La petite souris | KATHRYN

Il était quatorze heures. À cette heure, le restaurant était fermé et ça s’activait dans les cuisines pour préparer le service du soir, déjà. Mais c’était encore assez calme comparé au branle-bas de combat qu’il y aurait dans deux ou trois heures. Pour le moment, plusieurs cuisiniers étaient sortis acheter quelques fruits ou légumes de première qualité au marché. Son nouveau chef, mais certainement pas nouvelle connaissance, était probablement perdu dans ses pensées, essayant de créer un nouveau menu qui se tenait. Sebastian, quant à lui, était dans la luxueuse salle à manger, mais pas seul et pas avec un de ses employés. Une enfant était assise à a table, en train de manger une assiette préparée par Magnus un peu plus tôt, après de maints grognements et encore plus de protestations. Une babysitter n’avait pas bien fait son boulot aujourd’hui, de toute évidence… et Leonore, la fille d’une de ses partenaire d’affaires et amie, on pouvait le dire ainsi, avait déboulé dans la cuisine survoltée juste à la fin du dîner.

Dieu sait comment, Leonore avait réussi à échapper à la surveillance de sa nounou, avait rejoint l’hôtel et de là, elle s’était glissée dans les cuisines. Les enfants avaient de la ressource. Un adulte n’aurait probablement jamais pu atteindre les cuisines sans être arrêté par un employé bien avant ! Sa première rencontre avec Kathryn, il la devait d’ailleurs à ce petit bout, qui était bien moins grande que maintenant il y a quelques années… et toute aussi débrouillarde et portée à disparaître, de toute évidence. Elle s’était perdue dans l’immense hôtel de son père jusqu’à débouler devant sa chambre. Il l’avait aidé à retrouver sa mère. Aujourd’hui, aussitôt qu’il avait été appelé et qu’il avait reconnu Leonore, il avait appelé Kathryn pour qu’elle vienne la chercher. Ça semblait tomber très mal et même si elle n’avait rien dit, son ton avait suffit pour que Sebastian propose de garder la petite une ou deux heures, le temps qu’elle réussisse à venir s’occuper de cet épineux problème.

La petite s’était éraflé un genou pendant son épopée et avait le visage baigné de larmes quand il l’avait ramenée à la salle à manger. Il avait nettoyé sa blessure, mis un pansement dessus, ce qui ne manquait pas dans une cuisine, puis avait donc demandé à Magnus de lui cuisiner quelques chose de simple et chaud, qu’elle se réconforte en mangeant un morceau. Il était en train de refaire une des deux tresses de la petite lorsque Kathryn entre dans la salle à manger, la réceptionniste de l’hôtel lui ayant ouvert. Sebastian se relève, un sourire aux lèvres, alors que Leonore fait profil bas de son côté !

« Bonjour, Kathryn. », salut-il simplement. Derrière lui, il entend Leonore se ratatiner un peu sur elle-même. Elle avait toutes les raisons de vouloir disparaître, c’était évident ! Mais au moins pour la partie ayant trait au restaurant, c’était déjà tout pardonné. Baissant le ton pour que la petite ne laisse pas trop ses oreilles traîner, l’homme demande : « C’est une nouvelle nounou que tu as engagée pour t’occuper d’elle ? »

Vu comment Leonore avait insisté pour qu’il soit sa nouvelle nounou un peu plus tôt, il supposait que c’était le cas et que le courant ne passait pas très bien ! Mais même si Sebastian aimait les enfants, ce qui étonnait toujours quand on savait quel caractère exécrable il pouvait avoir, il n’avait clairement pas le temps de s’occuper de ceux des autres !

« Tu étais occupée avec un client ? », demande finalement Sebastian tout en se poussant, que Kathryn puisse rejoindre sa petite. « D’ailleurs… J’ai un nouveau chef. Heinrich Bauer ne travaille plus dans mes cuisines. Tu voudras sûrement venir goûter à sa cuisine bientôt. »

Ça expliquait la blessure qu’il avait à la joue droite…

La journée de Kathryn était bien occupée. En ce samedi, l'élégante organisatrice de mariage était dans un domaine en campagne, à plusieurs kilomètres du centre ville d'Hambourg. La cérémonie commençant à quatorze heures, elle avait fort à faire et ne cessait de courir de partout pour s'assurer que tout soit prêt, que tout soit parfait. Son téléphone ne cessait pas de sonner et elle devait répondre, tout en surveillant du coin de l’œil les installations, en rassurant la mariée, en renseignant les invités jusqu'au début de l'office qui s'annonce finalement, alors que la marche nuptiale retentit.

