Sarah&Joah • let the music take you

( Let the music take you ) Les cours se passaient bien, et il était content de la reprise. Cette année, à Noël, Joah avait essayé de passer le plus de temps possible avec ses copains. Il n'avait rien contre ses parents, mais les tensions incessantes l'épuisaient. Et pire encore, s'il avait réussi à renouer, bien que difficilement, avec son père, il ne pouvait pas s'encadrer Lisa. Il avait essayé, pour Garrett. Mais son petit air tout mielleux avec Jay et lui, ça ne prenait pas. Pas du tout. Alors bon, il n'avait pas trop le choix, s'il ne voulait pas passer trop de temps avec elle, il fallait simplement qu'il ait des excuses pour justifier ses absences. C'était triste, parce que du coup, il ne voyait pas beaucoup son père, mais après tout... C'était pas comme s'il avait le choix. Il faisait suffisamment d'efforts pour devoir se l'encadrer à tous les évènements de l'année.. C'était sûrement lié à une bonne dose d'égoïsme, mais on savait Joah comme ça, ça ne choquait plus personne. Il n'avait pas honte de faire preuve d'un peu de mauvaise foi, et de beaucoup de mauvaise volonté. Après tout, il n'était pas l'enfant sage. Il laissait volontiers la place à Jay et Joshua. Il avait décidé de faire sa rentrée après les vacances à la bibliothèque. Il entra, et alla voir la documentaliste en lui faisant son numéro de charme habituel. Coude appuyé sur la banque, joue appuyée à son poing. «Salut ! Vous êtes toute en beauté aujourd'hui ! Est/ce que vous avez reçu mon petit cadeau de Noël ?»  Il lui avait laissé des chocolats. En vérité, il l'aimait bien, elle était gentille. Alors oui, il faisait toujours des courbettes à cette dame, mais elle l'aidait toujours tellement dans ses recherches, avec une gentillesse. Elle lui indiqua d'ailleurs avoir reçu un ouvrage qu'il lui avait fait commander, prétextant que c'était pour les cours, alors que lui comme elle savaient parfaitement qu'il s'agissait surtout de lecture personnelle.  «Ah vous êtes la meilleure ! Je vous ai déjà dit que je vous aimais ? non? Eh bah je vous aime.» dit-il en lui prenant la main, et en y déposant non sans un excès de chevalerie, un baiser, avant de prendre le livre qu'elle lui tendait et d'aller s'installer. D'ordinaire, il allait s'asseoir près des allées. Mais ce jour-là, ayant enfin la possibilité de lire ce bouquin qu'il avait tant attendu, il était allé s'asseoir au fond de l'espace documentaire, écouteurs aux oreilles, sur un des petits canapés qui habituellement accueillaient des étudiants en masses, qui parlaient fort entre eux. Normalement, il s'agissait d'un lieu d'études, et non de partage enthousiastes sur le dernier épisode de Game of Thrones. Enfin, la série étant terminé, c'était une autre série à la mode. Ils avaient indiqué qu'ils voulaient prendre des mesures à ce sujet, et Joah se surprenait à espérer que c'était bien réel. Enfin. Il ouvrit le livre, mit la musique à fond dans ses écouteurs et commença à lire. Et déjà, il était plus qu'heureux. Pourvu que personne ne vienne le déranger ni ne vienne s'installer dans le carré canapé..

( Pando )

