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  And the Sky may look Blue -Partie 2- feat. Luzia

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gare à la crise de la quarantaine
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And the Sky may look Blue -Partie 2- feat. Luzia
Sam 9 Mai 2020 - 13:30
Sa question le désarmait, pour ce qu’elle soulevait. De sa bouche émergeait une vérité sciemment dissimulée. Cette femme, cette quasi étrangère, comment avait-elle pu voir au-delà de l’air qu’il se donnait, ce jour sous lequel il veillait à apparaître ? Façade savamment construite, derrière laquelle se cachait l’homme, offrant ce que l’on attendait de lui, quelques faux-semblants. Il était passé maître dans cet art, parfait "illusionniste", capable de donner le change en toute situation. Il trompait les plus habiles observateurs. Julian ménageait les apparences, bienheureux devant l’éternel. Il endossait ce rôle depuis fort longtemps, en jouait pour rassurer, ne pas inquiéter inutilement, détourner les regards de sa petite personne. Enfant, il arborait toujours ce si large sourire, bonheur feint, réflexe instinctif et défensif. Sous ses dehors joyeux, le garçonnet dissimulait les vicissitudes d’une famille au bord de l’implosion. Plus tard, il se prémunissait de ce beau-père inquisiteur, à la langue acérée. Le sourire jusqu’aux oreilles, il prétendait ainsi ne pas être atteint par les attaques verbales récurrentes. Il ne lui aurait jamais laissé ce plaisir. L’homme l’en détestait davantage. Il était bon comédien, Julian. Il aurait peut-être dû le remercier pour cela. Mais non, ce talent lui appartenait, il découlait de ses efforts, sa sueur et ses larmes. Le brun brandissait ce masque en permanence, comme s’il érigeait des barrières, des murailles, tout autour de lui. Nul n’avait encore percé ses défenses, à une exception près, une Anglaise. En dépit de tous ses efforts pour maintenir l’illusion, elle avait su déceler son mal-être. Une autre personne le confondait, à son tour. Il en était ébranlé. Venait alors cet autre constat, l’aveu qu’il se devait. Il avait perdu cette capacité. Julian ne convainquait plus personne. Il n’essayait même plus. Il avait tombé le masque, voilà quelque temps déjà. Désabusé, il affichait sa lassitude, sa fatigue, au grand jour. Plus aucun filtre, rien, il était juste lui, à l’état brut. Dès lors, n’importe qui pouvait remarquer que quelque chose n’allait pas. Son apparence suffisait à le trahir, les poches sous ses yeux, sont teint blafard… Ce qui le troublait ? Le fait qu’elle ait vu ce regard en lui. S’il lui était familier, il ignorait le posséder. Il le connaissait bien, oui, sans être capable de dire pourquoi. Julian l’avait déjà aperçu. Il le croisait, s’y heurtait chaque matin, face au miroir de sa salle de bain. Ce regard était également le sien.

Julian ne cherchait pas à connaître sa réaction, il se détournait tout à fait, s’intéressait à autre chose, ce qui lui tombait sous les yeux. La façade de l’immeuble voisin lui contait, soudain, une merveilleuse histoire. Son opinion l’indifférait. Il n’attachait aucune importance à ce que les gens pouvaient penser de lui. Libre à elle de le juger, il n’en voulait rien savoir. Pourtant, Luzia ne semblait pas si prompte à porter une appréciation arbitraire ou négative – quant au second point, sans qu’elle fût fondée. Mais après tout, qu’en savait-il réellement ? Il la connaissait à peine, du moins, pas suffisamment pour déterminer une telle chose. D’autre part, pouvait-on jamais totalement se fier à une personne ? Ce fut alors sa curiosité qui le poussa à croiser son regard. Comme si par ce moyen, il pensait découvrir exactement à qui il avait à faire. Et… Luzia paraissait remuée par son aveu. Il lisait la surprise, sur son visage. Il nota son pincement de lèvres. Il n’y eut rien d’autre que ce silence respectueux, qu’elle lui offrit. Elle lui restituait un peu de sa pudeur. Julian aurait presque aimé connaître le fond de sa pensée. Toutefois, il ne fit rien dans ce sens, se contentant de regarder droit devant lui.

