No. Way. [Joah]

Il est déjà tard quand elle arrive à la bibliothèque. Enfin, si c'est dix-sept heures peut être considéré comme tard... La bibliothèque fermant à sept heures, pour la demoiselle, c'est la course. Elle a tellement de livres à retourner et tant d'autres à emprunter qu'elle se dépêche de replier le parapluie humide et de retirer sa parka. Dehors, c'est un temps pour les grenouilles et autres amphibiens ! L'automne est bien arrivé avec en guise de bagages sous le bras, nuages gris et averses à gogo. C'est un temps à rester sous la couette, un chocolat chaud pour se réchauffer et un bon livre à dévorer. Netflix and Chill ? C'est pas son truc. Elle préfère de loin la compagnie d'un bouquin où l'imagination n'a aucune frontière.

Les livres rendus, Ida se dirige vers les rayons qui l'intéresse. Chacun de ses pas est ponctué de crissements dû à ses bottines humides sur le parquet ancestral du bâtiment. La demoiselle se mord les lèvres, tentant en vain de se faire le plus discrète possible. Une bibliothèque, c'est un peu comme une Église : le silence est d'or. Faire autant de boucan la rend mal-à-l'aise et c'est en s'excusant auprès des personnes qu'elle croise qu'elle parvient à la destination souhaitée : les romans fantasy. Il y a peu, la bibliothèque a investie dans une nouvelle collection d'un auteur français. Il y a une semaine, c'est par hasard que sa main a trouvé le premier tome de la Quête d'Ewilan et c'est en se disant « pourquoi pas » qu'elle l'avait emprunté. Elle l'a dévoré en une nuit, émerveillée malgré son âge par le monde fabuleux qui s'ouvrait à elle à travers les mots couchés par l'auteur. Forcément, elle n'a qu'une envie : connaître la suite. Le tome 2 et 3 en mains, la demoiselle se dirige ensuite au rayon polar. Un bon Franck Tilliez sait la garder en haleine. La blondinette n'a pas de genre défini, ni de préférence. Pour qu'elle accroche dans un livre, c'est tout d'abord la plume de l'auteur et ensuite l'intrigue et la narration. Pour elle, il faut que le lecteur se sente transporté dans le monde imaginé ou imagé de l'écrivain pour qu'il soit un bon livre. Rien de plus. Rien de moins.

Les bras chargés, Ida se dirige vers le rayons des sciences humaines. La faculté a envoyé une liste de livres à lire pour la rentrée. Si elle en a déjà lu une bonne partie, il lui reste à découvrir certains qui étaient alors déjà empruntés. Les livres posés sur une étagère, la blondinette s'affaire à chercher les derniers manquant à l'appel. Alors qu'elle en trouve un et que sa main s'apprête à le tirer de son rayon, elle heurte sur son passage un obstacle qui la fait reculer d'un bon mètre alors qu'elle tente de retrouver son équilibre. Obstacle qui, soit dit en passant, est plutôt grand, brun et musclé.

Le lycée avait quelque peu fait oublier à Ida mes mésaventures avec certains membres de la famille Dinckel. Depuis qu'elle avait mis un pied à la fac, ces souvenirs oubliés se faisaient une joie de la tourmenter. Et qui mieux pour ce faire ? Joah Dinckel. Son pire cauchemar en chair et en os. Le jeune homme, rencontré lors de mondanités dans son enfance lui avait laissé plus qu'un mauvais souvenir. Pire ! Il avait été son persécuteur, à se moquer d'elle pour tout, tout le temps. De la répartie, la demoiselle en a. Pourtant face au Dinckel, elle n'avait jamais réussi à lui faire ravaler ses méchancetés... Inga partie, Ida s'était retrouvée bien seule et avait fini par arrêté de se joindre à ces réceptions bien ennuyeuses. Ainsi, elle avait fini par ne plus croiser la route des jumeaux Dinckel !

Mais la faculté étant grande, et Hambourg n'en comptant que quelques unes réputées, il a fallut que les deux jeunes gens se retrouvent, pour le plus grand malheur de la blondinette.

Jusqu'ici, Ida a su l'éviter à la perfection et, à la bibliothèque, elle se sait en sécurité. Forcément, quand elle heurte l'objet en question, qui se trouve être une personne, elle ne peut que s'excuser jusqu'à ce que la voix qui s'élève de la dite personne ne la glace sur place.

"Et toi, tu peux pas regarder où tu marches ?!" rétorque Ida avec verve. La jeune femme se rapproche du brun, non sans le toiser au passage. "Pousse-toi, j'ai juste ce livre à prendre." ajoute-t-elle, désignant une reliure écarlate qui lui faisait de l'œil avant l'altercation.