(2022) - You what? [Karsten/Susanne/Andreas]

Novembre 2022

Tu fermes ton téléphone et le déposes sur la table, inquiet. Avec le prochain dimanche qui arrive à grands pas et l’un de tes enfants qui te demande à vous voir, toi et ta femme, en privé... Seul à seul... C’est rare. Cela arrive avec vos enfants, bien sûr, mais cela restait assez rare, mais assez pour te stresser doucement. Tu imagines souvent le pire à ce moment-là, le meilleur et surtout le pire en fait. Tu soupires un peu, posant tes mains sur le dossier de la chaise. Tu te grattes un peu la tempe avant de réfléchir un peu à ce qui a été dit.

Andreas n’est pas le plus calme, certes, mais ce n’est pas non plus le plus agité de la portée. Tu sais normalement à quoi t’attendre avec lui. C’est souvent de l’aide pour du bricolage ou pour réparer un truc chez lui le pourquoi du comment il t’appelle. La dernière fois, il t’avait demandé de faire un bureau pour son travail. Il t’avait remercié en te payant un pack de bière et en te remboursant ce que tu avais dépensé pour le construire. Mais là. Vu l’appel, le ton de sa voix… Tu sais qu’il y a quelque chose qui cloche. Tu ne trouveras pas de suite quoi, il faudra attendre qu’il vienne devant toi pour… Mais cela ne tardera pas.

Tu passes une main sur ton visage en attendant sur ton fauteuil, le temps que ta femme s’énerve toute seule et attend l’heure donnée par ton fils pour passer. Les minutes continuent de s’écouler lentement avant que le silence ne soit brisé par la sonnette de la maison. Tu ne bouges pas, laissant ta femme accueillir votre dernier fils et lève les yeux vers lui alors qu’il se pose dans le salon. Tu l’observes, tranquillement, voyant bien qu’il se triture les doigts, attendant que tout le monde soit assis. Étrange. Tu soupires et lèves un sourcil.

- Tout va bien Andreas ?

Il sourit un peu, hochant la tête. Il dit qu’il doit vous annoncer quelque chose, il semble souriant, nerveux, mais souriant.

- Alors, c’est quoi qui te dérange ?

Il y a un hic… Tu le sens...

Elle ne va pas mentir. Elle n’aime pas du tout quand un de ses enfants fait ça. Qu’il appel pour demander à parler à leur père ou même à elle pour poser des questions sur un sujet ou un autre n’est pas spécialement exceptionnel. Mais que l’un des six demande à les voir tous les deux, en même temps, pour parler de quelques chose, en faisant bien comprendre que cela est important, ça n’arrive pas tous les quatre matins.

C’est bien pour cela qu’elle n’a pas arrêter de s’occuper toute la matinée, avant l’heure convenu avec Andreas. Il lui fallait bien cela pour éviter qu’elle ne panique trop en s’imaginant le pire pour son fils. Parce que c’est comme ça une maman, comme ça qu’elle est en tout cas. Toujours penser à qui peut leur arriver de plus grave. Bien sûr elle ne leur en parle jamais et les moments où elle en a parler à son mari se compte sur les doigts des mains. Elle est comme ça, un maman dragon qui s’inquiétera toujours pour ses petits.

C’est donc avec un plateau de cookie et un gâteau marbré posé sur la table du salon qu’elle va ouvrir la porte à son fils pour venir l’embrasser avant même qu’il ne puisse prononcer le moindre mot. Le laissant aller directement dans le salon, elle fait un crochet par la cuisine pour allumer la cafetière ce qui devrait leur laisser le temps avant que le café ne soit finalement coulé. Si elle laisse Karsten prendre la parole en premier, observant la réaction de son plus jeune fils, elle ne tarde pas à rajouter quelques mots.

- Tu sais que tu peux tous nous dire, hein ? Tu as l’air nerveux mon Poussin, c’est grave ce que tu veux nous dire ?

La panique. C’est la panique. Tu es en panique. Tu te souviens très bien pourquoi tu as envoyé ce message à tes parents, pourquoi tu étais en train de tourner dans ton salon en rongeant ton ongle. Il fallait que cela sorte, mis en lumière. Que tu les avertisses. Il fallait que tu puisses les mettre au courant. Puis tu as dû répondre au téléphone… Essayer de dire sans dire qu’il fallait que tu viennes avant dimanche, que tu parles avec eu de vive voix. Tu avais vu avec Steffen les détails, que tu connaissais bien sûr, mais tu essayais de voir dans quel ordre les dires.