Il dut enfin l’admettre. Julian ignorait où il les emmenait. Il riait pour de bon, comme il aimait tant à le faire. Le brun se moquait de lui-même. Ceux qui le connaissaient, savaient qu’il se tournait volontiers en dérision. L’homme n’avait plus ri ainsi depuis des temps immémoriaux… Des jours, des semaines, des mois, peut-être… C’était tout comme prendre une profonde inspiration. Il respirait pleinement, le temps d’un instant. Julian se reprenait rapidement, non oublieux de sa personne. Il formulait des excuses, avouait ses torts. Luzia rit à son tour. Ce fait lui fit chaud au cœur, car un rire valait mieux que des larmes. Julian éprouvait une honte réelle, il méconnaissait sa propre ville. Il restait ce New-yorkais expatrié, pas plus hambourgeois qu’à son arrivée. Pourtant, il venait souvent y passer ses vacances, plus jeune. Mais sa famille logeait toujours aux abords de la ville, dans quelques gîtes en location, jamais en ses murs. Certains quartiers lui étaient bien connus, d’autres non. Hambourg l’avait marqué au point de désirer y revenir, une fois adulte, à l’une des pires époques de sa vie. Cette ville avait été son refuge. Il ne le lui rendait pas si bien.

Luzia acceptait de camper le rôle du guide. Sa réplique et sa révérence lui tirèrent un sourire amusé. Il se pencha lui-même en avant, bien que légèrement. Tout comme il le faisait au théâtre, pour saluer la foule, lui rendant la politesse toute comique. « Tout le plaisir est pour moi. » dit-il, sur un ton badin. Ainsi, elle fréquentait peu St Pauli, elle aussi. De fil en aiguille, ils en apprenaient un peu plus, l'un sur l'autre. « Pour les gens de la nuit, c'est l'idéal. Mais ce n'est pas mon cas. »

Julian était passé par St Pauli, en quelques occasions. Il évitait de s’y rendre, mais ne choisissait pas toujours les lieux où ses amis organisaient leurs soirées. Un quartier branché, c’était typiquement le genre d’endroit où l’on risquait de le reconnaître.  Globalement, Julian fréquentait rarement les night-clubs. Il subissait suffisamment de soirées, dans le cadre de son métier, sans avoir à en rajouter. Quand il rentrait à Hambourg, il se reposait chez lui ou se tenait au calme. Il avait eu tout le temps d’expérimenter les boîtes de nuit, sa majorité acquise, puis durant la vingtaine. Altstadt remportait aisément son suffrage.

Julian emboîtait le pas de la jeune femme, se fiant à elle. À mesure qu’ils avançaient, l’homme voyait le décor changer. Il observait le plus grand silence, détaillait les différents monuments, écoutait attentivement les explications de Luzia. Parfois, il opinait ou y allait de sa propre petite plaisanterie. Puis il posa une question après l’autre, sa curiosité naturelle exacerbée. Julian avait toujours soif d’apprendre. Par ailleurs, il avait deux années de retard à rattraper, désireux de combler un peu de son inculture hambourgeoise. Il passait un agréable moment, enrichissant et léger. Si elle devait changer de métier, un jour, elle pourrait tout aussi bien envisager de se reconvertir en guide touristique. Il se garda de lui en faire la remarque. L'homme perdit brièvement son sourire, lorsqu’ils atteignirent le théâtre Thalia, son lieu de travail.  Il y avait donné nombre de représentations.  Aujourd’hui, il avait la boule au ventre, à le regarder. Julian chassait rapidement ses obscures pensées. À son grand soulagement, il découvrait ne pas être si ignorent. Il connaissait quelques-uns de ces lieux, mais croisait leurs chemins sans s’y attarder. Il effectuait toujours les mêmes trajets, ceux-ci se gravaient dans son esprit. Pour l’essentiel, il cheminait dans cette ville, de mémoire. Le reste du temps, il se reposait sur le GPS de sa voiture.

