Exes are like bloodsuckers, goddamn vampires ! - Ft. @Valentina Herwig

Le professeur de yoga remercia ses élèves assidus d'un "Namasté" en s'inclinant vers l'avant. Les protagonistes visés, principalement composés de la gente féminine, imitèrent son geste pour clore cette séance de relaxation et d'exercices. Kathy aurait dû se sentir plus détendue, mais la journée avait été harassante. L'hôtel était complet pour ce week-end et il y avait encore beaucoup de préparatifs à prévoir, sans parler du fait qu'elle avait entamé les travaux de rénovation, certaines ailes étaient donc encore occupées par les différents corps de métier. Elle leur avait demandé de terminer pour ce soir, mais elle se doutait pertinemment que les peintres allaient déborder sur la matinée. S'en suivrait un véritable marathon de ménage afin que les premiers clients qui débarqueraient fin de matinée ne se rendent compte de rien. Pour ne rien gâcher, son chef cuisinier avait été absent toute la journée, et il ne lui restait plus que la matinée de demain pour acheter toutes les provisions dont il avait besoin pour assurer le service du lendemain midi.

Kathy s'était sauvée à sa séance de yoga vers 16h, pressée de faire un break. C'était soit ça, soit elle allait finir par s'en prendre à son personnel, et ce n'était pas son style. Soufflant copieusement en enroulant son tapis, elle tenta d'évacuer les dernières tensions qui s'accumulaient principalement au niveau de ses épaules. Elle qui pourtant était de nature optimiste et d'un courage à toute épreuve, la reprise de cet hôtel-restaurant était un véritable défi, et la mère de famille n'était pas vraiment coutumière des traditions locales, ce qui rendait la tâche bien plus ardue.

Son téléphone sonna à cet instant, et elle maudit l'univers en voyant apparaître le nom de son ex-mari. S'il l'appelait, elle se doutait que ce n'était pas pour lui annoncer une bonne nouvelle...

"Bonjour Nick." força-t-elle poliment avec un sourire pincé.

Evidemment, Monsieur lui annonçait qu'il rentrait pour le week-end pour voir les enfants, et comme d'habitude il avait l'intention de passer son temps à la maison. Combien de fois lui avait-elle répéter que les choses devaient changer, et qu'ils étaient divorcés désormais, ils ne pouvaient pas se faire de pyjamas-party à chaque fois que sa famille lui manquait. C'est lui qui avait choisi cette situation en lui étant infidèle, et elle comptait bien faire en sorte qu'il l'accepte.

"Je t'ai déjà demandé un million de fois au moins de te trouver un appartement, Nick. Cette maison c'est chez moi maintenant, on est plus à LA... Non ! ... Oh et puis laisse tomber, j'ai bien assez à faire ce week-end, je serais à l'hôtel de toutes façons. Mais crois-moi bien qu'on en reparlera... Oui, encore ! ...Parce que tu veux que je te récupère à l'aéroport en plus ? Prends un taxi, Nick, ou trouve-toi une copine comme tu sais le faire !"

Kathy lui raccrocha littéralement au nez, excédée. Quelques regards s'étaient tournés vers elle alors que la pièce se vidait peu à peu de ses occupants. Elle avait parlé un peu fort sur la fin, mais il avait le don de la mettre hors d'elle. Les conversations avec son ex-mari n'étaient pas toujours aussi houleuses, bien heureusement ils parvenaient à donner le change, au moins devant les enfants. Mais elle se faisait un point d'honneur à mettre des barrières entre eux avec ce déménagement à Hambourg, il ne pouvait pas tout avoir, sa femme et sa liberté, ce n'était pas compatible. En redémarrant une nouvelle vie, elle comptait bien elle aussi rencontrer quelqu'un, et c'était hors de question de cohabiter avec son ex le week-end si son nouvel amant partageait un peu plus que son lit.

Une autre femme, de son âge environ ou quelques années de moins, l'observait un peu plus attentivement que les autres en rangeant elle aussi ses affaires. Kathy lui adressa un sourire désolée, levant les yeux au ciel en lui disant :

"Désolée, c'est mon ex-mari... Il a le don de... m'énerver. Intensément."

Ce soir, ses enfants sont partis chez son ex-mari pour le weekend, comme c'est le cas un vendredi sur deux et ce depuis leur divorce il y a déjà un an et demi. Malgré cela, ce n'est toujours pas une situation facile pour Valentina et lorsqu'elle était sortie du travail, elle avait triste mine, songeant à l'absence de ses enfants, à la maison trop calme, trop vide, qu'elle allait retrouver en rentrant. Heureusement pour elle, tout d'abord, elle pourrait aller se défouler et se détendre au yoga, retrouver le professeur et les autres pratiquants, pour une séance qui lui permettrait de se vider la tête. Naturellement, cela ne va pas supprimer tous ses problèmes, mais pouvait espérer que cela lui ferait tout de même du bien et que, pendant un petit moment, elle ne penserait pas ni à ses enfants qui ne seront pas là, ni au fait que son ex-mari a trouvé une nouvelle compagne, dont elle ne sait toujours pas si cette dernière est correcte avec ses enfants, ou non. Elle leur a bien dit qu'ils pouvaient lui parler de tout en cas de problème, mais elle ne peut pas être sûre et certaine qu'ils le feront si le besoin s’en fait sentir, par peur peut-être de décevoir leur père ou de lui causer du tort, de la peine. Cela l'inquiète évidemment. On entend parfois des affaires sordides au sujet des belles-mères et, naturellement, Valentina ne peut pas s'empêcher de s'inquiéter à l'idée qu'une inconnue puisse avoir ce genre de comportements déviants à l'égard de sa progéniture. Si son ex-mari a trouvé quelqu'un, elle espère que cela soit une femme honnête, douce, qui traite correctement les enfants que son compagnon a pu avoir d'un premier mariage. Mais, alors qu'elle ne connaît pas personnellement cette femme, elle ne peut en être sûre et doit continuer de vivre avec ses interrogations.

La leçon terminée, les participants rejoignent les vestiaires pour se changer, certains discutant ensemble lorsque d'autres restent dans leurs pensées. C'est le cas de Valentina qui s'occupe de ranger ses affaires, l'esprit déjà perdu dans les dossiers qu'elle pourra travailler ce weekend pour s'avancer, pour pouvoir être parfaitement présente pour ses enfants le weekend prochain. Mais, ce soir, elle n'a pas vraiment la tête à travailler. Elle pourrait éventuellement prendre un bon verre de vin devant la télévision… Non pas qu'elle soit férue d'une quelconque émission que ce soit mais elle pourrait peut-être anesthésier son esprit comme ça. À moins qu'elle ne suive le même programme en remplaçant la télévision par un bon livre.

Au milieu des vestiaires, il y a une femme qui se manifeste un peu plus que les autres et qui semble particulièrement s'agacer au téléphone, comme elle parle à un interlocuteur inconnu. Valentina la regarde fixement comme l'énervement est palpable. Heureusement qu'elles sortent tout juste d'un cours de yoga supposé les détendre… Pour la détente, à l'évidence, on repassera. Valentina est toujours aux prises avec ses pensées finalement et cette femme, à l'évidence, vient tout juste de perdre tous les bénéfices de sa séance. Quand elle raccroche, elle a l'air particulièrement agacée par quelque chose, sans que la blonde ne sache exactement de quoi il s'agit. Mais ce ne sont pas ses affaires. Pourtant, elle continue de regarder cette femme, presque compatissante, et cette dernière, en remarquant son regard posé sur elle, explique alors qu'elle parlait à son ex-mari et qu'il l'énerve. Valentina esquisse un sourire en rangeant une paire de chaussettes dans son sac de yoga.

