Cohabitation • Harry

Quand son frère l'avait appelé pour trouver un toit à Hambourg quelques jours, évidemment, Hannah avait proposé qu'il vienne chez elle. Pour quelques temps, ça ferait bien l'affaire. La situation ne devrait pas durer longtemps avant que son frère ne retrouve son chez lui. Il fallait simplement laisser à son ex le temps de réunir ses affaires et trouver un pied à terre pour elle-même, suite à leur séparation, après quoi il pourrait rentrer chez lui. Ce n'était que l'affaire de quelques jours et ça ne changeait pas trop les habitudes de la rouquine, même si de fait, elle ne pouvait pas vraiment voir Jonas pendant ce laps de temps, ses frères n'étant toujours pas au courant de son histoire d'amour avec l'homme supposé la mettre en prison.

Ce matin-là, Hannah se réveille relativement tôt et, désireuse de profiter de la journée du dimanche comme il se doit, elle prend une douche rapide, s'habille de manière relativement décontractée, puis s'affaire sur la terrasse pour préparer la table et en cuisine pour préparer du thé et du café, en attendant la livraison du brunch qu'elle a commandé dans une petite enseigne où elle a ses habitudes.

Allant ouvrir quand on sonne à la porte, elle récupère les sacs, remercie l'homme qui les lui a apporté, lui donne un pourboire et claque la porte avec son pied, se dirigeant vers la cuisine pour déballer le tout et l'apporter sur la terrasse petit à petit. C'est en portant un plat de pancakes qu'elle croise son frère encore un peu endormit. Lui adressant un sourire en le saluant, Hannah poursuit sa route en direction de la terrasse.

"- Bien dormit ?" demande-t-elle en revenant, attrapant les fruits frais dans la cuisine pour ressortir. "Le petit déjeuner est sur la terrasse." prévient-elle en s'éloignant.

Tout s’était passé très vite pour Harry, mais en même temps, c’était une réaction prévisible de sa part. Il suffisait de le connaître un minimum pour savoir qu’il allait finir par frapper un mur avec sa relation actuelle. C’est ce qui était arrivé quelques jours plus tôt. Le brun avait eu une longue et très sérieuse discussion avec sa conjointe actuelle. Il lui avait brisé le cœur, il le savait, il l’avait vu dans ses yeux. Cette dernière avait toute une autre vision de leur histoire et c’est bien pour cela que ça avait fini par éclater. Elle s’était trop attachée, elle avait voulu une certaine stabilité qu’Harry ne savait pas offrir à une femme.

Voyant que la conversion ne pouvait pas se terminer sur une note positive, il avait simplement décidé de partir. Il avait dit à Anais qu’il lui donnait deux jours pour préparer ses choses et pour partir de chez lui. C’était très peu, il le savait, mais elle saurait trouver une solution. Elle avait des amis et de la famille aux quatre coins de la ville. De son côté, il avait également fait un sac rapide et il avait quitté pour quelques jours. Il avait attendu d’être à l’extérieur et de s’être éloigné de son domicile avant de téléphoner à sa sœur pour lui demander de l’héberger quelques temps. Il n’avait pas envie qu’Anais sache où il allait et qu’elle ose écrire à sa sœur dans l’optique de continuer leur discussion qui ne menait nulle part.

Ça faisait maintenant trois jours qu’il était chez Hannah et son ex n’avait toujours pas quitté son appartement. À peine réveillé ce matin-là, le brun lui avait écrit et cette dernière s’était inventée des soucis avec le boulot. Harry ne la croyait pas et il avait décidé de ne pas rentrer dans son jeu. Il avait fermé la discussion avec un « ok » et il s’était levé. Il n’allait pas aller l’aider et il n’allait pas lui dire de rester aussi longtemps qu’elle le souhaitait.

C’est un peu boudeur qu’il rejoint sa sœur dans la cuisine. En même temps, il était dans cet état depuis son arrivée. Hannah savait très bien que ça n’avait rien à voir avec elle et qu’il était reconnaissant de son aide, mais elle savait aussi qu’il valait mieux éviter les longues discussions lorsqu’il fronçait les sourcils en fixant dans le vide. « Ouais, j’ai bien dormi. Mais elle n’est toujours pas partie et ça m’énerve. » C’était sa sœur. Il n’avait pas spécialement envie de lui cacher les détails. S’il se levait du pied gauche c’est qu’il y avait une raison. « Oh merci, tu es parfaite. J’ai vraiment besoin d’un café. » Sans hésitation, l’homme avait suivi sa frangine essayant de lui voler un morceau de melon d’eau.

Depuis qu'il avait mit un pied chez elle trois jours plus tôt, son frère avait la mine boudeuse et contrariée, si bien que son expression ce matin n'était pas bien différente de celles qu'elle lui avait vu tous les autres jours. Et, dans un même temps, elle pouvait comprendre. S'il avait besoin de squatter chez elle au lieu de pouvoir dormir chez lui, ce n'était pas pour rien. C'est que les choses étaient relativement sérieuses. Après tout, il venait de quitter sa compagne, pour ce qu'elle en savait. Alors elle lui avait laissé le temps nécessaire pour digérer, sans trop évoquer ce qui s'était passé pour en arriver là, attendant qu'il lui en parle de lui-même s'il en ressentait le besoin.

A vrai dire, elle n'avait pas besoin qu'il lui dise ce qu'il en était pour émettre quelques hypothèses sur ce qui avait pu se produire. Son frère était un homme charmant, que beaucoup de femmes désiraient. Qu'elles voulaient détenir. Mais elles ne comprenaient pas qu'Harry était une âme libre, qu'il aimait ne pas avoir vraiment d'attaches. Anaïs ne serait pas la première à croire, à tort, qu'elle pourrait le changer. Aucune femme ne l'avait put jusqu'ici et elle n'était pas sûre qu'une femme y parvienne. Mais elle n'était pas sûre que le changement soit si bon pour lui. Il aurait peut-être l'impression, alors, d'être un oiseau en cage.

Pourtant, elle garde en mémoire qu'elle fait peut-être fausse route et ne doit pas tirer de conclusions hâtives tant qu'Harry ne lui a pas confirmé ce qu'elle croit comprendre. Ses suppositions ne sont peut-être pas les bonnes et elle ne saura ce qu'il en est réellement qu'avec une bonne discussion avec son ainé. Ainé qui se plaint que son appartement ne soit toujours pas libre.

"- Comment cela se fait ?" demande la rousse en esquissant un sourire comme l'homme affirme qu'elle est parfaite et qu'il avait justement bien besoin d'un café. "Elle n'a pas encore trouvé où aller s'installer le temps de trouver un appartement ?" s'enquit la trentenaire en prenant la direction de la terrasse pour y prendre leur brunch, luttant avec lui pour sauver les morceaux de pastèque. "Bas les pattes, vil mendiant ! Vous avez été élevé avec les cochons ?" demande-t-elle en riant, posant finalement son bien sur la table. "Bon appétit ! Maintenant, tu peux attaquer !"

