(HENRY & WALTER) to be well dressed you must be well naked

Quelle idée de génie, ruminait Walt tandis qu'il s'acharnait à passer par la petite fenêtre de la salle de bain de son amante qui donnait sur les escaliers de secours. Non mais vraiment, fallait pas être futé pour entretenir une liaison avec une femme mariée, qui plus est dans son appartement, quand son mari était susceptible de rentrer à n'importe quelle moment. Il faut dire qu'elle n'était pas vraiment maligne non plus. Il fallait être gourde pour jeter tous ses fringues par la fenêtre sous le coup de la panique. C'est pourquoi il était là, à poil, avec une chaussette seulement pour cacher ses attributs viriles, debout sur le palier. Il ne pouvait décemment pas descendre comme ça dans la rue. Non pas qu'il avait honte de son corps, mais une plainte pour atteinte à la pudeur était bien la dernière chose dont il avait besoin. Comment expliquerait-il ça à sa femme ? "Excuse moi chérie, j'étais en train de me balader dans le centre ville, en plein mois de février, et j'ai eu un peu chaud, donc j'me suis désapé pour me baigner dans la fontaine de la place". Même avec tout l'humour du monde qu'elle pouvait parfois -il faut le reconnaître- avoir, il y avait peu de chances que ça passe. Il se glissa donc par une des fenêtres de l'immeuble, qui donnait sur l'étage juste en dessous de celui dont-il venait, et pria pour qu'un bon samaritain puisse lui donner ne serait-ce qu'un slip. Il se posta donc dans le couloir, hésitant sur la porte à choisir pour y frapper et implorer un peu de pitié, cherchant une excuse valable au fait qu'il était à poil, dans les couloirs d'un immeuble dans lequel il n'habitait pas, à trois heures de l'après midi, lorsqu'il entendit une poignée tourner doucement. Il ne savait pour l'instant s'il devait dire merde ou amen.

Le réveil indique presque quinze heures, lorsque le jeune homme ouvre les paupières, émergeant à peine d'un sommeil agité, loin d'être réparateur. La nuit est passée à une vitesse alarmante et il ne s'est endormi qu'au petit matin. Il a passé la nuit à ruminer sa décision d'emménager dans cette ville, à se demander si se rapprocher de sa famille est réellement la bonne chose à faire. Et lorsqu'il s'extirpe de son lit, sans réelle motivation, il n'a toujours pas de réponses à ses interrogations. Son reflet dans le miroir ne l'éclaire pas davantage. Il y remarque néanmoins de vertigineuses cernes sous ses beaux yeux, qu'il déplore en jurant entre ses mâchoires serrées. Il est habitué à être en parfait décalage avec le monde entier, son statut de chômeur n'aidant pas, mais sa gueule de dépravée lui ferait presque honte, à cette heure-ci de la journée. Déterminé à se faire violence pour sortir, il se dirige vers la salle de bain pour se doucher rapidement et en ressort plus réveillé. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour s'habiller, prendre ses clefs et poser la main sur la poignée de la porte d'entrée. Grossière erreur. Il a le nez collé sur son portable lorsqu'il ouvre la porte en grand. Une présence lui fait lever les yeux et, pour un peu, il en lâcherait son téléphone. Il n'a pas encore rencontré ses voisins et il ne s'attendait certainement pas à ce spectacle. Face à lui, un type, totalement nu, à un détail près. Henry a une grande gueule en temps normal, mais là, aucun mot ne sort, si ce n'est un "J'hallucine." Murmuré entre ses lèvres entrouvertes. Ses yeux écarquillés se tapent un petit haut-bas, dévisageant le brun avec un mélange de surprise et d'incompréhension. Il reste figé sur le pallier, indécis quant à la réaction à adopter. Fuir, s'enfermer, appeler les flics, déménager. Finalement, c'est le cocasse de la situation qui l'emporte. Il porte une main à ses lèvres pour dissimuler son sourire et appuie son épaule contre l'embrasure de porte. "Sympa, le comité d'accueil." Son sourire est assez moqueur, mais son ton désinvolte et détaché n'est pas méchant.

Walter sursauta presque lorsqu'un gamin, qui ne devait pas avoir plus d'une bonne vingtaine d'année, ouvrit l'une des portes du palier. Bon dieu, qu'il avait l'air con comme ça. Il couvrit sa nudité du mieux qu'il pût, tout en tentant de ne pas avoir l'air d'un psychopathe meurtrier nudiste. Ce qui était, dans cette situation, plutôt compliqué à gérer. Il se rendait bien compte qu'il avait l'air de tout, sauf d'un mec équilibré. Il tenta de faire un signe avenant de la main, sans dévoiler son service trois pièces -périlleuse acrobatie s'il en est-.  Le jeune lâcha un commentaire sur le comité d'accueil. Probablement un nouvel arrivant. Mais -étrangement-, son ton n'était pas hostile. Plutôt moqueur, mais avec une légère pointe de compassion. Difficile de faire autrement, il faut dire qu'il devait faire pitié, dans cette situation. "C'est une longue histoire", lâcha t-il dans un soupir. C'était pas vraiment exact. Une histoire gênante, c'était plutôt le terme. Voir ridicule. Il ferma les yeux une seconde, essayant de reprendre ses esprits. Et ce gamin qui ne le lâchait plus des yeux ne rendait pas la chose aisée. "Je m'appelle Walter, et j'ai, comment dire... Eu un petit contretemps." Il se sentait vraiment très con. Et cette putain de chaussette qui menaçait de se faire la malle à chaque seconde n'aidait pas. "Je sais que ça peut paraître quelques peu cavalier, mais... T'aurais pas un jean à me prêter ?" Dieu merci, ils semblaient faire environ la même taille. Enfin, il faudrait qu'il rentre le ventre -et encore, pas sur qu'il puisse le fermer-, mais il ne l'admettrait probablement pas. "Si c'est pas trop te demander bien sur." Il pria sa bonne étoile pour que le jeune homme accepte de le dépanner. Il n'avait pas vraiment de plans B à cet instant précis.