Ingalynn ♔ Soirée entres amoureuses

L’hiver approche à grands pas. Le vent polaire s’infiltre sous le col de mon manteau et je sens la morsure du froid sur mes mains nues. J’ai encore oublié de prendre mes gants ce matin, c’est à croire que j’aime souffrir. J’approche mes paumes de mon visage et je souffle sur ma peau glacée tout en pressant l'allure. Le loft n’est plus très loin. Voilà bientôt quarante minutes que je marche, j’ai pris l’habitude de me déplacer à pieds quelles que soient les conditions météorologiques. J’aime traverser la ville la nuit, lorsqu’elle brille de mille feux. Si seulement il faisait un peu plus doux, je pourrais m’attarder pour l’admirer davantage. J’accélère encore la cadence. Je n’arrive pas à croire que novembre touche à sa fin. La date anniversaire de l’incendie est passée depuis quelques jours et pour être honnête, je m’attendais à pire. Tant d’appréhension pour ça. Une succession de nuits écourtées et de journées bien remplies. Pas de chaos, pas de décompensation, pas d’attaque de panique, à peine quelques réveils en sursaut. Pas plus que d’habitude. Il faut dire que je me suis maintenue occupée. Depuis le vingt-trois novembre, c’est la première fois que je rentre aussi tôt. Depuis le vingt-trois novembre, c’est la première soirée que je m'apprête à passer seule. Seule avec moi-même, mes songes, mes souvenirs et, fort probablement, une bouteille de rouge. J’essaie de me convaincre que tout ira bien. Je me laisserai glisser dans le confort de la routine. Je me ferai livrer un dîner et je m'assoupirai devant l’une de ces séries dont je connais les répliques par cœur, bénéfice secondaire de la dette de sommeil considérable que j'accumule ces dernières semaines. Si tout va mal, je prendrais l’un de ces comprimés diaboliques que je garde précieusement dans le tiroir de ma table de chevet ou je laisserais tout simplement l’alcool m’assommer. Je ricane intérieurement en notant non sans sarcasmes à quel point mon programme de la soirée est enthousiasmant. J’aurais dû accompagner Lynn en Suède.

J’arrive enfin devant mon appartement. Mes écouteurs encore vissés dans mes oreilles, je tourne la clé dans la serrure. J’entrouvre la porte et je remarque immédiatement que la lumière est allumée. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? J’ai encore dû oublier de l’éteindre. Dire que j’ose me prétendre écolo. Alors que je franchis le seuil du loft, une douce odeur de nourriture éveille mes sens. Je fronce les sourcils, me débarrasse de mes écouteurs et fais quelques pas en direction de la pièce à vivre. C’est alors que se dessine devant moi la silhouette de mon adorable colocataire censée se trouver à plus de mille kilomètres d’ici. Abasourdie, j’écarquille les yeux avant de laisser mon regard parcourir l'espace, découvrant les bougies flamboyantes, les couverts sur la table, la bouteille de vin attendant patiemment son heure de gloire. Le tournant chaleureux pris par cette soirée qui s‘annonçait d’une morosité redoutable me coupe le souffle, il me faut quelques instants pour retrouver l’usage de la parole. « Lynn… ! » Je sens l’émotion monter en moi, catalysée par l’effet de surprise. Un large sourire se dessine sur mon visage. « Wow, c’est… wow ! » Je balance mon sac sur le canapé et je me précipite vers elle pour la serrer dans mes bras. Sa présence à mes côtés dans cet appartement met tellement de lumière dans ma vie que ma gratitude est inépuisable. Onze mois que je ne m’en remets pas. Je romps notre étreinte pour admirer encore toutes les petites attentions qu'elle a préparées avec amour. « C’est juste magnifique ! Je suis tellement contente que tu sois là, tu es rentrée quand ? » Je retourne vers l’entrée afin de me débarrasser de mon manteau, me remémorant que nous avons un sujet de la plus haute importance à aborder. Cette soirée s’annonce parfaite, c’est exactement ce dont j’avais besoin. Pas de doute, Lynn est vraiment la femme de ma vie.