Mais après eux, c’est Lapin qu’il faudra avertir, prévenir et expliquer en détail l’histoire… Et tu ne sais pas s’il sera plus compréhensif que tes parents… Ou l’inverse. Peut-être que ça se passera mieux avec lui. Tu n’es jamais sûr avec les membres de ta famille. Mais comme le dit si bien Niklas : "Tu es le plus équilibré de la fratrie". Ce qui est à moitié une insulte quand tu connais les tiens, mais cela ne change rien au problème. Tu inspires doucement et prépares tes affaires pour commencer à marcher pour rejoindre la maison familiale.

Tu passes une main sur ton visage avant d’attacher tes cheveux en chignon et avance, fermant la porte derrière toi. Tu prends une grande inspiration et commences à avancer, sans faire attention au chemin, le connaissant par coeur. Tu regardes une dernière fois ton téléphone, envoyant un message plein d’amour à ta moitié et arrive devant la porte que tu connais bien. Tu serres les dents, un peu inquiet et toques doucement. Tu entends du mouvement, tu sais qui viendra ouvrir et lui sourit comme tu peux.

- Bonjour, Mam’s.

Que tu dis en la prenant dans tes bras avant d’entrer pour rejoindre le salon. Ton père est déjà là, debout, à attendre. Tu lui fais un petit coucou avant de te poser dans le canapé, attendant qu’ils viennent tous les deux. Tu grimaces aux questions qui arrivent, qui envahissent déjà leur regard. Tu les observes, un par un et sourit.

- Rien de grave… Mais je préférais faire comme ça… Parce que… C’est un peu.. Comment dire… Compliqué à comprendre ?

Dans les faits non, mais tout le contexte derrière sûrement. Tu inspires doucement.

- J’ai… J’ai rencontré quelqu’un.

C’est lancé. C’est dit. Tu attends les réactions pour pouvoir continuer, regardant ta mère qui va sûrement être heureuse et déchanté très vite quand elle saura comment. Tu vois ton père qui ne bouge pas, égal à lui-même, attendant sûrement la suite de l’histoire.

- Ça fait presque six mois qu’on est ensemble…

Il y a quelque chose qui cloche. Parce qu'il mit six mois pour leur annoncer qu'il est en couple. Ce qui ne lui ressemble pas vraiment. Enfin, du moins c'est ce que pense la mère de famille. Surtout que c'est cela qui le rend nerveux, ce qui l'inquiète encore plus.

- C'est ça qui pose problème, Poussin ?

Elle regarde son mari, attendant d'avoir sa réaction avant de continuer. C'est une règle que Karsten et elle s'étaient fixés quand les enfants étaient petits, toujours être solidaire face à eux, quitte à se disputer un peu après en cas de désaccord. Aujourd'hui, même s'il y a plus besoin de ça. Susanne le fait machinalement et sans doute que l'homme qui partage sa vie depuis de nombreuse année aussi.

- Si tu nous en parles comme ça, c'est qu'il y a quelque chose que tu penses pouvoir nous mettre en colère. Je me répète, mais tu peux tout nous dire.

Elle tente de ne pas montrer son inquiétude, enfin pas trop du moins. Elle profite d'entendre que la machine à café est prête pour se lever et aller faire les trois tasses, ramenant déjà les deux premières à Karsten et Andreas. Avant de retourner rapidement dans la cuisine pour venir prendre la sienne et de revenir à sa place dans le salon.

Compliqué à comprendre ? Ces trois mots résonnent dans ton esprit, dans un écho étrange et malaisant. Quelque chose dérange dans ces mots qui semblent si anodins. Trois mots qui te font lentement cligner des yeux dans la direction de celui qui venait de les prononcer. Si ton dernier fils qui te dit que c’est difficile à comprendre… Tu fronces les sourcils, attendant un peu les réponses alors que ta femme essaye de prendre les devants, se levant pour aller chercher le café. Tu la suis du regard, voyant bien qu’Andreas ne répond pas de suite. Comme s’il attendait que Susanne revienne.

