L'autre fois, elle était partie en me lâchant brusquement la main pour faire une partie de cache cache dans la rue résidencielle derrière l'école, alors que nous étions en train de traverser. J'avais mis deux heures à la retrouver. Et là, elle recommençait un de ses faux plans. «Ecoutez, je suis son oncle, c'est la fille de ma soeur et...» «Non, c'est faux, z'le connais pas.» asséna Nina, qui en profita pour me serrer la main, et attendit que les yeux bleus de mon interlocutrice se détourne d'elle pour me tirer la langue. Bordel...

L’homme semble surprit en voyant la blonde devant lui, alors que l’enfant se débat toujours entre ses bras, affirmant qu’elle ne veut pas le suivre, pas même un instant. Delila fronce les sourcils en l’observant sérieusement. Elle sait qu’une patrouille est normalement en route pour les trouver et intervenir, elle sait aussi qu’elle ne doit pas prendre de risques, mais elle ne peut pas le laisser enlever cette enfant sans rien dire. Alors elle demande où il compte aller comme ça, espérant suffisamment le déstabiliser pour gagner quelques minutes, le temps que les forces de l’ordre puissent arriver et faire leur travail. Mais il ne se dégonfle pas, affirmant qu’il ramène simplement l’enfant à la maison, auprès de sa mère. Prétendument, il serait l’oncle de l’enfant. Enfant qui proteste fermement, affirmant ne pas connaître cet homme. Le froncement de sourcils de la blonde s’accentue alors.

"- Monsieur, posez cette enfant tout de suite !" demande la blonde en espérant que, remarquant la scène, l’altercation, d’autres se joindront à elle pour faire barrage et l’empêcher d’embarquer la gamine. "Tout de suite."

Elle se dresse face à lui mais elle sait bien qu’elle ne fait pas le poid. Et elle a peur. Peur de ne pas être suffisante pour retenir ce type, pour l’empêcher d’accomplir son méfait. Peur, aussi, parce qu’intervenir l’expose grandement. Il pourrait tout aussi bien être armé ou avoir des complices dans le coin, alors le rythme cardiaque de la jeune femme s’accélère. Mais elle ne peut pas faire demi-tour, elle ne peut pas faire comme si elle n ‘avait rien vu, rien entendu.

"- Je vous préviens monsieur, si vous ne la posez pas immédiatement je vais hurler pour alerter toutes les personnes autour…" affirme la blonde avec toute l’assurance dont elle se sent capable sur le moment, portée par l’adrénaline. Et il peut la croire, s’il ne pose pas l’enfant rapidement, elle ne manquera pas de faire le nécessaire pour se faire entendre.

Entre blémir et sentir la colère monter, mon coeur vacillait. Mais... Est-ce qu'elle était sérieuse, au moins, cette femme ? C'était quoi le problème ? Il suffisait de quoi pour qu'elle comprenne que Nina était une fripouille, et qu'elle faisait le coup assez régulièrement. Sauf que d'habitude, il y avait des parents habitués à me voir, dans le coin. Pas cette fois. Et c'était un peu dérangeant, d'ailleurs, parce que cette blondasse sortie de nulle part décidait de me rendre la vie dure. Sérieusement ? Je fusillais Nina du regard, en lui demandant intérieurement de démentir sa blague. Mais elle n'en fit rien. Je la posais au sol, sans décolérer, tenant fermement la main de la petite fille. «En revanche, vous êtes bien gentille, vous allez baisser d'un ton, madame. Vous êtes personne pour me parler de la sorte.» J'étais en colère, mais pas moins envers la fillette qu'envers cette femme qui essayait de faire ce qui était juste, même si elle s'y prenait comme un manche, et qu'elle ne voyait pas qu'elle se faisait totalement berner par la petite brune.

«Ah, mais, je vous en prie, allez-y, hurlez, il n'y a aucun problème, je n'ai rien à me reprocher. Juste une question pour votre propre conscience : vous auriez réagi pareil si j'étais une femme, ou est-ce que vous auriez compris que Nina..» la fillette releva la tête, plus encline à écouter,  «se fout royalement de votre gueule et de la mienne, et joue un mauvais tour ?» La petite fille lança un léger "non c'est pas vrai" amusé par la situation.