Un soupir échappa à Harry lorsque sa petite sœur lui demanda comment ça se faisait qu’Anaïs ne partait pas. Le soupir n’était pas contre sa sœur, mais bien contre son ex petit-amie qui jouait les gamines. Ou qui jouait à l’autruche. La seconde option n’était pas réellement une surprise. Il y avait longtemps maintenant qu’elle avait ce comportement. Elle vivait avec des œillères qui lui faisaient croire que tout allait bien. Même lorsque ce n’était pas le cas. Si elle avait pris le temps d’ouvrir un peu les yeux, elle aurait vu la séparation arriver. Aujourd’hui, la femme avait l’impression de se prendre un mur. Avant que Harry ne puisse répondre, la rousse surenchérit en demandant si Anaïs avait trouvé où s’installer. Négativement l’homme secoua la tête. « Elle ne cherche même pas. » Une première complainte. Il y avait presque du désespoir dans sa voix. Ça n’aurait jamais dû se passer comme cela. Ce n’était pas planifié qu’Anaïs vienne vivre avec lui, mais son appartement avait été loué à un nouveau propriétaire qui avait mis tous les locataires à la porte afin de rénover. « Elle croit que… Non, attends, je vais te citer. » Il attrapa son téléphone dans sa poche qu’il ouvrit pour lire l’un des sms reçus : « Je sais que tu as dit ça sur le coup de la colère. Reviens et nous pourrons en discuter. Je t’attends. » Il n’avait rien à cacher donc il tourna la téléphone vers sa sœur pour qu’elle puisse voir qu’il lui avait répondu que c’était bien fini et que son ex avait ajouté qu’elle n’avait pas le temps de se prendre la tête avec ses bêtises, qu’elle avait du boulot. Heureusement qu'il y avait de la nourriture proche, ça allait lui permettre d'apaiser son esprit.

« Maiiiiis! » grogna-t-il alors qu’il n’eut pas le temps de se voler un morceau de melon d’eau. Peu importe, il n’abandonna pas comme cela et il suivit sa frangine jusqu’à ce qu’elle lui donne l’autorisation de se servir. Il attrapa son fruit et il s’installa sur la chaise. « Tu crois que je devrais lui laisser plus de temps ? » Bien sûr, ça le travaillait. Il n’était pas quelqu’un de méchant, il ne cherchait pas à lui faire du mal. Mais… « Elle n’arrête pas de me parler de mariage et… » Il haussa les épaules. Est-ce qu’il avait vraiment besoin de préciser sa pensée ? Ensuite, Harry croqua dans son fruit juteux. Il ferma doucement pour profiter de cette fraicheur. « Merci. Il est excellent. C’est gentil de prendre soin de moi comme cela. » Ça devrait être l’inverse pourtant.

D’après son frère, le vrai problème de son ex, ce n’est pas vraiment qu’elle ne trouve rien mais qu’elle ne cherche pas. Et Hannah ne peut pas le contredire, car elle ne sait pas ce qu’il en est. Elle ne sait pas si, effectivement, l’ex de son frère ne fait aucun effort comme il le pense. Apparemment, elle n’a pas prit ses mots au sérieux et ne pense pas possible qu’ils se séparent vraiment, croyant que tout ça n’est rien d’autre que des mots lancés sous le coup de la colère. Il lui montre les SMS et sa réponse mais, malgré tout, Hannah ne peut pas vraiment savoir ce qu’il en est. Elle ne sait pas comment leur séparation s’est passée. Elle ne sait pas ce qui a été dit, ce qui ne l’a pas été. Elle ne sait pas si les choses étaient claires ou non. Ce qu’elle sait, c’est que les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être dans un couple et que les ressentis ne sont pas toujours les mêmes. Ce qu’elle sait, c’est que son mari avait sûrement l’impression d’être dans son bon droit même en ne l’étant pas et qu’il est aisé de se fourvoyer sur ce que l’autre en fasse ressent.

Il demande son avis, soucieux de savoir s’il devrait donner plus de temps à son ex pour trouver quelque chose mais Hannah ne sait pas vraiment quoi répondre à ça. Elle n’a pas tous les éléments dans cette affaire et, de fait, son avis ne pourrait pas être pertinent, pas être éclairé. Elle a besoin d’en savoir plus, car son frère n’a pas vraiment parlé de tout ça, de ce qui s’est passé quand il a quitté la demoiselle. Et même si elle peut jouer aux devinettes et se douter de ce qui s’est passé, être sûre est tout de même mieux.

Apparemment, Anaïs commençait à vouloir parler mariage et avenir, ce qui n’est pas vraiment surprenant quand tu es avec quelqu’un depuis longtemps. Bien sûr, ils sont loin d’en être là avec Jonas mais il faut dire aussi que leur cas est très particulier. Bien plus que la relation de son frère qui est sommes toute normale, classique.

"- Je ne sais pas quoi te dire... Tu ne peux pas totalement la foutre dehors en l'état si elle n'a rien donc, oui, il va falloir lui donner un peu de temps pour se retourner." souffle la rousse. "Et peut-être avoir une discussion avec elle pour qu'elle comprenne que c'est vraiment finit entre vous, que vous n'avez pas les mêmes attentes." reprend-t-elle. "Parce que je crois comprendre qu'elle n'a pas réalisé que tu étais très sérieux alors... Il faudra s'assurer que ce soit le cas." Elle pousse un soupir. "Elle le savait, que tu n'étais pas pour le mariage et... tout ça ?" demande-t-elle distraitement en prenant un morceau de pastèque.

Harry avait sa zone de confort ainsi que sa zone de non-confort. Dans le cadre de son métier, Harry n’avait aucun problème à se retrouver devant l’imprévu, à être secoué, à être inconfortable. Mais dans sa vie privée, l’homme préférait quand tout était cadré. Pas nécessairement prévu, l’imprévu ne lui faisait pas peur, mais il préférait garder le contrôle de chaque situation. Surtout lors de ses relations. Anaïs était en train de faire tout le contraire. Elle l’avait pris de court et peut-être, qu’au final, sa décision de la quitter avait été précipitée. Sauf que pour lui, tout était clair. Il ne voulait pas s’engager, il ne voulait pas que les choses changent.

Hannah ne savait pas quoi dire et Harry ne put qu’hocher la tête. Il ne savait pas non plus quoi dire. Un soupir lui échappa lorsque sa petite sœur lui dit qu’il ne pouvait pas la mettre dehors comme cela. « Moui… Tu n’as pas tort, mais tu sais que je déteste quand les choses tardent. » Après tout, lui, il avait réussi à trouver solution temporaire et rapide. Pourquoi pas Anaïs ? Elle avait également de la famille dans le coin. « Nous en avons parlé plus d’une fois. Dès le début de notre histoire et même tout récemment quand elle m’en a reparlé. J’ai cette impression qu’elle ne me prend jamais au sérieux et que je parle dans le vide. » Ça n’aidait pas à Harry à vouloir faire les efforts d’aller plus loin dans cette relation. « On s’est aussi beaucoup éloigné dernièrement. Je ne croyais pas que la séparation serait une surprise. » Toujours très honnête, le brun n’avait pas grand-chose à cacher sur l’échec de sa relation. Peut-être qu’il était le seul à s’être éloigné et que, comme souvent, Anaïs n’avait pas voulu le remarquer. L’homme ne voulait pas lui mettre toute la responsabilité de leur séparation sur le dos. Il ne pouvait pas lui en vouloir d’avoir espéré plus, mais maintenant qu’il lui avait dit « non », il était contrarié que tout ne se passe comme il le voulait. « Comme tu dis, je vais devoir lui reparler. Remettre tout ça au clair. Je ne veux pas revenir en arrière. » En parlant, l’homme n’avait pas retouché à son fruit. Il avait surtout fixé un point précis du sol tandis qu’il réfléchissait. Il essayait vraiment de comprendre ce qui n’avait pas été clair dans ses propos lors des dernières conversations avec son ex. Il avait l’impression que c’était des histoires de gamins, mais d’un autre côté, c’était sa première grosse séparation. Pouvait-on vraiment lui reprocher de ne pas avoir l’expérience nécessaire ?

