Alrik ♔ I just shot my husband down TW violences conjugales // légitime défense

I just shot my husband down

Alrik & Hannah

Elle se laisse tomber sur cette chaise, l'air hébété, en observant le couteau dans sa main. Le cœur d'Hannah bat la chamade dans sa poitrine, alors qu'elle regarde cette lame nimbée d'un liquide pourpre et poisseux. Elle déglutit, le regard écarquillé, sans croire à ce qu'elle vient de faire, alors que la silhouette de son mari s'est effondrée sur le sol. La jeune femme saigne de l'arcade sourcilière que son mari a amoché, ce soir, sous l'effet d'un coup. Parfois, il arrivait qu'il laisse des marques visibles sur sa femme. Mais c'était rare. Et honteusement, Hannah les cachait toujours par du maquillage, des lunettes de soleil... Elle n'aurait plus rien à cacher désormais.

Son regard hébété se pose sur cette silhouette immobile, sur ce sang qui a giclé quand elle a retiré sa lame. Elle ne parvient pas à effacer de son esprit la vision de ces yeux prenant cet éclat d'horreur, avant de perdre leur étincelle de vie. Hannah a longtemps rêvé la mort de son mari, souvent souhaité être débarrassé de lui. Et maintenant qu'elle est libre, elle ne parvient pas à s'en réjouir. Oh non. Son cœur s'accélère, encore, quand elle pense à ce qu'elle doit faire maintenant. Une seconde, elle pense à appeler Guillaume, Harry étant à Berlin encore. Mais elle rejette bientôt cette idée. Elle ne peut pas impliquer son frère là-dedans, pas plus qu'elle ne peut appeler ses parents pour savoir ce qu'elle pourrait faire. La solution, Hannah la connaît, même si celle-ci lui fait peur. C'est pourtant la seule qui semble logique, en observant le corps de son mari. Elle déglutit.

Un haut le cœur la saisit et son visage s'inonde de larmes. Ce n'est pas de la tristesse, loin de là. C'est du soulagement qui éclate, tout à coup, alors qu'elle se sent libérée d'un poids. C'est de la peur, qui la saisit et la fait pleurer, alors qu'elle ne sait pas ce qui l'attend maintenant, que cet inconnu lui fait peur. Pourtant, elle se décide à se lever sur ses jambes flageolantes, et grimace en remarquant que sa chaussure étale au sol des marques de sang. Elle attrape son téléphone, blême, tremblante et revient vers son siège.

Elle ne peut pas, elle n'y arrive pas. Il lui faut encore quelques secondes pour observer le corps et détourner le regard, penser, trouver en elle une once de courage pour assumer ce qui s'est passé. Elle n'a rien fait de mal, elle n'a fait que se défendre. Seulement, malgré l'état dans lequel elle est, malgré ses dossiers médicaux, malgré tout ça, Hannah n'est pas certaine que cela sera possible. Elle ne sait pas, dans ce monde de patriarcat. Pourtant, elle compose enfin ce numéro. Elle ne fait rien, quand on signale que l'appel sera enregistré. Une voix décroche, enfin. Masculine. Qu'elle ne reconnait pas, alors qu'elle se sent comme incapable de parler. Pourtant, elle parvient à s'exprimer, brièvement.

"- Bonsoir... je viens de tuer mon mari."

Et le silence tombe, alors qu'Hannah pleure encore au bout du fil.

I just shot my husband down

Alrik & Hannah

Six ans plus tôt ;

Après plus de huit années de service au sein de la police d’Hambourg, Alrik avait évolué professionnellement mais aussi mentalement. Il n’était plus ce jeunot débutant qui était facilement troublé par ce qu’il pouvait voir. Aujourd’hui, Alrik était un Officier que rien ne semblait atteindre. Selon ses collègues, l’agent se montrait parfois aussi intransigeant que froid comme une roche. C’était d’ailleurs par sa capacité à contrôler ses émotions qu’il réussissait si bien à gravir les échelons. Sa petite-amie l’avait même convaincu, malgré son jeune âge, à passer le concours pour devenir Lieutenant de Police. Pour Iris, il ne faisait aucun doute qu’Alrik en était capable. Quant à lui, il lui fallut beaucoup d’encouragements de la part d’Iris, ainsi que de quelques amis, comme Dieter, pour se lancer. Son chef était également de cet avis : Alrik avait toute l’étoffe d’un chef de brigade.

De garde ce soir, Alrik avait demandé à rester au standard dans l’espoir d’une soirée calme en perspective, qui pourrait ainsi lui permettre de se plonger calmement sur ses bouquins. En effet, Alrik se saisissait de chaque opportunité pour se préparer à son concours, afin de devenir lieutenant. Se détachant ainsi de la brigade à laquelle il était rattaché depuis plusieurs années, le brun s’installa derrière le comptoir d’accueil. Voilà un poste qu’il avait que rarement effectué, étant un homme de terrain plus qu’un standardiste. En réalité, lors de ses débuts, il avait toujours détesté être rattaché à la mission d’accueil. Mais ce soir, ce fut bien sourire aux lèvres, que l’Officier s’installa sur sa chaise, jetant un bref coup d’œil à la petite salle d’attente presque vide. D’un coup de main, il fit signe à un homme d’avancer, tandis qu’il sortit au même instant ses bouquins de son sac. Il prit brièvement quelques informations de la bouche du type face à lui, avant de le conduire vers un collègue auprès de qu’il pourra faire sa déposition pour vol

Tout juste réinstallé à son bureau d’un soir, Alrik souriait en remarquant qu’il n’avait pour l’instant plus d’obligation. Il retira sa veste d’Officier, puis attrapa un bouquin. Et alors qu’il commença à ouvrir quelques pages, le téléphone face à lui se déclencha.