La bonne humeur communicative de Lynn ne tarde pas à illuminer mes traits fatigués. J’accepte avec plaisir le verre de vin qu’elle me propose. Ma meilleure amie sait décidemment comment m’accueillir. J’avais perdu cette habitude, celle d’être attendue. Nous trinquons joyeusement tandis que mon sourire s’étire sur mes lèvres. « A nous ! » Je me mets à rire pendant qu’elle m’embrasse avec autant de vigueur que ma vieille gouvernante d’antan. Adalynn a toujours été bien plus exubérante que moi, bien plus spontanée. Peut-être que j’aurais été davantage comme elle si je n’avais pas été tant écrasée par mon éducation. Chaque jour, avec elle, j’apprends une nouvelle façon d’être. Une manière de vivre plus ancrée dans l’instant présent, détachée des projecteurs éblouissants du jugement. Je fronce les sourcils en m’esclaffant lorsque Lynn me fait remarquer que c’est pas la fête du slip dans ma life. Elle a toujours eu un talent particulier pour choisir ses mots. J’affiche un air surpris et ému en l’entendant m’annoncer qu’elle a cuisiné un plat végétalien spécialement pour moi ce soir. « Je suis sûre que ce sera parfait. » C’est déjà parfait.

Adalynn m’explique les motifs de son retour prématuré. Mes yeux s’écarquillent lorsqu’elle m’apprend qu’elle a été invitée à l’anniversaire de la copine de Lukas. Je n’ai pas le temps de rebondir qu’elle a déjà enchaîné sur un autre sujet, remarquant ma petite mine. Ma colocataire m’avait vue me noyer dans le travail et enchaîner les nuits blanches ces dernières semaines. Elle sait que je fais tout pour ne pas trop penser, tout pour me laisser cueillir par l’épuisement et ne pas attendre le sommeil, éviter ces interstices de ténèbres et d’anxiété qui s’étirent dans le noir derrière les paupières closes. « Tu sais, entre la date anniversaire de l’accident de train, le concert qui a dégénéré et le bordel avec mon frère… comme tu dis si bien, ce n’est pas la fête du slip. » Je laisse échapper un éclat de rire qui s’épuise rapidement, faisant place à mon sempiternel sourire de façade. Je sais que je n’ai pas besoin de lui dissimuler mon état d’épuisement mais les vieux réflexes ont la vie dure.

Lynn attend sans doute une réponse plus détaillée. Je prends une gorgée de vin puis expédie l’affaire. Ce n’est pas sur ma propre personne que j’ai envie de m’attarder ce soir. « J’ai bossé sur un dossier quasiment toute la nuit hier, j’ai dormi seulement deux heures. Ce qui explique mon teint radieux de zombie décongelé. Mais attends, tu as rencontré Ivy ? » Une grimace s’affiche sur mon visage. Je n’ai jamais porté Ivy dans mon cœur. Sa jalousie maladie s’est rapidement immiscée entre Lukas et moi si bien que nous avons dû nous résoudre à nous fréquenter de manière discrète. Drôle de manière de vivre une amitié. Au fond de moi, j’ai de la peine pour cette femme. C’est probablement douloureux de vivre chaque jour dans une telle insécurité. Cela ne m’empêche pas de me crisper lorsque j’entends son nom et de craindre le pire pour cette fameuse soirée d’anniversaire à laquelle ma meilleure amie se retrouve conviée. Une forme d’inquiétude s’invite dans mon regard. « Tu vas y aller à sa fête anniversaire ? Et tes retrouvailles avec Lukas ? Attends, il faut que tu reprennes depuis le début parce que j’ai loupé beaucoup trop d’épisodes là. Ça fait juste dix ans que j’attends ça alors je veux TOUS les détails. » Ce n’était pas un euphémisme. J’avais lancé des perches à Lynn pendant des années. Elle savait que Lukas et moi étions proches mais, malgré mes propositions, elle n’avait jamais évoqué l’envie ou le besoin de le revoir. Je me disais qu’elle n’était pas prête, que ce n’était pas à moi de provoquer une rencontre contre sa volonté. Jusqu’au jour où elle l’a été, où elle a enfin franchi les portes de cette brasserie. La suite, j’attends impatiemment qu’elle me la raconte.