Tu remercies cette dernière d’un hochement de la tête quand elle dépose le plateau sur la table et prend ta tasse, soufflant un peu dessus. Andreas est plus timide, rajoutant du sucre avant de garder la tasse entre ses mains. La sentence tombe. Il a quelqu’un. Tu t’arrêtes un peu, ne comprenant toujours pas le problème. Il dit que cela fait six mois. Tu fronces de nouveau les sourcils et commences un peu à boire.

- Comment dire… C’est pas le fait qu’on soit ensemble qui… Peut être difficile à comprendre… C’est comment on s’est rencontré.

Tu bois lentement, écoutant ton fils sans l’interrompre, ta femme le fera bien pour deux. Tu te contentes alors d’écouter, continuant de boire lentement ton café chaud, brûlant un peu ta gorge en passant, mais bon… Pas comme si elle était déjà bien assez dégradée comme ça avec ton accident… Tu vois qu’il prend une nouvelle inspiration avant de sourire.

- C’est …. Il a fait de la prison et...

Silence.

- Pardon ?

Que tu finis par lâcher en arrêtant de boire d’un coup ton café. Il vient de dire quoi ? Tu redresses la tête, pose ta tasse et regardes ta femme. Là… Tu viens de comprendre le pourquoi la discussion allait être compliquée et pourquoi il voulait vous en parler en premier. Malheureusement, tu ne sais pas si tu dois laisser parler le flic ou le père. Ou les deux. Tu croises les bras sur ton torse.. Attendant les explications.

Dire qu'elle s'attendait à une telle réponse serait mentir. Pourtant, même si cela la surprend d'une part, d'autre part elle n'est pas plus que ça étonnée que ce soit Andreas qui leur ramène un mec pareil dans la famille. Si on lui avait demandé de parier sur ce fait-là, c'est bien lui qu'elle aurai désigné sans hésiter. Sans un mot, la mère de famille se tourne vers son mari, pour jauger sa réaction. Si jamais il ne pense pas la même chose qu'elle, ils en parleront plus tard, mais d'abord, ils se doivent d'avoir comme toujours une réaction unie face à leur fils.

Pourtant, elle ne peut s'empêcher de montrer une certaine inquiétude quant à ce fait. Pas tellement pour le fait que son fils soit avec quelqu'un qui a dû payer pour des fautes, mais surtout parce que potentiellement il pourrait être encore dangereux, ou au moins avec des relations dangereuses. Il y a alors une question qui lui vient à l'esprit, qu'elle ne peut pas vraiment se retenir de poser.

- Mais… comment tu l'as rencontré, du coup ?

Pas qu'elle pense que son bébé ait eu des problèmes avec la justice, ça ils en auraient entendu parler. Mais c'est qu'on ne rencontre pas forcément un ancien taulard comme ça. Et l'idée qu'Andreas puisse avoir des contacts avec de mauvaises personnes la terrifie. En attendant la réponse de son fils, elle vient prendre son café, pour se donner un peu de courage en fait. Parce qu'elle sent que la discussion va être un peu compliquée.

Il y a comme un silence, un ange qui passe et comme un corbeau qui croasse dans un coin… Voir un virevoltant qui passe dans le salon. Tu t’y attendais, bien sûr, mais le regard lancé par tes parents te prouve que la nouvelle n’est pas bien digérée. Ton père te toise, sans rien dire. Tu te tournes un peu vers ta mère qui semble inquiète, tu le vois bien et elle brise la glace avec la question que tu appréhendais. Tu baisses la tête vers ton café, pris en main et soupires doucement. Tu te mords la lèvre en essayant de trouver tes mots doucement.

- J’ai … Avec Zoira, on a voulu s’inscrire à des associations d’aide aux détenus… Et… Elle n’a pas reçu de réponse… Contrairement à moi ...

Évidemment que ta petite sœur était dans l’équation de cette histoire. C’était son idée à la base et tu l’avais accompagné pour qu’elle ne soit pas seule non plus, pour la protéger. Manquerait plus qu’elle tombe en effet sur un fou, un détenu vraiment dangereux. Mais non. C’était toi qui avais eu une réponse. Tu avais été rassuré quand elle t’avait dit ça, d’ailleurs. Toi, tu avais continue de répondre à Steffen, voulant lui donner une chance… Et...

