Homme bizarre dans manifestation (ft Patrick)

Jules était prête à aller participer à une manifestation, et elle était même…disons…déterminée. Elle serait seule, cette fois, mais ce n’était pas bien grave. Elle aimait bien faire les choses seule aussi. Surtout qu’il s’agissait d’une manif lgbt+. Eh oui, la belle n’est pas hétérosexuelle, mais bisexuelle. Quoi qu’elle ne sache absolument pas si elle ne serait pas pansexuelle. Ou…Ouais non, bisexuelle c’est bien. Comme si on décidait, hein. Non, parce que contrairement à ce que pensent les parents, quinquagénaires en ce moment en général, voire plus, on ne choisit pas son orientation sexuelle. On aime le même sexe ? Et alooors ? On aime tout le monde ? Ça pose un problème, faut faire un choix, là. On ne peut clairement pas se mettre avec TOUT le monde. Non bon, plus sérieusement, et alors ? On aime qui on veut bordel. Petit coup de gueule dans la tête de notre belle Juliana qui en a marre des injustices, comme tous ceux qui vont être à cette manifestation. En tout cas c’était ce qu’elle espérait. Qu’il n’y ait pas de rageux ou de personnes en colère autre que sa communauté.

Alors, habillée, maquillée, elle fait au plus kitch du kitch, elle sort de chez elle et va au centre-ville où du monde est déjà là. Elle repère même un groupe qui a l’air assez sympa, jusqu’à ce qu’elle surprenne un homme tout à fait perdu. Remontée à bloc, prête à aider ou même à en découdre, elle s’avance et lui dit : « Bonjour ? Vous êtes dans une manifestation lgbt, là, vous voulez peut-être une escorte jusqu’à un endroit plus calme ou un endroit pour partir d’ici ? » Parce qu’il y a du monde, tout de même. Jules n’a jamais été dérangé par celui-ci. Elle aime être entourée. Quoi que, pendant un moment, sa phobie était la foule. Aujourd’hui elle s’en fichait éperdument. Mais avec ce monsieur, qui était plutôt grand et fin, les cheveux grisonnants, elle voulait être gentille et l’aider. Elle s’interrogeait sur sa venue, d’ailleurs lui demandant s’il a besoin de partir, parce qu’il est assez étrange un homme ainsi venir dans une manifestation de ce genre. C’est donc assez naturellement qu’elle pense qu’il est perdu. Pourtant elle n’est pas méchante, elle ne va pas le jeter comme ça. Même si ses paroles peuvent lui laisser penser cela.

@Patrick Hardt

Pour le coup, Juliana fut...sur le cul. Il était donc là pour soutenir son fils. Woaw..c'était si rare. La jeune femme eu presque envie de pleurer. Et non ce n'était pas une blague. Elle avait eu des "parents" tellement peu compréhensifs que...et bien que c'en était affligeant. " Merci..." dit-elle simplement avant de regarder autour d'elle. " Je peux rester avec vous ? Ou peut-être qu'après on peut boire un café ? ". Il ne faisait particulièrement chaud et une manifestation n'était pas forcément quelque chose qui réchauffait beaucoup. " Je sais que ça peut paraître bizarre mais..." elle fut interrompu par un gros bruit. Une sorte de pétard. Sérieusement ? Un pétard ? Bon, c'est une manif. On va tolérer ça. Du moins la jolie Jules espère bien que ce n'est qu'un pétard et non une balle. Même tirée en hauteur.

" Oui, donc, c'est un peu bizarre mais je suis...disons que mes "parents" ne sont pas tolérants et j'aimerais savoir ce que c'est que d'avoir des parents tolérants. Surtout des parents biologiques. J'imagine que c'est votre fils biologique ? Enfin je ne sais pas. Mais j'aimerais...savoir. Comprendre. " dit-elle tout en marchant. Parce que marcher c'est important dans une manif. Du moins avancer. Tout doucement. Tout, tout, tout doucement.

Puis Jules se rendit compte de la bêtise qu'elle venait de dire. " Désolée c'est bête. " elle ricana nerveusement avant de retrouver le sourire et de dire : " En tout cas merci d'être là ! ". Elle aimait bien dire merci à tout ceux qui ne semblaient pas être à leur place ici. Parce que cela ne devait pas être facile pour eux. Oui, Jules était d'une bonté à toute épreuve. Pas comme avant. Mais avant...c'était une autre histoire.

Et même si elle était séduisante, aimait séduire, ce n'était pas le cas aujourd'hui. Enfin ce n'était pas ce qu'elle voulait faire. En plus il était marié. Elle voyait la bague à son doigt. Bref, elle semblait...chercher quelque chose de bien différent. Quelque chose de plus pure. Chercher à savoir ce que c'est que d'avoir l'amour d'un père, biologique ou pas, alors que l'on est dans la communauté lgbt+. Sans pour autant vouloir l'amour de cet homme. Enfin, c'était bizarre. Mais le côté torturé de la belle semblait ressortir et elle n'aimait pas du tout ça. Pas du tout.



@Patrick Hardt

Alors il avait adopté un fils qui faisait partie de la communauté lgbt+. Soit il l'a apprit à ses dépends, soit il l'a apprit en discutant calmement. La jeune femme ne voit pas d'autres possibilités. Mais dans les deux cas, cela se termine bien. Et elle est un peu jalouse, Jules. Rien qu'un peu. Mais elle ne le montre pas. Ce n'est ni le moment, ni l'endroit. Puis ce serait malvenu. Vraiment malvenu. Parce que c'est compliqué de se dire qu'il y a des gens, ici, qui sont bienveillants. Enfin...non. Ce n'est pas compliqué. Plutôt des parents bienveillants à ce sujet. Biologiques ou non, la brune trouve ça beau. Et elle admire l'homme aux cheveux grisonnant d'autant plus qu'elle sait qu'il a adopté son fils. Et qu'il a été plus que compréhensif. Sinon il ne serait pas là.

