Hello, I d'ont speak English ~ Johannes & Magda

Il y a quelques jours, j’ai pensé à prendre des vacances, loin de l’Allemagne, mais avec mon niveau d’anglais tout à fait précaire, ça va être un peu compliqué de se faire comprendre. Et c’est à ce même moment là que j’ai entendu parler de cours d’anglais à la fac. Je me suis renseigné si il y avait d’autre moyen, mais je n’avais pas spécialement envie de faire des cours soit toute seule, ni avec des étudiants. Alors des cours particuliers c’est juste parfait, et au moins avec mon emploi du temps, je vais pouvoir y aller plus facilement.
C’est donc mon premier cours ce soir. Pour le coup j’avais tout prévu, pas besoin de repasser à la maison pour me changer, j’avais pris de quoi me changer après ma longue journée et j’avais bien fait, car plusieurs chiens m’ont fait pipi dessus aujourd’hui.
Enfin, j’avais laissé ma voiture au garage, je me rend donc à l’université en bus, musique dans les oreilles, à lire un article sur une nouvelle méthode de chirurgie féline.
J’ai bien failli louper l’arrêt, mais je me suis empressé à la dernière seconde de sortir du bus. Je range mon téléphone pour me laisser guider par les panneaux qui normalement devraient m’indiquer la bonne direction du bureau du professeur Ehrlich.
C’est en tournant pendant quinze bonne minute que je croise enfin des jeunes pour leur demander où était le bureau que je cherchais. Et avec de la chance, je n’étais pas loin.
J’arrive enfin devant le dit bureau, je toc et entre à la suite. Je m’attendais à voir un vieux monsieur barbu, j’ai été agréablement surprise.

- Bonsoir, je suis Magda Weber, je suis un peu en retard, je me suis un peu perdue arrivée sur le campus.

Je n’ai pas remis les pieds à la faculté depuis la fin de mes études, et ça remonte à quelques années. Ce qui ne me rajeunit pas du tout, mais on ne dira rien.
J’ose à peine entrer et m’installer, si je suis trop en retard, ça ne sert à rien, mais je n’ai que dix minutes en soit de retard, donc bon.

- J’espère que c’est encore bon.

En tant que vétérinaire, je sais que les horaires sont importants mais parfois, les imprévus sont là pour pimenter la vie. Je sais de quoi je parle et c'est ce que j’aime dans la vie.

C’était une habitude que j’avais prise à la mort d’Anja. M’ensevelir sous le travail pour ne plus penser à rien. Avoir une tâche qui me concentrait suffisamment pour que j’oublie tout le reste. Autant j’avais cessé d’être un acharné de boulot, autant j’avais gardé certains aspects de cette vie. Ce n’était pas pour l’argent, c’était plutôt par altruisme, et pour le plaisir éventuel de pouvoir offrir de l’aide à quelqu’un pour un effort qui me coûterait peu. Du plus loin que je me souvienne, j’avais toujours été bilingue, puisque ma mère n’avait jamais tardé à me parler anglais quand j’étais tout petit. Encore aujourd’hui, il nous arrivait de nous parler en anglais, sans aucune raison particulière à part le plaisir de parler une autre langue. Donc, certains jours, alors que la majorité des gens rentraient chez eux pour profiter de leur soirée après le travail, je restais à l’université pour donner des cours particuliers d’anglais. Ce soir là, j’avais rendez-vous avec une jeune femme vétérinaire avec des horaires complètement atypiques, m’avait-elle dit. Elle souhaitait prendre quelques cours afin de pouvoir se débrouiller en anglais. C’était plutôt à ma portée. Des personnes comme elle j’en avais vu des tas, c’était un jeu d’enfant de leur apprendre facilement tout ce qui serait utile pour elles.

J’étais plongé dans la correction de devoirs de « vrais » étudiants quand j’entendis un petit coup frappé à la porte. En relevant les yeux vers celle-ci, je remarquai à l’horloge fixée au-dessus que mon étudiante du soir avait un peu de retard. Je ne l’avais même pas remarqué, tout concentré que j’étais. Une grande femme brune entra dans le bureau, un air navré sur le visage, et se présenta comme étant Magda Weber, s’excusant de son retard poliment.

« Bien sûr que c’est encore bon, entrez, installez vous ! »

Avec un sourire, je refermai mon tas de copies et les poussai à l’extrémité de mon bureau pour faire de la place, avant de lui présenter l’une des chaises en face de moi. D’un geste, je passai mes lunettes sur ma tête pour pouvoir regarder la nouvelle arrivante et la saluer un peu plus convenablement.