( Let the music take you ) La simple arrivée de cet ouvrage qu'il espérait tant et pour lequel il n'en pouvait plus d'attendre suffisait à le mettre dans une humeur particulièrement agréable et joviale. Tellement que même la présence de Lisa au repas du soir, qui venait d'être prévenue par son père, alors qu'il s'agissait normalement d'un repas père-fils ne suffisait pas à lui donner une mauvaise humeur. Non, c'était impossible, désormais. Il était trop heureux de pouvoir sentir l'odeur fraîche des nouveaux livres, un ouvrage à peine déballé, et de parcourir le papier si particulier qui était sélectionné pour l'édition de cet auteur, tout en s'extasiant des premiers mots qui semblait s'inscrire dans son esprit pour que la moindre chose vienne le perturber et vienne lui ôter quelque joie que ce soit. La musique qu'il avait mise en fond semblait en plus aller à la perfection avec ce que les phrases, rédigées dans un Anglais parfait, poétique, et pourtant quelque peu amer, lui donnaient comme sensation. Tout était à sa place, là où il fallait. Le bien être se suffisait parfois dans quelques écrits et des notes parfaitement alignées. Enfin, c'était sans compter la présence d'un intrus dans le carré documentaire. Il leva les yeux pour regarder -que dis-je ? Toiser- l'intrus, l'intruse, même. Sarah Heidler. Super. C'était pas comme si la perturbatrice savait que les lectures de Joah étaient sacrées. Il enleva un écouteur. Il n'en avait pas vraiment eu besoin pour comprendre ce qu'elle disait. Sarah articulait suffisamment bien pour que n'importe quel crétin comme Joah puisse lire sur ses lèvres. «Dis-donc, c'est que t'es devenue drôle tout à coup. T'as mangé du clown ou est-ce que t'as quelqu'un dans une oreillette pour te dicter comment faire?» Ok, c'était pas sympa. Il aurait pu faire ce genre de remarque à Ida plus qu'à Sarah, mais pour le coup, il était un peu contrarié de son intervention. En soi, il aurait pu rire au fait qu'elle le taquinait, mais pas PENDANT sa lecture, AU DETRIMENT de sa lecture. N'importe qui le connaissant en savait autant. Il aurait pu lui faire remarquer que c'était une question stupide car il était en cours de littérature.  Il aurait pu lui dire que c'était elle qui ne savait pas lire, si elle avait besoin de lui demander ce qu'il lisait. Mais soit. Son livre était sûrement un peu trop penché pour que qui que ce ne soit puisse lire quoi que ce soit. «C'est Requiem, de Gyrdir Eliasson.» dit-il simplement, prenant bien soin de ne pas préciser qu'il avait fait commander ce livre pour son propre plaisir personnel, et que personne ô grand jamais n'en aurait besoin pour les cours. Seulement, peut-être que ça servirait d'outil de culture pour certains d'entre les autres. Même s'il n'y croyait pas vraiment, généralement, c'était les "grands classiques" que tous lisaient, se cachant un peu derrière l'espèce de confort qu'ils menaient.  «Mais bon, j'imagine que tu connais pas, comme tout le monde ici.» C'était ennuyant, de savoir que personne ne s'intéressait à rien. Et peut-être, même sûrement que Joah prenait tout ça d'un peu haut, mais bon sang, ce que ça l'épuisait. Il remarqua néanmoins que Sarah semblait un peu soucieuse. Peut-être qu'il aurait mieux fait de ne pas la casser dès son arrivée, et de s'inquiéter d'elle, et de si tout allait correctement. Alors, il fronça un sourcil, faisant mine de rien, et reprit.  «Tu viens ici pour lire ?» Non, c'était étonnant. Il faisait partie des rares à prendre le temps de s'arrêter ici pour lire. Non pas qu'il ne la pensait pas capable de lire, loin de là. Mais généralement, les étudiants ne venaient ici que pour leurs recherches et leurs devoirs, les lectures et les moments de pause, les moments qu'il considérait comme du pur bonheur, tous les vivaient depuis chez eux, entourés d'êtres aimés. Lui aussi, vivait ça au milieu d'êtres aimés. Les livres. Au moins, aucun d'eux n'osait se présenter comme des indésirables. Peut-être qu'il serait temps de se montrer un peu humain. Il ne savait pas si c'était juste l'air pincé qu'elle avait en songeant à ses cours, un vrai problème, ou le fait que Joah lui réponde toujours un peu mal, mais il y avait quelque chose qui semblait ne pas être à la mettre dans son assiette.  «Tout va bien ? T'as une drôle de tête...» Si elle lui répondait que c'était sa tête normale, il ne saurait plus où se mettre...

