L’étalon noir ~ feat.Will

Il est tôt lorsqu'elle ouvre les yeux. Le bruit strident du réveil de Bela, sa compagne, agressant ses oreilles. Elle peste comme un ours mal léché contre l'objet incriminé - qui ose la réveiller aussi tôt. Elle est pourtant habituée à des réveils aussi matinaux - oui, mais seulement lorsqu'elle est en service à la caserne. En civil, elle aime profiter de son lit et pouvoir y rester des heures, sans pour autant être dérangée par cette invention du diable. Un énième grognement lui échappe, alors qu'elle libère sa compagne de son étreinte pour qu'elle puisse faire taire l'horrible réveil matin. Elle pousse un soupir de soulagement, enfonçant un peu plus profondément son visage dans l'oreiller - entendant le rire de Bela et sentant ses doigts graciles passer dans sa crinière d'ébène. Hilda tourne la tête, lui sourit, saisit doucement la main de sa compagne et embrasse ses phalanges. Elles se regardent, sans dire un mot - leur regard rempli d'amour parlant pour elles. Elles échangent un baiser et la blonde disparait dans la salle de bain, laissant la brune seule dans la chambre.

Après quelques minutes d'étirements, elle finit par se lever aussi - en descendant les marches, elle est accueillie par Jumangi, leur labrador couleur chocolat et Gizmo, leur chat maine coon. Elle flatte chacun d'une caresse, avant de se rendre à la cuisine pour préparer leur gamelle. Puis, elle termine par préparer le petit-jeuner - un bâillement lui échappant. Lorsque Bela arrive, tout est prêt sur la table, prêt à être mangé et la routine matinale s'installe entre elles - Hilda lit le journal et Bela consulte ses mails. Après un énième baiser d'au revoir, Hilda regarde Bela partir pour sa journée de travail à l'hôpital. Et après s'être douchée et avoir enfilé un jeans, l'un de ses nombreux pull de l'armée et une paire de Dr. Martens noires, Hilda attrape ses lunettes de soleil et son trousseau de clés. Elle est en route pour le centre équestre de Freiheit, où Will l’attend.

Au départ, elle avait prévu de venir à l’improviste au salon de tatouage, mais iel a été plus rapide qu’elle et lui envoyé un message hier soir sur son téléphone, lui proposant de la rejoindre au centre équestre. En quarante-six d’existence, Hilda n’est jamais monté à cheval de sa vie. Et même si elle aime ces nobles animaux que sont les chevaux, difficile d’avoir un tel passe temps, lorsque les missions à l’étranger et son régiment lui prennent la plus grosse partie de son temps. Lorsqu’elle arrive enfin au centre équestre, elle peut déjà apercevoir des jeunes et des moins jeunes s’occuper de leur monture ou d’autres monter à cheval. Elle sort de la voiture et son regard est immédiatement attiré par l’un des enclos extérieurs, où un bel étalon noir est en train de galoper librement. Elle s’approche, s’accoude à la barrière et le regarde avec émerveillement. L’animal finit par s’arrêter, fixe Hilda de ses grands yeux noirs et après quelques minutes d’hésitation commence à s’approcher d’elle. La brune tend la main, doucement et le caresse. « Bonjour mon beau. Comment t’appelles-tu dis moi ? Laisse-moi deviner, Blitz ! Parce que tu es aussi rapide que l’éclair. » Elle lui sourit, continuant à la caresser - espérant pouvoir s’occuper de cet animal et pourquoi pas le monter.  

@Will Neuer

En arrivant au centre aujourd’hui, le salon étant fermé pour l’après-midi, je devais bien avouer que je n’étais pas tout à fait tranquille. Si j’avais mes habitudes en ces lieux, Philipp étant un ami de longue date et le gérant de ce centre en même temps, ce serait malgré tout une journée pour le moins particulière pour moi. Une après-midi, surtout, que j’allais passer avec Hilda qui, pour sa part, n’avait jamais fait de cheval de toute son existence. L’armée, sa carrière, ne lui en avaient tout simplement pas laissé le loisir, alors que ses passages à Hambourg n’étaient toujours que rapides, pour ne pas dire éclairs, jusqu’à récemment.

Mais ce n’était pas seulement ça qui m’angoissait. C’était aussi le simple fait de passer du temps avec ma grande sœur, alors que nous en avions cruellement manqué au cours des dernières années. Plus que sa carrière, c’était la réaction de ma soeur en découvrant ma nature, mon identité, ma personnalité profonde, qui en avait été la cause et, si depuis quelques temps les choses allaient mieux entre nous, si j’avais accepté de lui pardonner les erreurs qu’elle avait commise à mon égard, celle-ci ayant fait un pas dans ma direction, il n’en restait pas moins que treize longues années avaient creusé quelques fêlures dans les fondations de notre relation que, depuis un peu plus de deux ans maintenant, nous nous attelions à réparer. Inviter Hilda dans ce centre, de fait, n’avait rien d’anodin et concourait à réparer ce qui avait été brisé. Je l’invitais dans un endroit précieux à mes yeux comme à mon cœur, dans l’espoir, donc, d’y passer une bonne journée.

Occupée à préparer notre matériel dans l’écurie, ma sœur est déjà arrivée et s’approche d’un enclos lorsque je sors moi-même de la bâtisse, chargé de nos tapis. La rejoignant sans manquer ses quelques mots pour l'animal qui l’a rejointe, je pose les affaires sur la rambarde soigneusement, avant de redresser mon regard sur elle.

”- Tu n’étais pas très loin. Il s’appelle Hurrikan.” confessais-je. ”Tu n’as pas eu trop de mal à trouver, ça a été ?”

Même pour les fins connaisseurs de la ville d’Hambourg, il n’était pas toujours aisé de se repérer dans Hambourg-Nord et je sais que parfois, quelques clients galèrent un peu à trouver le centre équestre, relativement perdu en pleine nature, offrant de belles perspectives de balades pour les cavaliers débutants ou confirmés. Nous en emprunterions un nous-même un peu plus tard, lorsqu'un moniteur aura pris le soin de donner à Hilda quelques rudiments en matière d’équitation, de sorte que tout se passe bien par la suite.

”- Tu viens chercher ta selle ?” proposais-je. ”Et il faut qu’on te trouve la bonne taille de bombe !”

Dans notre jargon du jour, bien sûr, cette dernière n’avait rien à voir avec celles dont ma sœur avait sinistrement l’habitude. Et j’esquisse un sourire. Je respecte, bien sûr, le choix de vie qui était le sien. Pour autant, je sais que je n’aurais jamais pu être à sa place, m’épanouir dans un tel environnement.