"- Ce n’est pas ce qu’ils font tous ?"

Elle acquiesça d'un soupir qui en disait long et d'un regard entendu. La façon dont elle l'observait et sa réponse lui donnaient quelques indices sur sa situation, et comme beaucoup de femmes de leur âge, il semblait qu'elle aussi était passée par là.

"Au fait, moi c'est Kathy."

Elle lui tendit la main et arbora un sourire amical. Depuis son arrivée, à part ses enfants et son équipe au restaurant, elle ne s'était pas fait beaucoup d'amis. La rénovation des lieux l'occupait beaucoup, et gérer le planning de sa progéniture seule n'était pas chose aisée. Le plus clair de son temps hors travail se résumait à faire taxi : l'école, les activités extra-scolaires, les courses... Même si Nick n'avait pas été le plus présent des maris, elle avait au moins pu profiter à cette époque de quelques instants de répit par-ci par-là pour profiter de son propre temps libre.

"On peut dire que c'est plutôt raté pour la relaxation cette fois-ci... Je crois bien que la seule chose qui va m'éviter de l'étriper quand il passera la porte dans quelques heures, c'est un verre de vin. J'ai vu un bar au coin de la rue toute à l'heure en arrivant, si vous voulez me rejoindre, n'hésitez pas. J'y serais certainement une petite heure avant de devoir retourner à mes obligations familiales."

Kathy se saisit de son sac désormais rangé, et l'envoya valser sur son épaule. Elle avait revêtue un petit chemisier cintré de couleur blanche, glissé dans la ceinture de son jean noir pour un petit effet bouffant au niveau de sa taille. Une simple vérification devant les glaces du vestiaire quant à sa chevelure lui permit de replacer deux trois mèches dans sa queue de cheval bien tirée. Avec un dernier sourire vers sa nouvelle connaissance, elle se dirigea vers la sortie du gymnase.

Ouai, les ex-maris, toujours là pour énerver les ex-femmes, c’est un fait. Valentina en sait quelque chose, puisqu’elle est elle-même divorcée et que tout n’est pas toujours tout rose dans cette situation. Avec Owen ils ont des hauts et des bas, c’était déjà le cas sur la fin de leur mariage mais cela se poursuit maintenant avec la garde des enfants qu’il faut organiser et pour laquelle ils ne sont pas toujours d’accord sur tout, évidemment. Parfois il faut essayer d’inverser les week-end de garde et ce n’est pas toujours simple. Parfois son ex-mari oublie ses responsabilités et elle doit aller chercher elle-même ses enfants le vendredi, quand cela n’était pas prévu. Parfois, elle apprend au dernier moment que son mari a besoin de switcher des week-end. Un bonheur sans fin, inimaginable.

"- Enchantée, Valentina !"

Comme la femme lui tend la main en se présentant, la quadragénaire fait de même, la saisissant en lui adressant un sourire, se présentant elle-même. Puis, lâchant la main de cette femme, elle recommence à ranger ses affaires dans son sac, écoutant cette dernière qui parle, non sans esquisser un petit sourire. Effectivement, pour cette fois, la relaxation n’est pas vraiment à l’ordre du jour. On peut dire qu’elle s’est rapidement envolée à la fin de la séance. Rapidement envolée, le temps d’un simple coup de fil. Elle n’imagine que trop bien l’agacement de son interlocutrice. Cela pourrait être elle, connaissant ses relations conflictuelles avec Owen, à ceci près qu’il dispose de sa propre demeure et ne s’incruste plus vraiment chez son ex-femme.

La blonde passe son sac sur son épaule, affirmant qu’un bon verre de vin lui fera le plus grand bien pour ne pas placarder son mari, enfin ex-mari, contre un mur quand il arrivera et cette information ne manque pas de faire sourire Valentina. Un bon verre de vin répond parfaitement à ses plans pour ce soir, elle ne peut donc que comprendre son interlocutrice. Mais elle ne s’attendait pas à ce que cette dernière l’invite carrément à se joindre à elle pour cela. Elle réfléchit un peu, en finissant de ranger ses affaires, puis sort par la même porte que la dénommée Katherine juste un peu plus tôt, repérant rapidement le bar dans lequel celle-ci devait l’attendre.

"- Rebonsoir..." annonce-t-elle avec un sourire en rejoignant la femme à une table à laquelle elle s'est déjà installée.

Kathy s'empressa de parcourir les quelques dizaines de mètres qui la séparaient du bar, guettant sa montre pour être sûre d'avoir cette petite heure entière à elle. Si le yoga avait été gâché par l'appel de son ex-mari, elle comptait bien couper son téléphone pour cette heure entière afin de savourer le calme et la tranquillité, et surtout l'effet relaxant qu'allait lui procurer quelques gouttes d'alcool. Elle poussa la porte en conquérante, et repéra une table libre. L'endroit était assez petit, mais cosy et elle s'y sentit immédiatement à l'aise. La décoration était un peu vieillotte, certes à revoir selon ses goûts, mais le serveur qui s'approcha rapidement d'elle avec un magnifique sourire lui fit bien vite oublier ce petit détail. Elle commanda un verre de vin rouge, il lui faudrait au moins ça pour anéantir son stress, "a big one" précisa-t-elle au passage. Le serveur lui lança un client d'oeil et un regard entendu, repartant avec son plateau derrière le bar.

Quelques minutes s'écoulèrent avant qu'un visage connu ne franchisse la porte, il s'agissait de la femme avec qui elle avait échangé à la fin de sa séance de yoga, Valentina. Elle l'accueillit avec un grand sourire, heureuse de partager ce moment avec elle.

"Hey, ravie que vous soyez venue !"

Le serveur arriva au même moment avec sa commande, et elle l'interpella afin qu'il serve sa partenaire d'apéritif. Lui laissant le soin de prendre ce qu'elle désirait, Kathy attendit qu'il s'éloigne un peu avant de reprendre.

"À votre réaction toute à l'heure, j'imagine que vous avez eu une expérience similaire... Divorcée, je présume ?"

La réponse par l'affirmative semblait être plus que logique. D'ailleurs, quelle femme quadragénaire ne l'était pas actuellement ? Comme si c'était une espèce de malédiction sur leur génération. Si elle se comparait à celle de sa mère, qui était toujours mariée à son père, il semblait que l'émancipation de la femme induisait cette conséquence directe. Sa mère n'avait jamais travaillé, elle avait passé le plus clair de son temps à élever ses enfants, et peut-être que c'est cette patience qu'elle avait forgé au cours de toutes ces années qui lui avaient permise de ne jamais vouloir partir. D'accepter, les disputes, les tromperies, les mensonges...  Choses qu'une femme active et indépendante comme Kathy ne pouvait envisager à long terme. Oh bien sûr, elle avait fermé les yeux au début, pensant que ce n'était qu'une incartade passagère, comme il peut y en avoir dans tous les couples qui comptent plusieurs décennies à leur compteur. Mais Nick lui avait prouvé à quel point sa liberté et ses envies personnels étaient plus importants que de garder sa femme...

"C'est fou comme c'est toujours nous les femmes qui essayons de bien faire au final... S'il n'y avait pas les enfants, cela dit, j'imagine que ce chemin de croix aurait été plus court et plus simple... Vous avez des enfants Valentina ?"

La femme qui lui fait face se dit ravie que la blonde soit venue et cette dernière lui adresse un sourire élégant. Elle doit dire qu’elle n’avait pas vraiment de projets plus intéressant pour la soirée. En réalité, elle n’en avait aucun. Seulement celui de retrouver la solitude de son appartement et de peut-être prendre un verre de vin en faisant elle ne savait trop quoi. Ce n’était pas le plan de soirée le plus incroyable qui soit, loin de là. Elle pouvait donc totalement changer ses plans pour tenir compagnie à une inconnue, faire une bonne œuvre… Elle n’allait pas décliner une telle invitation, après tout…

"- Du pur altruisme, je vous assure !" plaisante-t-elle, de son humour si particulier.