Finalement, ils se retrouvèrent face à l’opéra. Julian n’en avait jamais franchi le seuil. Il appréciait énormément la musique classique, vouant un véritable culte à Rachmaninov, entre autres compositeurs. Il avait délaissé plus d’une passion, au fil des ans. « C’est votre cas ? » lui demanda-t-il, instinctivement. Aimait-elle ou non le classique ? Cherchait-il encore à cerner le personnage ? Après tout, les goûts musicaux pouvaient en dire long sur quelqu’un.  La question était sortie de sa bouche et il ne pouvait la reprendre. Luzia lui indiqua un nouveau lieu, qu’elle lui présenta comme un café. Julian portait son regard sur ledit établissement. Le prix n’était pas vraiment un problème pour lui. Il gagnait plus que bien sa vie. Une somme colossale dormait sur son compte en banque. De l’argent qu’il n’utilisait pratiquement pas, peu dépensier. Un acteur dont la carrière marchait, recevait quelques beaux cachets. Brusquement, Luzia proposa de lui offrir une boisson au Lion. Un soupçon de malaise le gagna, mais il n’en laissa rien paraître. C’était une habitude parfaitement stupide. Cependant, Julian payait systématiquement ses repas ou consommations, il s’en faisait un devoir. Au début, il s’agissait d’une question d’orgueil mal placé, un désir de s’assumer pleinement. Puis la manie lui était restée. L’homme craignait d’avoir à se sentir redevable d’untel, etc... Les cadeaux le mettaient, souvent, mal à l’aise. Il aimait en offrir, mais moins en recevoir, se demandant toujours ce que cachait une telle attention à son égard. Parce que les gens attendaient toujours quelque chose, non ?

Julian ouvrit la bouche pour parler, mais rien ne voulut en sortir. Luzia était enjouée, si souriante. Il n’osait pas briser cet engouement retrouvé. Il ne serait que passager, il le savait, le vivait au quotidien. Mais non, il ne pouvait pas être égoïste à ce point. Elle semblait y tenir, à ce verre. Alors Julian afficha un large sourire et acquiesça d’un signe de tête. « Je n’y ai jamais mis les pieds, en effet.  S’il faut passer par ce lieu pour devenir un bon hambourgeois, je ne peux refuser l’invitation. » Luzia leur ouvrit la voie, une fois de plus. Il lui tint la porte, après être entré. Julian découvrait les lieux du regard, s’attardant un peu partout. Il faisait une pas de côté, afin de ne pas encombrer le passage. Le brouhaha des conversations créait un bruit de fond, quelques verres s’entrechoquaient, çà et là.  Le brun partait en quête d’une table libre. Sa haute taille lui donnait un excellent point de vue. Toutefois, un serveur vint à eux et prit sur lui de les orienter. Il les guida jusqu’à deux chaises vacantes, avant de prendre congé, leur laissant le temps de choisir.  Julian prenait place sur son siège, puis enlevait sa veste. Il faisait bon à l’intérieur. D’une main, il attrapait la carte des boissons.  « Je vous remercie pour cette visite improvisée. C’était vraiment très intéressant. Ça va faire deux ans que je vis ici, mais je n’ai jamais pris le temps de découvrir la ville. » Il pouvait bien le lui dire. Il avait déjà avoué ne pas connaître Hambourg. Enfin, pas comme il l’aurait souhaité. Puis ce n’était pas un détail horriblement personnel ou réellement digne d’intérêt. Il parcourait les différents choix disponibles. Quand son attention s’arrêta sur les prix…. Il toussota contre son poing. Ce n’était clairement pas donné. « Vous savez, rien ne vous oblige à m’offrir ce verre. Vous ne me devez rien. » ne put-il s’empêcher de dire, le regard incertain, presque coupable.
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Re: And the Sky may look Blue -Partie 2- feat. Luzia
Mar 12 Mai 2020 - 11:30