« Enchanté, je suis Johannes Ehrlich. Installez vous ! »

Je n’avais pas vraiment préparé quoi que ce soit pour ce soir-là, j’espérais surtout faire connaissance avec elle, découvrir le niveau qu’elle pouvait avoir, et également savoir ce qu’elle comptait faire de son anglais, pour comprendre ce que j’avais besoin de lui enseigner. Je me doutais que ce serait des choses plutôt simples - du moins, je l’espérais, parce que je n’y connaissais pas grand chose en matière de médecine animale. Il était temps de faire le point.

« Alors dites moi tout, qu’est-ce qui vous fait venir ce soir ? la questionnai-je d’emblée, sans perdre de temps, un stylo et une feuille de papier posée devant moi pour prendre des notes. »

Sourire aux lèvres, j’entre dans le bureau, je ne sais pas pourquoi mais j’imaginais un bureau remplis de tonnes de livres anciens et un bureau en chêne. Et là dessus je n’avais pas tort, il y avait bien un vieux bureau en bois. Il y a certains clichés qui sont vrais.
Je me mets à l’aise en enlevant mon manteau et mon écharpe aux couleurs d’une célèbre maison d’une école fantastique, qu’est-ce que vous voulez, je reste une grande enfant.
Je sors de mon sac une petite tablette, mon stylet et me voilà de retour en classe, ce qui me fait vraiment bizarre.
Ah, je ne savais pas que je devais dire pourquoi je voulais revoir mes notions d’Anglais. Et bien je me lance, parce que sinon on avancera pas.

- Et bien, je voudrais voyager, et l’Anglais est la langue universelle pour se faire comprendre le plus possible. Alors, je crois que revoir le peu de notions que j’ai, est une bonne idée.

Même si l’anglais et l’allemand sont des langues assez proches malgré tout ce que tout le monde peut penser, c’est loin d’être très facile à assimiler.

- Et donc, j’aimerai bien pratiquer un peu la langue. Pouvoir me débrouiller sans google traduction. Vous voyez ?!

Je ris me trouvant assez drôle, mais c’est surtout pour essayer de détendre l'atmosphère, c’est toujours assez étrange de devoir parler directement de soi sans connaître la personne en face. Mais bon je ne vais pas lui retourner la question, ça serai vraiment stupide.
Je ne pense pas que ma demande soit trop compliquée, je ne lui demande pas non plus de m’aider à traduire un livre de médecine vétérinaire sur les façons d’opérer que je me suis appropriée.

Ne pas avoir l’air trop morose, ne pas faire vieux jeu, et ne pas avoir l’air d’être un prof à l’ancienne, c’était tout un art, et j’essayais d’être beaucoup plus « moderne » avec mes élèves des cours du soir. Ce n’était pas la même « clientèle », pas le même enseignement non plus, et il n’y avait pas d’examen à la clef. Aussi, je savais que je devais être beaucoup plus détendu que d’habitude, ce qui n’était pas facile tous les jours. Je tentai d’élargir mon sourire en sentant cette piqûre de rappel, autant ne pas faire fuir ma nouvelle étudiante d’un temps.

Elle m’expliqua vouloir revoir les notions qu’elle avait de l’Anglais, tenter de pouvoir se faire comprendre si elle voyageait hors des frontières allemandes. C’était typique de ce genre de cours. Les gens souhaitaient voir plus de choses du monde, et l’Anglais était manifestement l’un des moyens d’y parvenir. On ne pouvait plus faire grand chose sans parler cette langue, c’était sûr et je le comprenais bien. Je ne pus m’empêcher de rire avec elle quand elle évoqua Google Traduction, puisque j’imaginais bien des scènes assez complexes, à l’étranger, avec le téléphone en main pour tenter de se faire comprendre. Autant parler un peu de la langue et de pouvoir se faire comprendre autrement, effectivement.

« Je vois très bien ! Et je pense qu’on devrait pouvoir y arriver assez facilement, répondis-je avec le plus d’entrain possible. Vous avez quand même déjà parlé anglais, a priori, donc ça ne devrait pas être très complexe. »

Je ne savais pas quel âge elle pouvait avoir et j’étais très nul pour donner des âges aux gens, donc je préférais m’abstenir. Mais ses cours d’anglais ne devaient pas être si loin que ça, et même si c’était le cas - d’abord, elle ne ferait pas son âge ! - et ensuite, on pourrait les dépoussiérer ensemble sans encombre.