À l'évidence, le problème ne vient pas de la communication, ni même d'un manque de celle-ci, mais plutôt d'un manque de crédit qu'Anaïs accorde aux propos de son frère, ce qui naturellement ne permet pas vraiment que les choses se passent au mieux. Peut-être a-t-elle pensé à un moment donné que l'envie du mariage finirait par venir. Elle n'a peut-être pas pensé, pas compris, que les chances étaient très minces. Elle avait peut-être accepté la situation en pensant qu'elle pourrait faire changer l’homme mais… Non, elle n’y était pas arrivée. Et c’était toujours une mauvaise idée, de toute façon, de se mettre avec une personne en pensant la changer. Ce n’était pas ça, l’amour. L’amour c’était d’accepter une personne intégralement, comme elle était. Avec ses croyances, ses qualités, ses défauts. Ce n’était pas de se projeter dans un futur où il serait différent, modifié selon nos volontés.

"- Je vois ce que tu veux dire. Donc... c'est qu'elle ne veut pas entendre la vérité."

Apparemment de toute façon, ces derniers temps, la relation de son frère avec sa compagne n'était pas des meilleures, pas au beau fixe et l'homme est surpris, de fait, qu'Anaïs n'ait pas vu venir la séparation, qu'elle ne l'accepte pas, qu'elle n'ait pas tiré les mêmes conclusions que lui mais... Il faut bien dire que dans un couple, les deux ne sont pas toujours sur la même longueur d'ondes, ce qui parfois entraîne ce genre de situations.

"- Qu'est-ce qui s'est passé pour que vous vous éloignez ? Elle ne l'a peut-être pas remarqué comme toi, pas vécut comme toi... On ne sait jamais vraiment ce qui... Ce qui se passe dans la tête des gens." remarque-t-elle en portant son thé à ses lèvres. "En fait... On ne connait jamais vraiment les gens, même ceux..." elle se coupe. "Même ceux dont on croit que l'on sait tout." complète-t-elle.

Elle l'avait cru, avec son mari. Elle avait cru qu'ils seraient heureux, que tout se passerait bien. Elle avait cru qu'elle le connaissait et puis... et puis l'enfer avait commencé.

Harry ne voulait pas changer. Ce n’était pas nouveau, ce n’était pas une surprise, c’était tout simple lui. La vie de famille ne l’avait jamais réellement attiré et le temps n’avait pas su le faire changer d’avis. Pour certains, c’était une triste décision, pour lui, c’était tout simplement sa vie. Il était heureux comme cela et il n’avait pas besoin de plus et surtout, il ne devait pas changer pour les autres. Harry hocha la tête et un soupir de découragement lui échappa. « Yes exactement! Je crois qu’elle s’est forgée une image différente que moi sur notre couple. Ça m’attriste au fond, ce n’était pas mon intention de lui faire de la peine. » Ce n’était jamais son but et pourtant… Ça arrivait plus souvent que nécessaire. Il ne devait pas faire les choses correctement. Mettre les choses au clair dès le début ne devait pas suffire. Il devrait connaître l’être humain et son besoin d’attachement. Il devrait…

« Peut-être qu’elle ne l’a pas remarqué. Peut-être qu’elle a cru que c’était juste une phase ou le boulot. Il ne s’est rien passé de particulier. Des prises de tête plus fréquentes pour n’importe quoi, mais je ne peux pas te nommer un événement particulier. » Sa langue glissa sur ses dents tandis qu’Hannah lui disait qu’on ne connaissait jamais vraiment les gens. Harry observa sa sœur un moment. Il savait à quoi elle faisait référence. « Ouais… Je suis désolé de t’embêter avec ça. » Avait-il vraiment le droit de se plaindre de sa situation amoureuse ? Surtout à sa sœur. Il ne savait pas. Il se sentit soudainement presque idiot. « Je ne vais pas m’imposer plus longtemps. J’irai la voir ce soir et je vais voir pour me planifier une excursion d’une semaine ou deux. Ça va lui laisser plus de temps. » Normalement, il devrait être en vacances. Il revenait d’un long voyage qui avait été tout sauf reposant. Idéalement, les guides-accompagnateurs prenaient un peu de repos entre deux voyages, mais Harry sentait que ça allait le rendre fou de rester ici. S’il ne pouvait pas se trouver quelque chose avec son agence, il allait partir en solo quelque part. Ou… « T’as pas envie de vacances, toi ? » Pourquoi pas après tout. Ça ne pouvait faire de mal à personne de changer d’air non ?

Hannah sait bien que son frère ne voulait pas faire de mal, à qui que ce soit. Elle sait bien, aussi que parfois dans un couple les choses ne fonctionnent pas comme on l’aimerait, pas comme on le voudrait. Elle sait que parfois, les choses évoluent dans le mauvais sens. Elle est bien placée pour le savoir, à vrai dire. Bien placée pour savoir que parfois, dans les couples, les choses déraillent. Ouai, c’est une chose qu’elle a appris à ses dépends malheureusement. Certaines histoires ne sont pas faites pour durer, pas faites pour rester ce qu’elles ont toujours été.

”- Je sais bien.”

Bien sûr qu’il ne voulait pas lui faire de mal, elle le sait parfaitement. Mais la vie est ainsi faites. D’autant plus que comme il le dit il ne s’est rien passé de notable pour en arriver là, rien qui aurait pu entamer le couple qu’ils formaient. A l’entendre parler, il semblait que tout était arrivé très normalement, petit à petit.

”- La routine en quelque sorte, la passion des débuts qui s’estompe ?”

C’est ainsi que terminent bien des histoires, normalement. Pas dans le sang et le drame, mais dans les larmes et l'ennui. Ils n’avaient rien connu, rien rencontré, aucun écueil pour les arrêter, sinon celui de la routine, de l’habitude, qui entrave, qui érode et qui explose, qui grignote les amours et les passions que l’on ne sait entretenir. Rien de plus que la normalité, que ce qui vient mettre un terme à bien des histoires d’amour et que l’on ne voit pas toujours venir, comme Anaïs n’avait pas vu la rupture arriver.

”- Tu ne m’embêtes pas.”

Comment peut-il seulement le penser ? Il a été, avec son aîné, un tels soutien pour elle quand elle était au plus mal, quand elle était au plus bas, quand elle était la tête noyée sous son procès, que c’est bien la moindre des choses d’être présente pour lui aussi quand ça ne va pas non plus, quelque soit l’épreuve qu’il traverse, quel que soit ce qui vient se mettre en travers de sa route.

”- Ce n’est pas une mauvaise idée, d’autant plus que partir un peu te fera sans doute du bien à toi aussi. Même si c’est toi qui met un terme à la relation… Ce n’est jamais simple.”

Partir un peu lui fera du bien et surtout lui permettra de mettre de l’ordre dans ses idées, aussi. De pouvoir avancer. Redéfinir ses projets pour l’avenir. Partir lui offrira l’opportunité de signifier ce nouveau départ dans son existence et, du reste, elle sait bien que son frère est un aventurier dans l’âme, qui ne reste jamais bien longtemps au même endroit. Elle sait que s’il a jeté l’ancre à Hambourg, ce n’est que pour elle. Qu’à cause d’elle.

”- Oh… si” souffle Hannah tout en se gardant de dire qu’il y a quelques jours à peine, elle était sur l’île de Patmos avec Jonas, célébrant la fin de son procès.