La serveuse apporte un verre qu’elle pose sur la table et Katherine l'apostrophe pour qu’elle ne parte pas tout de suite, afin de servir quelque chose à son invitée, également. La blonde optant pour un verre de blanc, la serveuse repart rapidement et son interlocutrice engage alors la conversation, revenant sur la conversation des plus brèves qu’elles ont eu un peu plus tôt au sujet du divorce et surtout des exs-maris. Naturellement, la blonde devine que Valentina est donc elle-même divorcée pour s’exprimer ainsi, ce qu’elle lui confirme rapidement.

"- Hé bien…. Oui, j’ai l’infime honneur d’être divorcée moi aussi." acquiesce la blonde.

L’infime honneur… Bon, évidemment, elle n’en fait pas une fierté, elle aurait largement préféré vivre encore d’(amour et d’eau fraîche comme dans les premiers temps de sa relation avec son ex-mari mais le désengagement de ce dernier dans leur mariage avait été si intense que leur union s’était rapidement disloquée. Sur la fin, il n’y avait tout simplement plus rien à sauver malgré ses tentatives et elle s’était lassée de faire des efforts vains. Le schéma classique d’une rupture annoncée, finalement.  

Elle remercie la serveuse qui lui apporte son verre de blanc et le soulève pour trinquer “au divorce” avec son interlocutrice. Comme beaucoup de femmes de leur génération, elles sont dans le même bateau, l’une comme l’autre. Et forcément, c’est toujours les femmes, principalement, qui en patissent, qui n’osent pas, qui hésitent à partir quand ça ne va pas, qui essaient de bien faire… parce qu’il y a les enfants.

"- Oui, deux. Adeline et Oliver. Presque des ados, maintenant." souffle-t-elle. "Et vous-même ?"

Valentina commanda un verre de vin blanc et leva son verre "au divorce" lorsque la serveuse lui apporta. On pouvait dire qu'elles avaient mis dans le tintement de ces deux verres tout leur enthousiasme face à cette problématique, et c'était bien évidemment plus qu'ironique. Kathy ne pensait pas se retrouver à presque 60 années célibataire et de retour sur le marché des coeurs. Pourtant, ce n'est pas les hommes seuls qui manquaient, mais le goût à avoir des rendez-vous romantiques n'y était pas encore. D'ailleurs elle n'était même pas certaine d'être très à l'aise dans l'exercice. Quand vous aviez connu le même homme pendant presque 30 ans, comment s'habituer à un nouveau visage, à de nouvelles habitudes ? Elle préférait de loin se plonger dans son travail et ses enfants, chose qu'elle savait pratiquer sur le bout des doigts. La blonde répondit à sa question sur les enfants, et comme elle, elle en avait deux issus du fruit de son union passée.

"Tout pareil, deux enfants. Luke a 18 ans, et va bientôt quitter le nid si on en croit les légendes, mais j'espère bien le garder encore quelques années le temps de ses études. Lenny a 12 ans, elle aussi, grandit trop vite... Cela dit, comme mon ex a décidé de squatter pour ce week-end, il peut bien s'en occuper un peu pendant que je prends du bon temps !" dit-elle avec une mine résolue, sourire pincé en relevant encore une fois son verre avant d'en déguster quelques gorgées.

Son regard se posa sur les personnes autour d'elle, le bar commençait à se remplir doucement en ce début de soirée. Cela faisait quelques semaines à cause du déménagement qu'elle n'avait pas partagé un moment entre filles, et cela lui était très agréable. Même si elles venaient de se rencontrer, la présence d'une femme lui faisait du bien, et elle sentait quelque part qu'elles avaient énormément de points communs. Reportant son attention sur son interlocutrice après avoir scanné la foule, elle se pencha légèrement en avant comme pour entrer dans une confidence.

"Dis-moi... Maintenant que la glace est brisée grâce à ce fabuleux sirop de vignes et ce coup de fil très embarrassant, comment tu le vis ? Tu as tenté de croquer de nouvelles pommes ?"

Kathy était plutôt de nature curieuse et entreprenante, elle espérait ne pas froisser la quadragénaire. De plus, elle avait opté pour le tutoiement cette fois-ci, qui était plus de circonstances dans un tel contexte bien qu'elles ne se connaissaient que depuis très peu de temps. Lors de son tour de salle, elle avait bien repéré deux hommes d'approximativement leur âge plus loin au bar qui lançaient quelques oeillades insistantes vers elles. Probablement des sorties de bureau à cette heure-ci, un after-work entre collègues. Sa tête fit quelques mouvements en direction des hommes pour signifier à Valentina leur présence et attention.

"Je dis ça parce qu'apparemment deux belles blondes dans un bar ne passent pas inaperçues auprès de la gente masculine." reprit-elle avec un sourire amusée.

Elle grimace lorsque son interlocutrice présente brièvement ses enfants, évoquant le fait que l’aîné allait bientôt quitter le cocon. Non, elle a encore le temps avec Adeline. Elle n’est pas pressée. Elle a déjà du mal à vivre la séparation quand ils sont chez leur père en week-end… Elle ne veut pas penser au moment où ses enfants seront suffisamment grands pour voler de leurs propres ailes, pour avoir leur nid douillet et la laisser seule. Pour faire quoi, au juste ? Que sera sa vie à ce moment-là ? Comment pourra-t-elle l’occuper ? Elle n’en a aucune idée. En dehors de ses enfants et de sa carrière, elle n’a pas grand chose. Le yoga. Mais ça ne remplit pas une vie en soi. Quand ses enfants voleront de leurs propres ailes… Elle ne sait pas vraiment ce que deviendra son but. Et ça l’inquiète. Alors elle repousse cette pensée.

"- Ils grandissent toujours beaucoup trop vite, on devrait pouvoir arrêter leur croissance !" affirme la blonde, l’expression de son visage appuyant cette déclaration. "Je sais qu’ils grandissent mais penser au moment où je deviendrai inutile pour eux…" elle frissonne. "Mais effectivement… Autant que l’ex serve à quelque chose…"

Enfin, en ce qui la concerne, elle n’a surtout pas le choix, puisque c’est le week-end d’Owen. Pas que ça l’enchante, elle préférerait avoir ses enfants avec elle. Mais depuis le divorce, ils s’emploient tous deux à respecter les termes de celui-ci, notamment en ce qui concerne la garde des enfants, d’autant plus qu’elle est à son avantage. Elle préfère ne pas donner à son ex mari de raisons de changer la donne. Les choses étaient très bien comme elles étaient, assurément.

La blonde se penchant un peu vers elle pour la questionner en toute intimité, Valentina manque de s'étrangler avec son vin en entendant la question qui lui est posée. De la part d’une inconnue, même si Katerine l’est de moins en moins, cela reste un peu gênant d’évoquer une quelconque sexualité, même si elle n’a rien à dire de ce côté là. Il faut dire qu’elle ne cherche pas vraiment. Elle ne s’est pas inscrite sur les applications de rencontre, ne voit pas forcément quand on essaie de flirter avec elle et ne flirte pas non plus. Pas qu’elle pense encore à son ex-mari. C’est plutôt à un de ses collègues et subordonné, qu’elle pense, sans que les choses ne bougent vraiment avec ce dernier. Enfin, elle peut même dire qu’ils en sont au point mort. Et elle ne sait même pas comment s’en sortir, comment aborder le sujet avec lui. Peu importe dans quel sens elle tourne la chose dans sa tête, ça n’a rien de rassurant.