- C’est tombé sur lui... On a bien sympathisé… et… Je suis allé lui rendre visite plusieurs fois au final.... Et … Je … Je saurais pas comment dire… On a...

Tu ne trouves plus tes mots, ne te souvenant pas très bien comment vous en étiez arrivé là. Juste que maintenant… Tu te retrouves là, à devoir défendre ton point de vue face à tes parents. Tu essayes de trouver tes mots, mais la voix de ton père te coupe.

- Son nom ?
- Papa… Je.. Tu n’es pas obligé de…
- Son nom…

Tu te pinces les lèvres, regardant ta mère un instant avant de baisser les yeux, te grattant le poignet.

- … König.. Steffen König...

Tu prononces son nom doucement avant de redresser la tête et… Tu bug. Ton père te regarde avec des yeux ronds comme des soucoupe, comme si tu venais de prononcer le nom du dernier délinquant qu’il avait arrêté la veille.

- Quoi ? Tu le connais ?

Karsten ne semble pas réagir de suite, laissant le temps à leur fils de répondre à la question que Susanne vient de lui poser. Elle manque d’ailleurs de soupirer en entendant que la plus jeune de ses filles est impliquée dans l’histoire. Pourquoi cela ne l’étonne pas. Faut dire que ce duo n’en loupe pas une non plus généralement, comme les deux du milieu. Toujours est-il qu’elle ressent une certaine fierté en entendant ce que ses enfants ont décidé de faire. De venir en aide aux autres, c’est plutôt une bonne chose, une marque que l’éducation qu’ils ont eu semble avoir porté ses fruits.

Mais quand le père de famille assis à côté d’elle demande le nom de l’homme en question, Susanne ne peut s’empêcher de venir doucement poser sa main sur l’avant-bras de son mari. Pas qu’elle le soupçonne de pouvoir se mettre en colère, mais elle sait qu’il est un peu froid dans ce genre de situation et elle ne voudrait pas qu’Andreas se braque et renonce à leur parler.

Il se passe pourtant quelque chose que la mère n’avait pas vu venir. Visiblement, le nom du copain de leur fils n’est pas inconnu aux oreilles de Karsten. Elle cherche aussi dans sa mémoire à elle, si jamais il lui aurait parlé de cet homme comme cela arrive de temps en temps. Quand une affaire le marque particulièrement et qu’il a besoin d’en parler. Mais elle ne se souvient de rien de récent, cela voudrait donc dire que cela remonte à au moins quelques années.

Doucement, elle se tourne vers son mari, sans le lâcher juste pour être sûre de voir sa réaction.

- Chéri ? Tout va bien ? On dirait que tu as vu un fantôme…

Ce qui semble être un peu le cas, le nom ayant visiblement ravivé des souvenirs chez le policier qu’il est.

König. Ce nom qui résonne dans ta tête, le visage qui revient à toi. Un jeune qui devait à peine avoir la vingtaine, muet comme une carpe et prêt à encaisser tous les chefs d’accusation qui lui étaient attribués. Tout ça pour quoi ? Pour rien. Il avait pris vingt ans pour protéger des types qui ne l’ont jamais remercié, jamais visité. Tu avais tenté d’avoir une information à l’époque, tu avais tenté de comprendre pourquoi un gamin comme lui, de l’âge de Jan, pouvait en arriver là. Tu avais vu le dossier, tu avais vu le passif familial et tu t’étais dit que c’était limite injuste qu’il en arrive là.

Il avait peut-être du potentiel ailleurs, sorti de ce milieu. Il avait peut-être droit à une seconde chance et tu avais tenté pendant un temps de décortiquer le dossier pour avoir autre chose. Mais tu avais été tout juste promu à l’époque, tu étais encore sous ordre du commissaire de l’époque qui t’avait demandé d’abandonner, de laisser tomber pour un petit délinquant qui n’en valait pas la peine. Mais au fond de toi, il y avait un truc qui n’allait pas, voyant bien que le gamin n’était pas bien méchant non plus. Puis tu avais enterré tout ça avec le reste des dossiers frustrant.