« Je ne suis vraiment pas fait pour les longues relations hen… Les passions des débuts ne restent jamais longtemps. » Il eut un petit rire. Il n’était pas en train d’annoncer la nouvelle de l’année. Tout le monde dans son entourage savait qu’il était comme cela. Qu’il aimait beaucoup le changement. Que ça soit dans sa vie amoureuse, dans ses vêtements, dans ses voitures etc. Il ne tenait pas en place dans toutes les facettes de sa vie. « Heureusement, je sais garder mes liens familiaux. L’horreur sinon. » Ça, ça ne bougerait jamais. Il retournerait le monde entier pour ses proches. De ce côté, il était l’homme le plus fidèle du monde. Prêt à abandonner n’importe quoi si sa petite sœur ou son frangin l’appelait. Il l’avait déjà fait plus d’une fois pour Hannah allant même jusqu’à s’installer en Allemagne alors que ce n’était pas du tout prévu.

Partir quelques temps était sans doute la meilleure option pour Harry. Même s’il venait de rentrer d’une expédition plutôt longue, il pouvait se planifier quelque chose de plus court… Ou de plus personnel. Il n’était pas obligé d’accepter la proposition d’un client, ce n’était pas son tour. Il pouvait prendre quelques jours pour lui, ailleurs, pour lui. Et pourquoi pas pour sa frangine ? Il sourit à sa réponse positive. « Ça te dit de partir avec ton frère ? Aller faire de l’escalade quelque part ou juste du camping sauvage ? On peut aller où tu veux, j’ai des contacts. » L’avantage de son métier et d’avoir autant voyagé dans sa vie. C’était totalement improvisé, ça n’allait peut-être pas fonctionner, mais peu importe. Il proposait. « J’ai vraiment besoin de penser à autre chose et de me tenir loin de mon téléphone un temps. » Ce qui pouvait être traduit par un besoin de ne plus recevoir de messages d’Anaïs le temps de son petit voyage improvisé. « S’il te plait ? » tenta-t-il avec ses yeux doux avant de sourire largement, presque avec une tête d'ange qui lui convenait peut-être pas.

”- Non, la passion innée des débuts ne peut pas tenir dans le temps, c’est un phénomène naturel qui tient de notre nature.” admet la trentenaire, hochant la tête aux propos de son frère. ”Pour autant, après la passion, ce n’est pas la fin. C’est quelque chose qui s’entretient…” murmure-t-elle. ”Un travail de tous les jours. La volonté d’être ensemble, de tenir malgré les épreuves, de faire perdurer la complicité… Bien sûr, la passion n’est pas éternelle et on se rend compte rapidement que la personne que l’on aime, que l’on a idéalisée, n’est pas aussi parfaite qu’on l’a cru de prime abord mais…” elle pousse un soupir. ”Ça ne veut pas dire que c’est la fin.”

Tout le monde n’est simplement pas forcément toujours prêt pour fournir les efforts nécessaires pour faire durer la relation dans le temps. Il y a des gens qui ne supportent pas d’être seuls mais qui ne veulent pas non plus de la routine d’un vieux couple, encore moins les efforts qui vont avec. Il y a des gens qui se complaisent uniquement dans la passion des débuts. C’est aussi une chose qu’elle peut comprendre. Et il est plus que probable que son frère soit ce genre de personne qui préfère les débuts des histoires d’amour, que de les entretenir.

”- Parce que tu ne peux pas les défaire, sûrement.” souffle-t-elle avec un sourire, quand il affirme qu’il sait au moins garder ses liens familiaux.

N’aurait-elle pas envie de prendre des vacances, demande-t-il ? Elle suppose que ce n’est pas sans raison et ment éhontément, par omission, comme elle ne dit pas qu’elle en revient, justement, étant partie quelque temps avec son compagnon que l’homme ne connaît toujours pas. Enfin, si. Mais pas officiellement. Pas comme étant le partenaire de sa sœur. Un jour ou l’autre… Elle devra se décider. Pas tout de suite, toutefois. Pas aujourd’hui, en tout cas.

”- Je ne suis pas sûre d’être une bonne grimpeuse.” remarque la rouquine alors qu’elle pâlit de deux teintes.

Toutefois il semble avoir vraiment besoin de partir d’après ses dires et, si l’escalade n’est pas trop son truc, elle peut bien, tout de même, accepter des vacances en sa compagnie. L’autre option semble plus raisonnable. Presque anodine. Elle n’en a pas vraiment fait dans sa vie mais le camping, ça ne peut pas être bien méchant, si ?

"- Mais... On pourrait partir en camping oui, pourquoi pas !"

Harry l’observa pendant qu’elle lui parlait, qu’elle lui disait que la fin de la passion n’était pas la fin d’une relation. Un profond soupir lui échappa. Pourquoi il ne pouvait pas être comme les autres là-dessus ? Pourquoi il cherchait à garder allumer une flamme qui était impossible d’entretenir ? Pourquoi les étapes d’après le poussaient à fuir ? C’était frustrant. Autant pour lui que pour ses proches. Peut-être que sa mère avait finalement pensé qu’Anaïs était la bonne ? Il allait de nouveau la décevoir. Il aimait dire qu’il s’en fichait, qu’il vivait sa vie comme il le désirait, mais il n’était pas sans y penser, sans s’en vouloir par moment. Et pourtant, Harry ne voulait pas changer. Il changerait pour les autres, pas pour lui. « Tu as tellement raison et crois-moi, c’est frustrant de ne pas réussir à passer outre. Peut-être que je n’ai pas envie de réellement connaître les gens, que je préfère idéaliser, voir le meilleur. Je ne sais pas. Même en parlant avec toi, je ne me vois toujours pas avancer avec Anaïs… » Il haussa les épaules. Peut-être qu’il avait juste un coup de pied à se donner pour que ça fonctionne, mais il n’avait pas le cœur pour ça. Toujours en quête de nouveauté le brun, c’est ce qu’il recherchait à cet instant. Il avait besoin des frissons du moment.

Il sourit avant d’hocher lentement la tête. « Je sais garder mes amis aussi. Je ne suis peut-être pas un cas totalement désespéré. » On ne choisissait pas sa famille, mais on choisissait ses amis, non ? Il avait des amis un petit peu partout à travers le monde et il savait entretenir les liens.

Partir lui semblait la meilleure option. Ici, il se sentait impatiente envers son ex-copine. Il n’était pas prêt à lui accorder suffisamment de temps. S’il partait quelques jours, il aurait la tête ailleurs et la frustration risquait de le quitter. Harry allait revenir dans un autre état d’esprit et ça ne pouvait faire de mal à personne. « J’aurais pu t’apprendre, mais je vois à ta tête que ça ne t’emballe l’idée d’escalader. » Il rit doucement. L’homme proposait comme cela, mais il n’allait rien forcé. Il l’avait bien vu pâlir et son but n’était pas de l’effrayer. « Après on peut faire quelque chose de plus classique aussi. Dans un hôtel, pas nécessairement en nature. » C’est lui qui avait l’habitude de passer une partie de ses vacances en pleine nature, dans des situations plus ou moins confortable. Sa sœur n’avait pas à le suivre là-dedans. « Qu’est-ce qui te plairait vraiment ? » Ce n’était pas à lui de choisir, bien au contraire.