Julian & Luzia

And the Sky may look Blue - Part II -



Luzia senti le trouble de Julian grandir encore d'avantage. Elle se demandait ce qui le surprenait le plus. Qu'elle ai pu lire dans son regard ou découvrir qu'il le possédait lui aussi. Le noir dans les yeux. C'était l'apanage des abîmés. Elle ne l'avait pas croisé souvent la jeune allemande, mais chaque être, chaque âme qui le possédait avait vécu quelque chose de sombre, de violent. Devenant ainsi capable de le déceler, de le reconnaître chez autrui ce noir, puisqu'il le possédait aussi. Elle, elle avait tout perdu enceinte jusqu'aux yeux. Björn avait perdu sa femme et sa fille. Est-ce que Julian avait perdu quelque chose lui aussi ? Qu'avait-il pu vivre pour que son regard soient ainsi entaché ? Un mélange de curiosité et d'inquiétude s'empara de la jolie Luzia. Qui était-elle pour lui poser la question ? Qui était-elle pour se poser la question ? Au fond, il devait bien le voir ce regard. Tous essaient de le cacher, mais à mesure que l'on le grime, il revient, toujours plus criant dans les moments où l'on s'y attend le moins. Au cours des derniers mois, la jeune femme qui avait l'habitude de s'occuper des cheveux de l'acteur l'avait vu se faner progressivement. A chaque rendez-vous un peu plus. Mais elle n'avait rien fait. Elle n'avait rien dit. Il était un client. Et on ne se mêlait pas de la vie d'un client, même lorsque ce genre de proximité existait. Qu'aurait-elle bien pu lui dire de toute façon ? Bonjour Monsieur Lane Keller, vous n'avez pas l'air en forme aujourd'hui ? C'était stupide. Il ne servait à rien de refaire l'histoire. Après tout, si lui était arrivé au salon en lui posant la même question, elle se serait braquée. Elle aurait fuis. Ce sont des choses intimes que les noircissures de rétines. Alors, elle s'était contentée de l'aider à les dissimuler à grands coups de ciseaux. Bien solidement tapie derrière son masque, elle l'avait aidé, à chaque rendez-vous à parfaire le sien. A quoi bon finalement ? Elle se le demandait bien.

Elle était inquiète pour Julian. Elle ne le connaissait qu'à peine, nonobstant Luzia possédait une profonde empathie qui la poussait à se faire du soucis dès lors que quelqu'un avait du tracas. Cette empathie était d'ailleurs la cause de nombres de ses ennuis à elle aussi. Parce qu'en plus de souffrir pour elle, elle souffrait pour les autres. Et outre cela, ça en augmentait encore d'avantage son image de fille lisse, modèle quand elle était sous son meilleur jour, comme son côté peureux et pleurnichard quand elle était sous le moins bons. Elle se mordillait la lèvre Luzia. Embarrassée finalement par ce fardeau. Ce que devait vivre Julian devait être extrêmement violent pour en arriver à la pétrification. A ne plus pouvoir pratiquer un métier pourtant passion. C'est pourquoi elle estima qu'il eut été impudique de le questionner d'avantage. Avec un peu de chance – voire beaucoup – elle aurait pu répondre à côté, au risque de le braquer, ou de perdre sa confiance. Elle déglutit. Le silence était parfois la meilleure des réponses. Oui. Parfois il ne servait à rien de parler. Car le plus important était ce qu'ils se passait au plus profond des être. L'écho que pouvaient produire leurs propres paroles en eux. Oui. En choisissant le silence, elle était au moins sûre de ne pas mettre les pieds dans le plat. Elle releva les yeux vers Julian. Il ne la regardait pas. Il semblait même fuir son regard. Comme si finalement il avait lâché la bombe sans pour autant s'inquiéter de ses répercussions. Oui, il semblait ne pas vouloir s'attarder dessus. Préférant regarder les maisons, les arbres, les passants. C'était sans doute mieux ainsi. Il était rarement bon de remuer ces choses là.

Son regard la transperça alors. Ce n'était pas le même regard que les précédents. Julian semblait d'un coup vouloir essayer de lire en elle. Oui. D'essayer de savoir qui elle était au fond des yeux. Il la jaugeait comme un animal sauvage, la défiait, presque, pour essayer de comprendre quelles étaient ses intentions. Elle en fut gênée et détourna instinctivement les yeux, non sans une pointe d'embarras. Ses joues s'en trouvèrent légèrement rosies. Elle était à découvert, s'exposant à sa vue surprise, émue, troublée elle aussi. Et puis, finalement, il revint porter ses yeux dans le lointain de l'horizon et Luzia se détendit quant à elle à travers les cotonneux nuages de mars. C'est à ce moment-là qu'elle prit conscience de son égarement. Là qu'il éclata de rire, ne manquant pas de la désarçonner, jusqu'à ce qu'elle en apprenne les raisons. Et elle se mit à rire elle aussi, gaiement, face à la cocassité de la scène.