Et aujourd’hui, il ressort. Il ressort ce nom, contre toute attente. Il ressort et tu revois ce visage avant qu’il ne soit embarqué dans la voiture en direction du centre de détention. Tu revois ce visage avec qui tu avais tenté de créer le dialogue. Tu secoues la tête alors que la voix de ton fils et de ta femme essayent de te ramener à la réalité. Tu te lèves du canapé, fait quelques pas dans le salon, pensif et poses ensuite tes mains sur tes hanches en hochant la tête.

- C’est moi qui l’ai arrêté il y a vingt ans.

Que tu souffles doucement, laissant le temps à Andreas d’encaisser la nouvelle. Tu grimaces.

- Vu qu’on manquait de preuves contre ses … Camarades, c’est lui qui a tout pris. Il n’a jamais donné leurs noms alors qu’il avait juste servi de chauffeur… À l’époque…

Tu reviens aux côtés de ta femme.

- Pas un mauvais bougre de mémoire. Mauvais endroit, mauvais moment.

L’idée que son mari ait vue un fantôme n’était finalement pas si loin de la vérité que ça. Susanne est un peu surprise de le voir se lever du canapé et faire les cent pas dans le salon en disant qu’en fait, c’est lui qui l’avait arrêté. Donc le nom du copain de leur fils ne lui est pas du tout inconnu, même si visiblement, il n’est pas le type ultra dangereux sur lequel Andreas aurait pu tomber avec ce genre de programme. Ce qui ne manque pas de rassurer la mère de famille. Elle observe la façon dont se tient Karsten avant de revenir se poser dans le canapé. C’est que cela en dit long sur ce qu’il pense réellement et Susanne, avec les années de mariage, parvient à le décrypter assez bien.

- Donc si je comprends bien, ta sœur t’a entraîné dans un programme comme ça… Toi, bien sûr, tu as foncé tête baissée et c’est là que tu as fait la connaissance d’un homme que ton père a arrêté il y vingt ans ?

Elle marque une pause, comme si elle réfléchissait à ce qu’elle venait de dire. Comme si l’exprimer de vive voix rendez les choses soudain plus réelles. Elle lâche alors un rire nerveux en venant se pincer l’arête du nez. C’est presque banal comme situation dans leur famille et c’est peut-être ça qui les rend aussi particuliers et aussi soudez.

- Enfin, si ton père n’est pas en train de hurler que tu dois t’en éloigner le plus vite possible, c’est que tout va bien. Tu es heureux avec lui ?

Parce qu’au final, c’est sans doute cela la plus importante des informations, est-ce qu’Andreas est heureux avec cet homme.

Tu tombes un peu des nues quand l’histoire se dévoile, se montre au grand jour. Entre ton père qui semble nerveux, pour finalement avouer que oui, il connaît ton Steffen et ta mère qui est comme toi, en train de découvrir cette histoire… Tu mets un temps, le temps d’encaisser la nouvelle, essayant d’imaginer, vingt ans avant, ton père, plus jeune, rookie, qui met les menottes aux mains de ton futur amant. Ouais non. Ce n'est pas facile là. Et tu sens que l’explication au dernier sera pas facile non plus. Et quand ta mère fait le résumé de cette situation, tu te rends compte un peu du bordel. Mais bon, c’est classique à la famille non ? Tu te masses un peu la tempe et hoches la tête en soupirant.

- Bah.. Dit comme ça… Oui maman ?

Que tu dis avant de la voir rire. Ton père ne dit rien, se contentant de sourire à peine à la remarque de cette dernière. Tu grimaces un peu et te grattes la nuque et hoches la tête. Elle a raison, mine de rien. Si ton père n’est pas déjà en train de te hurler dessus avec un discours moralisateur, de faire attention aux gens, de se protéger, c’est que tout va bien. Du moins, il ne pense pas que l’homme soit si mauvais ou un danger pour toi. Tu souris doucement à la question de ta mère et hoches la tête.

- Oui maman.. Je suis heureux avec lui… Il me rend heureux..

Que tu dis en redressant la tête. Tu montres de la détermination, un choix de vie bien assumé. Un procédé que tu as vécu, que tu ne regrettes pas. Est-ce que tu serais prêt à refaire la même chose ? Oui.