C’est frustrant de ne pas réussir à entretenir l’après passion, dit-il, et elle veut bien le croire, même si dans son cas… Hé bien, les choses ont été très différentes. Elle n’a pas eu à se poser la question. Elle est une femme. Sa vie était déjà toute tracée depuis longtemps, dans un milieu comme le leur. Elle serait une épouse et une mère, surtout. Elle pourrait avoir une carrière, mais son rôle de matriarche était obligatoire. Elle devrait engendrer la descendance d’un époux. Et elle avait faillit le faire, mais il avait réduit cette vie à néant. Sa trajectoire avait donc été bien différente de son frère et les raisons de l’échec de son mariage étaient loins d’être les mêmes que celles qui conduisent toujours son frère à mettre un terme à ses relations, mais ça ne l’empêche pas de comprendre la situation et d’avoir une opinion sur l’amour, malgré tout, ou sur les relations.

”- Oh je veux bien croire que ça le soit. Après ce n’est peut-être tout simplement pas la bonne personne pour toi. Quand tu la trouvera, peut-être que cette tendance changera, qui sait !? Peut-être qu’à ce moment là, tu auras envie de te battre et de faire tout ce qu’il faut pour ne pas perdre cette personne qui te seras spéciales.”

Elle peut au moins le lui souhaiter, espérer que son frère trouvera enfin chaussure à son pied. Enfin une fille parfaite pour lui et qui saura l’accepter tel qu’il est. Avec sa soif d’aventure. Avec son caractère parfois un peu compliqué. Mais puisque la famille et les amis parviennent à s’y faire, comme il le remarque si bien, une femme sevrait elle aussi pouvoir faire avec. Sur 8 milliards d’individus sur terre, il y en a forcément une faite pour lui, non ?

”- Peut-être pas totalement !” dit-elle pour plaisanter, reprenant ses mots.

Il aurait pu lui apprendre l’escalade, oui. Mais disons qu’à son âge, elle a un peu raté le coche.   presque quarante ans, qu’elle atteindra dans quelques mois, elle n’a plus l’ossature de ses vingt ans, ni la robustesse de l’époque. Son frère est un sportif. Elle, elle est une ancienne victime de violences conjugales, dont elle garde suffisamment de séquelles pour avoir parfois le corps endoloris, comme détérioré. Bien sûr, il n’est pas supposé y avoir de problème quand on grimpe. Mais le risque zéro n’existe pas. Elle ne l’oublie pas.

”- Mais ce serait probablement trop tranquille pour toi et il faut que cela te plaise aussi. Je pense que l’idée d’un séjour au camping est donc plutôt une bonne idée. Un compromis entre l'hôtel et l’escalade, dirons nous !”

Peut-être que ce n’était pas la bonne personne… Oui, peut-être. C’était difficile à dire pour Harry qui avait l’impression actuellement que cette fameuse bonne personne n’existait pas pour lui. Il avait côtoyé des femmes incroyables, des femmes qu’il pouvait presque qualifier de parfaites, mais… À chaque fois, il s’était lassé. Parfois rapidement, parfois après un long moment… Cette fois, il y avait presque cru. Rester un an avec la même personne ? Un vrai record pour lui, mais il venait par se solder par un échec. Il n’était pas le grand frère qui allait montrer l’exemple côté vie sentimentale. Au contraire, il était à fuir.

« Et tu crois que ça pourrait être qui la bonne personne pour moi ? J’ai réellement envie de me battre pour une personne, mais j’en viens vraiment à me demander quel type de personne et de personnalité qui pourraient me convenir. » Et c’était aussi dans l’optique qu’une seule personne sur cette terre pourrait supporter le style d’homme qu’il était. Harry était loin d’être parfait, il le savait. Il n’avait pas une personnalité qui pouvait s’agencer aisément avec tout le monde. Même avec des amis. Ses amis devaient supporter le fait qu’il pouvait être absent sans donner de nouvelles pendant plusieurs semaines, car il était parti travailler à l’étranger. Généralement ça allait, mais il avait eu des amis plus dépendants avec qui ça n’avait pas fonctionné.

Heureusement que les proches d’Harry ne savaient pas exactement ce qu’il faisait autant dans le cadre de son travail que pour son plaisir personnel. Il y aurait de quoi en faire des cauchemars. Sa mère ne s’en remettrait jamais. Sauf qu’Harry avait besoin de cette adrénaline pour vivre, pour être heureux. Il avait conscience qu’il ne pouvait pas la partager avec tout le monde et c’est la raison pour laquelle il n’insista pas. Sa frangine n’avait pas d’intérêt pour l’escalader tant pis, il pouvait proposer quelque chose de plus tranquille. Après tout, des vacances reposantes ne pouvaient pas lui faire de tort n’est-ce pas ?

« Parfait comme cela. Je vais passer à l’agence et nous préparer un petit voyage de quelques jours, pas très loin, mais suffisamment pour être dépayser et on pourra planifier la suite » Un demi-sourire naquit sur ses lèvres. En vrai, ça lui plaisait bien comme plan de match. Et ça allait plaire également à Anaïs qui aurait plus de temps. Avec appétit, Harry se remit à profiter du petit-déjeuner de sa sœur tandis que son regard se perdit légèrement dans le vide l’espace d’un moment.

Qui pourrait être la bonne personne pour son frère, voilà une question pour le moins difficile. Il faut dire que ce dernier a eu quelques relations et que toutes se sont terminées de la même manière. Dans la routine. Dans la lassitude. Une lassitude meurtrière qui avait finalement réduit les couples à néant. Il n'en était rien resté, que des larmes et les ruines d'un passé. Et s'il est déjà difficile de trouver la bonne personne pour soi-même alors la trouver pour quelqu'un d'autre semble être plus problématique encore. Mais parce qu'il est son grand frère et qu'Hannah veut sincèrement l'aider, parce qu'elle ne veut que son bonheur, elle se creuse la tête en essayant de réfléchir à cette question. Bien sûr qu'il y a une femme faite pour Harry. Le tout est de la trouver. De déjà savoir quel genre de femme cela pourrait être.

"- Hé bien je suppose pour commencer que tu as besoin d'une aventurière. Une fille qui aime voyager et découvrir le monde. Qui aime la nature et qui apprécie les activités de plein air. Une fille forte et qui ne soit pas… tu sais, une princesse superficielle. Je pense que tu as besoin d'une fille vraie, d'une fille profonde et intense, déconnecté des réseaux et toutes ces bêtises mais profondément connectée à la vie. Aux rencontres. Aux expériences. Une fille avec qui tu pourrais découvrir le monde et qui aurait toujours de nouveaux projets de voyages, comme toi finalement. Comment pourriez vous vous lassez en parcourant le monde ?"

Sur le papier, au plus elle parle, au plus ça semble facile. Mais encore faut-il la trouver, cette perle rare. Elle imagine que ce genre de fille existe mais comme les diamants, les choses les plus rares, elles ne se trouvent pas aisément. Ce qui est certain c'est que son frère a besoin d'une femme active. D'une femme qui ait la même vie que lui, les mêmes aspirations. Une casanière ne pourrait pas lui convenir, il a trop besoin de bouger. Et d'ailleurs il aurait besoin de vacances dans l'immédiat, proposant à sa cadette de partir avec lui, quand bien même ils ne voyagent pas vraiment de la même façon tous les deux. Qu'importe, ils peuvent faire des compromis. Ce sera sans doute de bonnes vacances, en famille.

"- Je te fais confiance pour organiser une semaine parfaite !" affirme la rouquine. "Ne restere qu'à décider de nos activités, après."