Le nom de Mr Rosenbach s'affichant sur l'écran du téléphone qui vibre, silencieux, dans sa main, elle hésite à laisser tomber l'appel pour s'en occuper plus tard, le rappeler quand elle aurait un moment plus calme. Le samedi était toujours compliqué pour la jolie blonde, il le savait parfaitement. C'est ce qui lui mit la puce à l'oreille sur la nécessité de répondre à cet appel. Il ne devait pas officier pour ce mariage et avait conscience que les samedis de Kathryn, pour l'avoir vu organiser plusieurs mariages, étaient agités. Il devait l'appeler pour une bonne raison.

L'appel avait été bref, en fin de compte et Kathryn restait ennuyé, alors que Monsieur Rosenbach était en train de s'occuper de sa fille, échappée de la surveillance de sa nounou. Cette dernière risquait le renvoie, quand la blonde en saurait plus, quand elle aurait parlé à Léonore et Alois pour refaire les événements de la journée. Ne sachant que faire, alors que la cérémonie est entamée, elle jette un coup d’œil aux mariés. Pendant une heure, ils n'ont plus besoin d'elle, alors que le prêtre a prit le relais. Elle s'éloigne donc pour appeler, une fois de plus. Elle appelle Raffael, évidemment, songeant que ce dernier pourrait peut-être récupérer Léonore et s'en occuper après-midi. Mais l'homme ne répond pas à son téléphone. Son aîné est en déplacement. Angelika a besoin de se reposer alors que la naissance de son enfant approche et Kathryn refuse de lui faire prendre désormais la voiture dans son état. Vieille école, quand tu nous tiens. Elle compose le numéro d'Emmerich. Lui non plus ne répond pas et la mère s'en agace, songeant qu'il doit encore dormir de ses aventures nocturnes.

N'ayant pas d'autres choix que celui de se débrouiller par elle-même, Kathryn appelle son assistant normalement en congé aujourd'hui, s'excusant auprès de lui comme elle lui demande de venir la remplacer une ou deux heures, le temps pour elle d'aller récupérer sa fille. L'homme, compréhensif, accepte et ce n'est qu'après l'arrivée de ce dernier que Kathryn prend don véhicule pour rouler en direction du quartier jungfernstieg où elle se gare à deux pas de Haerlin. Rapidement dirigée vers la salle de réception, elle salut Monsieur Rosenbach de sa politesse habituelle, sans échapper à quelques interrogations de la part de ce dernier.

«- Oui, malheureusement ce n'est visiblement pas la meilleure. Elle est là en remplacement, la nourrice habituelle a prit ses congés pour tout le mois, elle est rentrée en Angleterre.» répond Kathryn.

Le regard de la mère se pose sur la silhouette de sa fille, qui ne mange plus rien et s'est ratatiné sur sa chaise. Kathryn ne compte pourtant pas la gronder. Elle ne le fait pratiquement jamais. Elle préfère expliquer aux enfants ce qui est mal et pourquoi ça l'est, pourquoi ils ne doivent pas faire ça. La fillette aurait put faire n'importe qu'elle mauvaise rencontre sur sa route et disparaître en faisant une phénoménale frayeur à ses parents, comme Sybille l'avait fait aux siens il y a quelques jours.

«- J'étais à un mariage, mon assistant m'y remplace.» indique la blonde avant de rejoindre sa fille comme Magnus la laisse passer, prenant celle-ci dans ses bras avant de faire savoir que maman était très inquiète et qu'il ne fallait plus lui faire cela.

Un nouveau chef ? Il faudra effectivement qu'elle goûte la cuisine de ce dernier. S'ils font affaire ensemble, Kathryn n'en est pas moins une dame du monde, qui aime sortir et profiter des jolies choses, des bonnes choses. Un dîner au Haerlin avant une représentation au théâtre est typiquement le genre de soirée qu'elle apprécie quand elle s'accorde un peu de temps pour elle.

«- Effectivement, il faudra. Mais je ne doute pas que vous avez rigoureusement sélectionné ce nouveau chef.»

Et ce d'autant plus qu'ils font affaire ensemble et qu'elle ne peut recommander à ses clients un chef dont elle ne connaît pas la qualité. Le précédent avait cependant mit la barre haute – pour Kathryn du moins – et le nouveau devrait faire ses preuves, assurément.

«- J'espère qu'elle ne vous a pas posé trop de problèmes.» ajoute-t-elle en parlant de sa fille, qu'elle tient toujours entre ses bras.