Je dévore des yeux les plats encore fumants qui nous attendent sur la table basse recouverte de bougies dont les flammes dansent avec poésie. J’ai à peine déjeuné ce midi et mon estomac crie famine. Mon alimentation est totalement anarchique ces derniers temps, j’alterne les jours où j’oublie de manger et ceux où je m’empiffre de junk food.  Ce n’est qu’une passade mais j’en perçois déjà les conséquences néfastes sur mon organisme. Je nous sers puis je m’empresse de goûter à ce fameux bourguignon de seitan. Depuis que je la connais, Lynn n’a jamais raté un seul plat ce qui n’est pas une caractéristique désagréable chez une colocataire. « C’est excellent meuf ! Et je te jure que je ne dis pas seulement ça pour que tu ne me foutes pas dehors ! »  Je laisse échapper un éclat de rire tout en lui lançant un sourire complice puis nous poursuivons notre conversation, évoquant dans l’hilarité les zombies décongelés avant de passer à une toute autre forme de film d’horreur.

Pendant que ma meilleure amie me met à jour sur les récents événements qui ont transformé sa vie en montagnes russes, je me projette dans cette soirée d’anniversaire à sa place, obligée de regarder l’homme que j’aime, l’homme que je n’ai jamais oublié et sa copine partager des moments d’affection, échanger des œillades, être ensemble, tout simplement. Préoccupée, je continue à l’écouter tout en la regardant tirer nerveusement sur sa cigarette. Je lui souris avec douceur tandis qu’elle me rejoint sur le canapé. La tension est palpable, il m’est impossible de ne pas percevoir l’onde de choc de sa tempête intérieure. Je troque ma fourchette contre mon verre de vin et fronce les sourcils lorsqu’elle m’annonce tout en me servant qu’elle compte assister à la fête d’Ivy. J’ignore si c’est une bonne idée qu’elle s’y rende, même accompagnée. Je m’efforce de garder pour moi mes jugements et de rester dans l’écoute, ce n’est pas ma décision.

Le discours de Lynn se fait soudainement plus décousu, plus profond, plus chargé en affects. Je vois la détresse dans son regard et je m’empresse de poser mon verre pour passer mon bras autour d’elle. Je lui caresse doucement l’épaule pendant qu’elle évoque les ténèbres dans lesquelles elle avait sombré il y a de cela dix ans. Après le départ de Lukas, j’avais retardé mon retour à Berlin pour ne pas la laisser seule. J’étais restée un mois de plus à Corfou. Pendant que Lynn pleurait dans mes bras, je songeais souvent aux étranges intentions du destin et à leur déguisement d’absurdité. Moi qui pensais qu’il avait guidé mon cœur brisé jusqu’aux îles grecques afin de me redonner espoir en l’amour, j’avais terminé mon aventure hellénique en tentant d’apaiser la douleur d’une idylle brisée prématurément, cruellement, injustement par la vie. Je m’étais épuisée à chercher une morale à l’histoire, à en tirer mille leçons de sagesse mais je finissais souvent par me résoudre à conclure qu’il n’y avait pas de sens à tout cela. Pas de sens, juste des larmes. « Je sais ma biche… » Je pose ma tête sur l’épaule de ma douce amie en la serrant un peu contre moi.

Lynn reprend la parole. Elle l’aime toujours autant. Bien évidemment qu’elle l’aime toujours autant. Je lui laisse un peu d’espace pendant qu’elle s’agite en parlant d’Ivy, reprenant possession de mon verre de vin. J’y trempe mes lèvres, ne pouvant m’empêcher d’imaginer le tête-à-tête particulièrement malaisant qu’elle me décrit. « Olala, l’enfer… ça devait être tellement gênant ! Heureusement qu’Ivy a un certain talent pour les conversations hypocrites. » Cette femme est passée maîtresse dans l’art de marquer son territoire en déblatérant des banalités, j’y ai été confrontée à plusieurs reprises. Son regard sur moi a totalement changé le jour où j’ai rompu avec Mark, elle était pourtant encore célibataire à cette époque. Sa technique s’est avérée efficace. Lukas et moi nous sommes significativement éloignés depuis qu’elle s’est mise en couple avec lui, contraints de se voir discrètement et de ne pas communiquer à outrance. Je m’efforce de ne pas me montrer médisante envers Ivy car, in fine, je sais qu’elle souffre énormément mais je ne peux nier l’impact qu’elle a eu sur mon amitié avec Lukas et, par extension, sur ma vie toute entière. Je ne peux m’empêcher de la blâmer lorsque mes pensées me rappellent que mon ami me manque terriblement.