Il était difficile de ne pas se poser de questions sur sa propre personne, mais également sur ses goûts. Même si l’idée d’être en couple n’avait jamais été un objectif principal pour lui, il ne pouvait pas s’empêcher de mal vivre les différents échecs dans sa vie. Certes, il en était entièrement responsable, il en avait conscience. Peut-être qu’il allait vraiment devoir se faire à l’idée que l’amour long-terme n’était pas pour lui et qu’il serait mieux de continuer avec ses petites histoires à gauche et à droite. Harry avait posé une question compliquée. D’un côté, il se disait que sa sœur était la mieux placée pour lui répondre, elle le connaissait depuis toujours. Ce n’était pas exagéré de dire qu’elle le connaissait par cœur.

Attentivement, le quadragénaire écouta sa sœur prendre son rôle très au sérieux. La surprise vint même prendre place sur son visage, il ne serait pas attendu à une réponse aussi complète. « Wow. Est-ce que je peux t’engager pour compléter mon profil Tinder ? J’ai l’impression que tu me connais mieux que je ne me connais moi-même. » Il poussa un profond soupir avant de rire légèrement. « Tu as raison sur tout. Il me faut l’inverse d’une princesse… Du moins, en voyage, je suis une princesse dans la vie de tous les jours. T’as déjà vu ma garde-robe. » Il ne s’en cachait même plus. Il aimait beaucoup trop les vêtements et les objets de luxe pour un être humain standard. « On dit souvent que les contraires s’attirent, mais ça ne fonctionne pas… L’écart est trop grand. Je suis d’accord, il me faut surtout une fille comme moi qui vit pour la nature et pour les sensations fortes. T’as pas une copine à me présenter par hasard ? » Qui sait ? Ça pouvait peut-être fonctionner, non ? Vite comme cela, il avait la sensation que ça serait impossible à trouver. Et… Il allait vraiment se demander si ça valait le coup de continuer de chercher. L’amour arrivait quand on s’y attendait le moins n’est-ce pas ? Sauf que dans son cas, il avait l’impression qu’il arrivait toutes les semaines, l’espace de quelques heures pour repartir.

« Ça marche, je vais tester ta confiance en moi. À partir de maintenant, je ne te dis plus rien. Ça sera des surprises, il faudra te laisser bercer. » Il rit de nouveau. C’était un peu son métier après tout de planifier des voyages, non ? Il allait faire ça les yeux fermés. « Tu as des contraintes ? Des choses que tu veux absolument éviter ? » Bien sûr, il n’allait la forcer à rien. Ce n’était pas le but. Il restait un grand-frère dans l’âme. Il voulait que sa rouquine préférée passe un bon moment.

Finalement, pour définir le genre de fille qui conviendrait le mieux à son grand frère, Hannah ne s’en sort pas si mal comme il le remarque rapidement, plaisantant sur le fait de l’engager pour gérer son profil tinder, histoire qu’elle puisse le compléter et lui permettre de trouver le grand amour le plus adapté à son profil. Elle a un petit rire. Elle le connaît mieux que lui-même, affirme-t-il, et ce constat lui arrache un petit rire alors qu’elle porte sa tasse de thé jusqu’à ses lèvres. Est-ce donc vrai ? Est-ce qu’elle le connaît effectivement mieux qu’il ne se connaît, au point de savoir presque mieux que lui, sinon mieux, quel est le genre de femme qui lui irait parfaitement ? Et si tel est le cas, alors cela veut-il dire que ses frères peuvent savoir, mieux qu’elle, quel est l’homme le plus adapté pour elle ? Peut-être. Un jour, quand elle pourra leur présenter Harry… Peut-être qu’ils ne seront pas franchement d’accord avec cette relation, non pas parce qu’il était l’avocat qui avait eu pour mission de la mettre derrière les barreaux, mais parce qu’il ne serait pas, selon eux, fait pour elle. Cette pensée lui arrache une rapide grimace et elle la repousse loin dans son esprit.

"- Écoute à l’occasion montre moi ton profil et je jouerai les marieuses !" rit-elle en attrapant un morceau de pastèque dans lequel elle croque, écoutant son frère parler.

Bien sûr qu’il a besoin de tout l’inverse d’une princesse. Et en même temps, ça ne veut pas dire qu’elle n’en serait pas une à ses yeux ou qu’il ne la traiterait pas comme telle, ça voudrait seulement dire qu’elle aurait les mêmes délires que lui, les mêmes ambitions, les mêmes centres d’intérêt. La découverte, la nature, le grand air, le dépassement de soi… Toutes ces choses que son frère affectionne. Elle, elle n’est pas vraiment dans ce genre de choses, mais elle sait que c’est ce dont il a besoin. Ce qui le fait vibrer.

"- Alors… J’ai des copines. Mais elles sont toutes comme moi." elle prend un air dramatique. "Des princesses de salon, appréciant leur confort et la sécurité, surtout !"

Des risques, elle en a trop vécu, elle a subi trop de choses pour vouloir autre chose qu’un cocon rassurant, à présent. Elle a connu trop de merdes pour vraiment sortir de sa zone de confort, parce que la confiance n’est plus quelque chose qu’elle peut se permettre de donner trop facilement. Parce que sa confiance en elle n’est pas non plus la plus au rendez-vous. Faire confiance à son frère, c’est tout de même plus simple. Avec lui, elle sait qu’elle peut se projeter dans ce voyage. Elle sait qu’il fera au mieux pour respecter ses limites et que ça leur soit agréable. D’ailleurs c’est déjà ce qu’il fait en se demandant s’il y a des choses qu’elle souhaite éviter.

"- Rien qui me vienne à l’esprit dans l’immédiat. Du moment que tu ne décide pas de m’emmener faire du parapente, du deltaplane ou… toutes ces choses là. Évite le saut à l’élastique aussi. Enfin… tout ce qui est sensation très très fortes incluant du vide…"

« Ça marche, faisons comme cela. Je vais attendre qu’Anaïs ait quitté mon appartement officiellement avant de me remettre sur les applications de rencontre. Je crois qu’il est un peu tôt. » Il croyait ? Oh non, pas seulement. Il pouvait affirmer sans l’ombre d’un doute qu’il était trop tôt pour retrouver quelqu’un. Il se demandait aussi s’il avait envie de retrouver quelqu’un maintenant. Avait-il besoin d’un peu de temps pour lui ? Même à cette simple question, il ne savait pas quoi répondre.

C’est une moue de déception qui s’afficha sur le visage du brun lorsque sa sœur confia qu’elle n’avait pas de copine à lui présenter, qu’elles étaient des princesses de salon appréciant la sécurité. Harry finit par avoir un léger rire et il haussa les épaules. « Je me sens aussi en sécurité avant de sauter en parachute ou dans une cavité très étroite. » Il avait peut-être une grosse confiance en lui également. Peut-être qu’il devrait se sentir davantage en danger, mais… Non. Il savait ce qu’il faisait et même si une forte adrénaline prenait place dans son corps, il n’avait pas peur. Il se sentait rarement en réel danger.

« C’est noté. Promis. Mais tu es certaine pour le saut à l’élastique, je t’imaginais bien. » Il rit. Il n’était pas sérieux une seule seconde, il savait bien que sa sœur n’avait aucun intérêt pour ce style d’activité et il n’aurait même pas pensé à l’ajouter sur leur planning. Non, il allait choisir une option plus tranquille avec moins d’activités au programme et beaucoup de repos. C’était le but, non ? Que sa sœur puisse se reposer un peu après des années de combat contre la famille de l’homme qui lui avait fait du mal. Trop de mal.