"- Non, pas vraiment." répond la blonde avant de jeter un coup d’oeil en direction des hommes dont parle son interlocutrice "Ça ne m’intéresse pas, mais si jamais vous vouliez allez leur parler, ne vous génez surtout pas pour moi, vous savez…"

Kathy hocha la tête avec un sourire pincé lorsque son interlocutrice évoqua la future absence des enfants après leur majorité. Même si le terme "inutile" lui paraissait quelque peu fort, car même s'ils voleraient un jour de leurs propres ailes, elle espérait bien que quelque part ils auraient toujours envie de rentrer à la maison quelques week-ends pour partager des moments en famille. Et puis, un jour ils auront des enfants à leur tour, et elle sera ravie de jouer à la grand-mère idéale même si elle aurait forcément un peu de concurrence de ce côté là de la part de la belle-famille.

Valentina parut quelque peu déstabilisée par la question de la blonde, c'est vrai que les confidences sur l'intimité arrivaient un peu tôt dans la conversation, mais le contexte s'y prêtait. Et puis Kathy n'était pas du genre timide, elle en oubliait parfois que certaines personnes avaient plus de pudeur qu'elle. Probablement le fait d'avoir grandie entourée de garçons, on en oubliait bien vite avoir un semblant de vie privée quand votre frère aîné se faisait un malin plaisir à vous taquiner sur vos premières formes ou à exposer vos premiers sous-vêtements féminins à ses copains comme un idiot prétextant une façon de se venger de devoir s'occuper sa soeur en l'absence des parents. La quadragénaire lui révéla que l'attention portée par les deux hommes du bar n'avait aucune espèce d'intérêt pour elle, mais l'encouragea à profiter de l'occasion si elle le souhaitait. Kathy se redressa en lançant une main devant elle signifiant "laisse tomber", et répondit en souriant légèrement :

"Oh non, même si c'est agréable de se dire qu'à presque 50 ans on plaît encore... Je me dis que je devrais être plus attentive à ce qu'il se passe autour de moi des fois, et peut-être penser doucement à me laisser une chance de rencontrer quelqu'un d'autre, mais c'est si... étrange à faire. Je ne suis même pas sûre de savoir quels sont les codes de séduction de nos jours, avec toutes ces histoires d'applications, ça a plutôt tendance à me dépasser cette façon moderne de faire des rencontres."

La blonde sirota la dernière goutte de son verre de vin, ressentant les premiers effets la gagner. Elle accueillit la sensation de légèreté avec plaisir, se disant mentalement qu'il n'y avait vraiment rien de plus efficace pour se détendre rapidement, même si pour se donner bonne conscience le yoga était plus approprié. Elle sortit une de ses cartes professionnelles de son sac à main et la glissa à Valentina.

"En tout cas, si parfois l'envie te prend te vouloir sortir boire un autre verre et que tu n'as personne, n'hésite pas à m'appeler, ce sera avec plaisir. Et si je ne peux pas être présente, tu peux venir au restaurant, le bar extérieur donne sur l'Elbe, c'est un petit havre de paix lorsque la saison le permet. Et puis Günter fait des cocktails à tomber !"

Elle ponctua cette dernière information d'une montée au ciel de ses yeux dans leurs orbites, on pouvait aisément deviner qu'elle y avait passer quelques heures, elle, à goûter à ces fameux cocktails. Après tout, c'était la patronne, il fallait bien qu'elle valide les créations de son employé avant de les proposer aux clients. Oui, là aussi elle se donnait bonne conscience en prétextant bien faire son travail de gérante. Mais comme on disait il n'y avait pas de mal à se faire du bien.

"Tu reprends quelque chose ?" lui demanda-t-elle avant d'appeler la serveuse pour reprendre un deuxième verre de vin.

A priori, la femme qui lui fait face n’a pas non plus envie de rejoindre ces types, pas non plus l’intention de laisser qui que ce soit la séduire. Elle est plutôt satisfaite que passé 50 ans, elle puisse encore plaire et elle sent qu’elle devrait encore profiter de sa vie mais, comme elle l’explique à Valentina, c’est quelque chose de difficile, qu’elle n’arrive pas vraiment à faire. C’est étrange et la blonde peut comprendre ce que son interlocutrice veut dire. Dater quand on est divorcé, ce n’est vraiment pas la même chose que lorsque l’on est plus jeune. A l’époque, Valentina ne se posait pas les mêmes questions qu’aujourd’hui, elle n’avait pas les mêmes préoccupations. Maintenant, il faudrait que l’homme en question soit prêt à accepter le fait qu’elle soit mère, qu’elle sente que ça peut vraiment fonctionner avec ses enfants. Pas si simple. Heureusement pour elle, trouver quelqu’un n’est pas dans ses préoccupations du moment. A vrai dire, elle pense qu’elle a déjà eu largement son compte, niveau mise en ménage, avec sa précédente union.

"- Oh je pense que je ne suis pas plus au courant. Je pourrai éventuellement demander des cours de rattrapage à mes neveux si c’était nécessaire mais… Je ne sais pas trop. Je crois que toutes ces choses là ne m’intéressent plus. Et puis quand, comme nous, on a été marié une fois, on ne sait que trop bien comme les choses peuvent déraper et devenir désagréables alors je suppose que ça nous freine pour tenter autre chose, pour donner sa chance à une nouvelle histoire…"

Enfin, reste qu’elle ne sait pas vraiment où elle en est avec Adam et que ce dernier lui plaît, qu’elle pourrait peut-être faire une exception pour lui mais… Elle ne sait pas. Christin lui a bien recommandé de discuter avec lui, de poser cartes sur table mais… Ce n’est pas si simple. La trouille que la discussion ne se passe pas très bien. La trouille que cela jette un froid dans les relations quotidiennes, dans le travail. Quand on commence à avoir des vues sur un collaborateur, c’est rarement une bonne idée, en général. Rarement la chose à faire. Y’a trop de choses à perdre. Trop de merde potentielle à venir.

Comme son interlocutrice se propose pour l’accompagner à ses sorties ou pour que Valentina vienne faire un tour au restaurant, cette dernière la remercie chaleureusement. C’est très gentil de sa part, même si Valentina a rarement le temps de sortir, même si elle prend rarement ce temps pour elle. Il faut dire qu’elle s’oublie souvent, partageant son temps entre ses enfants et son boulot, avançant son travail quand les enfants sont chez leur père, faisant des heures supplémentaires, pour pouvoir leur consacrer autant de temps que possible quand elle les voit.

"- Je ne sors pas souvent, je dois bien le dire, mais ce serait avec plaisir. C’est quel restaurant exactement ?" s’enquit la blonde.

Elle temps la main, attrape son verre afin de le porter à ses lèvres, le terminant de même que Katherine qui propose rapidement de prendre autre chose. Valentina acquiesce. Heureusement qu’elles avaient parlé de prendre seulement un verre, un peu plus tôt… Il semblerait en fin de compte qu’elles revoient un peu leurs plans.

"- Mhhh hé bien, si tu en reprend un également, je me laisserais peut-être encore tenter par un verre de blanc."

L'idée qu'elle n'était pas seule à se sentir perdue face à cette nouvelle vie de divorcée rassura un peu Kathy. Le constat était qu'il faisait tous face aux mêmes difficultés, bien que peut-être un peu moins la gente masculine qui retrouvait la liberté comme un nouveau souffle. Si son ex-mari gardait un pied à la maison de temps en temps, il paraissait s'épanouir à ne plus se cacher pour enchaîner les conquêtes. Pour son âge, c'était un homme très séduisant, et régulièrement il fréquentait des femmes beaucoup plus jeunes que lui, même si elle se doutait que l'épaisseur de son portefeuille n'y était pas étranger. Conclusion, tout était toujours plus difficile pour les femmes, même si ces messieurs s'évertuaient à dire le contraire.

