Tallulah&Bastian • no reasons to the game they play

Depuis tout ce temps, sans la moindre sensation de s'améliorer, le monde semblait ne plus tourner rond. Etait-ce une question de jours, une question de mois ou même d'années, au cours desquels rien ne semblait jamais s'arranger ? La mort d'Elise avait mené un enchainement de moments difficiles, compliqués, inexplicables. La mort d'Elise avait tout bouleversé. Rien ne serait jamais plus comme avant, il en avait une parfaite conscience. Et jusqu'à présent, il s'était laissé submergé par tout ça. Il s'était laissé noyer, incapable de se rendre compte que les choses pourraient se tasser, que les sentiments qui l'enfonçaient, qui le dépassaient totalement pourraient un jour vraiment être plus délicats, plus supportables. Jusqu'à présent, rien ne l'était vraiment. Il avait l'impression d'être pris dans ce cercle vicieux dont rien ne pourrait le sortir.

Et même lorsqu'il avait vu une once d'espoir, un filet de lumière apparaître, il avait préféré se complaire dans son mal-être et de tout faire à l'envers. Ayleanna n'était pas la salvation qu'il attendait, ou en tout cas, pas de la manière dont il l'aurait espéré. La stalker, vérifier tout ce qu'elle faisait, apprendre son emploi du temps par coeur, ça n'était pas sain. Simon avait raison, peu importait combien ça pouvait être douloureux de se l'avouer. Simon savait ce que c'était, il était passé par différentes phases du deuil, bien qu'il ne s'agisse pas des mêmes circonstances ni des mêmes liens que ceux qui unissaient Elise et Bastian. Simon était plus fort que son meilleur ami, mais Bastian se gardait bien de le lui faire remarquer. Il avait toujours eu cette force au plus profond de lui qui lui permettait de toujours se battre, toujours avancer, là où Bastian n'avait pas même le sentiment de pouvoir arriver à tout simplement essayer.

Pourtant, il avait suivi les conseils de son ami. Il avait suivi sa volonté de l'aider. Il était même allé au cinéma. Plusieurs fois. Et il avait rencontré Tallulah. Cette jeune femme qu'il trouvait lumineuse. Peut-être que dans son malheur, il avait idéalisé le sourire de la jeune femme. Mais il avait réussi à lui sourire sans la stalker -de toute façon, elle ne l'intéressait pas, et il avait bien conscience que la réciproque existait, son intérêt se portant également vers les femmes. Bastian avait confiance en le fait que l'amitié homme-femme pouvait exister, et sans ambiguïté. Ils étaient un parfait exemple de cette affirmation.

Avec le temps, Lullah s'est présentée comme un soutien supplémentaire. Et entre Simon et la jeune femme, il a eu la sensation d'arriver à avancer. Encore plus si on ajoutait dans toute cette équation la relation avec Ayleanna qui l'aidait à sourire un peu plus. Ce n'était pas sain, et peut-être qu'au plus profond de son être, il en avait une parfaite conscience, bien qu'il se gardait bien d'y réfléchir trop longtemps. La vérité n'avait pas encore fait sa grande entrée dans la lumière du jour. Et c'était tant mieux. Parce que si les bases de leur rencontre n'avaient rien de fortuites, ni de normal, mais plutôt quelque chose proche de la sociopathie, désormais, c'était une relation qui paraissait normale, si on exceptait bien évidemment qu'il savait que le coeur de sa défunte femme battait dans la poitrine d'Ayleanna.

Pour revenir à Tallulah, ils avaient fini par sympathiser, Bastian à s'exprimer auprès d'elle, et même à grandir dans sa vision du monde. Parfois même à se présenter comme un pas si mauvais conseiller pour elle. Et c'était quelque chose, quand on pensait au fait que ses décisions personnelles étaient toutes mauvaises. De temps en temps, ils passaient du temps ensemble, permettant à Bastian à penser à autre chose. Lullah avait cet avantage sur Simon qu'elle n'avait pas connu Elise. Dans le fond, il n'y avait rien chez sa nouvelle amie qui pouvait lui faire penser à ce qu'il avait perdu.

Ce jour-là, ils s'étaient donné rendez-vous pour le déjeuner, dans un restaurant qu'on lui avait conseillé au boulot. Il ne connaissait pas vraiment l'endroit. Il ne savait pas vraiment si c'était un bon repas et de la bonne qualité, mais il avait décidé d'accepter de laisser ce côté au hasard. Et pour une fois, ça faisait pas plus de mal que ça. Il était arrivé depuis quelques instants déjà, et avait décidé d'attendre dans son véhicule. C'était un jour compliqué, aujourd'hui. C'était l'anniversaire du jour où il avait appris qu'il allait être papa. C'était loin, et en même temps trop proche pour que ce soit facile à vivre. Dans quelques mois viendrait l'anniversaire de leur mort, à tous les trois. Oui, tous les trois. Parce que lui aussi était mort, d'une certaine façon. Et c'était cruel, difficile, toujours aussi insurmontable. Mais moins que s'il était toujours tout seul, sans Simon, sans Lullah, sans Ayleanna.  Il avait l'impression d'être laissé pour compte par ce monde, l'impression qu'il ne s'en sortirait pas. Mais il essayait de laisser tout ça de côté pour se concentrer sur son essai, celui d'aller mieux.

Finalement, après quelques minutes à être inerte, au volant de son véhicule, il se décida à sortir, et à arborer un sourire qui se voulait naturel, avant d'entrer dans le restaurant. Il avait réservé, parce qu'il ne savait pas si c'était où non complet le midi. En entrant, il donna son nom, et on lui montra un coin près de l'immense baie vitrée, sur laquelle des plantes semblaient être accrochées. Parfait, ici, ça semblait calme. Il avait comme développé une phobie sociale, il n'aimait pas les endroits bondés; Mais c'était surtout parce qu'il avait l'impression d'être frappé de plein fouet par les airs guillerets des gens, leur bonne humeur, leur enthousiasme. C'était encore un petit peu trop.
S'installant, Bastian commença à regarder la carte accrochée au mur, en attendant que son amie n'arrive, ce qui ne devait plus trop tarder..