La conversation prend un tournant inattendu lorsque Harry évoque son retour sur les applications de rencontre, demandant un coup de main à sa sœur pour valider sa bio et obtenir des matchs pertinents, comme elle semble savoir mieux que lui ce qu’il peut rechercher chez une femme.

Ses yeux se posent sur Harry, scrutant son visage en quête de la moindre expression, du moindre signe qui trahit ses émotions intérieures. Elle est consciente de la complexité des relations humaines et de la manière dont elles peuvent être tout à la fois exaltantes et déconcertantes, tout comme elle a conscience que ses mots comptent pour son frère, pèsent dans la balance des décisions qu’il prend concernant sa relation.

"- Je crois que tu as tout à fait raison de prendre ton temps. Une fois qu’Anaïs aura quitté ton appartement, tout cela sera vraiment derrière toi et tu seras plus tranquille pour penser à tout ça, y réfléchir, prendre du recul… cela ne peut qu’être bénéfique, à mon sens, pour te permettre d’avancer ensuite. Rien ne sert de se presser."

Elle contemple son grand frère avec une lueur d'admiration dans les yeux, reconnaissant sa confiance en lui dans les situations risquées et sa capacité à affronter l'inconnu avec une audace qui force le respect. Quelque part, Hannah s’est toujours sentie impressionnée par la manière dont il aborde la vie.

"- J’ai toujours su que tu n’étais pas très net…"

Hannah lui adresse un sourire complice. En sécurité dans des situations périlleuses ? Non, elle ne peut pas comprendre que l’on soit serein dans un tel moment. Elle n'est pas de ceux qui raffolent du danger, ni qui aiment prendre des risques. Alors, bien sûr, le voyage doit leur plaire à tous les deux, et elle fera des efforts pour lui, sortant de sa zone de confort… Mais sûrement pas au point de se jeter dans le vide.

"- Mhh non, sans façon. J’aime avoir les deux pieds sur la terre ferme !" rit-elle.

C’était bien connu, Harry n’aimait pas rester seul. Il arrivait à balayer trop facilement une relation afin de passer à la prochaine. Ça semblait être le cas avec celle qu’il avait eu avec Anaïs. Elle n’avait même pas encore quitté son appartement qu’il était prêt à retourner sur les applications de rencontre « pour la prochaine ». C’était moyen, très moyen. Et en y réfléchissant bien, il était mieux de se donner du temps. Il pouvait profiter de la vie quelques temps en tant que célibataire, non ? Il n’allait pas en mourir. N’est-ce pas…? N’est-ce pas ? « Oui, je vais faire comme cela. Tu me connais à force, j’ai besoin que tout aille vite. Constamment. C’est pas pour rien que mon métier est 100% sous adrénaline. » Il sourit. Ce n’était pas un métier qui faisait l’unanimité dans sa famille. Sa mère détestait. Alors Harry avait arrêté de lui raconter les détails. C’était un métier dangereux dans lequel il mettait sa vie en danger constamment. Il ne pouvait pas en vouloir à ses proches d’avoir une réticence sur ce qu’il faisait, mais ce n’était pas pour autant qu’il allait arrêter. Il avait besoin de cette dose d’adrénaline pour être bien dans sa peau. Ça lui apportait plus qu’on pourrait le penser. La remarque de sa sœur lui arracha un rire avant qu’il n’hausse les épaules. « Oh, je n’ai jamais affirmé le contraire. Je ne suis pas net. » On lui disait souvent que sa passion était particulière. Lui, ça le faisait toujours rire. Même si une partie de lui pouvait comprendre, une autre partie ne comprenait pas.

Harry n’allait jamais forcer quelqu’un à faire quelque chose qu’il n’avait pas envie. Ça n’avait rien de bon et ça créait des traumatismes. Il allait encourager quelqu’un qui désirait faire quelque chose, mais qui se laissait contrôler par la peur, mais jamais il n’allait pousser une personne dans le vide. Plusieurs fois, dans le cadre de son travail, il avait dû rebrousser chemin avec certains clients qui regrettaient leur choix à la dernière seconde. Certes, ça lui créait une frustration, mais il n’en voulait en personne. Il pouvait très bien comprendre que ce n’était pas évident pour tous de sortir de sa zone de confort. « Bien. Nous allons garder les pieds sur terre. Il y a plein d’autres choses à faire, tu vas voir. » Se reposer tranquillement sur une plage, c’était quelque chose à faire non ?

Il a toujours besoin de faire les choses rapidement, que ça aille vite. Il est vrai qu’il est toujours speed, comme s’il était pressé de vivre, comme s’il avait peur que le temps le rattrape et d’en manquer. Il vit toujours à dix milles à l’heure, c’est pour ça que son travail est aussi prenant, aussi intense, aussi. Il a besoin d’action. Il a besoin que ça bouge, besoin que les choses aillent à son rythme mais… Parfois il faut savoir prendre un peu le temps. Elle sait bien que c’est compliqué pour lui, que ce n’est pas son genre, que prendre son temps c’est… compliqué, mais c’est nécessaire, quelques fois. Heureusement, il s’engage à essayer. Elle ne sait pas si ça pourra marcher, elle ne sait pas s’il y arrivera mais, au moins essayer, sera déjà un grand pas. Il est mieux de ne pas se précipiter, de réévaluer ce qu’il veut de la vie, des amours. Il sort tout juste d’une relation, prendre le temps avant de s’engager dans une nouvelle, c’est mieux. Cela lui permettra de redéfinir ses objectifs de vie.

"- Oh ça, on le sait, on le sait." elle rit en attrapant un mini pain au chocolat qu’elle déchire en deux pour en porter une petite bouchée à ses lèvres, le mangeant proprement.

Il n’est pas très net, affirme-t-elle et elle ne le nie pas. La réalité, c’est qu’ils sont surtout différents l’un de l’autre, sur plein de points. Comme s’ils avaient reçu deux éducations différentes alors que ce n’est pas vraiment le cas et qu’elles ont toutes deux étés assez strictes. Seulement, l’un des deux a la chance d’avoir été un garçon, pas le second. Là où son frère a réussi à se départir, un peu, du statut qui pesait sur leurs épaules, Hannah, elle, avait sombré pleinement dans celui-ci. Elle en avait été victime de toutes les manières qu’on puisse l’être, aussi. Ces coups que la vie lui avait portés avaient permis de changer, un peu, sa façon de penser, de se comporter, mais pas suffisamment pour qu’elle prenne vraiment des risques, d’autant qu’elle n’aimait pas ça. N’était pas sûre d’aimer, surtout. Heureusement pour elle, son frère pouvait comprendre ça. Il pouvait s’adapter. Ils garderaient donc les pieds sur terre, puisque Hannah n’était pas décidée pour faire le grand saut, sous quelque forme que ce soit.

"- J’ai hâte de voir ce que tu auras prévu !"

**Quelques jours plus tard**

Harry n’avait pas tardé à débuter ses recherches après la discussion qu’il avait eu avec sa sœur. Ça faisait combien de temps qu’ils n’étaient pas partis en vacances, ensemble ? Ça devait remonter à leur adolescence, avec leurs parents. Ce n’était pas la même chose. Il avait complètement respecté les demandes de sa sœur. Après tout, ce voyage était dans l’optique de se reposer après des années de combat pour elle et après une séparation plus difficile pour lui. Les destinations au soleil étaient le mieux. C’est ce qu’il avait cherché. Avoir eu un petit peu plus de temps pour se préparer, il aurait regardé du côté des États-Unis. Mais il n’avait pas non plus envie d’imposer vingt heures de vol à sa sœur. Ce n’était pas reposant. Harry avait cherché du côté d’une ile. Des plages, du soleil, de la chaleur et une impression de se détacher totalement du monde qu’ils connaissaient. C’était l’idéal pour eux. Il avait choisi assez rapidement et il avait pu utiliser ses contacts pour planifier un voyage pas trop dispendieux malgré un départ express.