Je songe un instant à lui, à la manière dont il a dû vivre ces retrouvailles. Les images du passé résonnent avec l’attitude qu’il a pu avoir à la brasserie et qui lui a de toute évidence attiré les foudres de Lynn. « Ça a dû être un choc pour Lukas aussi, tu sais… » La femme de ma vie sait que je serai toujours de son côté mais c’est également mon rôle de lui rappeler qu’il doit être totalement bouleversé lui aussi. Mon cœur se serre alors que je prends conscience qu’il m’en veut probablement d’avoir gardé le secret de la présence de Lynn sur Hambourg. Je m’en veux également mais je n’aurais jamais pu trahir ma meilleure amie. Ma position n’a pas toujours été des plus confortables ces dix dernières années. Je suis au carrefour des confidences, gardienne de secrets et de sentiments qui ne demandent qu’à s’entrechoquer.

Après la Grèce, j’avais commencé à travailler pour la fameuse association basée à Hambourg, celle qui m’a accaparée pendant presque une décennie. Prise par mes responsabilités et mes nombreux voyages, j’avais mis plus d’un an à quitter mon appartement berlinois. Quand je ne dormais pas chez mon frère, je passais mon temps chez Lukas et je l’avais vue, l’agonie du manque dans ses yeux. Je l’avais vue, sa détresse vertigineuse. « Tu ne l’as pas vu après Corfou. Moi oui. Votre séparation n’a pas été une promenade de santé pour lui non plus. » Je soupire doucement puis je reprends une bouchée de cette divine nourriture. « Qu’est-ce que tu envisages ? Est-ce que tu envisages quelque chose, déjà ? Vous avez eu le temps de discuter un peu ? » Je réalise que l’avenir s’est soudainement ouvert. Ivy est là, certes, mais Ivy, c’était la solution de facilité. Mes vingt années passées à observer mon frère et Alina m’ont appris à reconnaître les faux-semblants et les sentiments feints. C’est peut-être ma lucidité qu’elle craint autant que me voir lui voler son chéri après tout. Lukas n’a jamais aimé personne comme il a aimé Adalynn, comme il l’aime sans doute encore au fond de lui. Je garde cette réflexion pour moi, elle est sans doute encore trop explosive.

Elle est glissante, la pente de cette conversation. Notre bienveillance réciproque rend l’exercice moins périlleux mais il n’en reste pas moins aventureux. Il est tellement facile de se laisser aller à la médisance lorsqu’il s’agit d’Ivy, cette femme dont Lynn me demande de dresser le portrait avec un intérêt à peine dissimulé, un intérêt dont je comprends parfaitement l’origine. Je n’ai jamais eu de conversation profonde avec celle qui est devenue la compagne de Lukas, seulement quelques brefs échanges, des mots qui semblent creux, des discours à double lecture, des regards aiguisés comme des lames de rasoir. J’ai toujours été particulièrement douée à ce jeu, mon éducation m’y a bien préparée. J’aurais pu gagner du terrain si je l’avais véritablement voulu. J’aurais pu m’acharner comme je l’ai fait avec Alina pour conserver ma place auprès de mon frère mais j’avais préféré laisser à Ivy et Lukas leur espace quitte à prendre mes distances avec l’un de mes amis les plus chers. Peut-être que je ne voulais pas devenir un prétexte, un prétexte à leurs disputes, un prétexte à leur fin. Leur histoire, elle avait sans doute sa raison d’être mais je ne l’avais jamais imaginée durer. C’est inavouable mais depuis des années, j’attends patiemment qu’elle s’éteigne en croisant les doigts pour qu’elle ne prenne pas le même chemin que celle de mon frère. Ivy croit sans doute qu’elle a gagné, que je m’éloigne docilement alors qu’en réalité, j’évite l’ingérence de crainte d’être accusée, de devenir l’arbre qui cache la forêt. J’ignore si dans l’absolu, c’est une forme de défaite ou de victoire. Ni l’une ni l’autre, sans doute.