Savoir qu'elle pourrait non seulement avoir l'avis du père et du fils, ainsi que des amis, réconfortait un peu la jeune femme. Elle se dit même que ce serait sympathique. Elle qui était venue seule. Elle qui ne pensait pas être venue ici pour rencontrer un homme d'âge mûre et un jeune homme, comme elle, adoptée. " Quel âge a-t-il ?" demande-t-elle, curieuse. " Et rien n'est bête, mademoiselle, seulement les gens." Punaise ce que c'est vrai.

" J'ai été adopté et mes parents ne sont au courant de rien, en fait. Du moins je crois. A moins que ce soit filmé, que l'on passe à la télévision et qu'ils regardent. Mais ils ne sont pas au courant. J'ai été adopté plusieurs fois et à seize ans j'ai été renié. Je me suis retrouvé de nouveau devant l'assistante sociale. Du coup ouais, mes parents ne sont au courant de rien. Je les vois peu. C'est horrible, quelque part, parce qu'il ont toujours voulu avoir un enfant, mais j'ai peur qu'ils ne veuillent plus me voir du tout. Comme les premiers... "

@Patrick Hardt

Si les vingt-quatre ans ne rajeunissent pas l’homme à qui Jules parle, cela ne la rajeunit pas non plus. Elle avait tout de même trente ans. Déjà. Elle n’était plus dans la vingtaine, ça y est. Et dans quelques mois elle aurait trente et un ans. Enfin, n’y pensons pas. Oui, vieillir n’était pas une phobie pour la belle brune, mais c’était tout de même une chose qui lui faisait un peu peur. Vieillir seule, surtout. A trente ans. De nos jours on voit de plus en plus de personnes rencontrer l’amour sur les réseaux sociaux ou bien sur les sites de rencontres, mais à un certain âge. A un jeune âge, même. Vingt ans, vingt-trois, tout au plus. Ou, pour les hommes, vers trente ans. Mais Jules n’était pas un homme. Et même si le célibat, en soit, n’était pas un gros problème pour elle, elle avait tout de même envie de se poser. En tout cas, elle était bien partie pour rester seule jusqu’à la fin de sa vie, la pauvre. Elle était séductrice, grande, jolie (bien qu’elle évitât de se le dire parce qu’elle ne le pensait pas, en fait, avec ses cicatrices sur le dos. Cicatrices qu’elle a eu dans son enfance, faites par son « père ». Qui ça attire, ce genre de trucs, hein ?).

« Adulte depuis longtemps, heureusement. » répondit-elle sans aucune ironie. En effet, son enfance et son adolescence étaient loin derrière elle. Enfin…pas trop proches, quoi. Mais bon, c’est un peu compliqué d’expliquer cela. Elle eut presque envie de parler de ses blessures, dans le dos, à cet homme qu’elle ne connaissait pas. Pourtant elle ne le fit pas. Elle ne le connaissait pas, ne se livrait pas aussi facilement et elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il allait être dégoûté, lui aussi. Mais bon, en général, ce n’est pas comme ça que les gens sont dégoûtés. Ça ne rentre tout simplement pas dans la tête de la belle. Puis il ne semblait pas porter de jugement. Aucun.

Certes, il s’agit là d’une journée spéciale. Mais sans doute pas assez pour parler des blessures du passé comme elle l’entend. Puis sans doute trop pour parler de ses mêmes blessures. Le juste milieu était difficile à atteindre. En fait…oui c’était même très compliqué à trouver. Et les paroles de l’homme font que la jeune femme se demande ce qu’il faut faire ou dire. Il y a bien des choses qui ne sont pas normales dans son passé. Justement c’était ça qui la bloquait. Si pour certaines personnes la sexualité différente de certains était une abomination, le passé de Juliana l’était pour tous. Ou presque. Un nombre infime de personnes trouverait ça normal. Du moins elle l’espérait.

« C’est sûrement beaucoup trop compliqué pour en parler ici. Aujourd’hui. ». Eh oui, elle préfère se taire et sourire. Oui elle sourit à Patrick. Elle ne veut pas attirer sa pitié ou sa curiosité. Voulant éluder la question rapidement. « Mais ne vous inquiétez pas, rien de grave. ». Pour le coup sa voix puait le mensonge. Elle était complètement nulle pour mentir. Du moins parfois. Parce que quand elle le voulait vraiment elle mentait très bien. Seulement elle ne le faisait pas souvent. Surtout parce qu’elle trouvait cela complètement inutile. Mais là, maintenant, elle ne voit pas l’intérêt d’étaler son passé devant un homme qu’elle connaît à peine. Et en même temps ce mensonge, cette voix, sont une façon d’appeler à l’aide. Elle a arrêté de voir un psy depuis longtemps, la jeune femme. Enfin…depuis quelques mois. Des mois sûrement un peu trop nombreux. Des mois qui ne devraient être compté que sur les doigts d’une main. Puis elle devrait dire : « oui, j’ai vu le psy pendant un an puis j’ai arrêté deux mois et je l’ai revu. ». C’est important, finalement. Si les gens disent que c’est « la honte » d’aller voir un professionnel pour ses problèmes de santé mentale, la vérité est tout autre.

@Patrick Hardt