Valentina accepta avec une satisfaction non dissimulée sa proposition de se revoir plus souvent autour d'un verre et un grand sourire de la blonde réceptionna ses paroles. Elle venait de se faire une amie, ce qui lui réchauffa un peu le coeur. Même si elle n'avait pas encore eu le temps de ressentir la solitude et le mal du pays depuis son arrivée récente, elle se doutait que le sentiment ne serait pas long à toquer à sa porte. Elle se remémora avec émotion son groupe d'amies qu'elle avait laissé derrière elle à LA, et se dit que grâce à cette nouvelle connaissance, l'éloignement en serait moins dur. La quadragénaire la questionna sur le restaurant, et c'est avec enthousiasme que Kathy lui répondit.

"Il s'agit de l'Hôtel Altona, son ancien propriétaire l'avait mis en vente depuis quelques mois et j'ai sauté sur l'occasion pour reprendre l'affaire. J'avais mon restaurant à LA en bord de plage, alors j'espère y apporter un peu de ma touche personnelle dans les mois qui viennent. En ce moment, entre gérer les clients et m'occuper des travaux de rénovation, je t'avoue que mes journées sont bien remplies. Plus la maison et les enfants, il va sans dire... Mais au moins ça m'occupe !" Elle laissa échapper un petit rire avec un regard appuyé complice l'air de dire "si tu vois ce que je veux dire". "Le cadre est magnifique, et les employés sont des amours. Je suis contente d'être bien entourée là-bas, et ils ont la patience de m'expliquer un peu les coutumes allemandes."

Sa main tendue droite était venue contre sa bouche à la fin de sa phrase, comme si elle révélait un secret. Oui, elle n'était pas d'ici et parfois cela se ressentait grandement. Elle l'américaine exubérante, parlant fort avec de grands gestes, avait le don parfois de se frotter au flegme plus froid des locaux et il fallait bien avouer que ça ne passait pas toujours. Pourtant, elle s'adapterait petit à petit, ce n'était pas quelque chose qui avait tendance à la stresser outre mesure. Le temps de prendre ses marques, les relations humaines deviendraient plus fluides, c'était son fort après tout, aussi loin qu'elle s'en souvienne, les gens s'attachaient vite à son caractère enjoué.

"À part la déco, on travaille sur une nouvelle carte avec mon chef, j'aimerais amener un peu de chez moi ici. J'ai mon fournisseur californien de vin, et puis j'ai constaté que notre cuisine ressemblait pas mal à ce que vous appelez la cuisine méditerranéenne, plein de petits légumes colorés, des bons produits frais..."

La blonde était intarissable lorsqu'elle parlait de son travail, c'était quelque chose qui la passionnait et qui lui tenait grandement à coeur. Alors qu'elle termina son discours, elle se rendit compte qu'elle n'avait même pas demandé à son interlocutrice ce qu'elle faisait elle-même pour son gagne-pain.

"D'ailleurs, et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie ?"

Valentina se laissa tenter par un autre verre de vin, et sans plus attendre la blonde leva le bras en direction de la serveuse pour lui signifier une autre tournée. Celle-ci acquiesça de loin et ne tarda pas à leur apporter deux nouveaux verres en emportant les anciens, ajoutant au passage quelques amuse-gueules sympathiques que Kathy accueillit avec des petits yeux de merlan frit, piquant un cure-dent sans attendre plus pour y goûter.

L’hôtel Altona. Valentina n’y a jamais mis les pieds, à vrai dire. Le mot hôtel, sûrement, ne lui a jamais laissé penser que cela puisse être un restaurant à part entière. Apparemment, c’est bien le cas. Son interlocutrice explique avoir racheté l’établissement qui était mis en vente depuis quelques mois. Elle a sauté sur l’occasion, dit-elle, car elle avait quelque chose à Los Angeles, mais comme elle a été contrainte de déménager en Europe.. Il a fallu qu’elle change ses plans, évidemment. Et naturellement cela demande pas mal de travail pour pouvoir rafraîchir l’enseigne et, surtout. Valentina sait ce que c’est d’être déracinée, elle a fait la même chose à une époque pour Owen. Elle l’a suivie à Hambourg, alors qu’elle avait sa vie tranquille à Berlin. Qu’elle avait ses habitudes, sa famille, ses amis. Elle aussi a eu besoin, en arrivant, de retrouver quelque chose. Elle a changé de magazine. Heureusement, elle a facilement trouvé un poste. Elle s’y est faite, avec le temps. Et aujourd’hui, elle ne part plus. Parce qu’Owen vit ici, ce serait trop compliqué de faire naviguer les enfants entre les deux villes et puis, si sa famille est à Berlin, son meilleur ami et ses neveux, eux, sont en revanche à Hambourg. Avec le temps, elle a fini par s’y faire. Et pour ses enfants, c’est ce qui reste le mieux, le plus simple. Ils peuvent voir leur père quand ils le souhaitent, de cette façon. Elle ne se verrait pas repartir et bouger leurs habitudes, les perturber plus qu’ils ne le sont déjà.

"- L’accueil quand on arrive dans un nouvel endroit est essentiel. Quand je me suis installé ici après avoir quitté Berlin, je n’avais pas le problème des coutumes ou de la langue allemande -encore que l’on ne parle pas de la même manière selon que l’on soit à Berlin ou Hambourg- mais il me fallait tout de même m'acclimater à un nouveau poste, une nouvelle entreprise. Ce n’est pas toujours évident."

Elle est passée par là, elle sait comme cela occupe, quand on arrive. Bien sûr elle n’avait pas de travaux à gérer, heureusement. Mais elle a eu besoin de prendre rapidement en main le magazine, de comprendre son essence, son fonctionnement, tout en apportant sa patte et tout ça en un temps record. Aujourd’hui, elle peut se féliciter d’y être arrivée. Dans quelque temps, ce sera le tour de la blonde qui lui fait face et qui, en ce moment, essaie de retravailler la carte de son restaurant, d'amener un peu de Los Angeles en ville.

"- Hé bien, je ne manquerai pas de venir découvrir cette nouvelle carte à l’occasion." affirme la quadragénaire avec un sourire.

Rapidement, alors qu’elles discutent boulot, vient naturellement une question de Katherine pour découvrir celui que peut bien accomplir Valentina. Rien à voir avec la restauration. Rien à voir avec l’univers de son interlocutrice. Elle en est même, à vrai dire, assez loin. La cuisine, ce n’est que chez elle, pour ses enfants. Sinon, elle laisse ça à d’autres. Non pas qu’elle ne soit pas bonne cuisinière, c’est plutôt tout le contraire, mais elle ne se verrait pas travailler dans de telles conditions, pour sa part.

"- Je suis rédactrice en chef pour Cosmo Allemagne."

Valentina lui révéla par sa réponse, qu'elle-même avait connu le déracinement que représente ce genre de changement de vie. Elle restait originaire d'Allemagne, ce qui était un moins grand saut que l'ouest américain évidemment, mais même à quelques centaines de kilomètres votre monde avait tendance à être complètement chamboulé. Si Kathy avait toujours été indépendante dans son métier, elle s'imaginait à quel point se faire à de nouvelles règles d'entreprise, de nouveaux collègues pouvaient être perturbants.

"J'imagine qu'à l'époque, tu es arrivée ici avec ton ex-mari..." répondit la blonde pour encourager son interlocutrice à développer sur sa vie personnelle, tout en grignotant quelques amuse-gueules.