Elle, l'autochtone, s'était laissée guider par l'américain qui ignorait tout de là où il se trouvait. C'était incongru. L'homme était grand. Il avait de la prestance, à aucun moment elle n'avait douté de ses capacités à les guider. Elle avait eu tord. Mais ce rire partagé eu au moins la vertu d'effacer toute la noirceur dont ils s'étaient préoccupés quelques minutes auparavant. Les compteurs en étaient remis à zéro. C'était rafraichissant. Alors, tout naturellement, la jeune femme se proposa de le guider. Elle aimait tant sa ville ! Et puis, parler des bâtiments, des monuments, permettait de se changer les idées. De s'oublier un peu, le temps d'un instant. Elle lui adressa une révérence mutine qu'il lui rendit. Elle lui sourit tendrement. Il était très élégant Julian. Quand il l'avait salué, elle avait vu la tenue de son plexus, elle avait vu la droiture de sa tête, l'élégance de son basculement. Il était acteur oui. Cela ne faisait pas l'ombre d'un doute.

« Pour les gens de la nuit, c'est l'idéal. Mais ce n'est pas mon cas. »
« Ce n'est pas le mien non plus... »

Approuva-t-elle songeuse. Non ce n'était pas son genre. Le monde de la nuit était un univers qui lui était absolument étranger. Elle avait vécu dix ans avec Simon qui était plutôt du genre casanier, mais aussi très jaloux. Alors elle avait préféré s'en méfier. S'en éloigner pour éviter tout problème, car Luzia n'aimait pas les conflits. Elle les fuyait comme la peste. En avait peur même. S'il y avait confrontation, cela signifiait qu'il y avait eu déplaisir. C'était donc tout bonnement incompatible avec son obsession de plaire à tout le monde, en permanence, quoi qu'il lui en coûte. Et en même temps, ça lui avait sans doute évité bien des déconvenues. Naïve comme elle l'était, dans les night-clubs, elle se serait sans doute fait manger toute crue en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Elle en avait peur de ce monde inconnu la jeune allemande. Elle ne possédait pas les codes, ni les usages. Alors elle se contentait de s'en tenir éloignée. Evitant ainsi tout problème. Elle releva subitement le regard vers Julian et le toisa un court instant. Bien qu'il fusse acteur, il n'avait rien d'une rockstar. Au contraire même, le géant était discret, réservé, calme... On s'attendait plus à le trouver dans une bibliothèque que dans une boîte de nuit.

Les deux acolytes se mirent alors en route vers la vieille ville. Investie de sa mission, Luzia lui décrivait tout, les yeux pétillant. Elle s'amusait pour la première fois depuis bien longtemps. C'était revigorant pour une fois, de penser à autre chose que son propre monde de souffrance se disait-elle alors. Et l'américain était un très bon sujet. Il s'intéressait à ses explications, se montrait attentif, il la questionnait même parfois. Lâchant sporadiquement de petites plaisanteries à la dérobée. C'était un moment simple. Simple mais bon. Agréable. Cependant, Luzia le vit oui, que Julian perdit son sourire lorsqu'ils passèrent devant le théâtre Thalia. Elle se mordit la lèvre. Embêtée. Il lui avait confié sa peur de travailler et qu'est-ce qu'elle avait fait ? Elle lui avait montré le terreau de son angoisse. Elle n'avait pas réfléchi. Elle se sentait bête. Mais elle n'ajouta rien. Préférant feindre de ne pas l'avoir remarqué. Se contentant juste de s'empresser de changer de sujet pour détourner son attention. C'est ainsi qu'ils arrivèrent devant l'opéra. Le sourire lui revint aussitôt.