Quoi qu’il en soit, ce que j’ai à dire à propos de cette femme et de sa relation avec Lukas est explosif. Il y a ce que mon sens moral me garde de déclarer et il y a les conséquences que pourraient avoir mes propos sur ma meilleure amie. Lynn semble percevoir mon trouble et s’excuse, dérivant sur le registre de l’humour avant de me laisser l’occasion d’ouvrir la bouche. J’explose de rire lorsqu’elle m’offre ironiquement l’opportunité de la quitter. « Arrête de faire genre, tu sais très bien que je ne peux pas vivre sans toi ! » Je laisse la conversation se poursuivre. J’aurais bien d’autres occasions de m’exprimer sur ce sujet épineux.

Adalynn me raconte ses retrouvailles avec Lukas et je ne peux m’empêcher de sourire. Bien évidemment qu’il était heureux de la revoir. Ce moment, je l’ai tant joué dans mon esprit. Désormais, j’imagine cette aura qui enveloppe ma représentation de ce couple briller d’une énergie nouvelle, ce couple qui pour moi a toujours effleuré le céleste, l’intangible, quelque chose de plus qu’une simple attraction terrestre. J’étais tellement dévastée, ravagée, anéantie lorsque j’ai échoué sur les plages de Corfou. Alors que je m’efforçais simplement de survivre à l’atroce douleur qui se répandait dans tout mon être, j’avais été envahie par un bonheur intense en assistant à la naissance de leur idylle. C’était comme si la magie qui les liait l’un à l’autre déteignait sur moi, comme si l’aube de leur histoire parvenait à chasser mes propres ténèbres. Ce n’était pas seulement la preuve que l’amour semblait exister qui m’avait sauvée mais l’expérience profonde de la compersion, la certitude que quoi qu’il advienne, je détenais un secret précieux, la certitude que je pourrais traverser ma vie entière seule en me nourrissant du spectacle de la magie humaine, celle qui jaillit des autres.

Je redescends sur terre lorsque ma meilleure amie évoque à nouveau la soirée du lendemain. Il est tout à fait naturel que je m’inquiète de ce qui m’apparait comme un guet-apens. A travers cette invitation, Ivy cherchait sans aucun doute à marquer son territoire. Si Lukas avait réussi à s’attirer les foudres de Lynn en réagissant de manière inappropriée à la brasserie, je n’osais imaginer dans quel état elle risquait de sortir de cette soirée d’anniversaire. Je balance la tête en fronçant les sourcils en l’entendait culpabiliser à nouveau. « T’es surtout humaine meuf. Tu t’es retrouvée dans une situation carrément compliquée, je comprends que tu réagisses comme ça… »  C’était beaucoup. Beaucoup à assimiler, beaucoup à démêler, beaucoup à projeter. « Max a intérêt à ne pas te laisser en galère demain. Je serais bien venue pour jouer ton garde du corps mais mon carton d’invitation a dû se perdre en route. »  J’aurais tellement aimé être présente pour la protéger. Je me serais fait un plaisir d’exploser ma réserve pour faire écran entre Ivy et elle, quitte à montrer les crocs. Je n’avais plus qu’à faire confiance. A Max, à Lukas, à Lynn.

Mes lèvres viennent goûter à nouveau au vin parfaitement bien choisi par ma colocataire. Peut-être qu’il faut que je la mette en garde, quitte à être venimeuse. Juste un peu. « Ivy ne m’aime pas trop. Elle… je crois qu’elle est jalouse de moi, qu’elle l’était déjà à l’époque où elle n’était même pas en couple avec Lukas. On s’est beaucoup éloigné depuis qu’ils sont ensemble. Quand on se voit, c’est presque en cachette, tu te rends compte ? C’est pour ça que tu n’as jamais vu une seule photo de nous deux sur les réseaux… Elle n’est pas heureuse, je crois. Elle s’accroche à leur couple comme si sa vie en dépendant. » Je soupire doucement. « Quoi que tu décides vis-à-vis de Lukas je te soutiendrais toujours mais fais attention. Faites attention. » Et la lourde affaire d’adultère qui déchire ma famille vient gravement lester mes propos.