Je me mis à la hauteur de Nina, en la tenant par les bras, avec douceur, pour qu'elle me regarde et m'écoute. «Nina, ce que tu fais, c'est mal. Tu le fais à chaque fois, et à chaque fois tonton il te dit quoi ? » «que c'est pas beau de mentir »fit-elle en se pinçant les lèvres. Mais elle ne démenti pas la situation pour autant...

Il prend la mouche, demandant à la danseuse de baisser d’un ton, et le regard qu’elle lui envoit alors se fait plus noir. Elle n’était personne pour lui parler de la sorte ? S’il était en train d’enlever une gamine, elle n’en avait pas grand chose à foutre, de blesser son égo, pas grand chose à foutre qu’il ne soit pas du genre à apprécier qu’on lui tienne tête. Et là, dans l’immédiat, avec les éléments qu’elle avait à sa disposition, avec cette enfant qui hurlait qu’on essayait de l’enlever, il n’avait pas vraiment grand chose à dire, grand chose à exiger. Elle fronce d’autant plus les sourcils, ni plus ni moins.

"- Bien sûr, et vous voulez une courbette avec ça ?" qu’elle siffle en le fixant.

L’enfant posée, quoique l’homme lui tient toujours la main, elle sent la colère bouillonner en elle comme il suppose que son intervention n’est rien d’autre que sexiste et qu’elle n’aurait pas réagit de la même manière s’il avait été une femme. Loupé. Elle savait que le monstre pouvait revêtir des traits féminins. Elle savait que les femmes ne valaient pas forcément mieux que les hommes. Elle savait, depuis longtemps, qu’il fallait se méfier de tout et de tout le monde.

"- Ce n’est pas à moi que vous apprendrez que les ordures peuvent aussi être des femmes !" crache-t-elle, furieuse.

Il ne savait rien d’elle. Pas plus qu’elle ne savait quoi que ce soit de lui, du reste, mais dans cette situation, ce n’était pas elle qui se promenait dans un parc avec une enfant sur l’épaule hurlant qu’on essayait de l’enlever. Alors il pouvait bien garder pour lui ses accusations de sexisme, de misandrie. Il n’en était rien.

Il s’abaisse, prend le bras de la fillette et elle a un mouvement instinctif dans leur direction, surveillant leur échange, les lèvres pincées, dressant l’oreille pour essayer d’entendre tout à la fois la réponse de la fillette et l’arrivée des forces de l’ordre, qui ne semblent toujours pas arriver.

Du coin de l'oeil, je regardai la blonde, et claquai ma langue contre mon palais. D'un côté, ce qu'elle faisait, c'était bien. Mais pour le coup, ça m'emmerdait bien comme il faut. Après tout, ce n'était pas de sa faute, et elle croyait bien faire. Sauf que quand la police allait arriver, ils risquaient de rigoler, enfin, s'ils étaient de bonne humeur, en disant qu'elle avait appelé pour rien, ce que je lui disais depuis le début.. J'espère au moins qu'à ce moment là, cette horripilante femme présenterait ses excuses. Nina risquait sûrement de se faire réprimander. Et pour ma part, j'en rajouterais une couche. Puis encore une autre en racontant à Jane, pour qu'elle recadre sa fille, qui n'arrêtait pas de faire cette blague.

Dans son regard, je voyais d'ailleurs qu'elle était toujours plus ravie de l'effet que ça faisait. Pourtant, elle venait quasiment d'avouer ! Mais l'autre blondasse continuait de me regarder comme si j'allais gober la petite fille pour la faire disparaître. Non, de tous les gens que j'avais rencontrés dans cette situation, elle était de très loin la plus détestable. Et pourtant, les râles de Nina jouaient rarement en ma faveur.

«Nina... On va appeler maman, d'accord ? Elle va arriver comme d'habitude. et après tu choisiras : soit tu vas avec maman, soit avec la dame et la police.» Dis-je, simplement, sans jeter le moindre regard supplémentaire à l'autre, qui me semblait trépigner d'impatience devant cette situation, qui, objectivement, devait être tout autant stressante pour elle que pour moi.