- J’ai mis… Du temps. Je veux dire, pour qu’il me fasse confiance. Pour qu’il s’ouvre à moi. Je lui rendais visite avant qu’il sorte. C’est après qu’on a… Enfin, on a commencé à se fréquenter.

Elle est plutôt soulagée, d’apprendre que son fils est heureux. Même si elle se doute bien qu’il ne serait pas resté avec un homme qui le rendrait malheureux. Reprenant une gorgée de café, elle écoute son fils lui donner un peu plus d’explication sur comment il s’est retrouvé avec lui. Elle sourit un peu, comprenant qu’Andreas a fait les choses correctement. Susanne ressent une certaine fierté quand même, de voir que son fils à su prendre son temps.

- Il faudra que tu l’invites maintenant. Du moins… Ton père, visiblement, le connaît déjà un peu, mais pas moi et j’aimerais bien le connaître aussi. Et il faudra que tu préviennes Lapin… Et du coup Christin… Zoïra, Niklas et Marco t’en voudront si tu ne les préviens pas eux aussi… Enfin eux, je peux m’en occuper, mais préviens au moins Lapin…

Elle se redresse un peu pour prendre un des cookies qu’elle a fait avant de se tourner un peu vers son mari pour voir comment il se tient. Elle sourit un peu et vient lui tendre un cookie pour lui, faisant signe à Andreas de se servir aussi.

- N’empêche que je ne sais pas trop si je dois être fière de toi et de ta générosité ou si je dois m’inquiéter que vous ayez eu cette idée avec ta sœur...

Silencieux, tu écoutes attentivement ta femme et ton fils, mains croisées devant toi, les bras appuyés sur tes genoux. Tu serres un peu les dents, par habitude et tu essayes de ne pas rire quand Susanne fait le résumé de la situation. Cela aurait dû arriver. Comme dit tes collègues, si un Ackermann ne l’a pas encore vécu, c’est que cela ne va pas tarder. Et oui, tu ne hurles pas, tu ne mets pas en garde ton dernier fils parce que, de mémoire, l’homme en question n’était pas quelqu’un dont tu avais besoin de te méfier plus que d’habitude.

Bien sûr, tu seras toujours un peu méfiant et tu voudras, après cette discussion, aller chercher son dossier pénitencier pour savoir comment les vingt années de détention s’étaient déroulées pour le concerné, mais déformation professionnelle oblige et ça touche ta famille, donc… Autant pour Christin, cette démarche n’avait pas été nécessaires, vu le pedigree du jeune homme, à l’époque. Niklas était trop focalisé sur autre chose et n’avait jamais gardé quelqu’un plus d’un mois pour que tu puisses te méfier. Zoira était encore occupée avec autre chose pour avoir en tête l’envie de ramener quelqu’un. Marko… Pas envie de faire une psychanalyse avec lui pour savoir.

Et Jan… C’était autre chose. Mais Andreas…. Tu soupires un peu, souriant légèrement quand il affirme qu’il est heureux, sincèrement heureux. Pas de mensonge et ta Douce Moitié s’empresse déjà de dire que le reste du clan devra être mis rapidement au courant avant de se demander si la fierté ou l’anxiété d’une mère doit primer pour cette action. Toi, tu hausses les épaules.

- Tu les connais… J’aurais aimé être au courant avant pour pouvoir vous aider dans les démarches.

Ton fils soupire un peu.

- Désolé, papa… On voulait pas… Que tu t’inquiètes trop et … Zoira était certaine que l’échange était bien encadré et que nous serions en contact avec des détenus pas trop problématiques.

Tu lâches un rictus nerveux avant de secouer la tête, récupérant ton café.

- Je reconnais bien ta sœur, là… Et comme ta mère, je suis fier de vous, et un peu inquiet…

Inquiet aussi de savoir sur qui ta fille a pu tomber...

Bien sûr qu’elle les connaît, qu’elle sait de quoi sont capable ses enfants et c’est bien pour cela qu’elle est assez inquiète et qu’elle se demande quelle sera la prochaine idée complètement folle qu’ils vont leur inventer. Mais ce n’est pas le moment de penser à cela, chaque chose en son temps. Déjà, pour commencer, la voilà qui se lève à son tour pour venir prendre son fils dans ses bras.