Un grand sourire emplit son visage en réponse à celui de Valentina lorsque celle-ci lui indiqua qu'elle viendrait découvrir sa nouvelle carte à l'occasion. Rien ne lui ferait plus plaisir que de la recevoir dans son établissement, Kathy sentait que cette nouvelle amitié lui serait on ne peut plus bénéfique à Hambourg. La quadragénaire était ici depuis un bon moment, et sans aucun doute, serait une pierre immuable à son propre acclimatement. La suite de la discussion lui révéla que son interlocutrice était rédactrice en chef d'un célèbre magazine féminin, et Kathy hocha la tête en signe d'admiration. L'élégance dont transpirait la blonde en face d'elle ne laissait pas planer beaucoup de doutes sur le milieu plus ou moins aisé et le poste à responsabilités qu'elle l'avait imaginé occuper.

"Je t'aurais vu dans la mode ou quelque chose comme ça, j'étais pas si loin !" la taquina-t-elle avec complicité. "Je suis plutôt douée pour cerner les gens, même si ma grande naïveté me joue parfois des tours.". Elle leva les yeux au ciel. "J'aime bien voir le meilleur chez les gens."

Kathy sirota son verre de rouge en haussant les épaules, ayant déjà engloutie la moitié du deuxième verre. La discussion lui donnait soif, et ces amuse-gueules aussi. Ils n'avaient rien d'exceptionnels à côté de ce qu'elle pouvait elle-même proposer dans son restaurant, mais finalement après une journée chargée et la séance de yoga, mine de rien, ça creusait l'appétit. Un coup d'oeil vers sa montre lui indiqua qu'une petite heure s'était déjà écoulée, et ses enfants devaient l'attendre à la maison. Elle se saisit de son téléphone portable afin d'envoyer un message à son fils, lui indiquant que "Papa arrive dans pas longtemps, vous pouvez dîner sans moi". Relevant son attention sur Valentina, elle s'excusa pour ce bref interlude.

"Désolée, je préviens mes enfants que je rentrerai plus tard. Ça m'évite de passer la soirée avec mon ex, ça m'arrange. Tu es attendue quelque part ?"

À l'heure qu'il était, l'avion de son ex-mari atterrirait à l'aéroport d'Hambourg d'ici une vingtaine de minutes probablement, et le trajet en taxi serait court. Il pouvait bien gérer la soirée avec les enfants pour une fois, même si elle se doutait qu'une commande de pizzas serait probablement sa façon de dîner. Au moins, cela ravirait les enfants...

Son interlocutrice suppose qu’à l’époque, Valentina est venue à Hambourg en compagnie de son ex-mari et cette dernière acquiesce. Oui, elle était venue en compagnie de celui qui n’était pas encore son ex-mari. Celui qui était encore, à l'époque, l’homme qu’elle aimait. Elle avait sacrifié sa vie, son existence, à Berlin, pour suivre ce dernier quand il avait eu une promotion incroyable. Elle avait tout quitté pour le suivre même si ce n’était pas le plus simple, même si ça impliquait un sacrifice, parce qu’à l’époque, ça semblait en valoir la peine. Par la suite, les choses s’étaient un peu cassées la figure. Beaucoup cassées la figure, en réalité. Owen avait commencé à travailler beaucoup plus, par rentrer à la maison de plus en plus tard et, finalement, par délaisser complètement sa femme et ses enfants, prit par le nouveau travail, par son envie de bein faire, de prouver sa valeur. Au bout du compte, le couple avait fini par être complètement déconnecté l’un de l’autre et, quand elle avait bien finit par croire qu’elle allait mourir dans cette tempête, il y a bientôt trois ans, elle avait prit les choses en main et décidé que sa vie ne pouvait pas se résumer à accepter le comportement de son mari démissionnaire.

"- À une époque où tout allait encore bien entre nous, oui."

Elle dessine sur son visage une petite moue pour appuyer ses mots. Il y a eu un moment de sa vie, de son mariage, où elle était amoureuse, oui. Où les choses allaient bien. Et puis, ensuite… Elle pousse un soupir. La conversation s’oriente sur un autre sujet et Katherine lui explique ses projets, parle de son restaurant, l’invite à découvrir sa carte prochainement. Valentina sort peu, mais elle ne dit pas non. Elle y emmènera sans aucun doute Garrett et Christin pour leur faire découvrir également. Eventuellement, si l’endroit est vraiment bien, sympathique, elle pourra y venir avec des collaborateurs, comme elle révèle son poste à Katherine, qui n’était pas loin de la vérité en supposant que la blonde était dans l’univers de la mode. D’une certaine façon, oui, même si pas seulement.

"- Effectivement tu n’étais pas très loin. Il y a beaucoup de choses en rapport avec la mode dans le magazine."

Elle retient donc que son interlocutrice est une fine observatrice, quoiqu’un peu naïve et qui aime voir le meilleur chez les gens. Malheureusement c’est une chose qui arrive bien trop souvent. Se faire avoir parce que l’on est un peu naïf… Elle comprend bien ce que Katherine veut dire par-là et le message qui désigne son ex-mari.

Son interlocutrice se perd dans son téléphone un instant, le temps pour elle de prévenir ses enfants de ne pas l’attendre. Elle esquisse un sourire, comprenant parfaitement ce besoin puisqu'elle aurait fait la même chose si leurs situations avaient été inversées, ême si ça ne risque pas d’arriver. Les enfants sont la priorité, toujours, c’est parfaitement compréhensible.

"- Ne t’en fais pas, je ne comprends que trop bien. Et non, personne ne m’attend, hormis peut-être un livre et un lit, personne qui ne sera déçu de mon retard, en tout cas. "

Kathy accueillit les paroles de son interlocutrice avec une douce compassion, ses lèvres s'étaient étirées en un fin sourire pincé, alors que ses paupières battaient plus rapidement. Quant tout allait bien entre eux, oui... Elle ne s'était pas étendue sur les détails, mais la presque-cinquantenaire ne pouvait qu'imaginer que les relations avaient dû se dégrader petit à petit, avant qu'ils ne se rendent compte qu'il était trop tard pour faire marche arrière. Elle-même avait espéré redresser la barque, mais les fins de soirées à se disputer sur des broutilles l'avaient définitivement convaincue qu'il n'y avait plus rien à sauver. Et ça, c'était seulement quand son ex-mari daignait bien ne serait-ce que rentrer pour la nuit.

Valentina précisa qu'il y avait effectivement beaucoup de sujets relatifs à la mode dans le magazine. Elle s'autorisait parfois ce petit plaisir à feuilleter, mais c'était plutôt dans la salle d'attente du médecin, ou lorsqu'elle voyageait et qu'elle devait patienter des heures à l'aéroport. Il fallait bien s'occuper, et Kathy devait avouer que cette lecture lui avait toujours été plaisante.

"Ok alors, dis-moi, t'as toujours voulu faire ça ? Comment tout ça a commencé ?"

Alors que la notification "Lu" s'afficha en dessous du message qu'elle venait d'envoyer à son aîné, Katherine rangea son téléphone dans son sac à main. Bien évidemment, en mamans poules qu'elles étaient apparemment toutes les deux, elles se comprenaient. La blonde comprit aussi que Valentina n'était pas de garde ce soir, puisque seuls un livre et son lit l'attendaient chez elle pour la soirée. Un grand sourire fendit ses lèvres, alors qu'une pointe de malice s'installa dans ses prunelles.

"Alors ça veut dire que c'est girls niiiight..." dit-elle d'un ton enjoué en balançant les bras en l'air, comme si de la musique venait d'inonder le café. "Et tu ne peux pas refuser, tu n'as pas d'excuses ! Ça fait des lustres que je ne suis pas sortie avec une copine, et en plus de ça, on le mérite, parce qu'on est des femmes indépendantes, accomplies et super canons. Ce serait un crime contre l'humanité de ne pas aller bouger nos adorables petites fesses une bonne partie de la nuit ! Tu sais quoi, y a une boutique au bout de la rue, on va aller s'acheter une robe, et ensuite on ira trouver un bar sympa où on pourra continuer à siroter quelques cocktails."