Nina alla devant la dame en tapotant ses index l'un avec l'autre, pendant que je téléphonais à sa mère. Quoi encore ? Je ne répondais plus de rien, selon ce que cette bougresse prévoyait de faire. La laisser là, avec l'autre ? Oui, si c'était ce qu'il fallait faire...

Peut-être que cette enfant a fait une mauvaise blague. Peut-être qu'elle n'est pas vraiment en danger. Peut-être que cet homme devant elle est vraiment l'oncle de l'enfant. Mais Delila ne peut pas en être sûr, elle ne peut pas en être certaine et, alors, elle se doit d'agir dans l'intérêt de l'enfant. Si tout ça est une vaste blague, l'enfant sera réprimandée comme il se doit. Si ça ne l'est pas, elle aura empêché un enlèvement. Il en arrive après tout tous les jours. Peut-être que cet homme est vraiment innocent et, dans ce cas, qu’il lui pardonne, mais dans l'immédiat, elle ne peut pas le laisser s'en aller avec cette petite.

Il proteste, s’agace, essaie de jouer avec sa conscience, de prouver qu’elle commet simplement un acte misandre. Mais c’est loin d’être le cas. Elle se fiche de son sexe, elle se fiche que ce soit un homme, ce n’est pas ce qu’elle voit dans cette situation. Ce n’est pas ce qui l’interpelle, ce qui la pousse à agir. Que cela soit un homme, ou une femme, c'est bien pareil. Elle sait très bien que parfois les femmes ne valent pas mieux que les hommes. Elle sait très bien que certaines sont aussi terribles qu’eux. Que ce soit par les actes ou par l’inertie, d’ailleurs. Et elle ne sera jamais aussi muette que sa mère a pu l’être.

Il parle avec l’enfant et Delila se contente de surveiller la scène. Tant qu’il ne bouge pas, qu’il ne part pas, il peut bien faire ce qu’il veut. Pourtant elle tend l’oreille et croit comprendre qu’il est question d’appeler la mère de l’enfant. Au vu de l’air contrit de cette dernière, bien que cette impression soit brève, il se pourrait bien, en effet, que tout ça soit un canular. Pourtant elle ne baisse pas sa garde. Et peut-être n’est-ce pas vraiment cette enfant qu’elle cherche à sauver. Peut-être que celle qu’elle veut vraiment sauver, en en sauvant une autre, c’est la petite fille terrorisée qu’elle a été, pour laquelle personne n’est intervenue.

L’enfant approche, montre ses mains, ne parle pas, et la blonde ne comprend pas, jetant un regard à l’homme qui appelle, un peu plus loin, la mère de l’enfant. Ou sa complice. Cette idée ne parvient pas à s’effacer totalement. Delila pince les lèvres. Quand il raccroche, elle le fixe encore, mais tourne rapidement la tête vers l’enfant.

"- Tu sais que la police va bientôt arriver ?" lui demande-t-elle, s’agenouillant devant elle pour être à sa hauteur, paraître moins impressionnante.

Quelque part, j'aurais pu comprendre la démarche de cette femme, si elle ne s'était pas tant entêtée à m'embourber dans cette situation, si au lieu d'appeler directement la police, elle avait eu souhait de bien vouloir discuter, discuter avec Nina. Si elle avait posé des questions aux gens du parc, qui me voyaient souvent, depuis quelques années déjà, pour amener la petite, qui n'en était pas à sa première farce du genre. Peut-être. Ou peut-être pas, dans le fond.

Non, en réalité, si j'y réfléchissais bien, à sa place, en n'ayant aucun moyen de valider ou invalider les propos tant de Nina que les miens, j'aurais surement réagi pareil. Avant d'être tonton, j'aurais très probablement observé de loin, et hésité à passer mon chemin, à tort. J'aurais peut-être suivi de loin, sans intervenir. Mais depuis que j'étais devenu le tonton de cette chipie, j'aurais très fort probablement réagi comme elle.