- Je suis contente pour toi, Poussin, même si je serais toujours inquiète, je suis contente…

Elle le garde un peu contre elle, profitant qu’il est quitté depuis quelques années déjà, la période où il ne voulait pas de câlin de la part de sa mère. Elle finit tout de même par se redresser et en profite pour resservir du café.

- Mais du coup, est-ce que tu veux venir manger avec lui ce soir ? Ça laisse le temps à ton père de se replonger dans le dossier parce que de toute façon, il va aller le faire après le repas et puis toi, tu as le temps de rentrer et de voir avec lui…

Elle sourit un peu, ne se voulant pas trop pressante avec son fils. D’un autre côté, elle sait comme cela se passe dans leur famille, les rencontres sont rapide une fois que la relation est annoncée, autant faire honneur à cette tradition qui concerne surtout Niklas au final.

- Après, ce n’est pas obligé, mais maintenant qu’on est courant, que Lapin le saura et vu que vous êtes ensemble depuis un certain temps… tu sais qu’il va falloir que tu le ramènes les dimanches hein ?

La nouvelle est bien prise apparemment. Ton père n’a pas hurlé, ta mère semble heureuse pour toi, tout de même inquiète dans le regard, mais c’est passé. Tu rigoles un peu et hoches la tête quand elle demande pour le repas du soir, pour faire plus ample connaissance, qu’ils puissent juger face à face avec le concerné. Cela pourrait être une bonne idée, dans le fond. Tu dois en parler à ton petit ami, qui, tu penses, ne pourras pas non plus refuser. Tu te pinces les lèvres en entendant que de toute façon ton père se replongera dans le dossier.

Même si à l’entendre, ce n’était pas non plus une affaire sordide, plus cachée ou possédant des données sensible sur un politique (qui sait). Même s’il avait eu des doutes sur plusieurs choses quand le dossier devait pourtant être classé. Tu te concentres sur ta mère pour ne pas y penser, ne voulant pas te poser plus de questions sur les raisons qui ont poussé ton père à participer à l’arrestation de ton Steffen, même si cela date d’il y a plus de vingt ans.

- Je fais faire ça. Lui demander et je t’envoie un message quand j’ai la réponse. Ça prendra pas non plus la journée hein ?

Tu souris un peu et rigoles nerveusement. Oui, Lapin… Faut le prévenir avant aussi. Faut qu’il sache, bien avant le reste de la fratrie. Il faut passer cette maudite épreuve. Tu déglutis, ne sachant pas du tout comment ton aîné réagira à la nouvelle, ni comment il le prendra quand il saura toute l’histoire. Tu pouffes un peu.

- Bien sûr qu’on viendra dimanche ensemble… Quand Lapin sera au courant. Je pense que je l’inviterai à la maison genre... Demain ou après-demain pour ça. Je lui enverrais un message ne rentrant de toute façon.

Que tu dis en souriant. Au moins ça de fait, hein ?

Elle sourit un peu plus quand son fils lui répond à son invitation à manger en hochant la tête, bien avant qu’il ne lui réponde de vive voix. Elle sait que ses enfants ne peuvent pas vraiment lui dire non quand elle les invite à manger. Ce qui rassure la mère qu’elle est que sa cuisine les satisfaits assez pour qu’ils acceptent sans broncher.

- Parfais, je vais faire un rôti… Sauf s’il ne mange pas de viande. Il faudra me dire s’il a des allergies d’ailleurs. Et ton père ne passera pas la soirée à l’interroger… n’est-ce pas Karsten ?

Elle se retient de pouffer, fixant son mari. Elle est très sérieuse, elle ne veut pas qu’il passe la soirée comme le flic qu’il est en-dehors de la maison. Même si elle sait très bien qu’il va profiter du reste de la journée pour se renseigner. Il fallait au moins qu’elle le dise avant de reprendre sa place et de se resservir en café et en gâteau.

- Est-ce que je refais un autre gâteau pour ce soir ? Je vais pas en présenter un qui soit déjà entamé, ça ne se fait pas…

Après avoir passé la matinée dans la cuisine en stressant sur la raison pour laquelle Andreas voulait les voir, la voilà qui commence à tenter de s’organiser pour la soirée, parce que c’est qu’il va lui falloir faire des courses si elle veut pouvoir nourrir tout ce beau monde.