« Ce que je vous propose, c’est que dès que vous entrerez dans ce bureau, à chaque cours que nous ferons, il faudra que l’on se parle en anglais uniquement. Pas aujourd’hui, parce qu’on va revoir certaines bases avant, mais il n’y a qu’en pratiquant qu’on peut progresser. »

Si elle voulait voyager rapidement, alors elle ferait probablement tous les efforts nécessaires pour être tranquille, je n’avais pas d’inquiétude par rapport à ça. En tout cas, elle avait l’air gentille, et volontaire, et ces cours allaient probablement être une partie de plaisir.

« Où est-ce que vous souhaitez voyager ? Vous avez déjà vu quelques pays ? demandai-je avec curiosité, plus pour savoir par envie de savoir que pour réellement en apprendre plus, après tout, ce n’était pas ce genre de connaissance qui allait la faire avancer, mais je voulais briser la glace entre nous, qu’on se connaisse un peu mieux. »

Jambes croisées je regarde le professeur, qui avait l’air tout à fait à l'aise, quoique. Il a l’air un peu trop enthousiaste, il a vraiment cru que ça allait être facile ? J’étais bonne à l'école, mais c’était il y a 25 ans et on perd pas mal de compétences quand on ne pratique pas.

- Vous savez ça fait vraiment longtemps que je n’ai pas fait une vraie phrase en anglais, je fais comme tout le monde je sors juste des petits mots comme ça.

Il veut qu’on parle qu’en anglais la prochaine fois, et bien ça va être très drôle, il ne sait pas dans quoi il s’embarque. Je suis un peu énervante quand je m’y met, c’est sûrement pour ça que je suis toujours célibataire.
Bon dans un sens il n’a pas tort, ce n’est qu’en pratiquant la langue qu'on devient expert, ce n’est pas ce que je veux bien entendu, mais juste me débrouiller.
Où je voulais voyager, j’avais bien trop de destinations en tête.

- Malheureusement, je n’ai jamais voyagé, d’où mon envie aujourd’hui. Mais je me dis que commencer par toute l'Angleterre ça serait bien, si on me comprend la bas, on me comprendra partout non ?

J’espère que je ne vais pas le froisser parce qu’au vue de son accent, ça me semble tout à fait logique qu’il n’est pas d’ici, mais ça lui donne du charme.

- Et puis, après la ville de de Chicago, avant d’aller dans les îles, comme la Nouvelle Zélande… et je ne vais pas attendre mes quatre-vingt ans pour faire tout ça, alors je prends un peu d’avance.

Oui, voir déjà tout ça, ça serait bien et après on verra bien si je rajoute des destinations.

Je hochai la tête en souriant en comprenant qu’elle estimait son niveau assez bas, mais d’expérience, je pouvais dire que l’on était toujours surpris de ce que chacun était capable de faire et de produire. L’anglais c’était comme le vélo, ça ne s’oubliait pas. C’était parfois plus difficile à pratiquer, mais la base, on la gardait toujours en nous. Elle avait forcément eu des cours, et elle avait sûrement gardé plein de choses, même si elles étaient enfouies, même si elle ne s’en souvenait pas.

« Effectivement, l’Angleterre me paraît être un bon début, c’est une valeur sûre. Et puis il vaut mieux être dans un pays relativement proche du sien pour une première fois ! »

Avec un clin d’oeil, je lui fis comprendre que son plan de voyage me paraissait tout à fait plausible, et quand elle m’expliqua ensuite qu’elle souhaitait aller à Chicago - pourquoi cette ville précisément, c’était un mystère, peut-être un rêve de gosse, peut-être une histoire familiale ? - puis en Nouvelle Zélande, je compris qu’elle avait l’âme voyageuse, l’une de celles que l’on a trop longtemps réfrénée et qui éclate à la quarantaine comme un ballon de baudruche : d’un coup, et en faisant du bruit.

« C’est un excellent programme ! Je pense que vu votre motivation, on devrait pouvoir s’en sortir rapidement. Vous avez un emploi du temps chargé ? Combien d’heures par semaine vous souhaiteriez que l’on se voit ? »

Elle avait peut-être une deadline pour ses voyages, hormis le fait qu’elle devait sûrement partir le plus vite possible. Est-ce qu’elle voyagerait seule ? Pendant combien de temps ? J’étais bien trop curieux et je n’allais pas lui poser ses questions, je devais rester à ma place et simplement lui apprendre l’anglais. Mais un professeur enseignait mieux aux élèves intéressés et qu’il connaissait, non ?