Je lui laissais Nina quelques secondes, sans la quitter des yeux pour autant, le temps d'appeler Jane. Evidemment, j'étais énervé. Elle me faisait perdre mon temps. Nina, hein, pas l'autre blonde, même si effectivement, elle me le faisait perdre aussi. Mais ce n'était de la faute que de ma détestable nièce.

La femme lui disait quelque chose que je n'entendais pas, alors que le répondeur de Jane m'annonçait qu'elle était indisponible. Le bip sonore retentit, et je me râclais la gorge.
«Coucou Jane... c'est Hansel. Excuse-moi de te déranger, je sais que tu as des choses à faire aujourd'hui...» comme une séance chez le psy, pas étonnant avec un monstre comme Ninouche à gérer. «J'ai un problème avec Nina, elle est en train de créer une situation que seule toi peux dépatouiller... On est au Parc Grünes Zentrum Lohbrügge..» Je soupirais, avant de reprendre un bon coup. «Bref, pour faire court, la police va sûrement probablement arriver, et on va avoir besoin de justifier que Nina n'est pas un enfant kidnappé... je t'expliquerai. Si tu pouvais me rappeler s'il te plait. Merci, à plus, bisous.» J'étais dépassé, un peu perturbé, et complètement anxieux. Et si on retirait à Jane la garde de Nina à cause de ce mensonge ? A cause de moi, quelque part ? Non, je ne pouvais pas laisser ça se produire.

En faisant quelques pas vers la femme et la petite fille, je revenais. «Sa mère est injoignable pour l'instant. Je lui ai laissé un message.» De plus belle, je soupirais. «J'imagine qu'on va sagement attendre la police, puisque Nina ne démord pas de son mensonge.» Bien que toujours anxieux, j'avais réussi à retrouver mon calme, prêt à comprendre la démarche de la blonde.

Elle n’a pas réfléchi, n’écoutant que son courage, lorsqu’elle avait entendu l’enfant crier. Elle avait appelé la police immédiatement, d’autant plus qu’elle n’avait pas l’enfant en visuel à ce moment-là, qu’elle avait entendu crier sans que la scène ne soit directement dans son champ de vision. Elle était sûre qu’elle avait bien fait. Que c’était la bonne chose à faire, parce qu’on ne sait jamais quelle alerte sera la bonne, celle où il aurait fallu bouger, faire le nécessaire. Quel enfant crie pour de bonnes raisons, lequel n’est pas en danger ? Est-ce seulement à elle de juger ? Elle suppose que non. Et parce qu’elle aurait voulu qu’un adulte lui vienne en aide quand elle était plus jeune, la sorte de sa situation, elle n’avait pas réfléchi un seul instant avant d’appeler. Il vaut toujours mieux éviter d’avoir des regrets.

Alors qu’elle parle avec l’enfant, l’homme essaie d’appeler la mère de cette dernière, apparemment, sans que Delila ne puisse confirmer que ce soit vraiment sa maman. Ni qu’il y ait quelqu’un au bout du fil. Peu importe. Pour l’heure elle profite d’avoir la petite avec elle pour essayer d’obtenir la vérité, lui faisant savoir que les forces de l’ordre arrivent. Si elle avait menti, il vaudrait mieux qu’elle le dise et l’assume dès à présent. De toute façon si tout ça n’étaient que des conneries comme il l’avait dit, les policiers passeraient sûrement un petit savon à l’enfant qui lui passera l’envie de recommencer. Il vaut mieux prévenir pour rien que de laisser un connard s’en sortir, mais s’ils peuvent éviter de perdre leur temps avec de fausses alertes, c’est bien mieux.

Il revient vers elles, affirmant que la mère est injoignable, supposant qu’ils n’ont plus qu’à attendre la police, puisque l’enfant ne semble pas décidée à rétablir la vérité. Il persiste à dire que tout ça est un mensonge, donc, tandis que l’enfant maintient sa version. Delila reporte son attention sur elle en pinçant les lèvres qui se muent rapidement en un sourire alors qu’elle caresse le bras de l’enfant.

"- Tu me dis la vérité ? Tu sais, si tu as menti, la police s’en rendra vite compte, ils ne seront pas très contents…"