Comme à son habitude, Harry voyageait léger. C’était très en contradiction avec sa garde-robe qui était pleine, mais il avait appris à se limiter en voyage. C’était plus simple d’avoir une unique valise qu’il pouvait avoir avec lui dans l’avion. Est-ce qu’Hannah allait réussir le même exercice ? Harry lui avait conseillé d’essayer, mais sans grand espoir. Squattant toujours l’appartement de sa sœur, Harry alla frapper à sa porte de chambre une heure avant leur départ. « Debout là-dedans ! Notre avion ne va pas nous attendre. » Il n’entra pas, mais il attendit devant la porte d’avoir une réponse avant d’aller se préparer lui-même de son côté. Il avait préparé sa valise la veille ce qui lui permit de s’attarder sur la préparation du petit-déjeuner et de quelques collations qu’ils pourraient avoir dans l’avion. « Tu as bien dormi princesse ? » demanda-t-il lorsqu’Hannah pointa le bout de son nez. Il savait qu’il était très tôt. Pour lui, c’était presque la routine d’être debout aux petites heures du matin. « Je m’occupe du petit-dej’. Tu as besoin d’un café avec ? » Il était beaucoup trop énergique pour l’heure qu’il était, mais ça, c’était du Harry tout craché.

Hannah se réveille doucement, les paupières lourdes, au son de la voix tonitruante de son frère. Elle grommelle, laissant échapper un léger soupir face à l'enthousiasme matinal débordant de celui-ci et enfouit son visage dans son oreiller quelques instants de plus, espérant reprendre un peu de sommeil, même si elle sait pertinemment que ce ne sera pas le cas. Harry ne connaît tout simplement pas le sens du mot "tranquillité". Elle sait qu'il est encore devant la porte. Elle sait même qu’il ne s’en ira pas tant qu'elle ne lui aura pas répondu. C'est typique de lui.

Elle se lève finalement, poussant un bâillement discret et s’étire avant de jeter un coup d'œil à ses valises. Elle a essayé de suivre ses directives, sans grand succès, et se retrouve donc avec une petite valise pour la soute et un bagage cabine, en plus de son sac à main, évidemment. Et elle doit encore penser à glisser certaines choses dedans, comme son chargeur de téléphone. Elle s’en occupe immédiatement, avant d’aller prendre sa douche.

Quand elle descend pour rejoindre la cuisine, Harry se tient là, tout sourire, occupé à préparer le petit déjeuner, débordant d'énergie à une heure où la plupart des gens dorment encore à poings fermés. Un léger sourire étire alors les lèvres d’Hannah, comme elle se demande si son frère n’est pas une sorte de surhomme.

«- Oui, ça va. Il est juste un peu tôt pour mon rythme habituel de sommeil, disons.»

Si elle a besoin d’un café ? Elle n’en est pas une grande fan mais elle doit bien admettre que ce matin, ça ne pourrait pas lui faire de mal. Peut-être que ça lui permettrait de se réveiller définitivement. Si ce n’est pas à cause de la caféine, ce sera bien par le goût. Elle accepte donc, lui donnant un coup de main pour terminer les préparatifs puis s’installe à table pour avaler quelque chose avant le départ.

«- Tu as l'air en pleine forme, pour un départ matinal. As-tu pensé à tout pour le voyage ? » demande-t-elle, sachant pertinemment que son frère a probablement tout prévu dans les moindres détails.

Harry savait être têtu, surtout si c’était pour éviter un retard. Lorsqu’il avait un rendez-vous, il ne savait pas être à l’heure, mais lorsqu’il était question de quitter l’Allemagne, il était hors de question de louper son avion. Il faisait partie de ceux qui arrivaient même trop d’avance. Il préférait largement attendre là-bas, profiter d’un bon café plutôt que de vivre le stress d’être en retard de son taxi sans rien pouvoir y faire. C’est pour cette raison qu’il attendit un signe de vie de sa sœur avant de regagner la cuisine.

« Tu vas voir, on s’habitue vite. » Certes, même si le brun avait opté pour des vacances plus reposantes que ce qu’il pouvait faire habituellement, il n’avait pas non plus l’intention de faire la grasse-matinée tous les matins. Il avait besoin de bouger et malheureusement pour elle, Hannah serait invitée à le suivre.

« J’ai tout. Ou du moins, tout ce que je ne peux pas racheter là-bas. » Il ne l’amenait pas dans un coin perdu. Si vraiment, ils avaient oublié quelque chose, ils sauraient retomber sur leurs pieds. Harry s’installa avec elle pour manger. Plutôt rapidement. C’était une mauvaise habitude qu’il avait. Il mangeait toujours trop vite. Il faisait tout trop vite. « Tiens. Pour te permettre de patienter un petit peu. » L’homme lui tendit son téléphone avec leurs billets d’avion. Il aurait pu lui garder la surprise jusqu’à l’aéroport, mais il voulait également qu’elle puisse adapter sa valise à leur destination, au besoin. Elle pouvait y voir leur vol direct de 6 heures, en classe prestige vers Ibiza. « À nous l'Espagne. Notre taxi sera là dans une petite demi-heure environ. »

On s’habitue vite, affirme-t-il, comme Hannah se plaint de ne pas voir son rythme habituel de sommeil être respecté. Il est nettement plus tôt que l’heure à laquelle elle a l’habitude de se réveiller, que ce soit pour se rendre au travail - l’avantage d’être sa propre patronne - ou pour ses jours de repos. Harry, lui, semble frais comme il n’est pas permis de l’être de ces heures. Elle… Hé bien, elle tâche de faire bonne figure. Elle risque de rattraper une heure de sommeil un peu plus tard, dans l’avion.

"- Je n’en suis pas si sûre." affirme-t-elle en acceptant une tasse de café.

D’autant plus qu’elle ne compte pas en prendre l’habitude. Le temps de ce séjour peut-être mais quand ils seront rentrés, elle reprendra ses propres habitudes, à n’en pas douter. Bien sûr, elle se doute que le temps de ce séjour, elle a plus de chances d’assister au lever du soleil qu’autre chose. Son frère a toujours été plus matinal qu’elle, ça n’est pas nouveau.

"- Pense à ménager ta pauvre vieille sœur, un peu !"

Bien sûr, des deux, elle est la plus jeune. Mais ça ne l’empêche pas d’avoir quarante ans passés et d’avoir ses petites habitudes, le besoin de son petit confort. Comme si elle n’était pas faite dans le même moule que son aîné, ce qui n’est peut-être pas si éloigné de la vérité. Elle a une vie tranquille - la plus tranquille possible depuis la mort de son époux - et aspire à la préserver telle quelle, ce qui est loin d’être le cas de son aventurier de frère.

Il lui tend son téléphone, leurs billets affichés sur celui-ci, et elle toussote en apercevant la destination. Ibiza ? Elle imagine mal que son frère leur ait programmé une virée à faire le tour des boîtes de nuit, ça n’est pas son genre. Et c’est tout ce qu’elle connaît pourtant de cette destination.

"- Je suppose qu’il n’est pas vraiment question de danser en soirées toutes les nuits, n’est-ce pas ?"