« C’est votre cas ? »

La jeune allemande se crispa légèrement. Sa question avait été instinctive. Elle la cloua contre la façade de l'opéra. Elle baissa les yeux  légèrement honteuse. Non. Ce n'était pas son cas. Elle n'avait jamais été à l'opéra. A vrai dire, elle ne connaissait même absolument rien au classique, si ce n'est les morceaux qu'elle avait pu entendre dans les pubs télévisées lors de son enfance. Luzia venait d'une famille très modeste. Toute se vie, elle s'était entendu dire que ce n'était pas pour elle les opéras, les robes de galas, toutes ces choses-là. Elle était persuadée oui, qu'elle n'y avait pas sa place. Qu'elle y ferait tâche. Et puis, elle n'avait pas les moyens. Parce que ça devait forcément coûter cher l'opéra. Finalement, c'était comme pour les night-clubs. Elle ne possédait ni les codes, ni les usages de ce genre de milieu, n'y en ayant jamais été éduquée. Bien sûr, elle aurait pu conjurer le sort et s'y intéresser en grandissant. Mais son environnement n'y avait jamais été propice. Luzia était une petite esthéticienne peu cultivée, elle n'avait pas sa place à l'opéra. Mais devant Julian, ces pensées la mirent mal à l'aise. C'était comme si subitement elle prenait conscience de qui il était. Un acteur, un cultivé, quelqu'un de célèbre. Presque de la Haute. Alors qu'elle, elle n'était rien. Un être banal comme il en existait tant d'autre. Le divertissait-elle ? Pourquoi s'intéressait-il à elle quand il pouvait fréquenter toutes les personnes qu'il voulait ? Elle tenta un sourire pour s'apaiser. Non. Elle ne devait pas avoir ce genre de pensées. Julian, c'était un homme. Point. S'il était-là, c'était qu'il devait en avoir envie au fond. Elle s'arma de courage pour lui répondre.

« Je... Je ne suis jamais allée à l'Opéra. Je ne connais pas. »

Elle était quelque peu embarrassée de son inculture. Mais elle n'allait pas modifier l'histoire. Peut-être la jugerait-il. Peut-être pas. Elle serait fixée sur ses intentions au moins. Elle espérait cependant malgré tout que cela irait. Parce qu'elle appréciait sincèrement ce moment avec Julian. Son regard se porta alors sur le Lion, autre monument de Hambourg où elle désirait l'inviter à boire un verre au chaud. Luzia s'emballa tellement qu'elle lui vendit le lieu comme une forcenée alors qu'elle n'y avait jamais mis les pieds. La seule chose qu'elle savait, c'était que c'était un bar célèbre et qu'il était cher. Ses bourses n'étaient pas illimitées à la jeune esthéticienne, elle devait faire d'autant plus attention maintenant qu'elle était en congé maternité. Cependant, elle tenait vraiment à inviter son partenaire. Elle se sentait redevable. Elle culpabilisait de lui avoir glacé les cheveux, de s'être enfuie, comme elle s'en voulait qu'il l'ai trouvé en pleurs. Elle s'était comportée comme une enfant. Pas comme une professionnelle. Et lui qu'avait-il fait ? Il avait été gentil, l'avait, même sans trop essayer, réconfortée, il avait été récupérer ses affaires tout en prenant le risque d'attraper froid avec ses cheveux mouillés. Elle lui devait bien un verre pour toutes les déconvenues qu'il avait eu à ses côtés. Ce verre, c'était aussi un moyen de le remercier pour ce moment qu'ils partageaient, une parenthèse bienheureuse dans la morosité ambiante de son quotidien. Ses motivations étaient simples, sans arrières pensées autre que l'envie de lui faire plaisir, si ce n'est le souhait de prolonger ce doux moment qu'ils vivaient ensemble. Les yeux de la jeune femme se mirent à briller tandis que le sourire qui trônait fièrement sur son visage s'allongea lorsque Julian accepta son invitation. Elle ouvrit alors la porte pour pénétrer à l'intérieur du Lion qu'il retint sur son passage.

Les yeux de Luzia s'écarquillèrent alors une fois à l'intérieur. Elle n'avait pas pour habitude de se rendre dans les bars. Elle n'était jamais trop sortie, et elle le faisait encore moins depuis qu'elle était enceinte, mais elle se dit à ce moment-là qu'elle ferait peut-être bien de changer cet aspect de sa personnalité. Car le Lion était absolument magnifique. Les serveurs étaient très classes, la décoration à la fois sophistiquée et de bon goût mais surtout, il y régnait la vie. La joie. Elle en avait presque oublié la couleur. On les amena alors jusqu'à une table où ils s'installèrent rapidement et Julian attrapa la carte des boissons.