Si elle a toujours voulu faire ça ? hé bien, elle a toujours voulu travailler plus ou moins dans la mode, dans le journalisme de mode et puis… Finalement, elle a atterrit dans la presse féminine. Et elle aime ce qu’elle fait. Ce n’est pas forcément ce qu’elle s’imaginait faire exactement quand elle était plus jeune mais ça reste quelque chose de passionnant, quelque chose qu’elle aime. Quelque chose qui lui permet de s’épanouir, même si ce qui compte vraiment dans son existence n’est pas tant son travail que son rôle de mère, ses enfants. Un boulot c’est une chose mais… Elle a bien compris, il y a un moment, que ça n’est pas ce qui compte le plus dans une vie, loin de là.

"- Disons que je voulais travailler dans la mode et le journalisme alors la presse féminine s’est imposée à moi. C’est plus… Un concours de circonstances et le résultat de choix passés qu’un rêve de petite fille mais… C’est quelque chose que j’aime faire, alors c’est tout ce qui compte, dans le fond." affirme la quadragénaire.

Et puis en étant au poste qu’elle occupe elle a énormément de responsabilités mais aussi beaucoup de libertés pour gérer son emploie du temps et pouvoir être avec ses enfants comme elle le souhaite, quand elle les a avec elle, ce qui n’est pas le cas ce soir, si bien que son programme pour la soirée est plutôt calme. Elle ne compte pas travailler avant le lendemain alors ce soir… Ce sera plutôt calme. Plutôt tranquille. Ou pas.

La blonde qui lui fait face propose que ce soit girls night, sans lui donner la possibilité de refuser et Valentina hausse un sourcil en l’écoutant, comme l’américaine affirme qu’elle n’a plus d’excuse. C’est vrai, mais le manque d’envie devrait pouvoir en être une. Non pas qu’elle refuse catégoriquement de sortir mais… On devrait toujours avoir le choix, sans chercher une bonne raison à un refus. C’est une chose qu’elle apprend de plus en plus. Elle ne l’applique pas encore et ne sait pas si elle en aura le cran un jour, elle qui a grandi dans la conscience des convenances, mais… Pas pour l’instant. Et du reste, concernant ce soir, elle n’a rien contre l’idée de sortir, de se changer les idées, comme elle ne l’a pas fait depuis longtemps, très longtemps.

"- Si je n’ai pas le choix, alors…" prononce la blonde avec un petit rire.

D’autant que son interlocutrice a pensé à tout, y compris à leurs tenues, comme elles ne sont pas vraiment habillées pour la circonstance.

La vie qu’elle mène aujourd’hui est le résultat de choix passés, que Valentina assume certes mais qui ne sont pas forcément ce dont elle rêvait étant plus jeune. Il faut dire que les rêves qu’elle nourrissait alors sont ceux que font presque toutes les petites filles, par automatisme. Parce que la société les conditionne ainsi. Avoir des enfants, un mari, une belle maison et… Et puis rien d’autre, en fin de compte. Être une mère et une épouse, c’était un peu tout ce dont elle rêvait, à l’époque. Par la suite, seulement, elle avait réalisé qu’elle ne pouvait pas se contenter d’être uniquement ça et avait considéré qu’au delà d’être une mère et une épouse, elle devait aussi être une femme. Alors elle avait cherché sa propre voie, quelque chose qui n’avait rien à voir avec les désirs de son enfance, mais plus avec son épanouissement personnel de femme adulte. Elle avait trouvé un poste qui, si ce n’était pas un rêve, lui plaisait malgré tout. C’était le principal, d’autant plus que le poste lui permettait de mettre ses enfants à l’abri du besoin, ce qui lui importait le plus, sans aucun doute.

Son interlocutrice proposant une girls night, Valentina accepte, cette dernière affirmant qu’elle n’avait pas le choix. Si elle avait eu les enfants avec elle, elle aurait sans aucun doute formulé une autre réponse - mais ne se serait pas trouvé au cours de yoga aujourd'hui, surtout - mais puisque c’est Owen qui les a, puisque seule la solitude l’attend chez elle, alors elle peut envisager de donner une réponse favorable. Surtout maintenant que son interlocutrice est au courant qu’elle n’a rien d’autre de prévu pour la soirée.

"- Allons y alors !" acquiesce Valentina tandis que son interlocutrice propose de régler leurs consommations et d’aller acheter de quoi sortir. "Je ne sais pas encore, peut-être du bleu, ou du rouge. Ou du noir."

C’est toujours élégant et chic, une petite robe noire, après tout. Elle verra bien une fois sur place ce que le magasin propose, surtout. Leurs consommations réglées, elles s’empressent donc de quitter les lieux, marchant hâtivement en direction du magasin, craignant qu’il ne ferme avant qu’elles puissent l’atteindre. Heureusement, les horaires sur la porte indiquent qu’elles ont encore une petite heure devant elle pour trouver une merveille chacune.

"- Je propose de regarder, sélectionner ce que nous trouvons et nous nous retrouvons aux cabines lorsque nous avons finis notre tour, pour pouvoir essayer ?"

Après quelques pas de marche, les voilà devant l'entrée de la boutique qui les sublimeraient pour cette virée entre filles. Kathy était plus que ravie d'avoir trouvé une wing girl en Valentina, bien que leur rencontre soit encore fraîche. Elles n'apprendraient que mieux à se connaître après cette soirée, et elle n'oubliait pas que celle-ci lui évitait une séance de torture personnalisée de la part de son ex-mari. Après le déménagement et tout le travail qu'elle avait à l'hôtel, ce petit souffle de liberté était plus que bienvenue. Valentina proposa un plan d'action, et la blonde acquiesça vivement alors qu'elles franchissaient la porte de boutique de vêtements.

"Excellent ! Je te rejoins là-bas."

Kathy s'avança vers les rayonnages, balayant de sa main les premiers vêtements sur cintres sans trouver son bonheur. La vendeuse les avait repéré, mais gardait seulement un oeil attentif sur elle au cas où elles auraient besoin d'aide. Après quelques minutes de fouille, une robe bleu marine sur l'un des présentoirs attira son attention. Ce n'était pas le noir qu'elle avait imaginé, mais pourquoi pas mettre un peu de nouveauté dans sa garde-robe. La vendeuse s'avança vers elle et lui demanda sa taille, avant d'aller lui chercher le vêtement correspondant. La longueur était idéale, tandis que la ceinture était souligné par une petite boucle en argent qui apportait un peu de fantaisie. Les épaules tressés en dentelle se fondaient en manches courtes s'arrêtant juste avant le coude. La partie inférieure légèrement bouffante était particulièrement travaillé et laissait un peu de mouvement pour les jambes, ce qui ne serait pas de refus si l'envie de danser se faisait sentir. Kathy remercia la vendeuse et se dirigea vers les cabines. Lorsqu'elle en ressortit vêtue de son nouvel accoutrement, Valentina n'était pas loin. Elle fit quelques tours sur elle-même devant le miroir de l'allée centrale des cabines.

"Alors ? Qu'est-ce que t'en penses, on l'adopte ?"

Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas été accompagnée pour son shopping qu'elle se sentait rajeunir d'au moins vingt ans. La sensation était agréable et un sourire sur ses lèvres transpirait sa bonne humeur.

"Et toi ? Que nous as-tu dégoté ?"

