Légère insomnie qui t’obligea à te lever pour poser sur une partition vide quelques notes abandonnées, germant dans ton pauvre esprit encore un peu fatigué. Petit synthé sous les doigts, casque sur les oreilles pour éviter de réveiller ton père, te voilà en train de composer une douce mélodie mélancolique en pleine nuit. Les notes s’enchaînent, les accords se posent doucement. Tu grimaces, agacé, peu satisfait de tes choix avant d’effacer et de recommencer pour que l’harmonie soit présente. Tu finis par sourire, heureux de voir que tu n’avais rien perdu avant de faire une pause.

Tu lèves un sourcil avant de retirer ton casque rapidement alors que tu sembles avoir entendu du bruit au rez-de-chaussée. Étrange. Tu regardes l’heure rapidement sur ta montre et te dis que c’est peut-être ton frère qui est rentré plus tard que prévu. Tu te lèves pour aller vérifier avant d’entendre qu’on ouvrait le frigo. Oui non. Possiblement Mathias. Tu grimaces avant de remonter pour chercher un pull, le mettre et te met à descendre doucement les escaliers. Contrairement à vous deux, votre père a besoin encore de toutes ses heures de sommeil et le mettre de mauvaise humeur pour le lendemain serait dramatique pour ses élèves.

Tu apparais alors dans le salon en pouffant, voyant ton aîné déjà en train de partir dans les bras de Morphée. Il a dû avoir une journée plus qu’épuisante au restaurant. Alors tu viens à pas de loup prendre le plaid pour lui ajuster avant de disparaître à ton tour dans la cuisine, prendre une pomme pour remonter finir ta complainte mélodique… Jusqu’à ce que le soleil se pointe. Tu grimaces et profites d’être déjà debout pour descendre préparer le petit-déjeuner pour tout le monde. Tu essayes de faire le moins de bruit possible et attends avant de faire marcher la centrifugeuse, te contentant d’éplucher les fruits pour le jus.

Tu mets de côté les boites à thé et café avant d’entendre un râlement du côté du salon. Tu pouffes et approches en murmurant.

- Tu le sais pourtant qu’avec le temps, ce vieux canapé est tout sauf confortable ? Dure journée hier ?

Tu lui tapotes la tête et profites alors pour faire les toasts avant même d’avoir sa réponse. Tu fais attention, parce que les tartines sont spécifiques à chacun et en déposes deux sur la table basse devant ton frère.

- Tient. Papa est pas encore debout.

Il ne voulait pas plus vous réveiller que le brun dit quand tu affirmes que dormir sur ce vieux canapé était sauf bénéfique pour le dos. Puis, vu vos âges, les dégâts ne se feront ressentir que dans quelques années. Vous commenciez à peine la trentaine tous les deux, trop jeunes pour que les effets du temps agissent, mais tout juste assez pour que la fatigue vous rattrape quand vous forciez sur les heures de sommeil. Tu récupères ton propre petit-déjeuner pour te poser sur l’îlot central, après avoir servi ton frère. Bien sûr, ce dernier réagit un peu rapidement au tapotage de tête, ce qui te fait sourire.

Ouais, apparemment ça a duré plus que prévu, le service s’était allongé dans la durée. La restauration, ce monde si féroce, dévoreur de temps. Tu retournes alors dans la cuisine pour commencer à souffler sur ton thé alors qu’il te rejoint. Tu te masses la nuque à la question et soupires.

- J’ai pas envie d’aller au studio aujourd’hui… On va avoir un client très chiant, je le sens. Et avec mon boss, on est même sûr que son single fonctionne, mais hey… Il a payé pour la location, en avance en plus. Nous, on doit juste enregistrer, mixé et basta. Le reste, c’est entre les mains de sa maison de disques.

Maison de disques obscure en plus, dont tu n’avais jamais entendu parlé avant et Dieu sait que tu restes plutôt au courant de ce genre de circuit. Tu finis par hausser les épaules en croquant dans ta tartine.

- Sinon, j’ai rencontré une nana il y a quelques mois. On s’entend bien et tout. Elle travaille à l’aquarium.

Tu t’arrêtes dans ton récit, plisses les yeux et pointe ton frère du doigt.

- C’est une amie ok ? T’imagines pas des trucs.

- Non, non. On va respecter la charte graphique de la maison de disques, mixer pour que ce soit écoutable et le reste ne dépendra plus de nous.

Que tu justifies à ton frère quand il demande si ton but en allant au travail ce matin est de faire en sorte que l’on n'écoute pas le single. Mais non. Le client et penser aux futurs auditeurs avant tout. Mais bon, ce n’est pas vraiment ton taff non plus, le marketing. Tu enchaînes ensuite sur un autre sujet avant de te rendre compte que tu aurais dû tourner ta langue dans ta bouche avant de parler, voyant bien la curiosité naissante dans le regard de ton frère.

*Moi et ma grande g...*

Que tu penses très fort en reposant ta tartine dans ton assiette, passant une main sur tes yeux en soupirant doucement quand il dit que c’est juste une amie… Tu prends une grande inspiration avant de baisser la main, toiser ton frère d’un regard blasé et secoues négativement la tête.

- Oui, juste une amie.

Parce qu’il y a toujours une ombre au tableau. Une ombre venant de toi, un petit quelque chose qui t’a toujours empêché d’avoir une relation amoureuse, qui te fait toujours peur quand tu dois en parler à quelqu’un. Tu apprends aussi doucement avec les associations comment se dire que ce que tu vis est possible, normal et que cela n’empêche pas une vie amoureuse stable, mais tu ne sais pas encore si tu rencontreras une femme qui soit aussi compréhensive… Et elle… Elle… Tu baisses la tête doucement, murmurant en mâchant ton petit-déjeuner.

- Cachidy.

Oui alors… Tu viens littéralement de déformer le nom en parlant la bouche pleine hein ? Mais ce n'est pas grave. On va dire que votre père n'est pas encore debout pour te faire la remarque. Tu hausses un peu les épaules en avalant ta bouchée.

- Elle est gentille.

Bon bah, c’est à côté de la plaque hein ? Pas du tout en lien avec ce que ton frère disait, mais c’est un bon début.