« Je vous remercie pour cette visite improvisée. C’était vraiment très intéressant. Ça va faire deux ans que je vis ici, mais je n’ai jamais pris le temps de découvrir la ville. »
« Tout le plaisir était pour moi. Hambourg possède nombres de merveilles qui ne demandent qu'à être découvertes ! Et puis, vous n'avez pas à vous en sentir gêné. On a tendance à ne jamais vraiment prendre le temps de visiter l'endroit où l'on vit, on remet à plus tard, c'est naturel. Disons qu'il faut savoir saisir l'occasion lorsqu'elle se présente ! » Luzia eut un petit rire. « Vous savez, si je connais si bien la ville, c'est simplement parce que je ne l'ai jamais quittée. Un autre jour, quand vous aurez les cheveux secs, je pourrais vous montrer d'autres quartiers si vous en aviez envie. »

La jeune femme se surprit à être aussi volubile. Ce n'était vraiment pas dans ses habitudes. Mais cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas parlé. Pas passé un moment agréable avec un humain qu'elle avait glissé. Son flot de paroles en avait débordé. Elle rougit alors légèrement. Elle ne s'attendait à lui proposer une nouvelle entrevue aussi rapidement. Elle avait toujours été si timide... Alors elle ignorait l'origine de cette audace nouvelle. Elle se pinça les lèvres pour ne pas se justifier. Qui sait, il venait de la remercier, peut-être que lui aussi appréciait leur moment après tout, peut-être que lui aussi aurait envie de la revoir. Elle ne le connaissait presque pas, mais déjà elle l'appréciait Julian. La jeune femme se sentait bien en sa compagnie. Les choses étaient simples. Elle n'avait pas besoin de tricher, sa douleur il l'avait vu comme elle avait vu la sienne. Et il la respectait, ne se montrait pas trop curieux, ne parlait pas pour parler, sa présence en soi l'apaisait tout simplement. Même si elle ne savait pas en donner les raisons, il était parfois préférable de ne pas les chercher. L'homme toussa alors et Luzia qui n'avait pas prit la peine de regarder la carte arqua un sourcil.

« Vous savez, rien ne vous oblige à m’offrir ce verre. Vous ne me devez rien. »

La gorge de Luzia se serra tout à coup. Qu'était-il entrain de se passer ? Julian avait l'air gêné. Mal à l'aise même. Pourtant tout allait bien encore quelques instants auparavant. Etait-ce parce qu'elle lui avait proposé de se revoir ? Peut-être était-ce parce qu'elle avait trop parlé subitement ? L'hambourgeoise baissa les yeux quelque peu désabusée. Elle eût peur tout à coup, d'avoir tout gâché, comme avec Simon. Son sourire s'éteignit instantanément. Bien sûr qu'elle lui devait ce verre. Après tout, elle ne lui avait même pas coupé les cheveux. Elle se sentait nulle, stupide. Toute sa fragilité lui revint au visage. Pourquoi avait-il fallu qu'elle se montre aussi imprudente ? Elle prit une profonde inspiration.

« Si Julian... Je ne vous ai apporté que de l'embarras aujourd'hui. Je ne vous ai pas coupé les cheveux, je vous ai imposé la stupidité de ma collègue. J'ai pleuré face à vous... Laissez-moi vous offrir ce verre. Pour m'excuser. Pour vous remercier. Et puis... Parce que j'en ai envie. »

Ses yeux se mouillèrent. Oui. Luzia en avait envie, tout simplement envie, parce que Julian avait apaisé ses tourments un court instant, parce qu'il lui avait fait du bien oui, alors qu'elle vivait dans le mal depuis si longtemps. Et ça, ça valait tout l'or du monde à ses yeux. Elle était si enjouée, ça lui faisait tellement plaisir de l'inviter que son recul lui fit mal. Plus que de raison sans doute, mais maîtriser ses émotions, elle n'en était plus capable depuis bien longtemps maintenant, la pauvre Luzia. Elle eût même peur à ce moment-là, de se remettre à pleurer.

 
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