« - Commissariat de Police d’Hambourg, à votre écoute. »

La respiration saccadée à l’autre boutdu fil, suivit de la voix tremblotante fit arquer un sourcil d’Alrik. Il s’apprêtait à relancer la personne au bout du fil qui faisait, jusqu’ici, demeurer un silence glaciale, lorsqu’enfin sa voix raisonna dans le combiné.

« - Bonsoir... je viens de tuer mon mari. »

Une voix qu’Alrik aurait pu reconnaître, si elle n’avait pas mêlée à des larmes. Les sanglots de l’inconnue étaient bien trop bruyants pour qu’Alrik puisse déceler que cette femme ; il la connaissait. Que trop bien même. Car celle qui s’annonçait comme une meurtrière était en réalité… la femme de Dieter. Seulement à cet instant, en tant que le bon flic qu’il était, Alrik n’en avait que pour les mots prononcés par cette « inconnue ». D’un coup d’œil vers le combiné, il nota le numéro qui s’affichait au cas où la présumée coupable préféra fuir face à l’aveu qu’elle venait de prononcer, en lui raccrochant au nez.

« - Madame, essayez de respirer calmement. Pouvez-vous déclinez votre identité, votre adresse, et les circonstances de ce que vous me dites être le meurtre de votre époux ? Êtes-vous certaine qu'il ne respire plus ? », demanda l’Officier, tout en se préparant à prévenir une équipe, ainsi que le Samu.

S'il savait, Alrik... S'il savait qu'il se voilait la face en ne reconnaissant pas cette voix, et que l'homme assassiné était en réalité... Dieter, son ami. Mais l'agent était loin, vraiment loin, de réaliser ce qu'il l'attendait. Pour lui, ce n'était pas Hannah à l'autre bout du fil, cette douce et tendre Hannah pour laquelle il s'était affectionné. Alors qu'il attache sa ceinture, car il risquait de tomber de haut. De très, très, très haut.

Spoiler:

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Alrik & Hannah

Essayez d’être calme, de respirer calmement. Il en avait de bonnes, cet officier au bout du fil. Ce n’était définitivement pas lui qui venait de tuer son mari. Pas lui qui, en même temps que le soulagement le saisit, se sent renversé par l’inquiétude de l’après. Parce qu’elle sait très bien que ce qu’elle a fait n’est pas anodin. Pas même légal. Qu’elle risque beaucoup. Gros. La prison, même. Elle le sait, ce sont des choses qui arrivent, même dans son cas. Combien de femmes l’y ont précédés ? Combien n’avaient pourtant fait que se défendre face à un mari violent, les ecchymoses sur leurs corps confirmant leurs propos ? Combien s’étaient entendu dire qu’elles avaient procédé à une mise en scène pour donner du crédit à leur histoire ? Hannah ne sait pas vraiment. Mais elle sait que ce sont des choses que l’on entend. Des choses qui se font. Que parfois, la victime devient la coupable, qu’elle est vue comme telle par la populace.

Essayer de respirer calmement. Hannah s’y efforce autant que possible, même si ce n’est pas des plus simples. Elle le devait pourtant, si elle devait donner son adresse et son identité. Il ne comprendrait rien, autrement. La peur, cependant, étreint ses entrailles, lui coupant toujours le souffle. La suite des événements, les conséquences, lui font si peur… La trentenaire réalise fort bien, trop bien, tout ce qu’elle risque. Et pourtant, elle ne se défile pas. C’est trop tard. Le mal est fait. Dieter est mort. Et elle assume, autant que possible, le poids de son acte.

”- 67 Henriettenstrasse, Eimsbüttel.” annonce-t-elle alors, avant de décliner son identité. ”Hannah Kellermann. Je… Ce… Ce n’était pas voulu.”

Les circonstances de ce drame ? Elles étaient multiples. Le résultat d’années d’un mariage foiré dès le départ. Le résultat d’années de violences, à vivre sous la coupe d’un mari qui n'hésitait pas à la frapper. Vivre sous la coupe d’un homme dont elle avait peur, qui avait causé la perte de leur bébé. Vivre chaque jour dans l’incertitude des lendemains, tout en sentant peser sur ses épaules la culpabilité. Si elle avait trouvé la force de partir, son enfant serait sûrement en vie. Si elle n’avait pas tant écouté l’éducation parentale, si elle n’avait pas cru à ces foutaises, si elle n’avait pas intégré que on ne divorce pas, tout ça ne serait jamais arrivé.