Comme les deux femmes n'ont pas beaucoup de temps devant elle avant la fermeture du magasin, Valentina propose rapidement un plan d'attaque. Le plus simple, c'est de faire un tour chacune de leur côté, de sélectionner les articles qui leur plaisent et de se retrouver aux cabines dans quelques minutes pour pouvoir procéder aux essayages. De cette manière, elles pourront faire une première sélection sans s'influencer l'une et l'autre, ce qui risquerait de les faire traîner devant un rayonnage et perdre du temps. Le plus efficace, c'est encore de pouvoir parcourir tout le magasin, voir ce qui leur convient, se retrouver ensuite et faire le point. Ainsi, une première sélection aura déjà été faite et il suffira, alors, d'écarter les articles qui ne seraient pas flatteurs pour leurs silhouettes.

Katherine acceptant son plan d'action, les deux femmes se séparent donc et commencent leur shopping dans les rayonnages du magasin, chacune de son côté. Valentina observe minutieusement chacun des étalages, des articles sur lesquels son regard peut se poser, excluant d'ores et déjà certaines couleurs, connaissant parfaitement celles qui sont les plus flatteuses pour elle, pour sa carnation. De cette façon, elle ne perd pas son temps sur des articles qui, de toute façon, ne lui iront pas et ne s'attarde que sur ceux qui représentent un certain intérêt pour elle.

Une vendeuse approche, au beau milieu du shopping de la blonde, s'inquiétant de pouvoir la renseigner, lui apportant finalement deux créations dans la taille demandée par la quadragénaire qui, son butin en main, rejoint les cabines dans l'idée de procéder à l'essayage. C'est à ce moment que Katherine sort de la sienne, vêtue d'une robe bleu marine qui lui va comme un gant et demande son avis. Valentina l’observe, l’air appréciateur.

"- Hé bien elle est vraiment jolie et la coupe est flatteuse ! La couleur me semble parfaite pour ta carnation." remarque-t-elle. "Enfin bien sûr, je n’ai pas tant de compétences en matière de colorimétrie, pas comme un professionnel, mais… Je pense que c’est un bon choix, oui." acquiesce la blonde avant de montrer ce qu’elle a elle-même trouvé, une robe rouge écarlate et une autre noire. "J’ai celles-ci, je ne sais encore laquelle choisir. je pense que je vais commencer par la rouge." dit-elle avant de disparaître en cabine pour essayer cette robe près du corps, au bustier en dentelle élégante et de qualité, ressortant quelques instants plus tard pour montrer le résultat à Katherine.

Le choix était fait, ce serait cette robe. Valentina n'avait pas manqué de souligner que la couleur lui allait parfaitement au teint, et la validation de sa nouvelle amie finit de la convaincre. Son regard se porta sur les deux robes choisies dans les rayons par son acolyte de la soirée, et Kathy s'empressa de hocher la tête lorsqu'elle lui indiqua commencer par l'essayage de la rouge.

"Le noir est une valeur sûre, mais j'approuve la rouge, je suis sûre qu'elle t'ira parfaitement. Un peu de couleur contribuera à égayer encore un peu plus cette soirée !"

Valentina disparut dans les cabines d'essayage, tandis qu'elle regagna elle-même la sienne pour récupérer ses affaires. Elle garda sa robe bleu marine sur elle, après tout c'était l'endroit idéal pour changer de tenue. La vendeuse esquissa un sourire alors qu'elle se dirigeait vers les caisses. Kathy s'excusa de porter son nouvel achat, mais prétexta une urgence de la plus haute importance avec un sourire complice. Je vois, lui répondit seulement la vendeuse avec un clin d'œil de connivence. Elle régla son achat, et nota dans sa tête de récupérer sa paire de talons noirs dans son véhicule. Les baskets à la sortie du yoga pour un café, c'était passe-partout mais elle préférait agrémenter sa nouvelle tenue de soirée avec quelque chose de plus féminin. Finalement, Kathy regagna l'espace cabine pour attendre Valentina, et sortit son téléphone portable afin d'écumer le web à la recherche d'un bar sympa.

La blonde réapparut en écartant le rideau, vêtue de la sublime robe rouge qu'elle avait dégoté. Kathy ouvrit la bouche de stupeur et secoua sa main devant elle pour simuler un coup de chaud. "Waouh ! Clairement, tu n'as même pas besoin d'essayer l'autre. Elle est parfaite sur toi." Elle s'approcha de quelques pas pour lui montrer l'écran du téléphone où quelques photos de l'intérieur d'un piano bar y étaient exposées. "Qu'est-ce que t'en dis ? Je me suis dit que ce serait ton style aussi, branché mais pas trop bruyant. J'ai toujours trouvé que ça avait quelque chose de classe les piano bars. Et puis, c'est pas trop la saison pour les bars de plage malheureusement." La petite paillotte qu'elle avait l'habitude de fréquenter à Los Angeles avec son groupe d'amies lui manquait, au moins là-bas le climat était clément presque toute l'année. Cela dit, elle s'était engagée à s'adapter à sa nouvelle vie ici, pour les enfants.

La robe choisie par Katherine était de bonne facture et correspondait véritablement à cette dernière. Elle la mettait bien en valeur, adoucissant les traits de son visage, atténuant les signes de l’âge. À leurs quarante ans passés, toutes deux devaient soigneusement choisir la colorimétrie de leurs vêtements. Cette dernière ne leur ferait aucun cadeau si elles oubliaient d’y être vigilantes. Et ni l’une ni l'autre n'avait envie de ressembler ce soir à une vieille femme mal fagottée. C'était même la dernière chose qu'elles voulaient, l’une comme l'autre.

Si le choix pour Katherine s’avère très facile, celui de Valentina est un peu plus compliqué, un peu plus délicat. Elle a choisi non pas une mais deux robes qui sont très différentes l'une de l'autre, l'une étant rouge tandis que l'autre est noire. Bien sûr, le noir, est une valeur sûre puisqu’il est toujours très élégant sur n'importe qui. On ne peut jamais se tromper avec une robe noire, c'est ce que disent tous les magazines de mode et, niveau magazine, on peut dire que Valentina s'y connaît. La rouge, elle, est un pari un peu plus risqué, mais qui pourrait porter ses fruits. Elle devrait donner de l'éclat à son visage et lisser son teint, si tout va bien. Reste encore à l’essayer pour s’en assurer.

La blonde prend donc place dans une cabine d’essayage, accrochant les robes sur le portant à disposition, avant de retirer ses vêtements pour enfiler cette robe relativement près du corps, dont le tissu gomme les imperfections en lissant ce corps que le yoga entretient depuis quelques années maintenant. La coupe avait l’air flatteuse dans le miroir de la cabine d’essayage mais elle devait sortir pour en être certaine. La lumière de ces cabines avait toujours un impact considérable sur le rendu et parfois, la réalité n’était pas aussi bien que le reflet l’avait laissé présager.

"- Vraiment, tu trouves ?" questionne la blonde comme en sortant elle est confrontée à l’acceptation de sa nouvelle amie, qui semble trouver le vêtement absolument parfait pour elle.

Elle jette un nouveau regard dans le miroir de la cabine, le rideau étant ouvert. Hé bien, elle devrait peut-être croire son interlocutrice, effectivement. La quadragénaire n’avait après tout aucune raison de mentir, osait-elle espérer. La robe rouge était donc probablement un bon choix effectivement. La noire en était pourtant un très bon aussi, probablement, mais Katherine ne lui laisse pas plus de temps pour hésiter, lui montrant les photos d’un établissement où elles pourraient passer la soirée.

"- Oh, oui, pas trop bruyant, je pense que ce serait préférable en effet. Je ne suis pas friande des endroits où l’on ne s’entend pas parler, et je suis plutôt amatrice de bonne musique."