Il est vrai que l’Angleterre était assez proche et en même temps je trouvais ce pays tellement lointain. Je me rappelle de cette sensation, de cette envie d’aller voir le monde alors que j’étais enceinte. Je m’étais dit que dès qu’il serait en sécurité je partirais loin d’ici. Et voilà que des années plus tard, je suis toujours à Hambourg. Mais ça fait du bien de rêver et franchement il est temps que je prenne un peu de repos mais surtout de changer d’air. Oui, avant la fin de l’année je dois au moins faire un voyage. Je grimace quand il me demande combien d’heure je pourrais me libérer, même moi je ne sais pas comment j’ai fais pour être là aujourd’hui.

- Et bien, il m’est difficile de vous dire exactement le nombre d’heures. Mais, parfois, il se pourrait qu'une urgence me fasse partir, où me mettre en retard.

Je n’aimerai pas que ça arrive cependant, je ne peux pas laisser un animal en souffrance, je pense qu’il pourra le comprendre.

- Mais dans l’idéal, j’aimerai bien minimum deux heures une fois par semaine, si ça vous convient.

Pour un début, je me dis que c’est assez raisonnable et je pense pouvoir m’organiser assez facilement. Même si ce n’est pas la porte à côté du campus, mais je vais pouvoir réussir à le faire, je veux partir en vacances, alors on je vais tout faire pour que ça fonctionne. remonter mon niveau d’anglais ça ne devrait pas être si compliqué.

- Mais je vous promet de faire le maximum pour être présente à chacun de nos rendez-vous.

Je lui fais un super sourire, j’espère qu’il va continuer à accepter de me faire court, malgré tout.

Intéressant. Elle avait donc des possibilités d’avoir des urgences dans son planning, d’être appelée à toute heure pour le travail. Elle était probablement médecin. Ou peut-être policière. Je ne savais pas vraiment dire, mais une chose était sûre, c’était qu’elle serait probablement intéressante, elle aurait de la conversation. J’observai rapidement sa tenue : pas vraiment tirée à quatre épingles comme une officière, cela ne voulait absolument rien dire. Pourtant, dans ma tête, je penchais plutôt pour le côté médical.

« Deux heures par semaine c’est déjà très bien, répondis-je d’un ton que je voulais rassurant. Il ne faut pas trop en faire non plus, sinon vous allez beaucoup progresser d’un seul coup, et ensuite être déçue parce que vous stagnerez. Autant y aller doucement. »

Avec un sourire, je continuai mon laïus :

« C’est moi qui vais m’adapter à vous, pas le contraire, ne vous tracassez pas. Nous avons chacun notre emploi du temps, mais je crois que le vôtre est un peu plus.. prenant ? Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? »

Je la sentais motivée, alors ce n’était qu’une question d’organisation pour que nous puissions mener à bien cet apprentissage de l’anglais. Qui plus est, j’allais probablement être plus motivé pour ces cours là que pour le reste de mon travail. J’avais eu une bonne idée en proposant ces cours du soir pour tout âge, ainsi j’allais changer d’air, même si je restais à l’université. Justin serait fier de moi : j’allais rencontrer de nouvelles personnes et penser à autre chose. Même si je savais d’avance qu’il me ferait tout de même le reproche que ce soit du travail, malgré tout. Pour ma part, je considérais que c’était de l’amusement. Ce n’était pas du tout la même chose que d’enseigner la littérature, ou bien même la phonétique. J’imaginais aisément que si j’essayais d’enseigner cette dernière à la jeune femme présente en face de moi, elle fuirait en courant - même si la phonétique était essentielle dans l’apprentissage d’une langue, afin de bien la parler.

« Entrons dans le vif du sujet : vous avez des bases solides en anglais ? Je veux dire : vous vous souvenez bien de vos cours ou pas du tout ? Et surtout, est-ce que vous avez des attentes particulières ? est-ce que vous souhaitez commencer par quelque chose en particulier ? »

Pas de temps à perdre, elle souhaitait apprendre l’anglais, j’allais donc prendre mon rôle très à coeur et entamer la procédure, en espérant que tout se passe bien entre elle et moi.