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( Let the music take you ) Il eut du mal à réprimer un sourire évident. Il savait parfaitement bien qu'elle ne connaissait pas. Parce que les gens qui s'intéressaient à ce genre de lecture étaient rares, et pour cause. C'était un livre lourd, difficile à lire, et un peu bouleversant. Mais il n'avait pas le choix que de l'avancer pour les cours. S'il était dans la bibliothèque universitaire, c'était uniquement car il était au programme réalisé par leur professeur. Le silence redevint maître, et Joah se replongea dans les dernières lignes de son chapitre. Il ne s'agissait pas d'impolitesse, mais il ne voulait pas perdre le fil de sa lecture, et s'y perdre. C'était déjà suffisamment difficile de se concentrer sur ces ensembles de mots qui se montraient volontairement compliqués et psychologiquement agressifs. Son chapitre terminé coïncida avec la reprise de leur discussion. Il glissa son marque page dans le livre, et le ferma avant de le poser sur la petite table devant lui. Elle venait de répondre à sa question de savoir si elle allait bien. Il plissa les yeux devant sa réponse, notant l'ensemble de ses mots dans son cerveau. «Oh. Qu'est-ce que c'est cette nouvelle pièce ?» Elle n'aurait pas le premier rôle ? Il en doutait bien fortement. Avec un nouveau sourire, l'étudiant glissa légèrement sur le côté du fauteuil sur lequel il était installé, se rapprochant de la jeune femme. Dans un geste tout particulièrement humain, il posa sa main sur celles de la jeune femme. «Hé, regarde moi.» dit-il lui imposant de relever la tête qu'elle avait légèrement baissé. «Même si c'est un second rôle, tu seras géniale dedans, ok ? Et si tu n'as pas le premier rôle, c'est uniquement parce qu'ils ne voient pas que tu es largement à la hauteur.» Joah plongea son regard dans celui de la jeune femme. C'était étrange d'avoir un échange presque positif avec Sarah, eux qui, bien que très bons amis, passaient leur temps à se bourrer des mots et reproches. «C'est ça qui te donne cet air si triste ?» Dans le fond, il s'inquiétait plus qu'il ne voulait bien le lui montrer. Mais soit. Il n'était pas encore capable de le montrer, l'expression des sentiments, c'était pas vraiment son truc, à Joah.

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( Let the music take you ) Il y avait quelque chose avec Sarah. De différent. Il l'appréciait vraiment, et sa relation n'était pas biaisée comme elle avait pu l'être avec d'autres jeunes femmes, qu'il s'agisse de relations amicales ou romantiques. Même s'il aimait bien la taquiner, et qu'ils se prenaient parfois la tête, il avait confiance en elle, et elle comptait énormément pour lui. C'était peut-être aussi pour ça qu'elle faisait partie des rares personnes dont il se souciait vraiment, à lui demander de vraies nouvelles, et pas uniquement une volonté de suivre des conventions sociales qui ne l'intéressaient guère. Mais jusqu'à présent, il n'avait jamais fait preuve d'une telle patience envers elle. Ni d'une écoute similaire. Il avait juste eu l'impression qu'elle en avait le besoin. Et, bien qu'il ne le dise pas à tout va, Joah serait toujours là pour elle. «On peut plus rien dire sans être taxé de mignon ou de chamallow. C'est vraiment honteux ! » Sa dernière phrase était partie en aigu, et un peu trop fort à son goût, suivi d'un «héééééééé !» sur un ton un peu plus fort, sur la défensive. D'où elle se permettait de défaire sa si belle coiffure qu'il avait mis si longtemps à réaliser, comme chaque matin. Alina avait beau lui dire que tout ce temps utilisé était inutile parce qu'il avait la même coiffure, lui, il voyait la différence. Sa mère n'était juste pas assez empreinte de fibre artistique pour remarquer la différence. C'était tout, voilà. «Je ne crierais pas si tu n'avais pas mis tes mains dans mes cheveux. Non mais, tu crois vraiment que ce visage merveilleux ne mérite pas une coiffure minutieuse ?» dit-il avant de rire. Il récupéra son livre sous le bras, et il plia l'autre bras, comme une invitation pour la jeune femme de le rejoindre et de marcher avec lui. «Suivez moi, Miss Heidler, nous allons régler ce différend dehors, de la plus noble des façons : autour d'un des sandwich au beurre de la cafétéria, qui nous donnera des aigreurs d'estomac.» fit-il, d'un air très chevaleresque.

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